Je cours et saute sans trop d’hésitation, l’entraînement de Nerys paye apparemment. J’ai encore un peu de mal par moment, mais c’est un détail comparé à mes débuts. Le risque de mourir pendant l’entraînement est plutôt motivant pour progresser. Et puis ce n’est pas comme si j’avais des carreaux d’arbalète qui me forcent à bouger. Mais passons.
Tout est en place et il ne me reste plus qu’à attendre. Je vérifie sur les toits qu’il n’y ait personne, mais si j’ai choisi ce coin c’est aussi pour ça. Pas de garde, un peu avant la fin du quartier des voleurs et à cette heure-ci il ne risque pas d’y avoir grand monde. Sans doute plus des gens qui se lèvent que des gens qui se couchent. L’aube est encore loin donc je n’ai pas besoin d’y penser. Je descends dans une ruelle et je patiente.
Un filet de brume commence à se répandre dans le quartier. La scène se dessine plus facilement maintenant. Juliette sur mon bras est excitée et attend son moment s’il vient. Je lui rappelle qu’elle va devoir se cacher dans mon écharpe et qu’elle n’interviendra qu’en cas d’urgence. Tout ce qui peut donner mon identité est à éviter. Je me couvre le visage avec un bout d’écharpe et me fais un capuchon avec une partie du col. L’arbalète est prête à l’emploi et mes stylets aussi. Il ne reste plus qu’à attendre et cinq minutes plus tard ils finissent par arriver, titubant et riant bruyamment.
La brume est de plus en plus épaisse. Et ils continuent d’approcher. Tout va pour le mieux. La brume étouffera les sons et me camouflera.
Je passe derrière eux, lentement comme j’ai déjà pu le faire à l’entraînement avec Nerys en me servant de mon boost d’agilité pour avancer sans bruit. Je n’ai pas réussi à suivre très longtemps Nerys comme ça sans qu’elle ne le remarque, mais ça ne devrait pas être un problème contre eux. Le mouvement est difficile, mais me permet d’être plus rapide sans perdre en discrétion.
Je m’approche et diminue la distance rapidement et quand finalement je suis assez près j’utilise le lien et demande à Micha d’agir.
Venant d’un coin de rue la brume qui jusque là semblait naturelle abonde de plus en plus et camoufle tout. Il n’y a plus de bruit et les trois compagnons en voyant cela s’arrêtent aussitôt en arrêtant de rire. L’un d’eux met tout de suite la main sur son sabre et en le voyant faire le deuxième attrape l’arc qui se trouve dans son dos et encoche une flèche. La brume se répand et maintenant ils ne peuvent plus rien voir à un mètre devant eux. De mon côté, je n’existe plus, j’ai disparu dans la brume en même temps qu’eux. L’endroit est calme alors que je marche dans leur direction. D’une main, j’attrape mon arbalète, les indications de Micha suffisent à me guider. Qui remarquerait une souris postée sur un toit dans une situation pareille ? La brume est épaisse, mais pas très haute ce qui lui permet de tout voir et de me dire ce que j’ai à savoir, si cela ne suffit pas il me reste encore le partage de vision.
J’attrape un petit flacon dans ma besace, il suffira amplement. Je le débouche et le jette sur l’un d’entre eux directement. Le verre se brise, mais pas à l’impact c’est son contenu qui se répand. Une plante couverte de ronces qui ne cesse de grandir encore et encore en recouvrant l’homme au sabre. Il crie quelques instants à cause de la surprise et aussitôt une flèche fuse de l’endroit d’où provient le flacon, mais j’ai déjà disparu.
Le flacon contient une plante vénéneuse mélangée à un engrais surpuissant en provenance de la tour des Druides. Le manque d’air empêche la plante de pousser dans le flacon, mais dès qu’elle est à l’air libre l’engrais fait son effet. Ce n’est qu’une distraction et ça ne devrait pas retenir quelqu’un de son niveau très longtemps.
Je continue de bouger dans la brume tandis que l’archer continue de me chercher et que ma cible avec sa hache et son bouclier tente de me trouver du regard. Mais je suis déjà derrière l’archer.
Tout va très vite ensuite et j’utilise au maximum mon boost. Les quelques secondes que j’ai gagnées avec la plante sont en train de s’effacer à cause de la force du chevalier. De la pointe de mon stylet, je transperce l’arrière du genou de l’archer à l’endroit où son armure est la plus fine. Aussitôt, je jette une autre potion par terre contenant un puissant soporifique. Ce dont je ne suis pas encore capable au combat je l’obtiens avec les potions. La potion se brise au pied des deux autres membres du groupe.
Un nuage noir épais se répand lentement autour d’eux. Par réflexe, ils sautent à quelques mètres de là pour éviter la substance qui se répand dans les airs, mais je n’en ai pas encore terminé. L’archer titube de son côté et finit par mettre un genou au sol en tentant avec son arc de se maintenir debout. Il cherche à prendre quelque chose dans son inventaire, mais aussitôt je vise et tire un carreau d’arbalète qui vient se loger dans sa cuisse et l’empêche d’attraper ce que je pense être un antidote. C’est à ce moment-là que Léon lui mouline avec sa hache dans les airs en s’avançant en direction de l’endroit d’où provient le tir. Mais je ne suis déjà plus là.
Une dizaine de secondes plus tard, l’archer tombe à terre, inconscient. Il ne sera plus un problème, mais il me reste encore beaucoup à faire. Pour l’instant, je ne m’en tire pas trop mal, mais maintenir le boost me fatigue énormément surtout à cause de la précision dont je dois faire preuve. Une seule erreur et c’est terminée. Un coup de hache qui passe trop près de moi, un bruit trop fort, un mauvais placement qui finit par me dévoiler. De plus, la brume ne tiendra pas éternellement. Pour l’instant, je vais tenter de me débarrasser du dernier obstacle avant que je ne puisse m’occuper de ma cible. L’homme au Sabre se redresse en se libérant complètement des ronces et cherche du regard un signe quelconque en brandissant son arme, mais je ne suis plus là. J’ai rejoint une ruelle et je réarme mon arbalète avec précaution en prenant une gorgée de potion de vitalité.
Contrairement à ce que j’aurai cru, ils sont tous les deux extrêmement silencieux. Quelqu’un d’autre aurait déjà appelé à l’aide, même si à cette heure-ci les chances de réponses sont limitées. C’est sans doute l’habitude de ne devoir compter que sur soi-même dans les étages mondes qui parle pour eux. Être à l’écoute est en tout cas une bonne stratégie contre moi dans cette situation.
Je me déplace à nouveau dans la brume. J’essaye d’y disparaître entièrement, mais je sais qu’ils sont à l’affût maintenant. Je ne me bats pas pour une cause qui ne me fera pas reculer et eux non plus apparemment, c’est l’instinct de survie qui parle des deux côtés.
Un carreau d’arbalète ricoche sur l’armure du chevalier aux ronces. Toute de suite après il se met à charger dans la direction du tir, sabre en avant et disparaît dans la brume. Je ne suis déjà plus là, mais ce n’est pas ce qui compte. Il faut qu’il reste dans la brume où je perds mon avantage. Derrière lui à quelques centimètres se trouve ma cible et je dois à tout prix les stopper.
En me servant de mon boost d’agilité, je tacle l’homme au sabre pour qu’il tombe par terre, mais j’ai l’impression de frapper un mur et il ne se passe rien. Pendant un instant, celui-ci m’a vu et a aussitôt décidé de m’attaquer avec son sabre. En me servant du boost, je disparais dans la brume avant qu’il ne puisse m’atteindre et son sabre fend l’air comme s’il se servait d’une compétence. Je peux entendre le sol ainsi que le mur derrière l’endroit où j’étais se fendre légèrement.
… Ok. C’est clairement dangereux de se faire toucher par ce gars, mais si je suis capable d’esquiver des attaques venant d’Emy ou Nerys ce n’est pas lui qui risque de m’atteindre sans même me voir, mais je ne veux prendre aucun risque. Je suis loin de connaître toutes les compétences existantes et il y en a forcément une qui pourrait tuer un novice comme moi. Je réarme mon arbalète rapidement et silencieusement. J’imagine que c’est avec elle que je vais devoir finir tout ça.
Micha m’indique la position des deux chevaliers qui sont à ma recherche et qui se posent des questions entre eux sur qui peut bien être responsable de l’attaque, mais aucun des deux ne trouve de réponse et ils finissent même par me dire de sortir de là et de me battre comme un homme. Plutôt ironique venant de personne vivant de tromperie, de trahison et j’en passe.
Je tire un autre carreau d’arbalète qui cette fois-ci griffe le cou du chevalier au sabre qui n’arrive pas à l’esquiver complètement. Une bonne chose de réglée j’imagine. Il ne pourra plus faire grand-chose dans quelque temps, ce qui veut dire qu’il me reste le plus difficile : tuer ma cible.