Puisque c’est ce qu’il veut, laissons-le faire. C’est sa façon de se battre, pas la mienne.
Le véritable problème reste de savoir ce qui est une attaque et ce qui ne l’est pas. Derrière son attaque de semonce, je pensais qu’il n’y en aurait pas d’autres, mais c’était une erreur. De temps à autre, il lance des coups complètement feints sans aucune force. C’est probablement pour le « spectacle », mais ça perturbe mon rythme, comme le font toutes les feintes en fait.
S’il change d’avis au dernier moment, je perds. Si je me trompe, je perds aussi. Il est encore plus dangereux avec ce genre d’attaque que sans.
Je souffle l’air dans mes poumons en serrant les mains sur mes stylets. Je dois penser à devenir plus létale. C’est tout ce qui doit m’importer. Ma cible est devant moi. Inutile de s’intéresser plus longtemps au spectacle et à la foule. Je ne suis pas un Gladiateur.
Je suis un Assassin.
Je m’accroupis à moitié en activant mon boost d’agilité. Même si je suis à peine plus rapide que lui, ce sera suffisant pour l’atteindre.
En utilisant les ressorts dans mes bottes, je me jette en avant alors qu’il se tourne finalement dans ma direction après avoir excité la foule d’un geste.
En un instant, je parcours la distance qui me sépare de lui. Il prépare un coup de poing, mais avant d’être à portée de l’attaque, je change de direction en sautant au-dessus de lui. Mon stylet frôle sa tête alors qu’il me fixe en souriant.
Si cette attaque ne l’inquiète pas, c’est parce qu’il n’a pas vu la prochaine.
Je tire avec mon gantelet de félin et la griffe se plante dans son trapèze. Je tombe ensuite dans son dos alors qu’il se tourne en simulant un cri de douleur pour le public.
Sans réfléchir, je me propulse une nouvelle fois vers lui en passant entre ses jambes en continuant à dévider le fil du gantelet. Ma stratégie est simple, si j’arrive à gêner ses mouvements avec le fil, je n’aurais pas à me méfier.
Je réussis à lui entailler la cuisse, mais l’instant d’après, il m’attrape et me soulève d’une main comme si je n’étais qu’un enfant.
Sans ménagement, il me jette ensuite de toutes ses forces en direction d’une maison comme si j’étais une sorte de balle de baseball. Le fil de mon gantelet se brise en même temps que ma main alors que je percute un mur en pierre en le traversant complètement.
Je crache du sang alors que je n’arrive même pas à savoir à quel point je suis blessé. Un de mes bras refuse de bouger et l’autre tremble alors qu’il a l’air à moitié brisé. Ma tête tourne et je n’entends plus grand-chose. Mes jambes refusent aussi de bouger, apparemment.
Sans mon armure, j’aurais sans doute perdu en une seule attaque de sa part. Même avec, je suis pratiquement aux portes de la mort. Sa force est encore plus massive que ce que j’imaginais. Je suis presque content de n’avoir traversé qu’un mur, car le deuxième m’aurait tué.
Sans vraiment réfléchir, j’attrape un flacon de sang de dragon après une éternité à essayer de l’attraper dans l’inventaire et je commence à en boire difficilement.
Une seule attaque à pleine puissance et je ne suis plus une menace pour lui. C’est excessif.
La fumée commence à s’échapper de mon corps alors que j’ai l’impression de pouvoir respirer à nouveau. Je déglutis en avalant le sang dans ma bouche tout en essayant de me redresser. Pendant ce temps, la potion fait son effet et me soigne graduellement.
J’étais sans doute présomptueux de croire en mon plan. Il n’était pas mauvais, mais le Roi a augmenté sa vitesse pour m’attraper et a définitivement prouvé qu’il est plus rapide que ce qu’il montre.
À travers la fumée, je peux voir qu’il fait de grands gestes à la foule pour montrer sa victoire, mais il sait sans doute que ce n’est pas fini.
J’imagine que je n’ai pas le choix. Pour un tel adversaire, je vais avoir besoin de jouer un atout, même si je n’aime pas être forcé de le faire aussi vite.
Yuu. Je vais en avoir besoin, mais fais en sorte que la synchronisation soit bonne, je veux avoir le temps de le battre.
[Fais juste en sorte de le battre. Tu as dix minutes.]
Et avec ça ?
Je pose une potion de soin spirituelle par terre à l’attention de Yuu en disant à Juliette de se préparer.
[Avec cette potion, tu as vingt minutes. Ne les gâche pas.]
Alors que mon corps continue de se soigner, je sors la dent de Basilisk de mon inventaire. Devant moi, je peux entendre le roi qui continue de s’agiter en faisant de grands gestes à la foule.
Quelques instants plus tard, la fusion commence. Lentement, l’esprit de Juliette se rapproche du mien. Le lien se transforme très lentement alors que ma pensée se synchronise avec celle de Juliette qui est heureuse de pouvoir se battre contre ce type. J’ai envie de me venger de cette attaque de mon côté et j’espère que la fusion sera suffisante pour le battre, mais ce sera difficile d’en être certain sans avoir essayé.
Les battements de mon cœur ralentissent, mon sang se refroidit aussi rapidement qu’il s’est mis à bouillir à cause de la potion et je peux sentir que ma personnalité changer. Je deviens nous et nous devenons elle.
Je suis Sigu et j’ai une proie qui m’attend.
Un sourire commence à naître sur mon visage alors que la fumée se dissipe et me montre ma proie. Il n’y en a qu’une, mais j’aurai bien du mal à la battre rapidement, c’est assez clair malheureusement. Des mois d’entraînements pour finalement devoir retourner à la fusion, retourner à moi. Bon. Je ne me plains pas de faire une sortie. C’est tellement libérateur d’être dans ce corps. Il y a même des améliorations. Mon corps ne craque plus autant alors que je fais quelques pas en avant tout en m’étirant.
Hmm, je peux voir que les écrans ne montrent plus que moi maintenant, en train de sourire, mais je m’en moque un peu.
Tant que j’y suis, réglons quelque chose.
Sans trop réfléchir, j’attrape mon arbalète et décide de tirer au-dessus de la pile de corps qui servait de trône au Roi.
Je peux entendre Tark qui se met à crier en comprenant ce que je viens de faire, mais je l’ignore. Si je veux m’amuser, autant régler tout de suite un problème qui me préoccupe depuis que je suis entré dans l’arène. Il faut battre les sbires pour affronter le boss final, pas l’inverse.
De toute façon, je suis fatigué de jouer au petit jeu de ce « Roi ». Si Nomad a fini blessé, c’est simplement parce qu’il l’a laissé prendre le dessus et décider des règles.
Alors que les aiguilles pleuvent autour de moi, je me contente d’attraper la cape d’une main avant de la tenir à bout de bras au-dessus de ma tête pour me protéger. Le public commence à me huer en comprenant ce que je viens de faire, mais ça n’a pas d’importance, car mes yeux sont rivés sur mon objectif.
Le Roi me fixe en souriant et en ignorant la pluie d’aiguilles. La petite coupure que j’ai réussi à faire à sa tête semble avoir pratiquement disparu. Et ne parlons pas de sa cuisse ou de la griffe qui n’ont laissé que quelques gouttes de sang sur sa peau.
S’il est capable de se régénérer, je vais vraiment avoir besoin des vingt minutes.
Je finis de faire craquer mes os en sautillant dans sa direction et il reprend sa posture. Il n’a pas l’air de me prendre au sérieux, mais ce n’est pas grave puisque j’offre plus de spectacle à tout le monde. Émerveillez-vous devant moi à présent.
En une attaque, il m’a pratiquement réduit en bouillie. C’est à mon tour de lui rendre la pareille.
J’avance dans sa direction alors qu’il essaye de me frapper et je fais juste un pas en arrière pour esquiver son attaque. Son niveau de technique est minable. Même s’il est rapide, j’ai vraiment réussi à me faire battre par ça ? C’était sans doute par manque de chance qu’il a réussi à m’attraper sans problème, mais ça ne se reproduira pas.
Il frappe à nouveau et j’esquive, mais il n’a pas l’air satisfait que je ne l’attaque pas en retour. Je n’ai pourtant d’yeux que pour lui.
Cela n’a pas d’importance, j’ai envie de jouer un peu avec ma nourriture et je ne joue que selon mes règles. C’est à mon tour de briller dans l’arène après tout.