La Tour des Mondes
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Chapitre 231 : Dans l’arène, un seul Dresseur 2
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« Finalement, tu as réussi à trouver quelqu’un ? »

Le jeune garçon ne doit avoir que 13 ou 14 ans, comme Naubod, mais il n’a pas du tout la même attitude. Naubod est du genre à être calme et désinvolte en toute circonstance. C’est un farceur et ça se sent. Le garçon qui s’approche est de son côté tellement sûr et fier de lui que ça me rend presque malade. Il m’a regardé un instant avant de ricaner alors que les grimpeurs qui l’accompagnent se placent autour de moi pour… m’intimider ? Ok, vous êtes des vétérans, mais n’abusez pas non plus.

— Ferme-là, Chris.

— Il n’a pas l’air très fort. Tu as trouvé une pièce à lui donner ? Peut-être que je devrais lui en donner deux pour qu’il abandonne tout de suite, ça t’évitera de pleurer à la fin de la journée.

Je soupire tout en m’assurant que la corde de mon arbalète est en bon état. Je n’ai pas reçu « d’ordre » qui me pousse à répondre et j’ai mieux à faire. Même si les enjeux sont importants, ce ne sont que des adolescents qui se font une jouxte verbale. Les trois grimpeurs autour de moi sont plus dérangeants à m’observer comme ça.

— C’est une bonne arbalète…

— … Ce serait dommage…

— … De la perdre…

— … Ou que quelqu’un la casse.

Je reste immobile pendant quelques instants. Je soupire à nouveau avant de les ignorer. Ils ont déjà l’air d’idiots en finissant les phrases les uns des autres, mais me menacer de casser mon arbalète n’est pas la pire chose que j’aurais entendue aujourd’hui. Vu comment il me regarde, j’ai bien compris que c’était moi « l’arbalète » vue la façon dont il parle, mais bon…

Les menaces sont devenues normales pour moi. Ce qui est sans doute étrange maintenant que j’y pense… Nerys, Balthazar, Maliel. Oui, à peu près tout le monde dans mon entourage proche m’a déjà menacé au moins une fois. Ne parlons pas de ceux que j’ai déjà affrontés.

Je regarde rapidement leur équipement, mais je ne vois pas d’armes sur eux. Par contre, ils ont bien une armure qui a l’air d’être en argent. Ils ont tous les trois entre 28 et 35 ans et ils ont l’air d’avoir la même constitution physique. Je n’ai pas croisé beaucoup de bandits, mais si je me rappelle bien, c’est le travail d’équipe qui prime dans cette classe. J’ai vaguement entendu parler d’un échange de compétences entre les membres du groupe, mais ça remonte à avant mon départ pour Galatia.

Je lance un regard au référent qui n’a pas l’air de s’inquiéter de la situation. J’imagine que l’intimidation fait partie des choses auxquelles on s’habitue quand on travaille à l’arène. À côté, Chris et Naubod se sont lancés dans un dialogue sur ce qui semble être le vol de l’argent, mais je m’en moque un peu. Avec le nombre de participants, j’ai peu de chance de croiser ceux-là dans l’arène. De toute façon, je pense que j’aurais plus de mal avec des grimpeurs d’autres tours que je n’ai pas l’habitude de voir. J’ai vu très peu de classe venant de la tour des pirates, des prêtres et des bardes jusqu’à présent. D’ici, je peux en voir quelques-uns, mais c’est assez difficile de savoir ce dont leur classe est capable.

Naubod me jette un regard pendant un instant comme s’il voulait que j’intervienne au moins pour me défendre et je me contente de l’ignorer comme si je ne l’avais pas vu.

Je continue de vérifier mon équipement dans l’inventaire en préparation du tournoi. J’ai normalement tout ce qu’il me faut pour m’en sortir, mais je vais probablement devoir penser à des solutions à la volée si je finis en combat frontal contre une classe que je ne connais pas. Normalement, avec l’aide d’Angela, je ne peux plus être « corrompu », donc pas besoin d’être inquiet de l’hypnose ou de sorts qui m’empêchent de contrôler mon corps. Pour les armes à feu, ma cape et mon armure devraient m’empêcher de finir blessé trop rapidement, mais j’aurais sans doute des problèmes avec les explosifs. Du côté des prêtres, je ne sais pas à quoi m’attendre de leurs « miracles » et dans le même genre, je n’ai jamais vu de druide se battre.

Cette fichue tour… Il y a trop de possibilités pour tout envisager et j’ai l’impression que cette mêlée générale est devenue un « Attrape le Dresseur ».

Le mieux à faire reste quand même de me servir de ma classe d’assassin.

D’une certaine façon, ce tournoi me fait penser au test que j’ai passé quand je suis devenu assassin. Il y a juste beaucoup plus de participants cette fois-ci. Puisque je ne peux pas mourir et mes adversaires non plus, le mieux reste de ne pas hésiter à tuer mes adversaires. J’ai 17 gamins qui comptent sur moi et Naubod veut que je sois en haut du classement. Plus facile à dire qu’à faire vu le nombre d’adversaires.

Il me faudra probablement plus d’une centaine de points pour cela. Peut-être même deux cents… Ça fait beaucoup de grimpeurs à battre. Impossible de perdre du temps sur quelqu’un. Je vais devoir me dépêcher…

Plus j’y pense et plus je me dis que ce sera difficile, voire impossible.

Je pense rapidement à mes animaux. Je suis loin d’avoir une armée avec moi, mais j’ai une chance avec eux.

Micha et Yuu, je vais avoir besoin de vous deux pour repérer des cibles. Micha, tu te placeras sur un pilier pour être mes yeux et repérer des cibles. Dès qu’on bougera, je compte sur toi pour changer de pilier rapidement en te servant du boost d’agilité. Au moindre problème, tu te cacheras ou tu nous rejoindras.

{Oui ! Motivée !}

Yuu, vu la taille de l’endroit, tu me guideras en te servant des informations à disposition. Tu peux accéder à la vision de Micha, pas vrai ?

[Sans trop de problèmes puisque c’est une sorte d’extension de ta vue, mais je suis vraiment obligé de…]

Tu te serviras des informations et de ton merveilleux cerveau pour ajuster mes trajets et m’indiquer des cibles viables.

[Je sais que tu ne le penses pas, mais j’aime bien l’entendre.]

Je compte sur toi. Tu es l’éclaireur et celui qui décide de la direction. Je vais me fier à ton jugement.

[Si je t’aide, tu as intérêt à gagner. Je n’aime pas me fatiguer inutilement.]

Quant à Juliette, je lui explique que nous allons rester ensemble. Je n’aurais probablement pas le temps de la laisser mordre mes adversaires puisque le poison mettra trop longtemps à faire effet, mais elle peut apparaître pour faire peur ou même occuper quelqu’un en armure. J’aurais aussi besoin de ses yeux le reste du temps. Elle semble d’accord tant qu’elle peut s’amuser un peu. Elle semble un peu en colère que je ne la laisse pas tuer, mais il faudrait que son poison soit aussi rapide que celui sur la dent de basilique pour que j’en aie l’utilité.

Bien. Avec tout ça, j’ai un plan pour la première partie du tournoi qui consiste à ramasser le plus de points possible. La deuxième partie sera plus difficile puisqu’il ne restera probablement que les personnes d’un niveau élevé qui me demanderont plus d’efforts. Pour la troisième, il ne restera vraiment que les grimpeurs les plus forts et les points seront difficiles à obtenir. Il y a bien cette histoire de prix spéciaux, mais le référent n’a pas l’air de vouloir en dire plus.

« Ce sera plus clair quand je serai dans l’arène. »

Je continue de réfléchir alors que les trois bandits se contentent de m’observer en lançant des commentaires que je n’écoute pas. Naubod est toujours en train de « dialoguer » avec Chris, mais ça me semble assez inintéressant vu ce que je vais devoir accomplir.

*

— Je n’arrive pas à croire que tu m’as traîné jusqu’ici. Tu sais bien que je ne sors plus de mon aile !

— Ne commence pas à faire ta gamine. C’est toi qui m’as demandé ce qu’il pouvait bien avoir en tête quand il est venu toucher la porte pour repartir tout de suite. Je n’ai fait que te « guider » jusqu’ici pour que tu obtiennes tes réponses.

— Je me moque de le voir participer à un tournoi. C’est stupide. Tu es stupide et je n’aurais pas dû sortir.

— Arrête de te plaindre. Le destin veut que tu sois là, tu peux me faire confiance, non ?

— … Plus tu dis le mot « destin » et plus j’entends le mot « tarée » qui résonne dans ma tête.

— …

— Est-ce que tu as l’impression que tu peux me tuer en me regardant ? Je suis pas sûr que ça fasse partie de tes pouvoirs, je me trompe ?

— …

— Ça va, j’ai compris. Je reste et je dis plus rien.

— Tant mieux. C’est aussi ton opportunité de voir ce dont il est capable. De plus, j’ai une surprise.

— La dernière fois que tu m’as dit ça… Ggh. Dis-moi juste, elle l’a senti ou tu lui as dit de venir ?

— Le destin est parfois très mystérieux.

— Plus de doute, quand tu me regardes comme ça, tu as vraiment l’air tarée.

« Mes sœurs. Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vues ensemble. »

Orion apparaît derrière Fae et Ephy en passant d’un oiseau tropical à sa forme humaine la moins voyante. Les trois gardiennes sont placées sur l’un des sommets de l’arène, loin des grimpeurs dont les yeux sont rivés sur le sable. Fae se met à soupirer pendant qu’Ephy glousse quelques instants en voyant sa réaction désespérée.

— Tu peux apparemment remercier le destin et cette traîtresse.

— Je me réjouis de te revoir Fae. Je suis, comme toi, venue observer ton Dresseur.

— Ne me dis pas qu’il t’a tapé dans l’œil… ou dans le destin comme une autre ici présente.

— Disons qu’il m’intrigue et que manquer une occasion de nous revoir ensemble m’attristerait.

— Ce garçon n’est ni un héros, ni un monstre. C’est pour ça qu’on l’appelle le « dernier » et pas le « merveilleux », « l’incroyable » ou « l’horrible ». Je te demanderais de le laisser tranquille.

— Pour que tu le défendes ainsi, il est sans doute le meilleur dresseur à avoir passé tes portes. Je suis heureuse pour toi.

— Tu m’écoutes ou pas ? Et pourquoi tu souris, Ephy ?! Vous me gonflez.

Ephy se contente de détourner la tête, heureuse de voir ses sœurs ensemble pour la première fois depuis plus de deux ans. Cette rencontre n’aurait pu avoir lieu sans l’existence d’un simple dresseur en contrebas dans les gradins qui se prépare à se battre. Il n’a pas conscience qu’il est observé par les trois gardiennes de la tour des Rangers, mais cela n’a pas d’importance. Qu’elles soient toutes les trois ensemble est un bon présage.

Même s’il s’apprête à se battre contre d’innombrables adversaires, le dernier dresseur n’est pas sans armes ni alliés. Il en a même plus qu’il ne le croit.

Entre l’apparition d’une horde, son combat à l’Atlas et son fait d’armes dans la tour des Rangers un peu plus tôt, ils sont de moins en moins nombreux à être insensibles à son apparition. La rumeur qui parcourt lentement les gradins en est bien la preuve, « le dernier dresseur est ici », « tu penses que c’est le vrai ? », « ça coûte rien de parier sur lui, pas vrai ? », « tu crois vraiment qu’il a dressé un dragon ? ».

Pour Ephy, cette rumeur est un signe que le destin a des plans pour le jeune homme. Pour Orion, c’est l’espoir qu’apparaisse un nouveau champion qui représentera sa sœur.

En revanche, pour Fae qui n’a pas les rêves de grandeurs de ses deux sœurs, entendre tant de fois le mot dresseur être prononcé à un effet particulier qui fait traverser en boucle la même pensée dans son esprit : « Ughh. C’est gênant. »



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