Cette nouvelle menace s’approche de moi en souriant, j’ai peut-être encore le temps de fuir…
[C’est de Blue dont tu parles.]
J’avais remarqué. Je ne suis juste pas censé la voir avant ce soir. C’est un peu tôt.
Blue s’avance dans ma direction en tenant sa capuche pour se protéger de la pluie. Elle est sans doute là à cause de ses talents de guide qui lui ont dit de venir, mais je ne vois pas pourquoi. Je n’ai pas encore prévu d’agir d’une quelconque façon et je n’ai pas encore reçu d’informations sur la guilde. Le rendez-vous de ce soir servira à donner des nouvelles et pas à établir un plan. Je suis assez curieux de savoir ce que Pete a fini par choisir comme deuxième classe. Du côté de Blue, j’espère qu’elle en a pris une deuxième, mais j’en doute.
— Hey ! Je savais que tu serais là !
— Je ne m’attendais pas à te voir aussi tôt. Il y a un problème ?
— Non, non. C’est juste ma classe qui m’a guidé jusqu’ici plus tôt que prévu. Je ne savais pas que je tomberais sur toi, même si je m’en doutais un peu vu l’emplacement.
— C’est mon jour de repos, donc je compte juste en profiter… même s’il pleut.
— Ah ? Tu ne vas tuer personne aujourd’hui ?
— …
— C’est une blague, juste une blague. Pas la peine de me regarder comme ça.
— Pete n’est pas avec toi ? Des nouvelles du troisième guide d’ailleurs ?
— Pas de nouvelle, c’est comme s’il avait disparu. Pour ce qui est de Pete, il passe plus de temps à sa nouvelle classe que dans celle des Guides en ce moment.
— Qu’est-ce qu’il a pris ?
— Aucune idée, mais ce n’est pas important, si ? C’est ton jour de repos, il faut en profiter !
Elle me fait signe de l’accompagner et, vu le sourire en coin qu’il y a sur son visage, j’ai l’impression qu’elle a une idée en tête. La direction semble être la tour des Bardes et j’imagine que ce sera un endroit comme un autre pour me détendre. J’ai un vague souvenir de la mélodie que jouait la harpe d’or dans la tour, mais m’installer sur un banc à l’abri de la pluie sera un moyen comme un autre de me reposer.
Pendant que nous marchons, Yuu me demande s’il peut partir se promener puisqu’il n’y a pas de danger immédiat. Ce n’est pas la première fois qu’il me le demande puisqu’il souhaitait déjà disparaître pendant mon entraînement… et le sien. Au final, j’ai laissé Nerys décider et il a dû rester. Enfin étant donné qu’il souhaite juste explorer les lieux, je ne compte pas le retenir tant qu’il reste à une distance acceptable de moi et qu’il ne fait rien de stupide.
— Tu m’emmènes où ?
— Un endroit que j’aime bien dans le quartier des Bardes. Il y a de quoi se distraire et on sera à l’abri de la pluie.
— Tant que je peux trouver quelque chose à manger, ça me convient.
— Alors c’est que j’ai fait le bon choix. Je fais une super guide !
Je ne sais pas trop quoi lui répondre alors je me contente de marcher à côté d’elle en répondant à ses questions de temps à autre. La plupart sont banales comme mon lieu de naissance, la date de mon anniversaire ou encore ce que je faisais avant. À cette dernière question, j’ai préféré ne pas parler de Micha. Même si c’était une illusion, la dernière expérience où je l’ai vu était assez… marquante. Si je veux tourner la page, je dois arrêter de l’associer à ce que je raconte quand je parle de moi, ce sera sans doute le mieux.
Alors que nous finissons par entrer dans le quartier des Bardes, je me rends compte que la pluie ne semble pas avoir changé grand-chose aux activités des différents artistes. Tout en restant à l’abri sous des arbres assez grands, des artistes continuent de peindre, d’autres jouent d’instrument de musique ou sculptent des troncs d’arbres dans des petits ateliers improvisés. Bien sûr, il y a moins de monde dans les rues, mais l’ambiance reste à la détente vu le sourire des passants qui observent tranquillement tout cela.
— Je ne m’attendais pas à ce qu’ils aient tous l’air aussi heureux d’être sous la pluie.
— C’est un des côtés positifs à la tour des bardes, la météo est une inspiration de plus pour eux. La musique ne m’intéresse pas trop, mais j’adore l’architecture des lieux… et j’aime bien être surprise par ce que je peux trouver dans ce coin.
Comme pour joindre le geste à la parole, Blue me montre un homme en train de méditer, installé sur ce qui a l’air d’être une colonne en marbre d’une dizaine de mètres de haut. Ensuite, nous passons devant un bar où les boissons flottent dans les airs avant de se poser sur les tables pendant que le gérant lit simplement un journal. Une femme qui sort du bar à un tatouage de loup sur le bras qui semble vivant et qui se déplace sur sa peau, l’homme qui l’accompagne a de son côté une carpe japonaise qui se déplace le long de son cou. Pendant quelques instants, je me demande si c’est juste esthétique où s’il y a une utilité à un tel tatouage.
Chaque rue semble cacher une nouvelle scène différente de la précédente, que ce soit avec des pièces de théâtre, des jongleurs ou des mimes plus que convaincants. Il semble que certains endroits soient aussi arrangés de façon à faire une course d’obstacles à réaliser le plus gracieusement possible par des acrobates qui s’entraînent comme si la rue était une salle de gymnastique. La pluie semble avoir réduit le nombre de visiteurs, mais en échange de toute cette place libérée, les rues sont réquisitionnées par les artistes en ayant besoin. Que ce soit pour s’entraîner ou pour faire des spectacles improvisés, de nombreuses classes semblent se mélanger. Avec une telle ambiance, le quartier ressemble à une fête foraine qui regorge de vie.
L’accent est aussi mis sur l’architecture puisqu’en dehors des couleurs, les bâtiments semblent tous venir d’époque différente. La plupart des murs, quand ils ne sont pas peints avec des couleurs criardes, sont peints comme des tableaux de la renaissance. Plus loin, un groupe de barde fait un spectacle de rue alors que des danseuses virevoltent devant quelques passants. Sans parler des canaux où des navires passent lentement, il y a aussi des moulins à vent qui semblent occuper certains toits quand les autres ont l’air d’être couverts de dizaines d’arbres ou encore de vignes luxuriantes.
— C’est là, j’espère que tu as faim parce que je n’ai rien mangé ce matin pour cette occasion.
— Je t’invite dans ce cas, je dois encore te remercier de m’avoir empêché de mourir.
— Dans ce cas… Ne t’étonne pas si tu finis sans argent.
— Je… pense que j’ai de la marge avant que ça n’arrive.
Je rentre à l’intérieur de ce qui ressemble à une sorte de marché couvert qui ne regroupe que des restaurants de différents types. Le bâtiment est assez massif de l’extérieur, ce qui implique probablement qu’il y a des salles de spectacles à l’intérieur. De ce que je vois, beaucoup de marchands se vantent de la qualité des produits ou de la viande de tel ou tel animal rare qu’ils ont en stock. Je suis plutôt curieux, mais il semble qu’ici aussi l’originalité prime sur le reste. Le premier restaurant semble être tenu par un chef qui fait léviter des aliments autour de lui pendant que des couteaux les découpent. À celui d’après, une sorte de cracheuse de feu fait cuir des aliments dans un wok. Le restaurant suivant, qui semble fermé, se vante d’offrir un repas dans tout type de lieu via des illusions, le suivant est une sorte de boulangerie où des dizaines de gâteaux différents sont cuisinées avec des ingrédients venant de différents mondes. Sans parler des restaurants à spectacles.
C’est finalement dans un long couloir circulaire après les restaurants que Blue me conduit. Le couloir est très grand et elle s’arrête devant une des innombrables portes présentes dans le couloir. De l’autre côté de la porte, une scène étrange m’attend. Nous nous trouvons sur une sorte de balcon où une table est installée. Le plus choquant reste ce qui se trouve de l’autre côté de la rambarde devant moi.
Le balcon où nous nous trouvons n’en est qu’un parmi des centaines disposées en cercle et sur plusieurs niveaux et formant une véritable sphère de plusieurs étages. En haut, il y a un dôme en verre qui laisse passer une lumière aussi brillante et chaude que celle du soleil alors qu’il pleut dehors. Cependant, ce n’est pas juste l’architecture qui m’impressionne, mais bien le spectacle qui s’offre à moi. En face de moi dans les airs, une sphère gigantesque représentant la terre tourne lentement sur elle-même. Le niveau de détail est tel que je peux voir les nuages flottant au-dessus des continents verdoyants et même remarquer les rivières et les montagnes qui forment la croûte terrestre de cette planète.
« Impressionnant pas vrai ? L’endroit s’appelle Atlas ».
Correction : Hastin