La Tour des Mondes
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La semaine s’est passée lentement avec Ephy et Fae.

Tant que je suis blessé, je ne peux pas faire grand-chose, même si je n’en ai pas l’impression. Cela faisait aussi longtemps que je ne m’étais pas détendu en étant sûr de ne pas être en danger, et je pense que j’en avais besoin après l’épisode de Lishnul.

Ephy et Fae ont passé tout ce temps à s’énerver l’une contre l’autre, mais c’était plutôt amusant à observer. La rivalité qu’elles ont toutes les deux donne l’impression qu’elles s’entendent bien. Entendre Ephy dire en jouant aux cartes que le fil du destin ne peut pas la laisser perdre… avant de voir son visage se décomposer en perdant est un spectacle qui vaut le détour.

J’ai principalement passé mon temps à me reposer de mon côté. J’ai effectivement remarqué que l’utilisation de mon boost était impossible sans ressentir de forte douleur. Sans parler de ça, je me sens assez faible. Si j’en fais un peu trop, je vais très vite me fatiguer ou mon corps ne répondra plus et se bloquera en tremblant. Au cours de la semaine, cela c’est bien amélioré, mais impossible de me battre dans mon état.

Malheureusement, ce que je craignais avec Juliette a fini par arriver. Elle a fini par se faire à l’idée de voyager à l’intérieur de mon corps. Même si elle n’est pas encore à l’aise avec l’idée de s’immerger complètement, elle semble s’habituer à la sensation, mais ce n’est pas mon cas.

Cela me rend juste malade de la sentir bouger en moi.

Je sais que ce n’est pas vraiment un déplacement à l’intérieur de mon corps, sinon je crierais de douleur, mais je peux la sentir à chaque ondulation, et ça me donne la nausée. Le lien avec Juliette ne fait qu’amplifier tout ça puisque cela donne plus de sens à ce que je ressens et augmente mes nausées.

Les parties les plus sensibles restent la tête, le cou et le cœur. Pour tout ce qui est de mon système digestif, c’est presque acceptable en comparaison. Les bras et les jambes restent les zones qui me posent le moins de soucis. À trop s’amuser, Juliette m’a quand même rendu malade plusieurs fois.

Du coup, j’ai fini par modifier son contrat pour m’assurer qu’elle ne fasse pas n’importe quoi à l’avenir. À moins que ce soit un cas de force majeur, elle n’a pas le droit d’aller à certains endroits de mon corps. De cette façon, je suis sûr qu’elle ne sortira pas de mon front quand elle le souhaite.

Cependant, je n’ai malheureusement pas pu instaurer la clause indiquant qu’elle ne peut pas s’en servir pour s’amuser puisqu’elle rejetait la proposition à chaque fois. C’est une demi-victoire, mais c’est difficile de l’empêcher de s’amuser puisque c’est pour ça qu’elle est avec moi, après tout.

Yuu, de son côté, a passé la semaine à discuter télépathiquement avec Fae du fonctionnement du lien et de la classe de dresseur et Micha s’est contentée de rester collée à moi la majeure partie du temps.

Ce qui finit par m’amener à l’idée de partir de l’aile des dresseurs pour régler mes affaires. C’est impossible dans mon état de forcer le chemin s’il y a effectivement une foule en train d’attendre. Mais je ne peux pas non plus rester ici à attendre d’aller mieux. Même si j’apprécie la compagnie de Fae et d’Ephy, je vais finir par devenir fou à ne rien faire alors que je pourrais utiliser mon temps pour me préparer convenablement.

Du coup, je dois trouver une autre solution.

Fae n’est pas très contente que j’évoque l’idée de partir, même si c’est justifié d’après moi. Pour elle, c’est normal que je reste et que je me repose pendant encore quelques jours avant de commencer à m’entraîner. Partir n’est pas une option d’après elle. Surtout qu’un départ implique que je ne pourrai plus revenir avant que la situation ne se soit calmée. Bien sûr, je ne sais pas combien de temps ça prendra, et c’est sans doute le plus gros problème. J’ai très envie de m’entraîner ici et d’essayer ce qu’a proposé Fae, mais revenir serait trop dangereux vu les circonstances. Les gens qui veulent ma peau et qui savent que je suis de retour au pied de la tour doivent se douter que c’est ici qu’ils ont le plus de chance de me trouver.

Le simple fait de sortir est un énorme risque que je prends, mais m’offrira plus de liberté.

— Dans ce cas, je n’ai qu’à m’en occuper.

— Oho. Tu veux servir de distraction en faisant l’idiote ?

— Cela m’arrange aussi qu’il sorte plus rapidement d’ici. Et de toute façon, je ne vais pas rester indéfiniment avec toi, sinon je vais finir par te tuer.

— … Crois-moi, le destin ne te protégera pas de ce que je vais te faire si tu continues.

— Bref, je n’ai qu’à faire distraction et tu pourras en profiter pour partir. J’ai mon aura de gardienne, donc je pourrai les forcer à s’agenouiller, et tu pourras en profiter pour te mêler aux gens discrètement avant de partir. Les gardes m’aideront aussi. Fais juste en sorte que personne ne voit tes animaux et sois rapide.

J’acquiesce à sa proposition en réfléchissant à comment je dois faire pour rester discret dans une telle situation. Je me prépare à partir sous le regard mécontent de Fae, mais je ne sais pas quoi lui dire. J’ai besoin d’équipement, d’informations et d’entraînement. Ici, je n’ai qu’une seule chose sur trois. Le départ d’Ephy est aussi un bon moyen pour moi de partir discrètement. Je ne suis pas sûr que j’aurais d’autres occasions.

Je me couvre la tête avec un morceau d’étoffe que me donne Fae en soupirant, et c’est à ce moment que l’apparence d’Ephy change totalement.

Alors qu’elle se tient devant moi, ses vêtements et son corps se transforment. Son jogging et son sweater disparaissent pour être remplacés par plusieurs couches de vêtements brodés de fils d’or et de motifs floraux complexes, et un sceptre en bois apparaît dans sa main.

Son corps grandit d’une dizaine de centimètres, ce qui la rend encore plus impressionnante, et si jusque-là son visage était joli sans pour autant être exceptionnel, les traits sont modifiés et lui donne un air beaucoup plus noble, voire même divin. C’est comme si de la lumière s’échappait de son corps.

Je peux même sentir une aura forçant le respect qui se dégage à présent d’elle et qui rend impossible le fait de vouloir la contredire ou de m’opposer à elle.

Bien sûr, ce n’est pas aussi puissant que celui d’Orion que j’avais ressenti quand je suis arrivé pour la première fois dans la tour des rangers. Mais cela reste très impressionnant, en plus d’être surprenant, si l’on compare l’apparence à laquelle je m’étais habitué pendant la semaine à celle de maintenant.

Ephy se tient à présent devant moi du haut de ses deux mètres, drapée dans des vêtements luxueux me faisant penser à ce qui sur terre serait sans doute considéré comme des vêtements traditionnels d’une princesse orientale. Ses yeux et le haut de sa tête sont cachés par un voile en tissu qui recouvre la moitié de son visage en ne laissant voir que sa bouche. Ses cheveux cascadent le long de ses vêtements et dans son dos, comme autant de fils noirs. Sa peau prend une couleur proche de celle de la cannelle tout en restant complètement pure.

Le plus choquant reste son aura, mais je n’ai clairement pas l’impression de voir la même personne avec qui j’ai passé une semaine à plaisanter et discuter.

En me voyant probablement avoir les yeux écarquillés, elle brise les apparences et se met à sourire, amusée de me voir réagir comme ça.

— Je t’avais déjà dit qu’il montrait plus de respect à moi qu’à toi, regarde-le, je l’ai complètement mystifié !

— Probablement moins que tu ne le crois puisqu’il sait que tu ronfles en dormant. Allez, dépêchez-vous d’y aller. Et toi, Nomad, fais en sorte de revenir vivant pour t’entraîner et essaye de te faire discret. Je n’ai pas besoin d’avoir plus de monde devant ma porte.

Même si Ephy semble en vouloir à Fae pour sa dernière remarque, elle se contente de marmonner quelque chose d’incompréhensible avant de se diriger vers la porte d’entrée en reprenant son rôle de gardienne.

Je me demande quelques instants si Fae peut prendre une apparence aussi noble, mais comme pour interrompre ma pensée elle me pousse en direction de la porte.

Alors que je m’approche, Ephy se tourne vers moi et me dit qu’elle va attirer l’attention une fois dehors et que je devrai en profiter pour passer.

« Tu ferais mieux de rester discret le temps que je me place convenablement, et tu pourras y aller quand je commencerai à parler. »

Je décide de me coller contre le mur à côté de la porte, et sans attendre, elles s’ouvrent d’elles-mêmes en grand. Ephy, en relâchant encore plus son aura de gardienne, s’avance alors en dehors de l’aile des dresseurs.

Je peux entendre que dehors, une foule de gens semblent surpris de voir apparaître une gardienne, et au bruit que j’entends il y a probablement une centaine de personnes de présent.

Au bout d’une dizaine de secondes, la voix d’Ephy retentit avec force dans les airs, et je me décide à sortir à mon tour. Dehors, je peux voir une foule de gens qui sont, pour les plus proches d’elle, à genou et tournés dans sa direction.

Ce sera plus facile pour moi de passer s’ils ne sont pas tous en train de se prosterner devant elle. En tout cas, vu qu’il y a moins de monde devant les portes maintenant qu’elle est passée, c’est plus facile pour moi de me faire discret.

« Aujourd’hui, je vous parle au nom de la gardienne des dresseurs. L’accident qui est survenu il y a peu n’avait des buts que seuls les fils du destin peuvent comprendre. Grimpeurs, si vous êtes ici pour des réponses, sachez que vous n’en aurez pas plus. Grimpeurs, si vous êtes ici pour devenir dresseur, inspirés par les récents événements, il vous faudra attendre et réfléchir, car entrer dans une classe n’est pas un acte à prendre à la légère. Votre chemin vous a guidés jusqu’ici, mais c’est mon devoir de vous guider vers votre juste destination. Il est temps pour vous de reprendre votre route, car je n’apprécie pas la gêne que vous causez dans cette tour qui est mienne. Les portes ici resteront scellées tant que le destin l’aura décidé. Et – »

Me faufiler pendant qu’elle fait son discours est plus difficile que ce que je pensais… Notamment à cause de la force de ses paroles, qui semblent vibrer à l’intérieur de moi et me donnent envie de m’agenouiller. Il y a d’ailleurs de plus en plus de grimpeurs à genou, mais alors que je passe derrière eux, je finis par atteindre les escaliers derrière l’attroupement. Bien sûr, je vais dans le sens inverse des gens qui souhaitent voir une gardienne, mais j’arrive à me faire suffisamment petit pour échapper à l’attention.

Je dois surtout faire attention à ce qu’aucun des hommes de Charade qu’il a probablement postés à proximité des portes ne me voie. Une fois que je serai sorti de la tour, je n’aurai plus qu’à me mêler à la foule pour disparaître.

Prochaine étape, la tour centrale.



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