La Tour des Mondes
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La fusion est vraiment amusante… Ce corps n’a plus l’air d’avoir de limite ou de restriction. Je réfléchis plus vite, j’agis plus rapidement. Je fatigue un peu, mais pouvoir botter les fesses du mange-mots devant moi n’a vraiment pas de prix. Maliel n’y est pas arrivé, le groupe de grimpeurs non plus même en utilisant de la magie. Même ce corps n’y est pas arrivé avant, mais à présent j’ai l’impression que je pourrais attaquer tout le monde ici sans que personne ne soit capable de m’arrêter.

Mais ne faisons pas ça.

Je n’aurais pas cru que les rôles s’inverseraient aussi facilement, mais je m’amuse tellement… c’est tellement grisant de se sentir aussi puissant.

Il fait un demi-tour sur lui-même et cherche à me donner un coup de poing assez sérieux pour que j’en meurs. Je me contente de glisser sur le sol dans sa direction en passant en dessous de son bras. Il essaie aussitôt de me piétiner en me voyant faire, mais d’un simple mouvement du bassin j’évite le coup et continue de glisser entre ses jambes, je lance ensuite mes pieds en direction de son visage et le mange-mots supérieur esquive et cherche à m’attraper les jambes sans succès.

Je me redresse alors rapidement en esquivant un coup de genou et un autre coup de poing qui passe à côté de mon visage. Un peu trop prévisible d’après moi.

…Maintenant que j’y pense, le style de combat des manges-mots commence à m’ennuyer, je l’ai beaucoup trop vu maintenant.

Je m’avance et décide de sauter au-dessus de lui en plantant mon stylet dans l’épaule. Je ne touche que de la chair et pas d’os, mais c’est bien suffisant d’après moi. Je retire le stylet aussitôt en retombant derrière lui. Une simple piqûre.

J’esquive l’enchaînement d’attaques en essayant de diminuer au maximum mes mouvements, mais même ça ne m’amuse pas. J’ai bien compris qu’il ne pourrait pas me toucher.

Je me contente de tendre mon stylet dans une direction et le coup déchire ses vêtements en le griffant sérieusement à l’avant-bras. Il continue ensuite de m’attaquer en essayant de me planter son pied dans l’estomac mais j’esquive en me contentant de le griffer et de le planter rapidement dès qu’il m’attaque. Malheureusement, le coup de coude qu’il lance ensuite finit par me toucher. Je suis plutôt étonné qu’il ait réussi à me toucher. Est-ce que j’étais trop présomptueux, et a-t-il une chance de me battre ? Hmm. De toute façon c’est plus amusant s’il arrive à me surprendre.

Le mange-mots supérieur me touche au niveau de la pommette du visage. Même si j’ai évité le plus gros de la force de l’attaque en tournant la tête c’était légèrement dangereux. Le coup me sonne, mais l’instinct de survie me fait reculer tout de suite en mettant de côté la douleur.

Il cherche ensuite à me frapper à nouveau mais chaque coup à l’air d’être une répétition d’une attaque que j’ai déjà vu. Il s’adapte sans doute à mon style mais cela risque de prendre du temps avant qu’il n’arrive à être un véritable challenge pour moi. Maintenant, la question est de savoir si je vais attendre ou non…

Bien sûr que non, je ne suis pas patient. Je vais attendre d’avoir récupéré et ensuite, fin de partie.

*

Pour Maliel la scène n’a rien d’amusante. Devant elle, les traits de la personne qu’elle connaît sous le nom de Nomad semblent avoir disparus. Ses mouvements n’ont rien à voir avec ce qu’il pouvait faire précédemment. La manière dont il tord ses membres et dont il se contorsionne n’a clairement rien d’humain. Entre chaque attaque elle entend les os et les articulations qui se déboîtent pour prendre des angles impossibles avant de retourner à leur position habituelle en claquant. Et pourtant il semble faire cela naturellement comme s’il avait pratiqué pendant longtemps. Tellement longtemps qu’il arrive à le faire de manière fluide en combat sans que cela n’ait l’air de l’affecter ou de le déranger. Que dire de la fluidité des coups, des attaques et des esquives. Il ridiculise clairement le mange-mots supérieur, peu importe sa position. Même quand il tombe par terre c’est comme si son corps se liquéfiait pour épouser le sol en atterrissant, se déboîtant en quelques instants les os pour amortir le choc avant de les remboîter presque aussitôt comme si cela n’avait pas eu lieu. Ce genre de chose a sa place dans un film d’horreur.

C’est comme si toutes les règles de préservation naturelles du corps étaient oubliées pour obtenir ce style de combat.

Mais le pire dans tout ça. Ce qui lui donne la nausée et la fait frissonner, c’est le rictus cruel qu’il a sur les lèvres.

La personne devant elle n’est pas vraiment Nomad. Même si elle l’a pratiquement rencontrée à son entrée dans la tour, elle ne l’a jamais vu agir de cette façon et c’est impossible que ce soit la même personne.

Et pour comprendre ce qu’il se passe, une voix finit par retentir dans sa tête.

[J’ai fusionné son esprit et celui de Juliette, c’est pas mal non ?]

Tu peux m’expliquer comment son corps peut faire des mouvements pareils ? J’ai mal rien qu’en le regardant se… tordre de cette façon.

[Ne sois pas jalouse, c’est l’intérêt de la fusion, il y a tellement de muscles et d’os dans un corps humain que vous n’utilisez pas vraiment… Du moins pas jusqu’à leur limite. Autant de possibilités que Juliette et Nomad ne font que découvrir ensemble.]

Un corps humain n’est pas fait pour être utilisé de cette façon, il va finir par se blesser gravement s’il continue.

[Ne t’inquiète pas, je contrôle la fusion. S’il va trop loin je peux tout arrêter.]

Tu sais… Je n’aurais probablement aucune chance contre ce style de combat…… Mais ne–

[Je ne lui dirai rien.]

*

Ennuyeux… Vraiment je m’attendais à mieux venant de toi… Tu me semblais tellement intéressant au début, mais maintenant ? Quelques coups de crocs et tu te retrouves en train de respirer fort en te vidant de ton sang… Je n’ai même pas visé d’endroit vraiment vital.

Une blessure au pied, à l’épaule, à l’avant bras, quelques petites blessures et aussitôt tu t’essoufles après un petit échange. Tu ne gagneras jamais, mais je le savais.

J’étouffe un bâillement, il est probablement temps d’en finir. Ce serait cruel et ennuyeux de faire durer ça plus longtemps.

Il n’a pas réussi à me toucher pendant que je me remettais de son coup de coude. Ce qui veut dire que c’est fini maintenant.

J’esquive une attaque puis une autre et finit par passer dans son dos en laissant mes armes glisser sur ses vêtements. Ce n’est pas suffisant pour le blesser mais j’aime bien la sensation. Je me sens tellement… libre de mes mouvements. Je ne suis pas plus rapide ou plus fort actuellement, je me sens… liquide, non, fluide. Mon corps est élastique, malléable. Rien ne peut m’atteindre sans que je l’accepte. Les douleurs et les craquements des articulations ne sont qu’une nuisance sonore que j’oublie volontiers pour pouvoir m’amuser.

Oui, oui mon corps n’est pas en très bon état. Rien de grave ou d’insurmontable, pas la peine d’en faire tout un plat. Deux esprits sont suffisants pour ignorer de telles choses. J’ai juste envie de m’amuser et je ne laisserai pas mon corps m’en empêcher. Non, la seule chose qui est capable de m’arrêter commence à vraiment être trop lente pour appeler ce que nous faisons un combat.

Le mange-mots supérieur s’agite un peu, mais je me contente de rester dans son dos sans vraiment avoir besoin de faire quoi que ce soit. A chaque fois qu’il se tourne je bouge avec lui. Il a beau essayer de m’attraper ou de me garder dans son champ de vision, c’est beaucoup trop difficile pour lui.

Je suis devenu un professionnel du cache-cache. C’est effectivement possible de disparaître du champ de vision de quelqu’un sans même avoir à se cacher. Pfft…. Ahaha. Il est tellement nul maintenant qu’il ne sait même plus quoi faire. J’ai l’impression d’être ce gars qui tapote sur l’épaule droite et disparaît à gauche pendant que la personne se tourne. Mais c’est ennuyeux parce qu’il a l’air de ne rien ressentir. N’importe qui d’autre se mettrait à m’insulter ou à montrer de la frustration. Lui continue d’essayer inutilement. L’ennui total.

Finissons-en pour de vrai.

Je raffermis ma prise sur mes stylets. Je transperce le poignet, l’avant bras, le coude, le biceps. Je ne fais que piquer du bout de la lame, suffisamment pour que cela devienne difficile de se déplacer. Je répète une vingtaine de fois un peu partout en restant dans son dos, esquivant les attaques qu’il lance à l’aveugle. Et finalement après l’avoir mordu encore et encore il finit par tomber à genoux puis à s’effondrer silencieusement face contre terre.

Je me redresse en dévisageant l’assistance du regard. Maliel est la plus proche et elle serre les dents comme si elle était irritée par ma façon de faire.

[Bon, maintenant que vous avez fini de jouer tous les deux je vais rompre la fusion. C’est trop fatiguant à maintenir pour moi.]

Soudainement, je peux sentir mon esprit se diviser en deux et une sensation de vertige me prend. Un frisson parcourt mon corps et ma tête et aussitôt je peux sentir mes idées redevenir les miennes. Juliette semble ressentir la même chose que moi et je peux la sentir se contracter sur mon cou avant qu’elle ne finisse par perdre connaissance.

J’ai vraiment très mal au corps. Ce n’est pas d’un niveau insoutenable puisque je suis encore conscient, mais me tenir debout n’est pas possible… Mon corps tombe en avant comme une marionnette dont on aurait coupé les fils. Avant de m’éclater le visage contre le sol, la chevalière me rattrape de peu. J’ai mal à la tête en reprenant mes esprits, mais mon corps n’est pas mieux. J’aimerais bien pouvoir serrer les dents et dire que ça ira, mais c’est impossible. Pas dans cet état. Je suis très mal en point. La fatigue est telle qu’aucun muscle ne veut répondre. Le message général c’est « oublie » ! C’est déjà difficile de reprendre le contrôle de mon corps après la fusion, mais aucun muscle ne veut répondre, comme si j’étais catatonique.

En gros je peux juste bouger les yeux et respirer.

Est-ce que j’ai besoin de préciser que « fusionner » est très violent pour l’esprit ? Même si j’arrive à réfléchir, c’est comme si mes pensées ne donnaient sur rien ou comme si elles disparaissaient aussitôt.

La fusion… J’ai des frissons rien que d’y penser… Ce n’était pas désagréable, juste perturbant… et grisant.

J’ai échangé mon corps avec celui d’un Kelfi, mais ça… Je ne saurais même pas le définir. Un « alignement cosmique et spirituel ». C’est sans doute le mieux que je puisse dire dessus.

Après cette expérience j’ai juste l’impression d’avoir passé tout ce temps dans une machine à laver spirituelle en marche.

« C’est bon tu as bien bossé je m’occupe de la suite. Les autres sont à peu près capables de se battre ou de fuir maintenant »

La voix de Maliel résonne à côté de moi tandis que la chevalière me retourne comme une poupée et je peux la voir de dos du coin de l’œil. Il reste encore la foule de manges-mots, mais je n’ai plus aucun moyen de m’en occuper maintenant. J’aurais dû faire quelque chose avant.

« Avec toutes les acrobaties que tu viens de faire, tu as le droit de te reposer. Un vrai petit contorsionniste. Si tu te reconvertis tu as clairement le talent nécessaire pour faire partie d’un cirque si tu veux mon avis. Laisse le combat pour les grandes personnes en tout cas »

Encore ?! Vraiment ?! Elle a de la chance que je ne peux plus parler. Vraiment. Je ne sais pas ce que je lui dirais puisque je ne suis pas capable de le formuler correctement dans ma tête, mais ça ne serait pas très gentil. Si elle pouvait voir le regard que je lui lance, elle comprendrait, mais elle n’a pas l’air de vouloir se retourner. Pff… Tu as bien de la chance que je sois cet état.

« Mais ne retombe pas dans le coma le fragile, on est pas encore en sécurité »

Je regarde autour de moi en oubliant la dernière remarque de Maliel qui semble se faire plaisir puisque je ne peux pas répondre. La foule de manges-mots qui est restée immobile pendant tout le combat l’est toujours. Les grimpeurs sont tous debout à part pour l’épéiste qui est allongé à côté de la magicienne.

La chevalière me tient toujours d’un bras et tient son bouclier de l’autre. Elle reste bien sur ses gardes et murmure que ça va bien se passer. Je ne sais pas si c’est pour me rassurer ou pour qu’elle se rassure, mais ça ne marche pas du tout.

Elle reste calme, mais vu le nombre de coups d’œil perturbé qu’elle me jette j’ai l’impression que Juliette et moi avons fait forte impression sur le reste du groupe. Même Adelina semble partagée à l’idée de s’approcher de moi.

Mon corps me fait souffrir, mais celle qui a l’air la plus mal en point est Juliette dont je ne ressens que le pouls à travers le lien. Son état est stable, mais elle ne pourra probablement pas se réveiller avant un moment. Vu ce qu’on a fait avec mon corps, je pense que cela a dû être une expérience traumatisante pour elle qui n’a pas de membres normalement.

Micha de son côté est rassurée de me sentir à nouveau à travers le lien. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais je n’arrivais pas à la sentir pendant la fusion.

Elle est très contente que j’ai gagné même si elle n’a pas trop compris ce qu’il vient de se produire avec Juliette. Il faudra que je lui explique cela un peu plus tard, une fois que j’aurais moi-même mieux compris.

Pour le moment je lui demande de descendre de son perchoir au cas où nous devions fuir rapidement. Elle arrive à comprendre malgré ma difficulté à formuler correctement la consigne.

Je regarde les manges-mots sans vraiment m’arrêter sur Adelina qui a l’air perdu mais qui comprend que le moment est mal choisi pour se jeter sur moi.

Maliel de son côté fait quelques mouvements avec sa lame pour fendre l’air. On dirait qu’elle s’est remise du coup qu’elle a pris, mais à elle toute seule ce sera difficile de s’occuper d’autant de monde.

Le combat grimpeur contre manges-mots semble loin d’être fini. Il faut sortir d’ici maintenant… et je ne suis qu’un poids mort.

Quelqu’un aurait une potion de vitalité ?

Je crois que je n’en aurais jamais eu autant besoin…



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