Je me tourne vers Maliel en me frottant la tête.
– Tu en penses quoi ?
– Non non non, c’est ta connerie là, pas la mienne. Je suis pas responsable de la situation.
Effectivement elle ne l’est pas. Je voulais juste aider, mais au final un mange-mot a fini par passer et maintenant la vie du Roi est mise en danger. Vu l’épaisseur de la porte, il ne l’aurait probablement pas été si je m’étais contenté de la fermer. Le chef des soldats semble vouloir me dire quelque chose, mais sans attendre ma réponse il décide de se précipiter à la suite de ses subordonnés pour chercher le mange-mot. Je réfléchis très rapidement à la situation en me demandant si je dois vraiment intervenir dans la guerre civile et aider les soldats. Il a bien parlé de récompense, mais est-ce que je dois prendre ça au sérieux… C’est facile à dire maintenant, mais après il décidera peut-être de nous arrêter puisqu’on est clairement là où nous ne devrions pas être, les quartiers du Roi.
Hmm. Faisons quelque chose à mi-chemin. Je demande à Yuu de partir en reconnaissance, ce sera forcément utile de savoir où nous allons.
– Bon… j’ai fait une bêtise, mais on a qu’à faire les deux. Si on trouve le mange-mot en premier on s’en occupe et si on trouve le trésor on le prend, ça te va ?
– Je n’ai pas envie d’affronter un de ces tarés avec des nunchakus ! On est là pour l’argent, ton mange-mot peut tuer qui il veut, ce n’est pas mes affaires. Tu veux vraiment te transformer en héros et sauver le royaume ? Je t’en prie. Mais si je vois le mange-mot il n’a qu’à faire ce qu’il veut. Tant qu’il n’essaye pas de me tuer, je m’en moque.
– … Ok c’est mon problème. Si on le croise je m’en occuperai. Yuu vient de partir en éclaireur, on couvrira plus de terrain avec lui.
Maliel soupire en l’écoutant, mais décide de ne rien dire. Je m’attendais à ce qu’elle me frappe à nouveau, mais il semble qu’elle préfère ne pas plus y réfléchir. Elle se dirige vers le grand escalier au centre du hall en me faisant signe de la suivre et je lui emboîte le pas. Je demande à Yuu de me prévenir dès qu’il trouve quelque chose d’intéressant et nous partons dans un couloir à l’opposé de celui que les soldats et le mange-mot ont pris.
Les couloirs sont plus spacieux et les décorations sont bien plus riches que ce que nous avons pu voir jusque-là, mais Maliel jette à peine un regard en direction des tableaux sur les murs ou aux poteries présentes dans les couloirs. À mesure que nous avançons et que nous ouvrons des pièces qui semblent être des chambres, je peux sentir qu’elle s’impatiente à l’idée de trouver quelque chose qui a de la valeur. Dans une chambre un peu plus spacieuse que les autres nous trouvons un coffre à bijoux dont elle jette le contenu dans son inventaire, mais au soupir de Maliel, je me dis que ça ne doit pas valoir grand-chose.
« Ça m’apprendra à vouloir fouiller un palais entier tiens. On serait allé dans le quartier riche on aurait eu le temps de faire une quinzaine de maisons sans problème. Je commence à en avoir marre de faire couloir sur couloir sur pièce vide sur couloir… Faut que l’on trouve l’endroit où ils cachent l’argent.»
Je demande à Yuu s’il trouve quelque chose de son côté, mais il m’explique que non.
Je vais finir par partager le point de vue de Maliel si ça continue, mais tant qu’on ne trouve rien, on est obligé d’avancer et ça augmente les probabilités de trouver le père d’Adelina.
Ce qui m’étonne en tout cas c’est qu’il n’y a pas de garde ou de soldat courant dans tous les sens ou en train de garder des pièces importantes. On est censé être dans les quartiers du Roi, mais c’est vide… Ce qui d’après moi n’annonce pas grand-chose de bon. Nous continuons d’avancer et finissons devant une grande double porte que nous ouvrons lentement.
« Jackpot »
Maliel s’avance après s’être assurée qu’il n’y avait personne et nous entrons dans une très grande chambre, probablement la plus grande jusque-là.
« C’est probablement la chambre du Roi. »
Sans attendre elle avance et commence à fouiller les différents meubles en sifflotant comme une gamine. Je commence à fouiller en prenant l’autre côté de la chambre. J’ouvre une grande armoire et tombe sur une panoplie de vêtements cousus d’or.
– Tu penses que je devrais prendre ça ?
– Fais voir ? Mmm, non. Au plus on gagnera quelques pièces au pied de la tour pour chaque vêtement. On est au moyen âge dans ce monde, les broderies sont trop rustiques par rapport à la Terre.
– C’est quand même les vêtements d’un roi, non ?
– C’est pas marqué dessus, personne te croira. Prends les pierres précieuses incrustées, mais laisse les fringues.
Je sors un poignard et décide de suivre les ordres de Maliel en essayant de me dépêcher. Une à une les pierres tombent par terre. Des bleus, des rouges, des vertes et ainsi de suite. Pendant ce temps, Maliel continue de faire le tour de la chambre et finit par se jeter dans le lit dépité.
« Foutu moyen âge. Il y a pratiquement rien ici. Et ce lit est trop confortable. »
Je fais le tour de la pièce du regard, mais elle a effectivement raison. Difficile de dire le contraire. Tout est luxueux, mais à moins de gratter la peinture en or sur certains meubles, faire le tour est rapide. S’il y a des bijoux elle a déjà dû les prendre et il ne reste plus qu’à attendre que j’ai fini pour passer à la prochaine pièce. Sur un mur je peux voir un portrait de ce qui semble être le roi, un gars la trentaine avec une petite barbe finement taillée, le regard dirigé vers l’horizon, portant une couronne sertie d’émeraudes bien plus grande que celle que je récupère actuellement.
Mine de rien je commence à la fois à prendre le coup de main et à faire une bonne récolte, sur la plupart des vêtements les boutons ont une pierre précieuse dessus. Au bout d’une dizaine de minutes j’ai fait un petit tas sur le sol et je me dis qu’il y a sans doute plus de cent cinquante pierres là-dedans qui rapporteront un peu d’argent. En m’entendant dire que j’ai terminé, Maliel se redresse et s’approche de moi.
– Pas trop mal, mais c’est loin d’être suffisant pour appeler ça une fortune. On a vraiment intérêt à trouver mieux sinon je vais commencer à déprimer.
– On a encore du temps devant nous, on devrait pouvoir récolter plus que ça.
– Normalement les riches ont pour habitude d’avoir un coffre-fort ou quelque chose du genre, surtout au moyen âge. Vu la taille de Lishnul ce serait étonnant que le Roi soit pauvre. A moins que ce soit les patrons des compagnies commerciales qui aient le plus d’argent…
– Vu la taille du palais, je ne m’en fais pas sur la richesse du roi. On va trouver. Et puis j’ai l’impression qu’ils ont caché ce qui avait le plus de valeur.
– Mouais. Prends tout ça et puis on y va. Je veux de l’argent !! Donnez-m’en plus !
En faisant de grands gestes avec les bras elle se dirige vers la porte et je lui emboîte le pas. Nous sortons et passons à la pièce suivante et ainsi de suite pendant un long moment et je me retrouve à retirer les parties les plus intéressantes des vêtements à chaque fois, mais pas de coffre ou de grande quantité de pièces d’or. Dans un bureau on a quand même trouver le stylo à encre le plus luxueux que j’ai jamais vu, en étant à la fois fait en or massif et couvert de joyaux, mais c’est un travail de fourmi de tout fouiller pour prendre ce qui à l’air d’avoir le plus de valeur. Au final dans mon inventaire je dois avoir un peu plus de deux kilos ce qui commence à faire, mais c’est loin d’être suffisant puisque ce ne sont pas des bijoux de grande taille.
[Hey, vous avez l’air de bien vous ennuyer tous les deux ? Tu veux que je pimente un peu tout ça ?]
Tu as quoi pour nous ?
[Je crois que j’ai trouvé deux trucs qui devraient te plaire, tu veux la super nouvelle ou la un peu moins super en premier ?]
Comme tu veux.
[Même pas drôle, mais j’imagine que ce n’est pas un choix suffisamment Cornélien pour toi. Bref, j’ai trouvé la salle du trésor, une pièce avec quelques gardes à l’entrée et plusieurs grilles en fer devant. Je mets ma queue à couper que c’est là. Pour ce qui est de l’autre truc, j’ai trouvé le père de ta copine qui est enfermé avec quelques autres vieux dans un bureau. C’était pas facile d’entrer avec tous les gardes.]
Je le dis aussitôt à Maliel pour la trésorerie qui silencieusement fait de grands gestes et un grand gémissement qui signifie « je le savais ». Je réfléchis quelques instants et hésite à le dire à Maliel qu’il a aussi trouvé le père d’Adelina. Une question me vient par contre…
C’est laquelle des deux que tu considères être une « super nouvelle » ?
[L’argent bien sûr. C’est quand même mieux qu’une salle remplie de vieillards.]