Je tue un autre guerrier qui s’avance vers moi en lui transperçant le cœur, le garde à côté de moi s’occupe de l’autre guerrier et je lui donne un coup de main pour en finir rapidement. Ce qui monte déjà à trois le nombre de victimes. Mon épaule me fait souffrir et je pense que je vais ranger un stylet. J’ai toujours mon gantelet de félin de toute façon, mais je dois faire attention. Je ne pense pas que mon bras puisse tomber d’un coup en se détachant, mais c’est possible que si je ne fais pas attention je ne puisse plus m’en servir du tout.
Je regarde ensuite le garde en réfléchissant à ce que je vais faire.
— Avec quoi est-ce que tu te sens le plus à l’aise ? Ton arc ou ton épée ?
— Mon arc, sans hésiter. Pourquoi ?
— Dans ce cas, monte sur un toit et couvre-moi. Je vais passer de maison en maison et évacuer les gens, occupe-toi de tirer sur les guerriers qui s’approcheront, mais pas de risques inutiles. On évacue le village et pas autre chose, l’attaque c’est mon amie qui s’en occupe.
Il me regarde quelques instants et se contente d’acquiescer en partant en courant. Je n’arriverai pas tout seul à défendre les villageois, pas avec une armée en face de moi. Pour l’instant, les rues ne sont pas pleines de guerriers et c’est presque étonnant vu la taille du village et le nombre de personnes que j’ai pu voir sur les Drakkars. Emy est peut-être trop efficace, mais ça me rend la tâche plus facile donc je ne vais pas me plaindre.
Je regarde le garde partir en direction d’un toit.
« Oh encore une chose, si tu vois une souris sur un toit ne t’avise pas de la toucher ou je laisse ce village brûler, d’accord ? »
Le garde se retourne et semble perdu en m’écoutant, mais fait un mouvement d’épaule signifiant « Je ne comprends pas, mais d’accord ». Un guerrier s’approche alors de lui dans son dos et je fais feu avec mon arbalète en me servant de mon boost d’agilité alors que le garde se retourne pour se défendre. Le guerrier tombe au sol en gémissant alors qu’il se tient le torse où un carreau est maintenant planté. L’archer dégaine aussitôt un poignard pour l’achever.
« Je suis sérieux ! »
Sans attendre de réponse de sa part à ma dernière réplique, je me tourne et ouvre la porte la plus proche de moi. Au fond de la pièce, je peux voir des enfants recroquevillés. Je m’approche en levant les mains après avoir rangé mon stylet pour être le plus rassurant possible et en murmurant « tout ira bien », « venez avec moi » ce qui n’a pas vraiment l’air de marcher, quand soudainement sur ma droite je peux entendre un cri d’une femme me chargeant avec un couteau entre les mains.
Sans même y réfléchir, je décide de l’arrêter en lui attrapant le poignet en me servant de mon boost.
— C’est de votre faute ! C’est vous qui avez amené ces Nordiques ici !
— Quoi ?! Vous pensez vraiment que j’ai quelque chose à voir avec… ça ??! Calmez-vous ! Je suis là pour vous aider ! Il y a trop de guerriers et vous n’êtes pas en sécurité ici, vous devez fuir !
— Pour aller où ? Ils sont partout !
— Dans le désert, là où vous ne voulez, mais ne restez pas ici ! Le village ne tiendra pas longtemps. Ils sont déjà en train de saccager maison après maison… Je peux vous protéger jusqu’à ce que vous soyez hors du village, mais vous devez partir, maintenant !
La femme me regarde en essayant de libérer son poignard et je finis par la lâcher sans savoir si elle ne va pas continuer à m’attaquer.
Pourquoi pense-t-elle que c’est de ma faute si le village est attaqué ? Je peux comprendre que certains grimpeurs soient vus comme des monstres et Léon était un bon exemple de ça, mais tous les grimpeurs ? L’apparition de grimpeurs devrait être une bonne chose non ? Ils ont des quêtes censées aider les gens, je n’ai jamais entendu parler de quêtes dont le but serait de massacrer un village entier. Alors pourquoi… ?
Oh… Je crois que j’ai compris. S’il y a déjà un problème et que des grimpeurs apparaissent alors c’est qu’ils sont là pour le résoudre et c’est tant mieux. Mais s’ils apparaissent et qu’il n’y en a pas, c’est que quelque chose va se produire… Le fait qu’on arrive dans un village où tout va bien est forcément un mauvais présage et ça doit être pareil ailleurs. Je regarde la femme en étant un peu triste. Elle a peut-être raison, c’est peut-être notre faute, même si nous n’avons rien fait.
La femme me dévisage sans comprendre ma réaction. J’ai l’impression qu’elle n’a plus envie de m’attaquer. J’aimerais pouvoir dire quelque chose, mais je n’en suis pas capable, pas avec les hurlements, l’odeur du sang et les flammes qui m’entourent.
Soudainement, Micha m’avertit que des soldats approchent de nous et j’approche de la porte en disant à la femme de rester derrière moi. Responsable ou non, je n’ai vraiment pas envie de mourir ici. Je ne laisserai pas des femmes et des enfants mourir sous mes yeux, même s’ils me haïssent parce que je suis une espèce de mauvais présage.
Cinq guerriers passent alors en courant devant la maison sans regarder à l’intérieur de celle-ci et Micha me rassure en me disant qu’ils s’éloignent.
Je fais signe à la femme de s’approcher de moi avec les enfants et jette un coup d’œil à l’extérieur. Des guerriers semblent être en train de fouiller les alentours. La rue est tortueuse, et il y a une ruelle à côté de la maison d’en face par laquelle ils peuvent fuir. Micha m’indique la position du garde sur un toit qui attend caché avec son arc au cas où les choses tournent mal.
« Quand je vous fais signe, vous foncez de l’autre côté sans vous retourner. Faites en sorte de trouver un endroit où vous cacher d’accord ? Maintenant, attention… Allez-y ! »
La femme et les enfants se précipitent en avant en baissant la tête. En passant à côté de moi la femme me lance un regard noir, mais vu la situation j’imagine qu’elle ne fera pas la difficile et qu’elle m’écoutera si ça lui permet de survivre. Micha m’avertit alors qu’un autre groupe de guerriers approche et j’attrape mon arbalète en faisant signe à l’archer de se tenir prêt. Le groupe tourne au coin de la rue et je me cache à l’angle d’un mur. Ils sont six à avancer dans ma direction. Je reste caché et regarde à travers Micha leurs actions. Ils avancent lentement comme pour s’assurer qu’il n’y a aucune menace et passent de maison en maison apparemment à la recherche de survivants. Je me contente de serrer les dents, j’imagine que je ne pourrais pas faire autrement maintenant que de me battre.
Je pourrais attendre en me cachant et passer à la maison suivante une fois qu’ils seront partis, mais si je fais ça, combien de temps est ce que je vais perdre ? Si je veux vraiment sauver le plus de monde possible, il faut agir au plus vite.
J’attrape alors un fumigène et le jette dans leur direction sans attendre. Une fumée noire enveloppe rapidement la zone et recouvre les hommes. À travers les yeux de Micha, je continue de capter les mouvements et me précipite en avant. Il y a une chose que je peux faire dans cette situation sans problème. Je dirige mon arbalète en direction du groupe et appuis sur la pompe de l’arme que j’ai pris le temps d’installer.
Soudainement, une gerbe de liquide enflammé en sort et traverse la fumée pour atteindre les guerriers et aussitôt, deux d’entre eux prennent feu en hurlant. Je continue d’activer la pompe et l’espèce d’huile en feu en sort pour se répandre sur le groupe qui commence à reculer.
À travers les yeux de Micha, je peux voir que l’archer décoche une flèche qui aussitôt frappe la personne la plus éloignée du groupe. J’ai l’impression qu’il n’a pas menti sur ses compétences.
J’accroche mon arbalète dans mon dos en prenant bien soin d’éteindre les flammes et décide de foncer à travers la fumée. Je plaque la dernière personne encore debout et plante la pointe de mon stylet dans son cou. Pas suffisamment pour le tuer, mais assez pour qu’il comprenne que bouger et inutile. À sa place, j’arriverais sans doute à me dégager, mais c’est parce que Nerys m’a appris comment faire. Je ne pense pas qu’il en soit capable de son côté.
— Si tu tentes quoi que ce soit tu meurs c’est clair !?
— Qu ..!!
— Tu vas répondre à mes questions, si tu n’es pas d’accord, tu meurs !
— Grimpeur de merd… Ok! Ok! Je vais parler retire ce couteau.
— Dans tes rêves. Première question maintenant ! Pourquoi est ce que vous êtes là ?!
Autour de nous, les hommes en feu semblent ne pas réussir à éteindre les flammes et finissent par tomber au sol. C’est une mort douloureuse, mais je ne suis pas sûr qu’une bande armée comme celle-là aurait fait preuve de pitié à mon égard. Comme s’ils en faisaient au village de toute façon…
— Alors !??
— Arrête ça ! C’est un raid d’accord !? On est là pour piller le village, c’est tout !
— C’est la seule raison ?!
— Quoi ?! J’en sais rien ! Icare cherche quelqu’un, je crois, mais j’en sais pas plus !
— D’où est-ce que tu viens ?
— Hein ?! les îles du Nord ! Retire ta lame !!
… Bon, je dois dire que je ne suis pas très inspiré pour d’autres questions et ce n’est pas comme si j’avais le temps de faire la conversation. Je lui frappe le haut du crâne en me servant du boost d’agilité… La sensation est vraiment désagréable… Le poison sur le stylet fera le reste en tout cas. Pas le temps pour les sentiments.
Je me redresse et passe aux autres qui souffrent par terre. J’imagine que c’est le genre de chose qui me fait passer pour un monstre sans pitié, mais vu les brûlures je pense que c’est mieux comme ça. Je fais abstraction de ce que je vois et de ce que je peux sentir et finis ce que j’ai commencé. Je commence à me sentir malade. Même Juliette n’a pas l’air de se sentir bien en voyant l’état des guerriers après que les flammes aient fini par leur faire perdre connaissance et c’est bien la première fois qu’elle parait vraiment mal à l’aise. J’aimerais bien lui faire remarquer, mais je ne suis pas en état pour ça. Si Juliette ne se sent pas bien, alors je ne me sens pas bien non plus. Je m’éloigne des corps pour respirer un peu alors que j’ai la tête qui tourne.
Soudain, j’entends un cri de l’autre côté d’une maison et fonce dans cette direction. Je n’ai pas le temps de penser à si ce que je fais est bien ou mal. Pour autant que je sache : non pas du tout, mais je n’ai pas le choix.
C’est sans doute la première fois que mon lien avec Juliette qui jusque là me permettait de faire abstraction des choses les plus dérangeantes se fragilise. Mais ce n’est pas le moment d’avoir des remords sur mes actions.
Je savais à quoi je m’engageais en entrant dans la tour. Si je n’étais pas prêt à tuer, j’aurais dû devenir prêtre ou demander à Falco des conseils pour ne pas qu’il y ait de morts lors d’une attaque de village par 150 personnes.
La situation est tellement différente de l’assassinat de Léon. Tellement de cris et de souffrance…
Je dois me concentrer sur autre chose et je me précipite vers l’endroit d’où viennent le cris.
Je connais le nom du chef du raid maintenant et je sais qu’il cherche quelqu’un… Je ne suis pas un expert et je n’aime pas pointer des doigts, mais j’imagine que c’est de Thif dont on parle. Et j’aurai des questions auxquelles il devra répondre et j’espère que je n’aurai pas envie de le tuer quand il aura fini d’y répondre.