Je sentais quelque chose de chaud dans mon dos, ce qui m’a réveillé. Son contact ne me gênait pas tant que ça, c’était même plutôt réconfortant.
— Chizu !
Qu’est-ce qu’elle fout ici ?
— Oui, grand frère ?
J’agite les bras comme un chimpanzé et m’écrie.
— Pourquoi tu t’es encore glissée dans mon lit ?
— J’avais froid, grand frère.
Quelle sotte !
Je retire les griffes de Chizu accrochées à ma jambe et me presse pour aller au lycée.
Encore une fois, je traverse cette place commerçante, bordée par une mer éclatante. Les couleurs m’ont paru curieusement moins sombres que la veille.
Nous avions prévu avec Shimizu que nous irions explorer ensemble, les clubs sportifs et culturels de notre établissement. Mais, si je pouvais choisir, j’aurais tout de même préféré être seul. Après tout, depuis quand un solitaire comme moi devait vivre en groupe, ça m’exaspère.
J’entre dans ma salle de classe, et observe Shimizu, qui semble encore joyeuse aujourd’hui.
— Salut, Yamazaki-kun.
— Salut, Shimizu-chan.
Saluer quelqu’un… Je vais devoir faire ça chaque jour ? Ça me saoule.
— T’es toujours partant pour la visite des clubs cette après-midi ?
Mon esprit refuse, mais mon corps acquiesce d’un hochement de la tête.
À l’heure du repas, je suis passé en face de ma camarade et ai entendu son ventre crier famine. Elle s’est tournée vers moi et semble assez gênée. Je l’esquive en me déplaçant vers le distributeur de boissons puis commande un lait à la fraise. Lorsque je m’étais retourné, Shimizu se présente devant moi les joues pourpres et me tend un papier avant de faire demi-tour.
Qu’est-ce qu’elle me veut, sérieusement ?
Je le lis et apprends qu’elle souhaitait que je la retrouve sur le toit.
Elle doit vraiment être timide pour pas me le dire de vive voix.
Je récupère mon repas et la rejoins.
Cinquante. Il reste combien de marche, je suis épuisé.
J’ouvre la porte et découvre Shimizu. Son écharpe flotte par les quelques bourrasques que nous ressentons. Elle s’est agenouillée, le regard admiratif sur les nuages à l’horizon.
Même sans la lune, elle ressemble à la princesse Kaguya, non ?
Je m’avance vers elle à pas de loup, puis m’assois.
— On mange ensemble, Yamazaki-kun ?
Je n’ai pas le choix.
— S’tu veux.
Elle compare mon repas au sien et semble suspicieuse à la vue des tomates découpées en cœur dans mon bento. La jeune fille me questionne alors avec ses yeux émeraude emplis de surprise.
— C’est toi qu’a préparé ce bento ?
C’est une sorte de jalousie ?
Pourquoi je pense à ça !
Je me soucie trop de son jugement vis-à-vis de moi ! Ça me ressemble pas bordel !
Restons calmes et évitons les malentendus.
Je réfléchis — dois-je répondre « oui c’est moi qui ai préparé ce bento » ? — mes talents de cuisiniers s’avèrent inexistants et peuvent m’embarrasser à l’avenir, si pour une raison quelconque nous en venons à cuisiner ensemble. Elle comprendrait alors mon mensonge.
Décidément collante sur tous les points cette Chizu, même dans mon bento.
Elle va pas se moquer de moi ? Quel regard elle va avoir ?
Autant être honnête. Je me prends vraiment trop la tête avec ça.
J’inhale l’air, puis soupire.
— C’est Chizu, ma sœur, qui me l’a préparée, hier soir.
— Oh ! T’as une sœur ! J’aimerais tellement en avoir une moi aussi !
Tu peux la récupérer s’tu veux.
— Elle est mignonne de te faire un plat comme ça !
Mignonne ? Sans doute.
— Ouais, même si elle est épuisante comme sœur.
Elle rit.
Dans mes pensées aussi lointaines soient-elles, personne, autre que ma sœur, n’a déjà plaisanté avec moi.
Je me souviens de nos après-midi passés au parc, c’était à cet endroit-là que Chizu dressait la plupart de ses sourires.
Nous contemplons nos repas puis prions.
— Bon appétit.
Arrête de rire comme ça.
— Bon appétit.
Nous avons profité de notre pause, sans prononcer la moindre parole.
J’aime le silence.
Une fois le ventre plein, elle est restée un instant à admirer le ciel et les formes que les nuages prenaient.
Qu’est-ce qu’elle fout ?
Le moment venu, Shimizu m’a proposé de commencer notre exploration des clubs.
L’assemblée sportive avec des tonnes de groupement différent s’est avérée inintéressante.
Me faire visiter les clubs de sport à moi, qui ai autant d’endurance que Fuutaro Uesugi, quelle vaste blague.
— Ça va, Yamazaki-kun ?
Je veux rentrer.
— Fais pas cette tête, idiot. Viens au club de littérature au moins.
Quelle plaie, j’espère que c’est le dernier.
C’est ici, que se présente pour la première fois, Masuko Ota, présidente du club. Une fille assez petite, des cheveux soyeux, rosâtres, attachés en chignon. Elle nous regarde avec ses yeux de normies couleur saphir. Je m’approche d’elle et découvre un parfum de personnage en 3D se propager jusqu’à mes narines.
C’est quoi ce truc incroyable ? Nan sérieux, j’aime trop !
Ôta nous accueille en nous interrogeant.
— Monsieur, mademoiselle, qu’est-ce qui vous amène dans mon humble club ?
Humble ? ça veut dire quoi ?
— On voulait s’inscrire ! s’exclame Shimizu.
— Je vous enregistre tout de suite, messieurs, dames.
C’est quoi cette façon de parler ? On dirait un duel de joute.
Elle nous transmet les fiches d’adhésion que nous avons remplies, puis rendues.
Je balaie le regard à travers la salle et n’aperçois personne.
Un club calme, parfait pour moi.
La présidente nous conte une tradition au sein de son groupement.
— Chers membres, adepte, ou débutant de la littérature, après votre ralliement au sein de notre club, vous devez emprunter un livre au hasard et tourner une page. La première phrase que vos yeux remarquent répondra à l’une de vos questions les plus enfouies.
C’est quoi cette légende, encore ?
Je m’avance auprès de la bibliothèque, choisis un roman sans réfléchir, et lis un extrait.
Les souvenirs, le trésor d’une vie.
Troublé, je range le livre à sa place.
C’est flippant à quel point c’est vrai. C’est une sorcière cette fille ? Elle utilise des mots inconnus. Nous sort ses théorèmes de destin j’sais pas quoi, elle me fait flipper !
Shimizu et moi passons notre première heure ainsi au club de littérature accompagné d’Ôta, notre présidente.
— Les amis, je souhaiterais concocter un journal d’information le plus grandiose possible, pour le lycée, vous pourriez m’aider ?
Non.
— Bien sûr Ôta-senpai !
Douce tristesse, pourquoi elle décide pour moi ? Ces travaux de groupe sont aussi maudits que Yuji Itadori.
— Je peux vous transmettre mon rêve ?
— S’tu veux Ôta-senpai.
Un rêve ?
— À vrai dire, je veux intégrer l’école Tôdai. Et ce journal-là j’y tiens énormément ce sera en quelque sorte mon tremplin vers mon adhésion dans la plus grande université de Tokyo !
La porte s’ouvre brusquement.
— Yamazaki Kinari, dans mon bureau !
Notre professeure principale ? Merci de me libérer de cette souffrance, je n’en peux plus d’être avec deux tarés pareils.
Je m’attendais à la rencontrer. Lors de notre examen pour entrer au lycée, ma moyenne n’a pas atteint les résultats généraux de toute ma promotion.
C’est sans doute pour ça qu’elle désire me voir.
— Yamazaki-kun, tu vas devoir participer à des cours particuliers.
Génial.
— Oui, oui, sensei.
Je n’ai pas vraiment le choix si je veux garder mes vacances.
— Ce sera ma fille qui s’occupera des cours. Elle est première de sa promotion et a un an de plus que toi.
Mon opposé dans les études.
— D’accord, sensei.
— Tout devrait bien se dérouler, je compte sur toi pour fournir des efforts si tu ne veux pas te faire virer. Tu commenceras ton premier cours, la semaine prochaine.
Attends, elle a dit… sa fille ? C’est qui ?
Malgré mon retard, je rejoins ma classe, m’assois à ma place et admire le paysage par la fenêtre.
À quelle réponse le message que j’ai lu au club peut-il faire référence ? À Chizu ? C’est vraiment trop flippant…
Je tourne la tête et observe Shimizu.
Elle n’a pas chaud avec son écharpe cette idiote ? D’ailleurs elle a repéré quoi, elle ? Et pourquoi ça m’intéresse ! Je deviens aussi fou que Ken Kaneki.
Soudainement, ma voisine me regarde en souriant.
Qu’est-ce qu’elle me veut cette accro des normies ?
J’analyse son visage.
Son sourire, je l’ai déjà vu, non ? C’était où ? Et pourquoi elle est devenue le centre de mon attention ? J’en ai marre de ce lycée !
Ses joues s’empourprent. Elle se tourne les pouces, d’un air confus, puis me demande.
— Tu pourrais venir chez moi dans la semaine pour travailler sur le journal du club ?
Moi, chez une normie ? Quel piège grotesque !
— Non.
— Tu n’as pas le choix, Kinari on doit aider Masuko à réaliser son rêve !
Son rêve… J’aimerais bien en avoir un moi aussi.
— Oui, d’accord.
— On rentre ensemble ce soir ?
Moi, rentrer avec une normie ? Quel piège grotesque !
— Non.
— S’te plait, Kinari ! Je te montrerais mes manga après !
Elle a touché un point sensible.
— Bon, d’accord.
C’est donc ça les habitudes des personnes en 3D ? Sortir ensemble après les cours ? Et d’ailleurs comment elle sait que j’aime les manga ? Ça se voit tant que ça ?
À deux pas du portail, Ôta nous barre la route, et déclare.
— Tu n’attends pas ta supérieure hiérarchique pour rentrer Yamazaki-kun ?
Une normie, ou une folle, quel dilemme !
— Désolé Shimizu, je vais rentrer avec Ôta-senpai.
— Le soleil écarlate est vraiment parfait pour une promenade à la plage, tu ne trouves pas, Yamazaki-kun. ?
Quel calvaire, et c’est que ma première semaine de lycée.
J’acquiesce d’un hochement de tête.
Les regards sinistres et angoissants que m’a lancés Shimizu m’ont rapidement fait regretter.
Tant pis pour elle.
Accompagné d’Ôta, nous marchons sur le littoral sous un ciel dégagé ; la mer portait la couleur de ses yeux, et le sable était aussi bouillant qu’une poêle du Yukihira.
Qu’est-ce que je fous ici, moi ?
Elle se tourne vers moi, les bras positionnés derrière son dos puis me demande d’une douce voix.
— Tu as un rêve Yamazaki-kun ?
Un rêve ?
— Pas vraiment.
— Tu sais, quand j’étais petite, mon père est décédé d’un cancer. Des tas de personnes le respectaient, et tout le monde l’admirait. C’était un grand ingénieur, et j’ai toujours, toujours voulu suivre ses traces. Mon père était premier de sa promotion à l’université de Tôdai. C’est mon exemple ! C’est pour lui que je déploierais tous les efforts du monde pour entrer dans cette merveilleuse école ! Je reprendrais ces travaux, et accomplirais son objectif !
— Son objectif ?
— Oui, il souhaitait créer une machine à remonter le temps !
Rintarō Okabe est son père ?
— J’espère que tu y arriveras, Ôta-senpai !
— Tu es adorable, Yamazaki-kun !
Des rêves… des souvenirs… Et moi, je dois faire quoi ?
— On fait demi-tour Yamazaki-kun ?
— Ouais.
L’amour d’un père à sa fille, c’est quelque chose d’incroyable. C’est certain que personne ne peut douter de ça !
— D’ailleurs Yamazaki-kun.
— Oui ?
— Merci pour aujourd’hui, ça m’a vraiment fait vibrer le fait que tu crois en moi !
— De… euh… De rien.
Ôta et moi n’habitons qu’à quelques rues l’un de l’autre. Par cette nuit sombre, j’ai décidé de la raccompagner jusqu’à chez elle. Devant son immense maison, je suis resté bouche bée.
Elle est aussi blindée que la famille Nakano ? Mon sanctuaire est dégueulasse à côté de ce château !
Notre présidente me salue de la main, sourit et s’écrie.
— Merci de m’avoir ramené, Yamazaki-kun !
Pourquoi j’ai fait ça moi déjà ?
Je l’imite puis rejoins mon appartement.
Les lampadaires illuminent encore la rue qui sépare mon domicile de celui d’Ôta.
Des personnes incroyables existent dans ce monde en 3D.
J’ouvre la porte de mon sanctuaire, et constate que Chizu est endormie sur le canapé. Je l’ai donc porté jusqu’à sa chambre pour la coucher.
— Désolé de ne pas être là plus tôt, sœurette.
Elle a dû m’attendre pendant des heures.
Je remarque un message, noté sur un papier, posé sur la table.
J’ai mis une boîte de nouilles instantanées dans le micro-ondes, nourris-toi bien, grand frère.
— Que ferais-je sans toi, sœurette.
Elle est vraiment incroyable, elle aussi.
*Princesse Kaguya : Princesse d’un célèbre conte japonais.
*Fuutaro Uesugi : Personnage principal intelligent, mais n’a aucune capacité physique.
*Yuji Itadori : Personnage principal maudit après avoir récupéré un objet.
*Ken Kaneki : Personnage principal qui change complètement de personnalité.
*Yukihira. Restaurant du personnage principal de Food Wars.
*Rintarō Okabe : Personnage principal de Stein’s Gate souhaitant créer une machine à remonter le temps.
*Nakano : Famille composée de 5 quintuplées et d’un père très riche.