Anzu et moi restons ensemble à discuter, mais l’heure nous a coupés. J’avais également mon épreuve à parcourir et le départ était prévu dans un quart d’heure.
Ça me laisse le temps d’y aller en marchant.
Je me positionne sur la ligne et remarque Yamaguchi et Maeda qui me saluent de la main.
Ils doivent courir aussi vite que les capitaines de club…
J’inhale tout l’air disponible, et me concentre.
Le coup de feu éclate et annonce le départ.
Un troupeau d’hommes défile devant moi. Quelques secondes plus tard, j’étais déjà seul, loin derrière eux.
Qu’est-ce que j’imagine, sérieusement.
Commence par déplacer tes jambes, idiot.
Anzu compte sur moi, je dois essayer, ne serait-ce qu’un peu…
Je cours à mon rythme et pense à tout ce qui me donne de la force : ma sœur, et ma vie d’otaku.
Ce kilomètre-là, il est pour toi, Hikigaya.*
Hikigaya est un personnage si charismatique, bordel j’aimerais tellement lui ressembler !
Trois kilomètres.
Je n’en peux plus, mon cœur va me lâcher.
An… Aneko ? Pourquoi elle court dans ma direction ?
— Allez, chéri, fonce ! Je t’accompagne sur un kilomètre !
Quatre kilomètres.
Je vais mourir.
An… Anzu ? Pas toi !
— Kinari, pourquoi tu ralentis ? Donne tout, je crois, en toi !
Elles sont folles.
— Tu ressens cette force, Kinari ? Balance-les tes jambes !
Quelle est cette chaleur en moi ? D’où provient-elle ?
Elles ont subi une course éprouvante, il y a quelques heures, et elles se démènent pour m’aider.
Putain, je vais surpasser mes limites !
Cinq kilomètres.
Je ne sens même plus la gravité…
Masuko arrive à son tour.
— Darling, court pour le club ! Élance tes bras, je veux te voir voler !
Quelle est cette émotion ? De l’adrénaline ? De la rage ?
Je donne tout ce que j’ai et augmente mon rythme, encore et encore.
Ne pas les décevoir, ne pas les décevoir…
Je découvre des personnes s’écrouler d’épuisement devant moi.
Dire que j’aurais pu être à votre place.
Guidé par mes émotions, ma détermination explose.
Je dois terminer cette course coûte que coûte… coûte que… coûte…
Six kilomètres.
J’atteins la ligne d’arrivée et contemple ces brèves étoiles qui apparaissent dans mon champ de vision. C’est la dernière image que j’ai visualisée avant de m’écrouler dans les bras de Masuko.
J’ai mal.
Je souffre.
J’ouvre lentement les paupières.
Aïe… je sens plus mes jambes. Je me suis fait amputer par la Dragonslayer ?*
Qu’est-ce qu’elles foutent là, ces quatre-là ?
J’entends notre présidente de club prévenir les filles de mon réveil. Elles s’approchent de moi et me dorlotent.
— T’aurais pu t’écrouler sur une fille qui est amoureuse de toi au moins, marmonne Aneko, d’un air capricieux.
— Ou sur une fille qui prend soin de toi, bafouille Anzu en croisant les bras.
— T’avais tellement la classe, sensei !
C’est la première chose qui vous vient en tête, sérieusement ?
— Ce n’est pas le moment pour ça, les amies ! Arrêtez vos caprices.
Je me lève doucement de mon lit et admire le crépuscule.
Il est si tard ?
— On voit déjà les étoiles les filles, vous devriez vous en aller, je me sens beaucoup mieux.
Aucune des quatre n’ose partir en première.
Je démarre le pas et rejoins mon appartement avant de remercier mes camarades d’avoir veillé sur moi pendant mon sommeil.
Je m’écroule sur mon lit.
Une première journée bien trop sportive pour moi…
— Aïe !
J’ai encore des courbatures ? J’y crois pas. Mais quel idiot je suis d’avoir fait des efforts pareils !
Je me lève de mon lit, ouvre la fenêtre et crie.
— Je te maudis, festival !
Je me promène dans ma chambre et réfléchis.
Des courbatures… une douleur extrême. Mais oui, évidemment !
Je retourne auprès des carreaux avant de hurler, une dernière fois.
— Je te bénis, festival !
Je vais pouvoir sortir l’excuse des courbatures à mon professeur d’EPS et éviter l’épreuve de natation, parfait.
Je retrouve Anzu qui m’attendait encore une fois, depuis presque trente minutes.
Elle a assisté à mes deux cris depuis ma fenêtre ? Merde.
Aujourd’hui, c’est différent, j’ai un plan en poche qui met la barre de mon humeur au maximum.
Récapitulons, dans un premier temps, je m’adresserai au professeur d’EPS en lui confiant que j’ai des courbatures. Ensuite, je m’éclipserais en douce pour lire mes manga. C’est un stratagème court, mais infaillible.
Après avoir surjoué la comédie à mon instituteur d’EPS, il m’a obligé à observer la course de natation.
Tant pis, on ne s’échappera pas… je n’aurais qu’à dévorer mon shōjo pendant que tout le monde a les yeux rivés sur l’épreuve.
Je m’installe sur un banc puis Aneko m’aperçoit, et s’assoit à côté de moi.
— Chéri, tu v’bien rester me r’garder nager, s’teuplait ?
Vous comptez tous nuire à notre plan ? s’interroge Kinari otaku.
— Pourquoi ?
— J’ai p-pporté le maillot qu’tu préfères, alors si t’es pô là, je le prendrais mal !
La carte de la culpabilité, jolie pioche. À mon tour, je choisis celle du mensonge. Rien ne se mettra en travers de ma lecture.
— Je vais te regarder, dans ce cas.
Ça fait peut-être un peu pervers…
Aneko reste avec moi toute la matinée.
— Chéri ?
— Oui ?
— Je l’avais pas encore fait, mais merci d’avoir essayé de réaliser mon rêve.
— Euh… De rien, Aneko.
— Je crois que c’est à cause de ça que je suis tombée amoureuse de toi. À vrai dire, t’as tellement la classe quand tu te démènes pour moi. Ça me fait tellement craquer !
Bordel, arrête-toi, j’vais m’évanouir, là…
— T’as vraiment pas intérêt à me mettre sur le banc de touche, je t’aime bien plus que Masuko !
Mon cœur bat vite, il bat beaucoup… beaucoup trop vite…
— Je… euh… oui.
J’sais plus quoi dire.
Masuko et Anzu se présentent devant moi et m’interrogent.
— Laquelle de nous deux a le plus joli bikini ?
Ma-gni-fique, bégaie Kinari amoureux avant de perdre cinq litres de sang par le nez.
Leurs jambes semblent si douces… mais elles ne sont pas censées être en maillot scolaire ?
Elles en ont pas marre avec leur concours ridicule ? marmonne Kinari blasé.
Qui choisir…
Je me souviens que la veille, Anzu m’avait énormément taquiné en allant au lycée.
Pour lui rendre l’appareil, j’annonce mon verdict.
— Je préfère celui de Masuko !
Anzu croise les bras, prend place sur le plongeoir aux côtés de notre présidente du club et d’Aneko.
Elle s’est même pas mise en colère ? Dommage.
Le coup de feu étant tiré, elles pénètrent dans l’eau avec entrain.
Ça peut être intéressant de suivre au moins cette course, nan ? Mon manga attendra un petit peu.
C’est assez équilibré entre elles !
Anzu, d’une motivation dévastatrice, gère mieux sa respiration que ces concurrentes. Aneko adopte une nage violente, en éclaboussant les deux autres filles.
L’héroïne des eroge c’est pas digne de toi !
— Ôta perd son endurance ! s’écrie le professeur de natation.
Ils ont un commentateur ? C’est si passionnant que ça ?
Qui va remporter cette course ?
Les gestes parfaitement exécutés d’Anzu lui font prendre l’avantage.
Aneko, t’es aussi lente qu’Uesugi Fuutarou,* arrête d’éclabousser tout le monde !
— J’ai gagné !
Anzu ? Dommage, j’avais misé sur Masuko.
Sur le panneau d’affichage des points, notre équipe était en tête suivie de la bleue et pour finir les jaunes en dernière place.
Après leur course, les filles m’ont encerclé.
Qu’est-ce qu’elles me veulent ?
Aneko s’avance et me confie.
— On t’a caché quelque chose, chéri… On a décidé que la gagnante avait le droit à une opportunité.
Qu’est-ce qu’elle raconte ?
— Une opportunité ?
Depuis quand elle emploie des mots si complexes ?
Anzu s’approche de moi et me chuchote.
— Celle qui remporterait cette course aurait la chance d’avoir un rencard avec toi.
Et on n’a pas notre mot à dire ?
Un rencard ? Un rencard ! Bordel, un vrai rencard ?
— Tu veux bien qu’on se retrouve que tous les deux pour Noël ?
Je l’observe, et pense aux mots de Chizu.
Grand frère je veux que t’es un rencard pour Noël ! J’ai vu au journal que c’était quelque chose d’unique !
Autant écouter son conseil…
— Oui…
Elle saute dans mes bras les larmes aux yeux.
— Merci, articule-t-elle sensuellement.
Les perdantes progressent vers nous et nous étreignent.
— M’oublie pas, darling !
— M’abandonne pô, chéri !
Elles s’accrochent toutes, à chaque partie de mon squelette.
Si mon corps est une brindille, alors je dois sans doute ressembler à une branche fleurie…
Hikigaya : Personnage principal au centre d’un triangle amoureux. ( Oregairu )
Dragonslayer : Arme du personnage principal Guuts ( Berserk )
Uesugi Fuutarou : Personnage principal sans aucune capacité physique. ( The Quintessial Quintuplets )