Dernier jour de vacances au chalet…
Depuis le feu d’artifice…
— Masuko c’est à mon tour d’être avec Kinari ! Tu l’as eu toute la matinée !
— Laisse-moi encore un peu avec darling !
Je n’ai pas besoin d’expliquer davantage, voilà le calvaire dans lequel je respire désormais.
Je suis aux anges, me confie Kinari amoureux.
Mais aujourd’hui, trêve de détente.
La veille, Aneko a émis l’idée qu’on aille tous faire un test de courage dans un tunnel. Les médias content que les esprits malfaisants ont rempli cette galerie. Les histoires de fantômes, j’y crois pas vraiment à vrai dire, mais, c’est notre dernière activité ensemble avant de reprendre l’école, donc pourquoi pas.
Ça ferait sans doute plaisir à ma sœurette de se faire un maximum de souvenirs avant de rentrer.
Masuko nous rejoint en agitant un journal puis s’écrie.
— Regardez, regardez ! Je l’ai trouvé !
Nous nous approchons.
Elle nous tend de vieilles actualités, poussiéreuses.
— Lis-le à haute voix, darling.
Je récupère l’article.
— Ceci est destiné aux jeunes en recherche d’aventure. Votre périple se passera dans le tunnel de Futtsu. C’est tout ?
— Mais non, darling, regarde en dessous !
Je tousse, puis reprends la lecture.
— Trente ans auparavant, un gang de motards ont fait une promenade et se sont tous aventurés dans ce tunnel, cependant, ils n’en sont jamais revenus. La cause de ce drame est à ce jour inconnue. Depuis trente ans, le tunnel de Futtsu est réputé pour ses phénomènes paranormaux. Les esprits habitent et hantent désormais l’âme des motards. Si vous voulez vous y rendre, prévoyez une lampe torche ! Bon courage aux amateurs de sensations fortes.
Personne ne peut croire à ce bordel.
Je relève la tête et remarque les tremblements de ma sœur.
Sœurette ?
Le reste du groupe a des yeux aussi éblouissants que Chitanda Eru.*
Quelle plaie, sérieux.
— Ceux qui veulent venir, lever la main, s’écrie joyeusement Masuko.
Inoue et Anzu sautillent autour de nous.
— On participe, répètent-elles sans cesse.
Les garçons fuient la conversation.
Masuko leur barre la route, et leur demande.
— Vous venez pas, vous ?
— On aime pas trop ce genre de défi, désolé.
Les filles détournent leurs regards vers moi.
— T’as peur toi aussi, Kinari ?
Très bon niveau de persuasion…
— Non, non, je vous accompagne.
Ma sœur et les deux garçons sont restés au chalet pendant que nous sommes partis en direction de notre épreuve pour passer notre test de courage. Le principe est simple : traverser une galerie inapte à la circulation.
— Le voilà le fameux tunnel, il fait pas si peur que ça finalement !
Ne parle pas trop vite, Anzu.
Nous avançons à pas de loup.
Elle n’a peut-être pas tort, rien de bizarre, c’est assez commun, à première vue. Il y fait juste très sombre.
Un vent glacial effleure notre peau.
Brrr, c’est flippant ici !
Masuko me regarde et me suggère
— Tu es le seul garçon, darling, tu passes en premier !
Putain.
De toute manière, les esprits n’existent que dans les films ou dans les manga, pas dans la vie réelle, si ?
Un otaku bête et peureux, génial, soupire Kinari blasé.
Moi peureux ? Tu vas voir, idiot.
Je lance le début de l’épreuve. Chaque marche effectuée dans le tunnel, je l’ai compté.
D’après les médias la galerie fait cinq cents mètres, donc un peu plus de cinq cents pas. J’en suis capable ! Et si je ne le fais pas pour moi, je le ferais pour toi, Hikigaya* !
Au bout d’une centaine de pas, je ressens l’angoisse de mes camarades.
Aide-les ! Montre-leur que t’es un putain de bonhomme, déclare Kinari énervé.
— C’est qu’un tunnel, rien de plus ! Aucun esprit est présent ici !
— Ris pas comme ça, idiot. C’est plutôt toi qui nous fais peur.
Bordel, j’ai aucun charisme.
Aneko pointe l’un des murs de la galerie et me demande.
— Tu peux éclairer par là, Kinari ?
Je lève la lampe torche et nous constatons qu’un message est inscrit.
À partir d’ici, veuillez rentrer chez vous.
J’ai un mauvais pressentiment.
Les filles s’agitent dans tous les sens, et brassent l’air avec leurs bras.
— On va crever ici ! s’écrie Anzu.
— Je ne veux pas mourir darling !
J’suis censé faire quoi, bordel ?
Si elle te gave, je peux m’en occuper chuchote Kinari énervé en sortant ses deux khukuris.
Casse-toi vieux psychopathe !
Rassure-les, imbécile, me suggère Kinari sérieux.
Bonne idée, le binoclard.
— Ce sont peut-être des enfants qui ont écrit ça pour nous faire peur ! Vous inquiétez pas, ça existe pas les esprits !
— Tu… t’as sans doute raison, Kinari.
Pfiou, j’ai réussi.
Après une cinquantaine de pas, je marche sur quelque chose de souple, assez visqueux.
Beurk, c’est quoi ce truc dégueulasse…
Au même moment, un vent terrifiant se propage dans le tunnel et nous entendons des cris résonner.
C’est flippant à mort !
Je me retourne vers les filles l’expression terrorisée.
Pourquoi elles m’encerclent toutes ces idiotes ?
Anzu attrape mon bras gauche, Masuko s’empare de l’autre et Aneko se faufile derrière moi en serrant mon bassin.
Mon cœur bat à mille à l’heure. Putain, ces trois filles attachent chaque partie de mon corps !C’est quoi ce bordel !
— Je commence à avoir peur, Kinari, me confie Anzu.
Je caresse le haut de son crâne.
Je crois que c’est ce que fait Chizu lorsqu’on regarde des films d’horreur, non ?
— J’en veux aussi, darling !
— Do not forget me !
Je déteste ce harem.
Et pourquoi elle parle anglais, cette héroïne des eroge ?
J’effleure la tête de chaque fille en alternant toutes les cinq secondes, puis nous progressons.
— De la lumière, Kinari !
Enfin !
Leurs sourires se dessinent, mais ne sont qu’éphémères.
Nous remarquons deux ombres rentrer dans la galerie et accourir dans notre direction.
Bordel c’est quoi ça encore ? Des esprits ? Des fantômes ? De simples joggeurs ?
Incapable de faire le moindre pas, nous observons les deux silhouettes s’approcher de nous.
— Faites demi-tour, si vous tenez à votre peau !
C’est quoi cette phrase tellement clichée ?
Bordel, ce tunnel est aussi effrayant que Goto*.
Nous rebroussons à toute vitesse la sortie, ou plutôt l’entrée du tunnel.
J’suis en sueur, mon cœur bat tellement vite, putain.
Nous récupérons notre souffle.
C’était terrifiant, ce tunnel !
Mon visage reçoit des tonnes de confettis.
— Pas trop peur, grand frère ?
Elle ricane, puis m’explique.
— C’est moi qui ai préparé tout ça. J’allais pas rester les bras croisés alors que vous vous faites des souvenirs sans moi !
Putain de destin de merde.
— Le message venait de moi, on a pris un raccourci pour le placer avant que vous entriez. Yamaguchi et Maeda vous ont coursé en vous hurlant dessus, vous auriez vu vos têtes, c’était trop drôle !
Drôle ? Sérieusement, c’est censé être…
Les filles rient aux éclats.
— Bravo, Chizu c’était trop bien !
Drôle ?
La pression est redescendue petit à petit.
Tu n’as vraiment aucun courage, soupire Kinari blasé.
Tu n’as pas tort. Elles doivent penser que je suis un imbécile à avoir eu aussi peur.
Arrête un peu de t’occuper des autres, idiot, ajoute-t-il.
Nous repartons en direction du chalet pour passer notre dernière soirée entre nous. Sur le chemin du retour, Chizu nous confie.
— On vous a photographié pendant votre test de courage, vous voulez les voir ?
Excitées à l’idée d’examiner nos visages absorbés par l’inquiétude, les filles acceptent sans même me laisser dire le moindre mot. Ma sœur nous montre les photos, parmi elles se trouvent celle du moment où les filles se sont accrochées à moi.
— Tu peux nous envoyer celle-ci sur LINE ?
— Oui, avec plaisir !
Nous nous installons dans le canapé et Maeda, enthousiaste, nous propose.
— Vous voulez jouer au jeu du roi ?
— Qu’est-ce que le jeu du roi ? demande notre présidente.
— Les règles sont simples, vous devez tous tirer un bâtonnet sur les sept. Sur les six premiers bâtonnets, vous trouverez un numéro compris entre un et six. Sur le dernier, le mot « roi » y est inscrit.
Il appelle ça simple ? J’ai rien capté.
— Si vous tombez sur le bâtonnet du roi alors vous devez dire « tel nombre fait telle chose à tel nombre ». Par exemple, si j’suis le roi et que j’demande au numéro un de dire ce qu’il pense du numéro deux, sachant qu’Anzu est le numéro un et que Chizu est le numéro deux, alors Anzu doit dire ce qu’elle pense de Chizu.
Parfait, j’ai carrément rien compris.
Le corps d’Anzu se tortille sur lui-même.
— Je veux y jouer tout de suite !
Je suis le seul à rien capter ? La honte…
Masuko s’empare du bras d’Anzu et lui déclare.
— Je vais t’ordonner de faire des choses exécrables.
Ça peut s’annoncer intéressant, finalement.
Maeda attrape les sept bâtonnets, les tend au milieu de la table, puis j’en saisis un.
Numéro deux, porte-moi chance, Yumeko Jabami.*
Chizu se lève.
— Je suis le roi ! Alors le numéro trois doit porter ça jusqu’à la fin du jeu, s’écrie ma sœur en agitant des oreilles de lapin.
D’où sort-elle un accessoire pareil ?
— C’est moi le numéro trois, marmonne Anzu.
Effectivement, ça s’annonce même très intéressant. Est-ce qu’elle va ressembler à Mai Sakurajima ?*
Elle dispose sur sa tête, les oreilles de lapin, puis me murmure.
— T’aimes bien, Kinari ?
— Ça te va bien, Anzu.
Je n’ai pu m’empêcher de pouffer de rire dans son dos. Elle est à des années-lumière du niveau de Mai Sakurajima.
On récupère tous un bâtonnet, puis Maeda se lève.
Numéro quatre.
— C’est moi le roi cette fois-ci ! Pimentons un petit peu le jeu. Je demande au numéro quatre d’embrasser la main du numéro six !
Quelle main va-t-on embrasser ? rêve Kinari amoureux en s’écroulant par terre.
— C’est moi le numéro quatre… je dois embrasser quelle main ?
Masuko tend sa paume vers moi, puis ferme les yeux.
Sérieusement ?
Je progresse vers elle et embrasse ses doigts
Bordel, quel destin de merde !
Aneko, énervée, nous dévoile son bâtonnet, puis s’écrie.
— C’était moi le numéro six !
C’est une blague ?
Je fixe Masuko et lui demande.
— Pourquoi tu m’as tendu la main, idiote !?
— Je voulais connaître la douceur de tes lèvres, me répond-elle puérilement.
Je déteste ce harem.
J’attrape le poignet d’Aneko puis approche mon visage d’elle.
Je dois vraiment le faire ? C’est ce qu’elle souhaite ? J’imagine que oui.
J’embrasse ses doigts.
Mon cœur palpite, mon cœur bat très vite. Bordel qu’est-ce qu’il se passe !? Je panique à mort !
Je relève la tête, et admire ses pommettes s’empourprer.
Elle est tellement belle.
Elle a des mains si douces, c’est impressionnant. L’odeur de rose, c’est son parfum ? Il sent si bon…
Je me noie dans ses jolis yeux en amande couleur noisette, rêve Kinari amoureux.
N’en rajoute pas, toi.
Nous avons continué de jouer quelques heures, quelques rebondissements nous ont tenus éveillés, mais la fatigue l’a emporté au sein du groupe.
Yamaguchi et Maeda se lèvent.
— On monte nous, on est crevé, à demain !
Les filles les suivent.
— On fait pareil de notre côté, à demain, Kinari. À demain Chizu.
Pfiou, cette soirée m’a épuisé.
— Bonne nuit, les amies, je vais rester un petit peu avec mon grand frère, moi.
T’es adorable, sœurette.
Elle progresse petit à petit vers moi.
Tu me fais peur, sœurette.
Elle analyse l’entièreté de mon corps et de mon visage.
T’es terrifiante, sœurette.
Elle approche sa tête à cinq centimètres de moi, et me chuchote.
— T’es amoureux de quelqu’un, grand frère ?
Tu me fais flipper à mort là !
— Pourquoi tu me demandes ça, Chizu ?
— Je suis curieuse ! J’ai remarqué que tu t’étais fait plein de potes en ce moment, c’est pas vrai ?
N’utilise pas des expressions de Chitanda Eru sans même la connaître, soupire Kinari otaku.
— Pas vraiment. À mes yeux, je vois Masuko et Anzu comme mes camarades de club si c’est ce qui t’inquiète.
— Et Aneko ?
— Aneko ? Disons qu’elle m’intrigue, lui dis-je en haussant les épaules. Tu passeras toujours avant tout le monde, Chizu, t’en fais pas.
— C’est pas ça, soupire ma sœur. J’ai peur qu’à cause de ma… maladie, tu aies renfermé tous tes sentiments. J’ai peur que par ma faute, tu sois pas heureux !
Chizu…
— J’aimerais qu’un jour, je puisse voir mon grand frère joyeux avec sa petite amie. Je voudrais que tu m’invites dans ta maison que t’auras achetée avec ta copine et que je vous prépare un bon curry !
Chizu…
Les larmes de ma sœur me rendent moi-même triste.
— Tu sais, pour toi il est normal de penser que demain viendra après aujourd’hui, non ? Qu’après cette semaine-ci viendra la semaine prochaine, qu’après ce mois-ci viendra le mois prochain et qu’après cette année-ci viendra l’année prochaine.
Putain de destin de merde, sérieux.
— Mais moi je n’ai pas cette chance. Si je m’endors aujourd’hui peut-être que je ne me réveillerais pas demain. L’instant présent, c’est tout ce que j’ai. Alors s’il te plaît, grand frère, soit heureux à ma place, soit heureux pour moi !
Je l’étreins silencieusement.
— Merci, grand frère.
— Je suis si…
— Tais-toi !
Je me sens si nul.
Je relâche mon emprise et la regarde repartir dans sa chambre.
Avoir une petite amie comblera ma sœur ? Ça pourrait la rendre heureuse ?
J’avais beau essayer de comprendre. Quelque chose me bloquait.
C’est si palpitant l’amour ?
Le partage d’émotions me semble pourtant inutile.
Alors, pourquoi aimer, sérieusement ?
Chitanda eru : Personnage principal ayant des yeux globuleux lorsqu’elle est curieuse. ( Hyouka. )
Hikigaya : Personnage principal de l’œuvre Oregairu.
Goto : Personnage physiquement horrible. ( Parasyte : The maxim )
Yumeko Jabami : Personnage principal adorant les jeux de société. ( Kakegurui )
Mai Sakurajima : Personnage principal qui se déguise en fille-lapin. ( Bunny girl Senpai )