Fuku No Ikari
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Chapitre 8 – Rencard
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Malgré mon anxiété pour les grandes foules, je prends mon courage à deux mains et traverse une rue commerçante. Les artisans se démènent tous pour remplir leurs assiettes, la vie après les études m’a paru vraiment flippante. Je m’arrête devant une vitrine et m’admire. Je passe ma main dans mes cheveux à plusieurs reprises pour essayer de me recoiffer puis resserre ma cravate.

— Je dois donner mon maximum dans ce rendez-vous avec Kotone-chan.

J’attrape le flocon de parfum que j’ai au préalable rangé dans mon cartable et laisse quelque goutte glisser le long de mon cou.

— D’après les sondages que j’ai lus sur Internet, c’est le meilleur produit pour séduire une fille.

Je n’ai jamais réellement eu d’entrevue avec quelqu’un. Étrangement, j’ai ressenti, au moment de reprendre mon chemin, une boule dans mon estomac.

Quelle sensation dérangeante, sérieux.

Cependant, ce sentiment là reste bien moins douloureux que les cicatrices de mon enfance. Je regarde le café face à moi, puis jette un œil à ma montre.

J’ai dix minutes d’avance, je vais pouvoir patienter un petit peu.

Je frotte mon pied contre le sol, puis m’assieds. J’attrape un cahier dans mon sac et révise quelques leçons.

— Il devrait être l’heure, là non ?

Je vérifie et m’aperçois qu’il reste encore huit minutes d’attente. Je tapote contre le cadran et tente de régler les aiguilles.

— Seulement deux minutes se sont écoulées… C’est interminable !

Cette boule à l’estomac me grignote petit à petit. Je décide de me relever et de marcher. Cependant, la foule qui est toujours si imposante me fait vite regretter. Je tourne donc en rond devant le café à patienter. Chaque minute je vérifie mon odeur, ma coiffure, les poils dans mon nez, tout doit être impeccable.

— Sayuri-kun !

Tout le stress accumulé descend d’un coup. Je me sens libre et libéré. Cette fille n’est pas qu’une simple harpiste, c’est la déesse de mes délivrances. Du moins c’est ce que je pourrais penser si j’étais incapable de me remémorer mon passé.

— Kotone-chan !

Ma camarade s’approche de moi en me faisant de larges signes de la main avec un grand sourire. En un instant, mon horizon s’est transformé en un condensé de douceur.

— Tu n’attends pas depuis trop longtemps ?

— Non, non. Ça va.

— Tant mieux, je suis désolée. J’ai dû m’occuper de mon club avant de partir du lycée.

Nous entrons dans le café et nous installons dans un coin de ce dernier. Sur la table voisine, nous rencontrons le regard de deux étudiantes de notre établissement et nous surprenons leurs conversations.

— Tu as vu, c’est Sayuri-kun !

— C’est lui ? Il est magnifique !

— J’aimerais tellement pouvoir lui parler.

— Moi aussi.

Kotone croise les bras et reste silencieuse. Je me gratte la nuque et décide de relancer notre dernier sujet.

— Dans quel club es-tu ?

— Celui de musique.

Question idiote.

— Ah, oui tu es une harpiste !

— Et toi, tu es bien trop connu, me dit-elle en détournant le regard.

J’inhale l’air et tente un sourire avant de lui demander.

— Tu as choisi ce que tu voulais ?

— Un garçon avec un peu moins de notoriété. Et toi ?

— Une fille aussi séduisante que toi.

Comme on dit au poker, c’est un All in, ça passe ou ça casse.

La musicienne me dévisage et laisse paraître sa gêne sur sa figure. Elle reste paralysée, encore une fois, le temps semble interminable.

— Vous avez choisi, demande notre serveuse.

— Oui, un parfait pour moi.

— Et pour votre petite amie, questionne-t-elle en esquissant un sourire.

— Pour elle, ce sera un frappé à la fraise.

— Entendue, je vous amène ça.

Kotone, toujours paralysé, ouvre la bouche et bégaie.

— Pe… petite…

— Kotone-chan, tu te sens bien ?

— Oui, oui, répond-elle après avoir inspiré et expiré tout l’air disponible dans cette pièce trois fois.

À ce moment-là, je réalise une chose primordiale dans ma vie étudiante. Je contemple les nuages à travers la vitre et pense.

Je suis en train de vivre le premier rencard de mon existence.

— Sayuri-kun ?

Attends Fuku, j’ai déjà entretenu ça avec une autre fille. Comment s’appelait-elle ?

— Sayuri-kun !?

Ayame Takagi ! Alors c’est elle qui m’a volé mon premier rendez-vous, c’est une terrible nouvelle. Je ne l’avais même pas remarqué avant, c’est vraiment terrible.

Kotone attrape mes joues, approche son visage à cinq centimètres du mien et crie.

— Sayuri-kun !!!

J’ouvre mes paupières frénétiquement et admire la figure de ma camarade. À cette distance, je peux observer la douceur de sa peau. Je peux sentir l’arôme de sa crème hydratante, qui pourtant, a un parfum inodore.

— Proximité, hurle Kotone.

Elle s’écarte et me laisse contempler ses joues pourpres.

Elle est mignonne.

La serveuse met fin à notre scène en nous tendant nos deux desserts.

— Et voici notre parfait pour monsieur et un frappé fraise pour sa charmante petite amie. Bonne dégustation.

Kotone ne me lâche pas du regard. Elle ouvre la bouche et bégaie.

— Elle… elle l’a redit…

— De quoi parles-tu, Kotone-chan ?

— Rien, rien. Laisse tomber, dit-elle avec agacement en attrapant sa paille.

Après quelques bouchées, je remarque qu’elle se rapproche de moi avec une serviette en main.

— Ferme les yeux, et ne bouge pas, Sayuri-kun.

Je m’exécute et ressens un doux toucher sur ma joue. Ce dernier a quelque peu tremblé. Elle retire le morceau de glace et me dit en expirant.

— J’ai réussi.

— Oui, oui. Bien joué.

— C’était super bon, Sayuri-kun. Merci de m’avoir amené ici !

— Avec plaisir, Kotone-chan.

Observant la nuit tombée, nous avons décidé de sortir du café.

— J’ai le ventre plein, s’exclame-t-elle en s’étirant.

— Moi aussi. D’ailleurs, tu veux que je te raccompagne ?

— Je n’habite pas très loin, ne t’inquiète pas.

Je retire ma veste et la dépose délicatement sur Kotone puis lui demande.

— Tu auras moins froid comme ça. Tu sais, je préfère rester avec toi, je n’aime pas laisser une camarade seule la nuit.

— Parce que tu as déjà raccompagné d’autres filles, me questionne-t-elle en croisant les bras.

— Pas vraiment, mais c’est ce que j’ai remarqué dans les films.

— Dans ce cas, je veux bien, s’exclame-t-elle, joyeusement en attrapant ma manche.

Je me gratte la nuque et lui réponds avec stupéfaction.

— Qu’est-ce que tu fais, Kotone-chan ?

— Chut, dit-elle en mimant un silence. C’est ce que moi j’ai remarqué dans mes films.

— Oui, je vois.

Nous décidons de partir. Sur notre chemin, nous entendons le son ensorcelant des vagues de la mer taper contre les parois. Cependant, son parfum reste bien plus envoutant.

C’est perturbant qu’elle porte le même que Tsubaki, mais c’est devenu habituel. Je suis bien plus en compagnie de Kotone que de l’actrice à succès. Ça peut paraitre étrange, mais c’est pour le bon déroulement de mon plan. Ma sentence sera absolument machiavélique.

— Sayuri-kun, regarde, s’écrie la jeune harpiste en pointant le parc du doigt.

— C’est le même endroit que la dernière fois ?

— Oui ! Je veux qu’on aille faire de la balançoire !

Elle s’assied et commence à prendre de l’élan. À ce moment-là, le froid ne l’atteint plus. Seule la liberté la guide. De temps en temps, je navigue dans mes pensées, me demandant si mon passé avait été différent, aurais-je pu avoir des sentiments pour elle ? D’ailleurs peut-on ressentir quelque chose pour une personne qui nous a humiliés de nombreuses fois ? Je ne peux pas répondre à ces questions. Mais une chose est certaine, cette musicienne est capable de voler. C’est dommage pour elle que je dresse bientôt mon fusil sur ses ailes.

— Sayuri-kun ?

— Oui, grande divinité ?

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— Tu es si haut qu’on peut imaginer une déesse.

Elle écrase son pied contre le sable et murmure timidement.

— Là, c’est mieux ?

— Différent, disons.

— Idiot, dit-elle subitement en croisant les bras.

— Que voulais-tu ?

Elle reprend son élan et se balance doucement.

— Arrives-tu toujours à respirer ?

— Encore cette question ? Bien sûr que oui, sinon je serais mort. Je te l’ai déjà dit !

— J’entends cette même réponse sans cesse, dit-elle en soupirant.

— Et toi ?

— Moi, j’ai constamment du mal. Mais, récemment quelqu’un réussit à me donner un peu de son oxygène.

— Les arbres ?

— Non.

— Tsubaki-chan ?

— Tu es vraiment idiot.

Je me lève de la balançoire et m’allonge au sol, pour contempler les quelques étoiles perceptibles à l’œil à travers le ciel noirâtre.

— Oui, oui, sans doute. D’ailleurs tu as des projets pour ta musique ?

— J’ai un concours bientôt. Je suis en train de me préparer, mais je trouve ça flippant.

— Flippant ?

— Oui. À chaque nouvel évènement, il demande un niveau supérieur. Et je ressens ça comme quelque chose d’angoissant d’en quémander plus et encore plus.

— Tu n’as pas tort. Bon courage, lui dis-je en levant mon poing en l’air.

— Merci.

— On devrait rentrer, il est tard, Kotone-chan.

— Oui, je suis fatiguée, me confie-t-elle en bâillant.

Au loin, j’observe sa maison. Ce qui est étrange c’est qu’elle a déménagé dans la même ville que moi. Comment le destin a pu s’acharner autant sur moi ? Un réel traître, cet inconnu.

— À demain, Sayuri-kun !

— Oui, oui.

Cette lourde journée se conclut par un sourire mémorable et un signe de la main assez énergique.

J’ai mené le début de ma première sentence à merveille.



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