Le bruit d’oiseaux est accompagné de celui de pas sur le sol feuillu. La forêt n’est pas bien visible, vu que la caméra bouge de gauche à droite, preuve du manque de professionnalisme de la part du jeune homme. Toutefois, cela n’est pas le plus important pour lui… ni pour la jeune femme à ses côtés. Ils avancent sans hésiter entre les arbres, tous les deux silencieux, mais la caméra du téléphone à la coque noire filme quand même. Cela n’est pas une erreur : si quelque chose devait arriver avant qu’ils arrivent là-bas, ils préfèrent pouvoir le capturer en caméra plutôt que de laisser passer cette occasion. En général, ils marchent main dans la main, mais cette fois-ci, vu qu’ils ont tous deux une caméra dans leur emprise, ils avancent juste l’un à côté de l’autre. Rapidement, ils arrivent à l’endroit qu’ils cherchaient, l’un qu’ils ont trouvé il y a quelques jours. Ils se regardent l’un l’autre et finalement acquiescent, de la détermination dans leur courage, celle-ci se mélangeant à du courage et une touche de peur. Après avoir déglutit difficilement, le jeune homme qui doit à peine avoir 20 ans lève sa caméra et se filme avec la jeune femme à ses côtés qui est clairement sa copine. Le manque de bague autour du doigt ou de trace qu’il y en a une normalement fait bien comprendre qu’ils ne sont pas mariés.
– Bonjour ou bonsoir, nous sommes ‘Clérine’ !
De voix enjouées et amicales, ils se présentent à la caméra. Le nom est jeu de mot des deux prénoms du couple : le ‘Clé’ de Clément et le ‘Rine’ de Maurine. Le jeune homme possède des cheveux châtains très courts, tandis que la jeune femme a des cheveux plus longs et blonds, mais ils ne lui arrivent pas plus loin que les omoplates. Vu qu’ils sont bouclés, on dirait qu’ils sont plus courts que ce qu’ils sont réellement.
– Aujourd’hui, on veut vous montrer un endroit qu’on a rencontré il n’y a pas longtemps !
Il tourne ensuite sa caméra vers l’avant, montrant le bâtiment devant lui.
Et la vidéo continue. Le jeune couple discute entre eux, fait des remarques sur l’état intérieur et visite avec leur lampe de poche dans leurs mains. Vu qu’ils filment pour ‘TikTok’, ils ne peuvent pas se permettre de faire une vidéo trop longue par peur que cela n’intéresse pas les gens ou qu’ils quittent en remarquant que la vidéo est trop longue. Pour l’instant, ils visitent, n’ayant pas vraiment plus d’informations que ceux qui regardent, même si pour l’instant, personne ne peut visionner leur vidéo, vu que ce n’est pas en live. Tous les deux lâchent une blague ou l’autre, mais cela n’est pas parce qu’ils s’amusent : c’est uniquement pour détendre l’atmosphère autour d’eux. Sans la lumière de leur lampe de poche, ce serait l’obscurité complète.
– Il y a beaucoup d’insectes ici…” avoue Clément, se sentant de plus en plus mal à l’aise.
L’humidité, le manque d’air frais et les pièces vides et en ruines n’aident pas — les toiles d’araignées et les faibles bruits d’insectes qui rampent encore moins. Ils hésitent tous deux à partir, mais ils veulent réellement montrer cet intérieur pour leur chaîne TikTok : ils ont promis que tous les mercredi, ils feraient des vidéos pareilles.
– D-Dis, si on faisait un live ?” propose Maurine. Si des gens nous regardent et nous parlent, on irait… Enfin, on aurait moins peur, tu ne penses pas ?
Son copain considère sa proposition, mais il ne lui faut que peu de temps pour acquiescer avec hâte et lance un live assez rapidement. Leur chaîne n’est pas la plus populaire du site, mais ils ont quand même un total de 350 000 abonnés, donc une minute après le lancement du live, des milliers de gens les regardent déjà.
– H-Hey, c’est Clérine ! On est dans un bâtiment abandonné, comme on vous avait promis, mais il est assez… creepy.
Ils regardent les commentaires et discutent un peu avec les spectateurs, ce qui leur permet de mieux se sentir dans cet endroit étrange et en ruine. Ils continuent ainsi de marcher et de visiter les nombreuses pièces, réussissant à lâcher l’un ou l’autre rire, ceux-ci qui résonnent entre les murs sombres du bâtiment.
– Oh, cette pièce à une porte qui est fermée !” remarque Maurine.
Elle la pointe du doigt en fixant l’endroit de sa lampe de poche et Clément lui demande s’ils veulent voir l’intérieur. Les spectateurs dans les commentaires sont tout excités et insistent pour qu’ils y entrent, donc ils acceptent en mettant leurs peurs de côté. Maurine pousse la porte, mais elle ne bouge que de quelques centimètres malgré la force qu’elle y applique. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Maurine est la plus forte du couple, vu qu’elle fait du sport tous les jours et a même fait de la boxe féminin plus jeune, même si depuis, elle a arrêté, donc Clément la laisse faire. Toutefois, en voyant qu’elle a du mal avec cette porte, Clément décide de l’aider sans pour autant laisser son téléphone de côté. Bien que cela prenne du temps, ils arrivent finalement à ouvrir cette porte, qui lâche un bruit infernal à briser les oreilles des plus fragiles. Ils se crispent tous les deux, fermant leurs yeux à cause de leur douleur causée par ce grincement horrible. Ensuite, ils observent à l’intérieur de la pièce—
– !!!
Leurs yeux s’ouvrent en grand. Le souffle se coupe. Leurs cœurs ratent un bond.
Devant eux, un cadavre.
– !!!! AAAAAH !!!!
Et tout en hurlant de peur, ils s’enfuient ensemble, tous deux en larmes et laissant les spectateurs confus.
CHAPITRE 54
⎾La Nouvelle Sombre Rumeur Partagée Sur Les Réseaux⏌
– La vidéo sur « TikTok » qui a fait grand bruit sur Internet a été supprimée par leurs créateurs, « Clément Salno » et « Maurine Creyl ».
– Certains pensent que la vidéo, qui était en live, n’était qu’un fake, qu’une mise en scène de mauvais goût. Il semblerait qu’on puisse observer un cadavre dans le fond d’une pièce sombre, illuminée uniquement par leur lampe de poche, mais vu le mouvement rapide de la caméra, il est impossible d’en être certains.
* Hey, vous avez vu que le live a été supprimé rapidement ? Certains disent que ce n’est pas Clément et Maurine qui l’auraient suppr, mais le gouvernment lui même
* Wat ? Cest n’imp mdrrr, ils ont dit eux mêmes qu c’est eux qui lont supp
* bro, apprends à écrire. En plus, vos trucs de complotistes d’merde là, c’est n’importe quoi. Tout ça, c’était fake. Une mise en scène ridicule.
* Je suis d’accord avec toi, @Terk44. On parle de TikTok, là. Vous savez, l’application où les gens ont cru que les miroirs étaient un autre monde.
* L’expérience avec l’œuf et le papier ? M’en rappelle pas, quelle idiotie…
* Vous parler bien beaucoup pour rien, on sen balec nan ?
* Moi je ne m’en fous pas de ta conjugaison.
* Moi, j m’en fous pas de ce RATIO !!!!!!
– … Impossible de lire des conversations sérieuses, sur ce site…
Le garçon devant l’ordinateur soupire en tapotant son bureau de son index droit. Sa tête reposée sur son poing, il regarde son écran en soupirant. Il voulait en savoir plus sur le live de ‘Clérine’, mais vu qu’il a été supprimé et que retrouver la vidéo en entier quelque part est impossible, il ne peut pas espérer revoir ce qui a été filmé. Toutefois, le garçon a pû voir le début et grâce à ça—
– … Eh.
Il observe son calendrier et observe la date.
– On est le week-end, mais lundi…
Il pouffe et se retourne sur sa chaise de bureau, se levant et ensuite sautant dans son lit en regardant le plafond.
– Peut-être que ça pourrait être amusant, s’ils acceptent ?
***********************************************************
Le lundi 03 Octobre est commencé depuis quelques heures désormais, mais dans les rues, on peut voir une foule d’adolescents qui se dirigent vers leurs écoles. Le soleil ne brille pas de mille feux et le ciel qui prend une couleur un peu plus fade annonce aux habitants de la planète terre que l’automne a bel et bien commencé depuis plus d’une semaine. L’air se rafraîchit, les feuilles des arbres montrent des couleurs plus orangées déjà et les filles changent déjà leur style, les jupes courtes n’étant plus une option si elles ne veulent pas souffrir du froid. Bien évidemment, certaines personnes n’ont pas besoin de changer de vêtements, comme cette fille au pull noir et orange.
– Mais tu es la meilleure !
Sa meilleure amie, celle aux longs cheveux roses, porte des vêtements plus chauds que d’habitude, dont un pull qu’elle n’a pas refermé sur le corps. C’est un vêtement en polar et rose pâle, mais cela lui va parfaitement bien, bien que la fille n’est pas du genre à le porter souvent.
– A-Ahah, c’est rien…” lâche sa meilleure, celle aux cheveux roux.
– Rien ?!
Amora n’arrive pas à croire ce qu’elle entend de la bouche de sa meilleure amie. Elle secoue la tête.
– Comment ça, rien ?! T’as réussi à comprendre les trucs et astuces de ‘XIII’, quand même !
Deshya n’avait même pas eu besoin de lui raconter ce qu’il s’était passé pour qu’elle l’apprenne : ce dimanche 02 Octobre, le jour après le mariage de Rosaline et sa première rencontre en ‘face à face’ avec ‘XIII’, le criminel légendaire, les stations de télévision ont parlé de ce qu’il s’était passé. Avec l’affaire de l’hôtel « FEDER », la discussion n’était pas le sujet principal des informations et d’internet, surtout avec la mort d’un chanteur très apprécié des jeunes, mais l’affaire de ‘XIII’ a quand même attiré beaucoup d’attention. Shinpei a discuté un peu avec Ei et ‘Tom Spidernest’, le chef de la station de Lière, et ont évidemment parlé de ‘Deshya Oveja’, aka la détective aux oreilles de renard. ‘XIII’ lui-même a félicité Deshya sur son Twatter…
Et désormais, elle a déjà atteint les 40 000 abonnés.
– Tu deviens de plus en plus une star !” lâche Amora. Je parie que fin d’année, tu auras déjà 150 000 abonnés !!
Deshya sourit, mais ne réplique pas : peut-être qu’Amora a raison. Elle est certaine qu’en rentrant chez elle, elle aura encore plus d’abonnés. Les gens vont savoir quel est son Twatter, qu’elle poste parfois ceci et cela et finalement, elle va devenir quelqu’un de « connu ». Son identité ne sera plus une simple goutte d’eau dans un océan, mais l’un dans un verre. Si cela ne s’arrête pas, alors elle ne sera plus qu’une étoile dans le ciel, mais la lune. Bien évidemment, elle ne veut pas prendre la grosse tête, mais savoir qu’elle est de plus en plus populaire… Comment ne pas en être heureux ? Certes, elle doit faire attention que la popularité est un couteau à double tranchant et de plus, elle doit toujours cacher le fait qu’elle soit une vraie fille renarde aux gens, mais elle ne pense pas non plus devenir aussi populaire qu’une star de télévision, Valentino Rossi ou même Minos Kiyon. Bref, elle ne doit pas avoir peur que des paparazzis viennent l’embêter et prendre des photos chez elle. Toutefois, si cela venait à arriver… alors elle ne pourra plus se sentir en sécurité. C’est à cause de cette peur que même si elle aime devenir plus populaire, elle se demande si elle ne devrait pas faire attention. Pour l’instant, elle n’a pas à s’en inquiéter, mais si on vient à l’interroger… Si des gens essayent de retirer sa capuche pour rigoler…
– Après, je vis déjà ça parfois à l’école, ahah…
Les adolescents de son âge à son école sont parfois taquins comme ça, à essayer de tirer sur sa queue de renard ou à retirer sa capuche, mais certains n’aiment juste pas son style. Par jalousie ou parce qu’ils trouvent ça gênant, ils veulent l’embêter comme ils peuvent ou qu’elle arrête de se promener comme ça. Non seulement elle aime bien son style, elle ne peut même pas le retirer si elle le peut… De plus, si les gens venaient à apprendre la vérité, elle est certaine qu’ils la critiqueraient encore plus : être une « fille-renarde » serait ‘inhumain’ pour certains, après tout. On l’appellerait ‘furry’ et d’autres noms dont elle ne veut même pas penser…
– Je n’ai pas besoin de m’en inquiéter… pour l’instant.
Jusqu’à quand va-t-elle pouvoir croire que tout irait bien ? Elle ne le sait pas, mais elle ne veut pas penser à ce futur-là, aussi proche ou lointain soit-il. Pour l’instant, elle doit se concentrer sur le présent et uniquement sur celui-ci.
– Dans tous les cas, si tu continues comme ça, peut-être que tu rencontreras ton détective préféré ? Tu sais, ‘Kira Miname’ !” lâche Amora.
Les deux meilleures amies marchent ensemble dans la rue peu bruyante. Quelques élèves sont proches d’elles, mais ils ne disent rien, parlant entre eux ou se plaignant de la nouvelle semaine qui commence.
– J’ai déjà rencontré ‘Minos Kiyon’, donc j’espère, mais…
Deshya se gratte la joue.
– Kira est plutôt du genre à travailler dans le monde entier et non uniquement à Bélium. Même si ‘XIII’, l’affaire de l’hôtel « FEDER » et le fait que Minos ait parlé de moi sont de grosses choses, je ne pense pas que ça soit suffisant pour attirer l’attention du meilleur détective du monde entier.
Deshya le pense entièrement, surtout que Kira n’est pas du genre à aller vers les autres, contrairement à Minos. Si elle peut le rencontrer en vrai un jour, cela serait autant un honneur que Minos, mais peut-elle espérer que ce jour n’arrive ? Est-ce qu’elle peut gagner une notoriété suffisante pour avoir la chance d’être sur une affaire avec lui ?
– Sois optimiste !” lui dit Amora, le sourire sur le visage. Déjà que tu pensais ne jamais rencontrer Minos de ta vie entière, excepté peut-être rapidement en convention, et pourtant, tu as son numéro privé !
Deshya ne peut s’empêcher de regarder la poche de son pull, là où reste son téléphone. Même si Deshya veut répondre à Amora que tout cela n’est que de la naïveté — chose qu’elle aurait fait auparavant —, elle préfère sourire et laisser le côté joyeux d’Amora la contaminer : elle a raison, après tout. Tant de choses sont arrivées qu’elle n’aurait jamais cru possible. La rencontre avec Minos n’est pas la seule de ses choses non plus.
– Alors j’y crois !” avoue Deshya.
– … Hihi.
Amora pouffe mignonneusement.
– Je préfère la Deshya comme ça.
– Comment ça ?
Deshya cligne des yeux, confuse. Amora remet correctement ses cheveux dans son dos avant de lui expliquer sa pensée.
– Même si tu as toujours été toute gentille avec moi et que tu es du genre à m’accepter, je trouve que tu es… plus toi, ces jours-ci ? Un peu après que tu deviennes amie avec Raiji, en vrai. Plutôt, depuis que tu as pu discuter avec Bibi et que tu as rencontré Korone. J’ai l’impression que tu rayonnes plus.
Deshya ne répond rien, les yeux rivés sur sa meilleure amie aux cheveux colorés. Elle pense au moment où elle s’est regardée dans le miroir et s’était dit que son sourire était plus présent et ‘réel’ qu’auparavant… Que contrairement à avant, elle a l’impression de… Elle ne sait pas comment l’exprimer, mais Deshya a l’impression, comme Amora vient de le dire… qu’elle est plus « elle-même ».
– … C’est sûrement le cas,” avoue finalement Deshya. De base, je pouvais me fatiguer de ton énergie, parce que tu as en a trop et que je n’arrivais pas toujours à suivre, mais ces temps-ci… J’avais vraiment besoin de déverser ce que j’avais sur le cœur et me lâcher, je suppose.
Deshya se demande si c’est réellement uniquement parce qu’elle a pu discuter avec Korone et Bibi. Même si elle est heureuse d’avoir une petite-sœur, désormais, cela n’est pas la raison qu’elle arrive à sourire plus souvent ou accepte bien plus l’énergie d’Amora, alors qu’est-ce que c’est ? Cela n’est pas non plus parce qu’elle commence à résoudre des crimes, alors… ?
– Tu sais, Deshya, c’est étrange à dire, mais…
Amora place les deux mains derrière son dos et continue de sourire en regardant droit devant elle.
– Depuis ce mois-ci, j’ai l’impression que tu es juste plus heureuse. Malgré tout ce qu’il se passe, même si tu as failli mourir deux fois, déjà… On dirait que tu goûtes plus à la vie.
Deshya ouvre grand les yeux.
– … C’est ça.
Elle ne l’avait même pas remarqué, mais Amora avait raison. Deshya avait commencé à croire que c’était grâce au baiser avec Tessa après la partie de poker, mais ce n’était même pas ça.
Deshya avait tout bonnement arrêté de s’enfermer.
Elle n’avait jamais été une grande insociable. Deshya était du genre à passer du temps avec ses amis et discuter avec. Toutefois, elle ne parlait pas vraiment de ce qu’elle avait sur le cœur aux autres. Inconsciemment, vu qu’elle se trouve plus dans des enquêtes, elle s’est mise à avouer bien plus de choses à ses amis — surtout Amora. Avec Bibi, qui est sa psychologue, et Korone, sa nouvelle petite-sœur, elle peut non seulement déverser ce qu’elle a sur le cœur, mais aussi révéler bien plus de choses sur elle. Même si cela n’est pas lié aux enquêtes, Deshya a commencé à s’ouvrir bien plus et à goûter à la vie bien plus.
– Est-ce que…
La cause de tout cela est parce qu’elle a… moins peur ?
– …
Avant qu’elle ne puisse répondre à cette question, une poignée d’élèves courent vers elles. Comme Deshya s’en doutait, on vient la questionner à propos de l’affaire contre ‘XIII’. Deshya peut se permettre de leur en parler, mais vu que c’est un lundi matin, elle n’a tout simplement pas l’énergie à répondre à tous leurs excitements. Amora est amusée de l’engouement autour d’elles, mais en voyant l’air ennuyé et fatigué de Deshya, elle s’éclaircit la voix.
– Elle vous en parlera plus tard s’il faut !” dit Amora.
– T’es sa manager, maintenant ?” taquine l’un des garçons.
– Je suis sa meilleure amie manager !
– A-Ah ? Depuis quand ?
– Deshya, engage-moi comme manager.
– Si tu veux.
– Je suis sa manager depuis maintenant !
– …
Les élèves se regardent les uns les autres, certains confus, d’autres amusés du comportement de la fille. Deshya ne peut s’empêcher de pouffer à son tour et s’arrête dans sa marche.
– Je sais que vous êtes intéressés, mais on peut en parler une autre fois ? C’est le matin, on est lundi…
– C’est justement parce qu’on est un lundi matin qu’on veut savoir !” avoue l’une des filles. On commencera mieux la journée.
– Vous voulez savoir quoi, même ? Shinpei a tout dit à propos de l’affaire…” leur répond Deshya en reprenant déjà sa marche.
Cette fois-ci, c’est une autre fille qui répond.
– Qu’est-ce que ça fait de voir ‘XIII’ en vrai ?
Deshya comptait ne pas répondre et arriver à l’école en les ignorant, mais vu que la plaisanterie d’Amora l’a mise de meilleure humeur, elle accepte de parler un peu.
– C’était étrange, surtout de savoir qu’il était déguisé parmi nous. Son talent pour le déguisement n’est pas une blague, je n’en croyais pas mes yeux de savoir qu’il était réellement cette servante.
Ses longs vêtements empêchaient de voir ses genoux faiblement pliés, ce qui lui permettait de paraître plus petit que ce qu’il était réellement. Tout son plan de déguiser des gens conscients en comptant sur la chance qu’ils ne se grillent pas tout seul… Deshya n’en revient toujours pas de la ‘folie’ de ce criminel. Il n’est pas ‘XIII’ pour rien.
– Mais t’avais pas peur ?
– Pas vraiment,” répond Deshya en haussant les épaules. Vu que j’étais invitée en tant que détective, il n’avait aucune raison de me frapper, m’assommer ou même me tuer. ‘XIII’ est du genre à suivre ses principes, donc j’étais certaine que rien de mal ne m’arriverait.
– Eeeh, j’aurai eu la trouille !” avoue un garçon aux courts cheveux châtains. Même en sachant ça, j’aurai quand même eu peur qu’il me prenne pour cible car j’aurai fait quelque chose mal !
– Faut dire, t’as trompé ton ex.
– Quoiiiii ?! C’est même pas vrai, j’ai pas d’ex !! Je suis jamais sorti avec quiconque !
– Imagine l’avouer devant tout le monde, bleeeh.
Le garçon sort la langue en fermant un œil et tout le monde rigole — dont Amora —, l’autre garçon baissant la tête en rougissant de honte. Deshya pouffe, mais rapidement, un autre élève lui pose une question.
– Comment tu t’es sentie, quand t’as su que t’allais être mise sur une telle enquête ?
– …
Deshya y réfléchit quelques instants, mais vu que sa réponse vient du cœur, cela ne demande pas réellement de réflexion.
– J’étais bizarrement si heureuse. J’avais très hâte. C’était comme si, après que Minos approuve mon intelligence, c’était désormais ‘XIII’ qui le faisait. Vu qu’il a promis qu’on se reverrait, je suppose qu’il m’apprécie… Je ne peux pas prendre la grosse tête et je n’aimerai pas être prétentieuse, mais j’avoue que ça m’a permis de me dire que je suis peut-être réellement un génie…
– Tu vois ! On te le dit depuis longtemps, faut qu’vous l’acceptez tous les trois !
C’est le garçon qui a taquiné l’autre qui crie cela. Rapidement après, les autres le joignent.
– Bah oui ! T’as des points incroyables, tu résous des enquêtes que presque personne ne ferait, et cela en un temps record, et tu sais des trucs trooop randoms !
– Même si Tessa et Maruno ont redoublé, on sait que c’est pas parce qu’ils sont bêtes ! Eux aussi, ils sont trop intelligents et tout ça ! Surtout Tessa !
– Maruno est un bg — un beau génie.
– Tombe pas sous son charme, il a déjà une copine.
– Je lui prouverai que je vaux mieux !
– Heiiin ?!
Les deux commencent à se disputer dans la foule et sans prévenir, les discussions joyeuses deviennent… incompréhensibles. Des rires sortent de partout, la fille se bagarre verbalement avec le garçon et Amora les écoute en s’amusant. Deshya soupire longuement, mais vu qu’elle est déjà arrivée devant l’entrée de la cour de récréation, elle se dit qu’elle va bientôt pouvoir être plus tranquille. Contrairement aux autres fois, elle ne rencontre aucun autre ami en arrivant à l’école. Elle ne voit ni Lam, ni Abdoul, ni Raiji dans les alentours, encore moins Alec ou Frie. De plus, ni Tessa, ni Maruno n’est sur le banc habituel. Ne voyant personne d’autre, Deshya marche dans la cour aux côtés d’Amora, la foule d’élèves dispersée à cause du début de bagarre, ainsi que le manque d’intérêt de Deshya à leur répondre plus longtemps. Les deux meilleures amies ne se parlent pas tout de suite, mais quand Amora voit l’expression quelque peu inquiète de Deshya, elle lui demande ce qu’il se passe. La fille rousse s’excuse en promettant que ce n’est rien.
– … Mais je me demande quand même…
Elle pense à nouveau à ce qu’il s’est passé samedi. Non l’enquête contre ‘XIII’, ni la blessure d’Ei ou l’étrange chose qu’a dit Shinpei à propos d’un ‘Devon’ qui lui manquerait, mais ce qu’il s’est passé après— à propos de sa mère…
Pera est dans le fenil de la maison, aux côtés de ses deux filles, les larmes arrêtées et le calme revenu en elle. Toutefois, lorsque Gatito revient dans la pièce, elle se lève et s’incline doucement.
– Dé-Désolée…
– Ce n’est rien. Tu vas te reposer maintenant ?
Elle acquiesce.
– Je préfère… Je ne vais pas réussir à me concentrer ce soir, donc… Donc je pense lire un peu ou dormir directement. De toute façon, demain, j’aimerai me lever tôt pour… Pour discuter avec des amies sur internet,” avoue-t-elle.
Gatito acquiesce à son tour et va donc dans la chambre avec elle, laissant les deux filles sur le sofa pour l’instant.
– … Elle a réagi au mot ‘Kiara’, pas vrai, grande-sœur ?
– … Yep.
Deshya confirme la pensée de Korone en regardant devant elle, les yeux observant le vide. La petite fille aux cheveux blancs laisse ses jambes se balancer doucement, baissant la tête.
– … Tu ne sais vraiment pas ce qu’elle a, ta maman ?
– Je ne sais pas, malheureusement. Papa m’a promis que ce n’était pas à cause de ma disparition et vu qu’elle a réagi au prénom de ‘Kiara’, je le crois totalement. De toute façon, elle avait déjà été très stressée à cause de mon enlèvement quand je suis revenue, mais ça, ça va mieux, donc…
Donc elle est certaine que ce n’est pas cela dont elle cauchemarde, ni la raison que parfois, elle est triste durant la journée. Son père semblait savoir qu’elle n’aurait pas dû dire ‘Kiara’, mais il n’y avait malheureusement pas pensé à temps. Deshya ne pense pas que la victime de cette affaire soit en lien avec Pera, donc ça doit être une autre ‘Kiara’… Ce n’est pas le prénom le plus commun, mais loin d’être aussi original que ‘Deshya’ ou ‘Gatito’. Bref, ce n’est pas en cherchant sur Google qu’elle pense trouver la moindre information à propos de la ‘Kiara’ dont Pera pense.
– Pourquoi réagir comme ça ?” se demande Deshya. Qu’est-ce qu’il s’est passé avec cette ‘Kiara’ pour qu’elle vienne crier…
– Rouge… Arrêtez… Kiara…
Korone répète les mots qu’elle a entendue de la part de Pera, durant le souper. Deshya se pose aussi la question de ce que cela veut bien signifier. ‘Rouge’ peut vouloir dire tant de choses qu’il est impossible de penser à quelque chose en particulier, tandis que ‘Arrêtez’ est bien trop vague pour comprendre. Est-ce que cette Kiara aurait… fait quelque chose à sa mère ?
– Ne l’embêtez pas.
Alors qu’elles sont toutes les deux dans leurs pensées, Gatito revient en s’arrêtant à côté d’elles, ne prenant pas la peine de s’asseoir.
– Il est possible que même demain, elle ait du mal à bien se porter, donc si possible, restez avec elle. Si tu as trop de devoir Deshya, alors—
– Mon seul devoir me prendra cinq minutes maximum, je connais déjà le sujet,” avoue-t-elle. De toute façon, passer du temps avec ma maman, ce n’est pas un calvaire pour moi, bien le contraire.
– Je veux passer du temps avec Pera ! En fait, je passe déjà la plupart de mon temps avec Pera !” lâche Korone en souriant.
Gatito en laisse un décorer son visage et souffle du nez, content de ce qu’il entend.
– Deux filles trop intelligentes et trop spéciales, mais deux bonnes filles. Merci.
– Tu seras occupé, demain ?” demande Korone, rougissant doucement grâce au compliment de la part de l’homme.
– On a eu deux meurtres fin Août qui ne sont toujours pas résolus et vu que j’étais sur l’affaire, ils veulent de moi pour suivre une certaine piste qu’on a.
– Moi je veux bien venir vous aider !!
Korone tire doucement la langue, mais il est clair qu’elle dit cela sérieusement. Gatito la fixe quelques secondes, mais il soupire en secouant la tête.
– J’apprécie l’enthousiasme, mais non, ça va aller…
– Alors demande à ta fifille, Deshyshy !
– La scène de crime n’est plus exactement la même qu’auparavant et même avec des photos, ça n’aidera pas. De toute façon, non, Korone.
– Maaaw, je veux juste aider !
Elle croise les bras en faisant la moue, mais Gatito sourit à nouveau et caresse ses cheveux.
– Je sais que tu essaies surtout de me remonter le moral en plaisantant, mais je vais bien. Je vois votre mère comme ça depuis un petit temps, maintenant.
– … Mais…
– Il n’y a pas de mais, ne vous inquiétez pas. Elle passera ce moment de dépression rapidement. Une psy vient parfois la voir, environ tous les mois, et elle m’a assurée que son état s’améliore, même si petit à petit. Il y a un moment où elle réussira à vaincre cette peur intérieure et…
Gatito ferme la bouche et tourne faiblement le regard vers la gauche, n’observant plus ses deux filles. S’arrêtant dans sa phrase, il serre un poing, chose que remarquent Korone et Deshya, mais n’en disent rien.
– … J’espère que jamais vous croiserez…
– … ?
Gatito, encore une fois, ne termine pas sa phrase, et finit par soupirer.
– Qu’importe. N’en parlez pas à votre mère et essayez d’être là pour elle demain, quand je rentre du travail, j’irai un peu me promener avec elle dans le village.
– D’accourd.
– D’accord, pas de souci.
Les deux filles approuvent et Gatito marchent hors de la pièce, les laissant ensemble sur le sofa.
– … Rouge… Arrêtez… Kiara……
– Tu penses à quoi, Deshyshy ?
La fille rousse tourne le visage vers sa meilleure amie et s’excuse pour son manque d’attention. Elle lui avoue qu’elle pensait juste à la crise de sa mère et Amora baisse faiblement le regard.
– Ah oui, ça…
La fille au pull renard ne lui a pas caché la vérité et en a discuté un peu en vocal hier matin, vu que cela a tracassé Deshya. De plus, nul besoin de le cacher : Amora est déjà venue plusieurs fois chez sa meilleure amie et a donc déjà remarqué l’état ‘déprimé’ de Pera. Lorsqu’Amora s’est décidée à demander à Deshya ce qu’il se passait, cette dernière a accepté de lui dire la vérité, même si au final, ce n’était pas grand-chose : après tout, Deshya ne sait pas réellement ce qu’il se passe avec sa mère ; chose qui reste toujours vrai. Même si elle a deux nouvelles pistes — le prénom ‘Kiara’ et le mot ‘Rouge, dont ‘Arrêtez’ —, cela n’est pas suffisant pour comprendre quoi que ce soit. De plus, Deshya ne veut pas commencer à fourrer son nez là où elle ne devrait pas : cela ne serait pas respectueux de sa part. Deshya continue de parler avec Amora jusqu’à la sonnerie retentisse, allant en cours en remarquant que Tessa et Maruno sont en train de discuter avec un petit groupe des classes supérieures, un peu plus loin.
Les cours se passent sans encombre. Deshya rend son devoir, avec tout le monde qui l’a fait en classe — même ceux qui n’aiment pas forcément travailler. Ils commencent par le cours de ‘Français’ qui leur parle de plusieurs romanciers des années 1900 et de leur influence sur la littérature française, sujet qui n’intéresse pas tout le monde, mais qui intrigue beaucoup Deshya. Même si elle connaît tous les noms prononcés par la professeure, elle en apprend quand même plus sur leur vie.
Ensuite vient le cours de ‘Religion’ ou de ‘Morale’. Comme chaque fois, la professeure se montre très énergique — bien que loin d’être au niveau d’Amora — et parle de ses expériences dans la vie. Comme la plupart du temps, elle ne parle pas d’un sujet en particulier et veut juste faire comprendre aux élèves certaines expériences qu’ils auront en temps qu’adulte, ce que certains se fichent complètement. Toutefois, elle est très respectée à l’école et la majorité des classes l’adorent, donc tout le monde l’écoute et interagit avec elle. Ce que Deshya apprécie beaucoup à l’école secondaire de Tetazo, c’est que la plupart des élèves sont respectueux avec les professeurs et les écoutent. Certains sujets sont moins intéressants, plus complexes ou les professeurs en parlent d’une façon moins ‘appréciables’, mais cela est rare. Deshya n’a pas à avoir peur de perturbateurs dans la classe — sauf quand les professeurs ne sont pas là — et donc n’a pas à vivre un enfer en classe.
Après ‘Religion’ vient les cours de ‘Géographie’. Vu qu’ils sont en 4ème, ils ne parlent plus trop de toutes les villes de Bélium, mais vont un peu plus loin et parlent même, bien que rapidement, de géopolitique. Cette fois-ci, ils discutent du continent d’Inakunia et de la ville de la situation horrifique qu’y se trouve actuellement. Même si cela devrait se calmer dans les semaines à venir, la corruption politique et le meurtre des 13 jeunes dans le bar à cause d’une organisation terroriste a créé un réel boucan monstre, là-bas. L’organisation a été arrêtée, mais vu qu’ils ont été abattus par la police, certains habitants se sont révoltés. Même s’ils en parlent durant ce cours de géographie, ils ne peuvent pas arriver à la conclusion aujourd’hui, vu que le sujet est trop long, vaste et que les élèves posent des questions. Toutefois, Deshya adore en apprendre plus sur le monde comme cela. Elle a beau être un ‘génie’, elle ne sait pas tout sur tout et le monde de la politique est si complexe qu’il y a toujours plus à savoir.
Après la cour de récréation, c’est deux heures de ‘Sciences’. Ils parlent de l’espace, des supernovas et des rayons gammas, choses intéressantes, mais plutôt effrayantes. Savoir qu’à tout moment, leur planète peut être éradiquée par un tel rayon sans que personne ne puisse réagir… Les chances sont si fines que cela ne devrait jamais arriver — en tout cas, pas dans les centaines d’années à venir —, mais à tout moment, cela est possible. Toutefois, si cela venait à arriver, personne ne le saurait et il n’y aurait aucun survivant. Ils se concentrent surtout sur les supernovas, mais aussi parlent un peu de la prochaine exploration sur Mars.
Après tout cela, enfin voici le temps de midi. Deshya marche aux côtés de Lam et Amora, mais tout en descendant les escaliers, un garçon s’approche d’elles.
– Dis, Deshya, on peut parler un peu ?” demande-t-il.
Des cheveux noirs en pagaille et des vêtements ‘NY’, c’est ‘Raiji Harmony’ qui vient lui adresser la parole. Deshya l’observe et lui demande de quoi, mais il lui lâche un clin d’œil en promettant de lui expliquer dans quelques instants. Deshya regarde Lam et Amora qui lui disent d’y aller, alors elle accepte. Ses deux amies se dirigent à la cafétéria, tandis que Deshya suit Raiji dans la cour de récréation.
– Je veux juste vous parler d’un truc à vous trois !” avoue-t-il.
– Nous trois… ? Tu parles de—
Avant de terminer sa phrase, elle voit de qui Raiji parle : Tessa et Maruno se trouvent tous deux sur un banc, en train de discuter entre eux. La fille aux longs cheveux mauves et mèches roses mange une grosse baguette, tandis que Maruno dévore une salade froide de fruits, jambon et boules de mozzarella. Leurs sacs sont à leurs pieds et quand ils remarquent l’arrivée de Raiji et de Deshya, ils arrêtent de papoter pour se tourner vers eux deux.
– Ah, Deshya est là !” remarque Maruno.
– On vous a pas attendu pour bouffer,” avoue Tessa en mordant dans sa baguette.
– Je vois ça…” lâche Raiji avec un sourire en coin.
– Je comptais vous attendre, mais Tessa a pas voulu,” leur dit Maruno, de la nourriture en bouche.
– J’ai le droit de ne pas réellement te croire… ?
Maruno se met à rire avec Raiji et Deshya s’assied à côté de Tessa en sortant de son sac une boîte à tartines. La fille aux cheveux mauves s’y penche, curieuse de savoir ce qu’il y a dedans, mais comme elle s’y attendait… de simples tartines au fromage. Deshya l’interroge du regard.
– Qu’est-ce qu’il y a ?” demande-t-elle.
– Rien, je me demandais juste si t’allais nous sortir des tartines spéciales,” avoue Tessa.
– Ah ? Pourquoi ?
– J’suis curieuse pour aucune raison. Cherche pas !
Tessa croque dans sa baguette et Raiji s’éclaircit la gorge, debout devant eux. Les trois ‘génies de Tetazo’ lèvent le regard vers lui, attendant de savoir pourquoi ils ont été appelés ici. Même si Raiji est ami avec Deshya, il ne connaît pas si bien Maruno et Tessa, après tout.
– Désolé de prendre de votre temps de midi comme ça, mais je voulais en parler le plus rapidement possible, hm hm !
– Tu te prends pour Barack Obama à parler comme ça ?” demande Tessa, son regard fixé sur lui. Dis-nous rapidement c’que tu veux comme ça je pourrai soupirer, dire que tu nous a fait perdre de notre temps et que j’aurai préféré regarder une grenouille manger une sauterelle plutôt que t’entendre parler.
Tessa croque à nouveau dans sa baguette, tout le monde qui la regarde avec surprise — plutôt, choc. Elle tourne le visage vers eux tous.
– Quoi ?
– C-C’était gratuit…” avoue Deshya.
– J’ai pas bien dormi car j’ai trop joué hier soir. Y a une des personnes avec qui je jouais qui m’a brisé les ovaires pour parler pour rien, donc je suis aigrie. Je m’en excuse qu’à moitié,” répond Tessa.
– … O-Okay…
L’enthousiasme de Raiji semble s’évaporer de son corps, ainsi que sa pose droite qui se détruit. Deshya et Maruno agitent les mains en lui demandant de continuer sans prêter attention aux mots de Tessa, chose qu’il n’arrive à faire qu’à moitié. Il soupire finalement et parle.
– Bref, je voulais juste parler rapidement d’un truc que j’ai vu sur internet et je voulais vous demander si vous voudriez m’accompagner. Désolé de vous prendre de votre temps, encore une fois…
– Tu nous déranges pas !” avoue Maruno, enfourchant les fruits dans son bol. En plus, c’est sympa de manger tous dehors. Souvent, Deshya reste avec Amora, Tessa de son côté et moi pareil, ou avec des potes, donc c’est cool d’être tous les trois — enfin, quatre, avec toi — ensemble.
– Je suis bien d’accord !” avoue Deshya.
– J’approuve,” dit simplement Tessa.
Raiji sourit, retrouvant une partie de son enthousiasme.
– Parfait, alors ! De toute façon, je vais faire plutôt court. Je ne sais pas si vous avez vu la fameuse rumeur que certains partagent sur les réseaux sociaux, pour l’instant ?
– Rumeur ?” demande Tessa, désormais intriguée.
Il approuve d’un geste rapide de la tête.
– Avec un ‘live’ de la chaîne ‘Clérine’ sur TikTok.
– Ah, TikTok… J’ai plus envie de manger, maintenant,” avoue Maruno en soupirant.
– Non, j’ai pas vu, de quoi tu parles ?” demande Deshya.
– Pareil ici. TikTok m’intéresse pas du tout.
– Honnêtement, pareil,” lâche Raiji, mais une amie a vu une partie du live et elle m’a dit que c’était horrible. Si vous n’avez pas vu, je résume ça très vite fait.
Raiji s’éclaircit à nouveau la gorge en plaçant un poing devant la bouche.
– En gros, un couple de jeunes adultes qui vont par le nom de ‘Clérine’ sur leur TikTok ont promis d’aller dans des lieux abandonnés certaines fois pour en faire des vidéos. Toutefois, vu que le lieu où ils étaient allés leur faisait peur, ils ont commencé un live et là-bas, dans une pièce où la porte était dure à ouvrir, il semblerait qu’ils ont découvert un cadavre, qui était aussi la raison que l’odeur était assez immonde,” explique-t-il. Toutefois, à cause du mouvement de la caméra trop rapide et le manque de lumière sur le moment, ce même cadavre n’était pas réellement visible.
– Tout ça ne peut pas être qu’un fake ?” demande Maruno.
– C’est ce que la majorité des gens pensent, mais vu leur réaction et le fait qu’ils ont supprimé le live et qu’ils n’en parlent plus du tout, certains se posent quand même des questions sur la véracité de leur découverte.
– Laisse-moi deviner…
Tessa avale le morceau de baguette qu’elle a en main et agite le reste vers Raiji.
– Tu veux qu’on aie vérifié s’il y a bien un cadavre là-bas, hein ?
– … Eh, cramé…
Deshya cligne des yeux, étonnée, et se tourne vers Raiji, elle qui regardait Tessa.
– Vraiment ? Mais le live a été lancé quand ? En plus, c’est sûrement qu’une façon de s’attirer de l’attention…
– Je ne dis pas le contraire, mais je pense que ça serait intéressant d’aller vérifier ! Je n’ai pas pu voir le live moi-même, mais il semblerait que ceux qui y ont pu le voir en direct pensent que c’est vrai !
– Pourquoi tu veux qu’on ait vérifié nous, hein ? En plus, j’sais pas quand tout ça s’est passé, mais j’parie que tout le monde y est déjà allé, donc si y a un cadavre là-bas, il a été trouvé.
Tessa arrache le dernier bout du cul de sa baguette de ses dents féroces, mâchant fortement comme si elle cherchait à intimider Raiji. Ce dernier secoue la tête.
– Non, personne n’y est allé, je pense.
– Pourquoi ?” demande Deshya.
– L’endroit n’a pas été révélé à quiconque. Même si le live n’est pas trouvable, ‘Clérine’ ont posté ce qu’il s’est passé avant, quand ils se dirigeaient vers l’endroit. Toutefois, on ne voit rien d’autre que le sol de la forêt, un bout du bâtiment et on les entend parler, donc on ne sait pas où ils se sont dirigés. En plus, même si on connaît leur identité, rien ne dit qu’ils ne sont pas allés à l’autre bout du pays pour filmer, vu qu’ils aiment tous deux voyager dans Bélium et dans d’autres pays.
– Tu veux qu’on essaye de trouver dans quelle forêt ils sont allés ? On est peut-être intelligents, mais là…
Maruno dit ce que pensent Tessa et Deshya, mais rapidement, Raiji secoue à nouveau la tête.
– Non, pas besoin de cela, je sais déjà où c’est !
– … Hein ?
Tessa penche la tête vers la droite, touchant presque la capuche de sa voisine de banc.
– Comment t’peux savoir ça ?
– Le bruit des oiseaux.
– … ?
Les trois amis l’interrogent du regard et Raiji sourit.
– La mésange huppée.
– Attends…
Maruno se frotte les yeux en agitant une main devant lui.
– T’es en train de nous dire que tu as reconnu le bruit d’un des oiseaux sur la vidéo et que tu sais où c’est, du coup… ?” demande-t-il.
Raiji sourit à pleine dent.
– Yuh-uh !
– Mais ce genre d’oiseaux peuvent se trouver n’importe où, non ?” demande Tessa, ne s’y connaissant pas bien dans ce sujet.
– Les mésanges huppées ne sont pas vraiment sociables et on ne les voit pas beaucoup, excepté dans les forêts de conifères,” explique Deshya.
Raiji approuve en croisant les bras, un air clairement fier sur le visage.
– Yuup ! J’ai cherché un peu en ligne et j’avais raison : c’est bien le bruit de cette mésange. Après un peu plus de recherche encore, j’ai appris qu’il n’y a pas beaucoup d’endroit en Bélium où on peut les observer. Toutefois, il y a quand même plusieurs forêts, donc j’ai dû chercher un peu… J’ai rapidement trouvé l’endroit, toutefois.
– Comment tu as fait ?” demande Deshya, intriguée.
– Dans le nord de Sléron, il y a une forêt assez grande de conifères. En cherchant un peu plus sur cet endroit, j’ai appris d’un ami qui habite là-bas qu’il y a justement un bâtiment abandonné dans le milieu de cet endroit, même si personne n’y va vraiment car il n’y a pas grand-chose à voir. Toutefois, il m’a avoué que c’est fort possible que Clément et Maurine, le couple dont je vous parlais, sont allés là-bas.
– … Et si c’est pas là-bas ?
– Peu de chance. Je suis convaincu que c’est là-bas.
– … Ah, je vois. On peut pas voir la vidéo, alors ?” demande Tessa, venant tout juste de terminer sa baguette.
Raiji secoue la tête.
– Elle a été supprimée de leur TikTok, ils ne répondent à aucun message qui en parle et de plus, si quelqu’un essaie de la remettre en ligne, elle est supprimée directement. Certains disent que le gouvernement empêche sa publication à nouveau, mais peut-être que ça va trop loin, vous ne trouvez pas ?” répond-t-il.
Toutefois, les trois membres des Renards Associés ne répondent pas. Raiji reste silencieux, mais finalement s’assied à côté de Maruno en sortant son repas de midi à son tour. Deshya se tourne vers les deux garçons, penchant la tête vers l’avant.
– Et si c’est pas là-bas ?
– … Alors ça sera une aventure amusante, non ?” lâche Raiji, avec un peu d’hésitation dans la voix.
– …
– …
– Vous voulez vraiment y aller ?” demande Tessa, le menton sur son poing droit.
La question reste sans réponse durant quelques instants, mais Maruno prend la parole en premier.
– J’ai aucun problème avec cela. J’ai rien à faire aujourd’hui et même si mes parents me demandent de faire attention, si je suis avec vous trois, j’ai pas trop peur. Raiji est un fou furieux qui a tout fait pour sauver Deshya.
– A-Ah ?!
– Tessa est du genre à éclater quiconque viendrait à nous emmerder.
– Lol.
– Et Deshya est loin d’être faible.
– J’avoue !
– De toute façon, ça devrait aller, si on y va. Par contre, tu veux juste qu’on ait vérifié s’il y a réellement un cadavre ? Pourquoi ?
Raiji croque dans sa tartine, mais répond malgré sa bouche pleine.
– Si y a réellement un cadavre, ptêtre que c’est un meurtre, nan ? Si c’est l’cas, des gens comme vous pourrez ptêtre comprendre ce qu’il s’est passé.
– … S-Sérieusement ? C’est ta raison ?” demande Deshya.
– Ouaip.
– … Bah, si on trouve un cadavre là-bas, on aura qu’à appeler la police de Sléron.
– Est-ce que la police de Sléron n’est pas assez… faible ? Enfin, ils sont souvent aidés par celle de Lamur ou de Shiru, non ?” demande Maruno.
– Ouais, c’est ça,” avoue Tessa. Ma mère y va souvent pour le travail et quand elle est tombée dans une affaire de vol, c’était quand même la police de Shiru qui s’est ram’née.
– Eeeh, je vois…
– Cela ne change pas qu’il faudra appeler la police, si un cadavre s’y trouve vraiment. Pour l’instant, partons du principe que ce n’est qu’une farce de mauvais goût pour gagner de l’attention et que rien de spécial ne s’y trouve.
Deshya croise les bras en disant cela.
– Même si je ne pense pas qu’on a besoin d’y aller tous ensemble, on avait promis à Lam de traîner plus souvent ensemble, pas vrai ?
– Pas besoin d’une promesse pour qu’on soit tous les trois,” avoue Tessa en fouillant l’intérieur de son propre sac. C’est juste qu’elle a ouvert nos yeux qu’on est plus trop ensemble, en tout cas, on résout pas grand chose tous les trois.
– Faut dire, on devrait pas mettre notre nez dans des affaires de police, criminelles et tout ça…” lâche Maruno.
– J’ai entendu un bébé parler. T’imagines, Deshya ?
– Je suis pas un bébé !
– Ouiiin, ouiiiin !
Tessa commence à se moquer de Maruno en faisant semblant de pleurer, ce qui fait rire Raiji. Deshya secoue la tête en soufflant d’amusement. Malgré la taquinerie de Tessa, Deshya pense actuellement de la même façon que Maruno… Pourtant, elle tombe sur des affaires criminelles ou celles-ci l’attirent elle. Certes, c’est elle qui est allée voir ce qu’il se passait dans l’hôtel ‘Beleza Verde’, mais ce n’est pas elle qui a voulu résoudre l’affaire de ‘XIII’ ou de ‘Sleeping Little Beauty’. En pensant à ce site-là, Deshya se souvient que c’était aussi au début qu’une rumeur partagée sur internet… Toutefois, cela s’est avéré être une organisation terroriste derrière. Le sujet de ce site s’est déjà perdu dans les millions de conversations sur internet, même si une vidéo plutôt populaire a vu le jour sur ‘Sleeping Little Beauty’ le week-end dernier. Elle ne l’a pas regardé, mais il semblerait que son prénom a été mentionné deux à trois fois dedans, même si c’est surtout Minos Kiyon qui a été mentionné dedans. Deshya peut comprendre : c’est lui qui a résolu la majorité de l’enquête. Même sans l’aide de Deshya, il aurait tout compris à temps, la fille le sait parfaitement bien.
– Bref, moi ça m’va,” avoue Tessa.
– Aucun souci avec moi aussi,” répond finalement Deshya.
– Parfait !” dit Raiji. On va pouvoir traîner tous les quatre, c’est génial !
– Je ne sais pas si traîner ensemble à la recherche d’un cadavre dans un endroit sombre dans une forêt qu’on connaît pas est la meilleure activité au monde…” soupire Maruno.
Tessa approuve et tous les quatre continuent de discuter jusqu’à la fin de la pause de midi, avec les cours qui reprennent.
Pour tous, les cours se terminent à 15h25, avec le cours optionnel d’Espagnol 2 heures pour la classe 4B. Après avoir salué Amora, Deshya se dirige vers le petit groupe qui s’est formé en dehors de l’école. Rejoignant Raiji, Tessa et Maruno, Deshya remet correctement son sac sur son dos et leur dit qu’elle est prête. Maruno demande si elle a prévenu Amora où ils allaient, mais elle lui répond qu’elle n’a pas encore dit quoi que ce soit, au cas où il est préférable de garder tout cela secret. Même si Amora est certes sa meilleure amie, nul besoin de tout lui raconter dans les moindres détails. Deshya pense que même si elle sort avec un garçon ou une fille, elle ne pense pas tout lui dire… Sur ce, ils se dirigent tous quatre à la gare de Tetazo pour prendre le train et aller à Sléron. Certes, elle est la ville juste au nord de Tetazo et pourraient tous y aller à pied sans le moindre problème, mais ils préfèrent prendre le train vu qu’ils ont tous un abonnement et de plus, c’est au nord qu’ils doivent aller, là où la forêt où ils veulent aller continuent aussi dans les frontières de Lamur. C’est donc ainsi qu’ils entrent dans un train et s’y dirigent ensemble.
– Le trajet va prendre 30 minutes, vu que le train doit s’arrêter un peu avant,” leur explique Raiji.
Le garçon s’assied à côté de Maruno, Deshya à côté de Tessa. Cette dernière retire la capuche de son pull ‘NOMOR KINGS’ qu’elle a sur le corps et secoue ses cheveux en scrutant les environs.
– Tant que ce train-ci est pas bombé, le trajet devrait être sympa,” dit-elle.
Il est compliqué de savoir si elle dit cela sérieusement ou pour rigoler. Contrairement à Frie, Amora ou même Deshya, Tessa n’a pas été grandement affectée par la situation où ils se sont tous trouvés, durant l’affaire du train inarrêtable. Cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas eu peur pour sa vie ou celle des autres, mais il est clair qu’elle n’a pas été traumatisée — pas le moindre du monde. C’était aussi elle qui était le plus calme dans le train, avec Annie qui est pourtant une policière depuis des années. Cela en dit beaucoup sur le mental de cette fille…
– Je ne pense pas que ce sera le cas,” avoue Maruno. De toute façon, si ça arrive, on arrête directement le criminel !
– Vous allez nous porter la poisse…” soupire Deshya.
Raiji pouffe en les entendant parler et regarde ensuite à travers la fenêtre du train, là où le paysage commence tout doucement à bouger.
– Vous parlez de tout ça tranquillement, c’est impressionnant…
– Comment ça ?” demande Tessa.
– Eh bien, vous vous êtes retrouvées dans un train bombé, Deshya a été enlevé et failli tuer et Maruno a dû supporter une semaine entière en étant surveillé et retenu contre son gré, avec sa copine et une de ses meilleures amies qui ont failli mourir dans un hôtel… Surtout toi, Deshya, je sais pas comment tu fais pour continuer à vivre aussi… tranquillement.
Deshya ne répond rien, surtout que Raiji ne sait même pas la réalité pour sa disparition de 5 mois. Maruno et Tessa regardent Raiji et ensuite se tournent vers la fille au pull renard, se disant qu’au fond, il a raison… Remarquant les regards posés sur elle, Deshya sourit.
– Disons qu’on m’aide à aller mieux. De toute façon, tant que personne ne meurt dans mon entourage, tout va bien, pas vrai ?
Elle se gratte le côté du pull, mais sa réponse ne convient à personne. Deshya le sait très bien et baisse donc le regard tout en souriant.
– Bah, ma vie est remplie de surprise et j’ai l’impression que n’importe où je vais, une enquête m’attend, mais au moins, la vie m’a déjà prouvé le contraire…” avoue-t-elle. J’ai été majoritairement tranquille après l’affaire de l’hôtel « FEDER » et durant la semaine de ‘Sleeping Little Beauty’, je me suis sentie vraiment bien, surtout que j’ai rencontré une de mes idoles. Ma vie n’est pas horrible et j’ai même Korone à mes côtés, maintenant, donc je n’ai pas de raison de souffrir, n’est-ce pas ?
Cette fois-ci, sa réponse est convaincante et vient du cœur. Voyant l’expression sur le visage de Deshya prendre petit à petit un air assez déplaisant, Tessa croise les jambes et ferme les yeux.
– J’sais pas si vous savez, mais si une bombe explose pas loin de vous, ou un truc explosif, une des choses à faire, c’est d’ouvrir grand la bouche,” lâche-t-elle sans prévenir.
– Ah bon ? Pourquoi donc ?” demande Maruno.
Tessa montre sa propre oreille droite de son index, un œil désormais ouvert.
– Pour que la pression de l’explosion n’brise pas vos tympans, mais aussi pour que les poumons ne se fassent pas compressés dans l’onde de choc. Certes, se boucher les oreilles protège les tympans, mais vu que ça n’empêche pas la surpression de s’évacuer, ce n’est pas suffisant. De plus, sans ouvrir la bouche, cela peut endommager les poumons comme j’ai dit, et peut y avoir des vaisseaux sanguins qui explosent, ce qui provoque une suffocation probablement mortelle.
– Eeeh, tu m’apprends un truc là. Vous le saviez, vous deux ?
Maruno et Deshya approuvent.
– Ma mère travaillait dans les explosifs, avant,” explique courtement Maruno.
– Mon père est inspecteur de police,” dit simplement Deshya.
Toutefois, cette dernière se dit que cette information est bonne à savoir uniquement pour ses poumons : protéger ses tympans serait bien plus complexe, vu que mettre ses mains devant ne serait pas entièrement utile. De plus, vu que ses oreilles sont plus fragiles que celles des humains… Elle ne sait pas trop comment cela irait. Toutefois, malgré les quelques explosions dans l’hôtel, ses oreilles n’ont pas été endommagées. Certes, les bombes étaient bien plus basses que l’endroit où elle se trouvait, mais cela n’en restait pas moins une explosion.
– J’ai encore à apprendre pour être à votre niveau…” exprime Raiji en se frottant le menton.
– T’as pas à être à notre niveau,” avoue Tessa en gardant les yeux fermés, les mains derrière la tête. On est bien en trio, pas b’soin qu’on devienne une squad.
– J’ai envie d’être plus intelligent !
– Comme t’veux !
Tessa sourit en montrant ses dents, mais rapidement reprend une expression neutre. Raiji se tourne vers Deshya.
– Et toi, tu as quelque chose comme Tessa à dire ? Je veux en apprendre plus !
– C-Comme ça ? Hmmm…
Deshya réfléchit intensément, mais finit par trouver quelque chose.
– Que la montagne la plus grande qu’on connaisse vient d’un astéroïde qui s’appelle ‘Vesta’ et qu’il fait en tout vingt-deux kilomètres ; bref, trois fois plus grand que le mont Everest ?
– Aaah, je le savais déjà, ça !
– A-Ah, alors… que le lever de soleil sur Mars est bleu ?
– Pourquoi ?
– Parce que la majorité des ondes rouges sont filtrées et donc le soleil paraît bleu. C’est dû aux particules qui se trouvent dans l’atmosphère de Mars, qui sont globalement du CO2 et de la poussière riche en fer. C’est aussi pour cela que le ciel là-bas a l’air rouge.
– Un truc que je savais pas ! Et toi, Maruno, t’as un fait comme ça à partager ?
– On est plus à l’école, et pourtant, on se prend un test surprise…
Maruno se gratte le haut du crâne en réfléchissant à son tour.
– Hum… C’est grâce à Jennifer Lopez qu’on a Google Image… ?” propose-t-il, incertain de quoi dire d’autre.
– H-Hein ?
Raiji est complètement confus à ce qu’il vient d’entendre, mais même Deshya et Tessa ne savent pas s’il est sérieux ou qu’il vient de dire une vraie connerie.
– Me regardez pas comme si je venais de mentir ! C’est à cause de sa robe particulière durant les Grammys de 2000, du coup, tellement de gens cherchaient sa photo qu’ils ont décidé d’ajouter Google Image ! Je ne mens pas, vous pouvez vérifier sur internet.
Maruno croise les bras et Tessa ouvre les deux yeux, même si faiblement.
– On est passé de moi qui donne un vrai conseil à un fait que tout le monde s’en fout…
– Arf, mon cœur ! C’est pas quelque chose que tout le monde s’en fout pas ! Pas vrai, Raiji ? Deshya ?!
– Ah non, j’apprécie !” avoue Raiji avec le sourire.
– J’aime bien apprendre des trucs comme ça,” répond Deshya.
– Dans ta petite gueule, Tessa !
– Si on rencontre pas de cadavre là-bas, je ferai en sorte qu’il y en ait un.
Elle ferme à nouveau les yeux.
– Bien sûr, je parle de toi, Maruno.
– Tu vas faire quoi quand ma copine va pleurer comme pas possible ? Tu l’apprécies, Aya, non ?
– J’ai envie de t’embêter, mais vous êtes tellement amoureux que même avec ma mauvaise humeur, j’ai pas envie d’me moquer d’votre couple.
Elle croise les bras et continue de se reposer, sa tête contre le siège.
Quelques minutes plus tard, ils arrivent tous les quatre à la gare de Sléron. Ils se dirigent rapidement vers la rue principale et suivent Raiji, vu qu’il est celui qui sait où se trouve cette fameuse forêt. Ils ne sont toujours pas certains qu’il a juste, mais ils lui font confiance — surtout Deshya. Comme ils se le sont dit plus tôt, même si cette piste ne mène à rien, au moins, ils auront pu s’amuser à traîner tous ensemble. Certes, d’autres activités auraient peut-être été préférables, mais tant qu’ils peuvent passer du temps ensemble, qu’importe.
Six minutes plus tard, ils sont devant une forêt de conifères, comme Raiji leur avait dit. Autour d’eux ne sont plus aucune maison et ils se retrouvent sur un long chemin qui mène à l’intérieur de cette forêt. Ils y marchent quand ils remarquent quelque chose devant eux.
Quatre personnes adultes.
Trois hommes et une femme pour être plus exact. Ils discutent tous ensemble, mais le groupe d’adolescents n’y portent pas vraiment attention. Toutefois, les oreilles de canidé de Deshya captent leur conversation.
– Tu sais où ça se trouve, au moins ?” demande la femme avec un ton d’ennui dans sa voix, mais majoritairement amical et calme.
– C’est dans la forêt, je crois bien dans le centre…” avoue l’homme à ses côtés.
– Sinon, on y va et on trouvera, la forêt est pas aussi immense que vous pensez,” lâche l’autre tout près d’eux, en face de la femme.
– Le bâtiment en ruines y est, c’est certain !” dit l’autre.
Son cri est entendu de tous et les adolescents se retournent vers le groupe juste derrière eux. Remarquant leur geste en chœur, les adultes observent les adolescents à leur tour.
– Quoi ?” demande l’un des hommes. Vous voulez quelque chose ?
– Vous avez parlé d’un bâtiment en ruine… Vous êtes ici à cause de la vidéo de ‘Clérine’ ?” demande Raiji, les yeux grand ouverts.
– A-Attendez, vous aussi ?
La femme pousse doucement l’homme en face d’elle et s’approche du groupe d’adolescents.
– Vous êtes là à cause de cette vidéo ?” demande-t-elle.
S’ils ne répondent pas, elle compte insister jusqu’à avoir une réponse sincère : ils peuvent le sentir. Deshya est celle qui prend donc la parole.
– Oui, c’est justement là où on va.
– Vous savez où c’est ?
L’homme aux cheveux noirs s’avance à son tour vers le groupe et range son téléphone dans sa poche. Raiji est celui qui acquiesce.
– J’ai demandé à une connaissance qui vit pas loin d’ici,” répond-t-il avec sincérité. De toute façon, il faut juste s’enfoncer un peu dans la forêt et le bâtiment est rapidement trouvable. C’est pas comme s’il était caché ou un truc dans le genre.
– Tu vois, j’vous l’avais dit !” avoue un autre homme. Faut m’faire confiance.
– On ne se connaît pas vraiment et je ne voulais pas me perdre…
– Vous perdre dans la forêt de Sléron ? C’est pas un désert ou la forêt amazonienne, hein ! Revenez sur vos pas ou avancez tout droit et dans trente minutes max’, vous êtes de retour à la ville.
– …
L’homme aux cheveux noirs ne préfère pas répondre, tournant à nouveau son attention sur le groupe d’adolescents.
– Il semblerait qu’on va tous au même endroit, du coup.
Les quatre adultes sont désormais devant les quatre adolescents et vice versa. Tessa a une partie de la tête cachée sous sa capuche, tout comme Deshya — à son habitude. Un des trois hommes décide de briser le soleil en se pointant tout seul du doigt.
– Je m’appelle ‘Rayan Silvagre’, bien le bonjour ! Je ne m’attendais pas à tomber sur d’autres gens qui vont voir le bâtiment abandonné qui était dans la vidéo de Clément et Maurine, surtout des ados !
Une carrure normale, des habits sans rien de spécial aux couleurs avec peu de saturation dont des chaussures de montagnes, l’homme a des cheveux noirs plutôt courts sur le crâne. Toutefois, il n’est pas cet homme qui s’est avancé pour discuter avec les adolescents. Ses yeux bruns clairs montrent un certain côté enfantin, ses quelques rides par-ci et par-là prouvent qu’il a déjà dépassé la trentaine, mais clairement n’a pas atteint la quarantaine. Sur son oreille droite, on peut voir un petit bijou qui décore son lobe, mais aucun sur celle de gauche. C’est un homme qui ne peut pas être considéré comme incroyablement beau, mais n’est absolument pas moche.
– Vous faites quoi ici ?” demande Tessa, à moitié intéressée par ce groupe d’adultes.
Rayan lui répond sans la moindre hésitation dans sa voix.
– Comme les trois avec moi, nous sommes vidéastes pour ‘TikTok’ aussi ! Ma chaîne à moi n’est suivie que par un peu plus de mille personnes, mais je me fiche de grandir trop vite, vu que je veux juste visiter des endroits étranges pour le plaisir. Que ce soient des lieux abandonnés, des maisons dites hantées ou même des bâtiments en ruine, je prends ! Je compte aller visiter le parc qui est dit abriter un fantôme dans le nord d’Izambar, un jour !
Son enthousiasme est palpable et son sourire enfantin est presque contagieux, même si Tessa garde un air neutre tout le long. Cependant, elle écoute attentivement ce qu’il dit et lâche des regards vifs aux autres adultes.
– Comment vous avez trouvé l’endroit… ?” demande Deshya.
– Ah, on est pas tous ensemble. Par exemple, je ne connais pas vraiment les trois derrière moi, mais je pense que ça vaut le coup pour eux aussi. Enfin, sauf ces deux-là, qui sont un couple.
Il pointe du pouce l’autre homme aux cheveux noirs qui tient actuellement la main de sa femme — Deshya peut voir leurs bagues.
– Perso’, j’ai compris que l’endroit était ici car je regardais le live et je savais bien que le bâtiment était dans cette forêt, vu que j’habite pas loin d’ici, mais surtout que quand j’étais plus jeune, je l’ai déjà vu en venant dans cette forêt. Bah, j’y suis jamais entré, vu que mes parents m’interdisaient de visiter un lieu dangereux, sombre et presque effrayant comme celui-ci, donc je ne l’ai jamais réellement oublié. Enfin, il était dans un coin de ma tête, quoi, héhé.
Il se frotte la nuque avec un sourire quelque peu gêné, rougissant faiblement. Ce que Tessa et Maruno en tirent surtout, c’est que le bâtiment doit être abandonné depuis un certain temps, s’il était aussi ici et dans cet état quand cet homme était plus jeune. Ils ne savent pas réellement si c’était il y a dix ans, vingt ou même plus, mais qu’importe : c’est une information qui les intéresse. Deshya et Raiji le comprennent aussi, mais ils sont un peu plus concentrés sur l’histoire de l’homme. La fille au pull de renard à son attention attirée sur le porte-clef qu’elle voit attachée sur le sac de l’homme.
– Une pièce d’échec ?
Pour être plus exact, un pion blanc. Rayan la touche en souriant.
– Je suis un ‘national master’ d’échec et la partie qui m’a permis d’atteindre un tel titre est grâce à un coup avec mon pion blanc, donc je le garde comme porte-bonheur. J’ai toutes les pièces d’échecs, blancs comme noirs, dans mon sac au cas où je pourrai jouer contre quelqu’un que je rencontre dans un bar, sur une terrasse ou n’importe où.
– Eeeh…
Deshya ouvre grand la bouche, impressionnée. Même si ce titre ne semble pas être le plus prestigieux, il n’est pas si simple à atteindre. Il faut un certain niveau aux échecs, avoir joué depuis un petit temps et bien comprendre le jeu. Même si cela n’est pas aussi impressionnant qu’un ‘grandmaster’, sous-estimer le titre de ‘national master’ serait honteux.
– Je vois ! C’est génial !” dit sincèrement Deshya.
Elle apprécie beaucoup les échecs, après tout. Rayan acquiesce avec un grand sourire, clairement heureux qu’elle lui dise cela. Comprenant que cette présentation est terminée, la femme prend ensuite la parole.
– Moi, c’est ‘Léa Lotus’ !” se présente-t-elle. Comme Rayan l’a dit, ce petit homme à côté de moi est mon homme à moi, ‘Marc Réti’ !
– Oh, Réti ?
Deshya sourit, amusée du nom de famille. Après que l’autre homme ait parlé d’échecs…
– Hm, comme Rayan l’a aussi dit, on est tous les deux des vidéastes pour TikTok, mais on a clairement pas la popularité de ‘Clérine’, pour être honnête…
Elle l’avoue avec gêne sous le regard non seulement des adolescents, mais aussi des trois autres adultes à ses côtés. Ses cheveux châtains coulent d’une façon élégante jusqu’à la fin de ses épaules, ruisselant telle une cascade plutôt calme. Ses quelques boucles ajoutent de la beauté à son déjà existant charme, avec des yeux bleu clair bizarrement rassurants. Son visage est sans ride, mais penser qu’elle n’est pas proche de la trentaine serait naïf. Des boucles d’oreilles qui pendant des lobes, des longs cils noirs et une silhouette appréciable, mais peu visible derrière ses longs vêtements, il est clair à n’importe qui autour d’elle — surtout à son homme — qu’elle est une femme magnifique. Certains pourraient dire qu’elle serait plus belle avec des cheveux plus longs, mais cela dépend des goûts.
– Aussi, Rayan, il faudra qu’on se fasse une partie, après !” lâche le mari de la femme.
Cet homme aux cheveux noirs assez courts est aussi quelqu’un d’une beauté indéniable. Ses yeux vert foncé sont charmants et ses cils sont de la même longueur que ceux de sa femme. Il porte des chaussures assez costaudes, mais pourtant, n’est vêtu que d’un short et d’un t-shirt qui fait croire qu’il pense encore être en été. Contrairement à Léa ou Rayan, aucune boucle d’oreilles de visibles, ni de trous pour en mettre, mais il semblerait qu’il a un tatouage à l’épaule droite, mais celui-ci n’est pas entièrement visible. Tout comme l’immense tatouage sur le bras gauche de Tessa, invisible à cause de son pull, il semble être fait d’un beau noir, mais les adolescents sont incapables de dire ce qu’il est supposé être.
– On s’en fera une !” accepte Rayan.
– Vous l’avez trouvé comment, cet endroit, vous ?” demande Raiji, s’adressant à la femme aux cheveux châtains.
– Ah, nous ? C’est avec le bruit des oiseaux ! On a eu de la chance de voir la vidéo qui a été rediffusée et vu que ma mère adoooore les oiseaux, elle a reconnu leur chant directement !
– Oh, comme nous !
Raiji explique rapidement que c’est de cette façon qu’il a compris que c’était ici, ce qui impressionne la femme, mais elle continue son explication.
– En plus, vu que je connais Clément et Maurine de l’école où j’allais, malgré notre différence d’âge, je sais qu’ils n’habitent pas loin de Sléron, donc je me suis dit que c’était sûrement ici qu’ils viendraient. Quand j’ai parlé un peu au frère de mon mari, il nous a dit qu’il y avait bel et bien un endroit pareil que sur leur vidéo, donc on a tenté notre chance en venant ici, mais on ne sait pas exactement où aller dans la forêt, donc on hésitait à errer entre les arbres en espérant trouver le bâtiment abandonné…
– J’ai accompagné ma femme vu que ça serait mieux qu’on filme ensemble, surtout qu’on veut prouver que cette histoire de cadavre est fausse !” explique l’homme, tournant son attention sur la conversation. Après…
Avec honte, il baisse son regard.
– Sans mentir, on espère aussi trouver quelque chose d’intéressant, car si on arrive à prouver qu’il y a réellement un cadavre ici ou un truc intriguant…
– Vous gagnerez en popularité, n’est-ce pas ?” demande Tessa.
Ils acquiescent tous les deux avec gêne, mais Tessa ne pense pas qu’ils aient besoin d’agir de la sorte : ce n’est pas un problème d’essayer de gagner de la popularité de la sorte. Ils ne le cachent pas non plus, donc elle ne voit pas le problème avec tout cela. Le dernier homme se présente à son tour, même s’il ne semble pas aussi enthousiaste que les trois autres.
– J’m’appelle ‘Balthazar Kriken’, j’habite juste dans le village d’à côté. Mon truc, c’est pas les échecs comme eux, mais plutôt la musique.
– Je ne m’y connais pas vraiment, en échec…” avoue Léa.
– Bah, comme les deux autres mecs, quoi,” se rectifie Balthazar. Je suis aussi vidéaste, mais je commence une nouvelle chaîne sur TikTok, vu que mon ancienne fonctionnait pas des masses. J’ai abandonné un bon moment, mais vu que j’ai trouvé cet endroit, je me dis que je peux commencer fort, si j’arrive à prouver ou démentir qu’y a un cadavre ici. J’cacherai pas que je suis ici surtout pour gagner de la popularité, mais c’est comme ça que ça marche, avec les réseaux sociaux.
Chose que personne ne viendrait à nier. Le plus vieux du groupe, sa barbe rasée repousse déjà, avec une moustache peu duveteuse qui fait son apparition sous un nez plutôt gros. Ses cheveux blonds sont à peine plus courts que les châtains de la femme, mais ils sont loins d’être coiffés. Il est clair qu’il en prend soin, mais aucun peigne n’est passé dans ses mèches — cela est aussi une chose certaine. Ses yeux brun foncé n’ont pas de trop de vie en eux, mais ils ne sont pas non plus agressifs, juste légèrement menaçants. Malgré tout cela et le manque d’enthousiasme dans sa voix, Balthazar, à premier coup d’œil, n’a pas l’air d’être quelqu’un de mauvais. Son t-shirt à longue manche est à moitié caché par le pull noir sur son corps, avec un pantalon brun foncé et des chaussures noirs et rouges qui lui chaussent les pieds. Son style fait presque trop ‘jeune’ pour quelqu’un comme lui, ayant probablement 37 et 38 ans. Toutefois, cela lui va quand même bien.
– Vu que j’habite pas loin, je connais l’endroit. J’en ai entendu parlé par ma sœur ce week-end et vu que j’étais occupé hier, j’ai pas pu venir, alors j’ai décidé de venir aujourd’hui après le boulot. J’suis tombé sur eux trois qui discutaient ensemble,” termine Balthazar en montrant le groupe d’adultes à côté de lui d’un geste du menton.
La femme sort son téléphone, observe l’heure, et ensuite lève le regard vers les adolescents.
– Sinon et vous ?
Rapidement, chacun se présente à son tour, avec Deshya en dernière. Ensuite, la femme demande ce qu’ils viennent faire ici. Raiji est celui qui vient à répondre à sa question.
– On aimerait savoir s’il y a réellement un cadavre ici ou non,” avoue Raiji. On est pas vidéaste comme vous, toutefois.
– Ah, je vois.
Elle s’étire avant de sortir son téléphone.
– Et si on y allait, du coup ? C’est cool de discuter, mais il ne faudrait pas non plus qu’on arrive et qu’on parte trop tard.
Ils acquiescent tous et ainsi, ils entrent dans la forêt. Raiji est celui qui agit comme ‘leader’, devant tout le monde, vu qu’il sait exactement où aller. Certes, il n’est jamais venu ici et sait seulement que le bâtiment abandonné se trouve dans cette forêt grâce à une connaissance, mais vu que cette dernière lui a rapidement expliqué comment aller à l’endroit qu’il cherche, il n’aura aucun souci à trouver le bâtiment.
Le bruit de leur pas est bien audible, dans la forêt : les feuilles et brindilles craquent sous leurs chaussures. La vue est magnifique, surtout que l’automne a commencé, et la température ambiante est agréable. Tessa est aux côtés de Maruno et Deshya, tandis que les quatre adultes sont ensemble, le couple marié se tenant la main. Balthazar prend l’une ou l’autre photo de la nature, un sourire désormais sur le visage. Léa filme déjà un peu les alentours, tandis que Raiji fredonne doucement une mélodie qu’il a beaucoup écouté hier soir. De plus, il est heureux : pouvoir partir à la chasse à la rumeur de la sorte, surtout avec Deshya, Maruno et Tessa, il adore ! Au début, il avait cru que Deshya n’accepterait pas, encore moins Tessa, mais il est content de voir qu’il s’était trompé sur ce point. Le chant des oiseaux est une musique à leurs oreilles, certains animaux sauvages se montrent rapidement sur les écorces des arbres ou derrière les buissons, mais fuient rapidement. Le bruit ambiant de la forêt, l’atmosphère chaleureuse et le paysage de la forêt verte et graduellement orangée rend la marche plus qu’agréable. Deshya regarde parfois la main de Tessa à ses côtés, mais la lui prendre est au-delà de ses compétences. Certes, elle ne pense pas que Tessa en aurait quelque chose à faire, vu qu’elle a accepté de l’embrasser sans aucun souci, mais Deshya viendrait à mourir de joie si elle pourrait lui tenir sa main… Elle espère qu’un jour, cela arrivera, mais ce jour n’est sûrement pas tout de suite.
– …
Elle repense au voyage scolaire qui arrive bientôt : la semaine prochaine, en réalité. Amora lui a proposé d’avouer son amour là-bas, mais est-ce sage ? Est-ce qu’elle peut réellement le faire ? Si Tessa ne ressent pas la même chose qu’elle, Deshya va devoir supporter le reste du voyage, à ses côtés, sans pouvoir réellement ‘fuir’ à cause de la honte et de la tristesse… De plus, Deshya a peur du rejet. Elle ne veut pas garder ses sentiments en elle indéfiniment, mais elle préfère ne jamais se prendre un ‘Désolé, ce n’est pas réciproque’ et jamais ne l’avouer que sentir son cœur se briser dans sa poitrine. Toutefois, elle compte un moment lui avouer la vérité… que ce soit durant ce voyage scolaire ou plus tard, elle ne peut pas attendre encore des mois et des mois.
– Oh !
Raiji lâche un bruit de surprise et tout le monde lève le regard pour observer devant eux. Le garçon aux cheveux noirs court à travers les buissons et les sept autres le suivent de près. Rapidement, ils arrivent devant le fameux bâtiment qu’ils cherchent tous.
– C’est ici !
Des ruines d’une ancienne bâtisse qui n’était clairement pas une maison.
Le bâtiment tient bien debout, mais le toit n’est pas très haut. En réalité, il serait même possible de complètement le louper lors d’une promenade matinale, vu tous les arbres qui l’entourent et sa hauteur minable. L’entrée principale ne comporte plus aucune porte et des vitres brisées font office de décorations peu aimables dans les trous du bâtiment. D’ici, l’intérieur est entièrement sombre, ce qui contraste étrangement avec les couleurs vives et d’automne de la forêt. Tessa s’approche de deux pas de Deshya.
– Tessa ?
– Au cas où.
La fille plisse les yeux en tournant le visage discrètement vers les adultes.
– Rien ne dit que l’un d’eux ou même tous sont des gens mauvais,” dit-elle. Vaut mieux qu’on fasse gaffe.
Deshya rougit doucement, mais elle approuve et sa main tremble, mais encore une fois, elle n’arrive tout bonnement pas à attraper celle de Tessa. Raiji s’approche d’elles deux, laissant Maruno observer le bâtiment avec les adultes.
– Besoin de ma protection aussi~ ?” demande-t-il avec un sourire taquin.
– Tu seras surtout notre leurre si on doit fuir.
– J-Je ne sers que comme cobaye ou quoi…” lâche Raiji. Tu m’étonnes que je suis toujours célibataire…
– Laisse pas les taquineries de Tessa t’avoir comme ça, Raiji !” pouffe Deshya. Elle m’embête juste, donc ça veut dire qu’elle t’apprécie. Tu sais, qui aime bien, charrie bien !
– Moui, je te crois.
Tessa ne confirme pas ce que vient de dire Deshya, mais c’est justement ce manque de réponse qui prouve qu’elle a raison. Raiji serre donc les deux mains, de la fumée sortant de son nez.
– On va pouvoir prouver si un cadavre se trouve vraiment dans les lieux ou pas !” dit-il avec excitation.
– T’es réellement énergie pour un mec qui va peut-être voir une vue horrible dans c’bâtiment,” lâche Tessa. Je me trouvais étrange de ne pas me sentir si mal en voyant des gens mourir dans le train, mais toi…
– C’est sûrement une farce et on va rien trouver, donc…
Raiji hausse les épaules, ce qui étonne Deshya.
– Tu n’es pas plus certain que ça ? Pourtant, vu ce que tu disais à l’école…
– Oui, c’est possible, mais en y réfléchissant bien, je ne pense pas qu’on trouvera grand chose. Toutefois, on va pouvoir démentir qu’un cadavre s’y trouve et hop, parfait ! C’est un bon projet aussi, ahah !
Raiji se retourne vers le bâtiment et l’observe, mais Tessa fronce les sourcils.
– C’est pas parce qu’on trouvera pas de cadavre que ça veut dire qu’il n’y en avait pas un à ce moment-là…” pense-t-elle.
Deshya pense pareil et au fond, Raiji n’est pas si naïf que de croire que cela n’est pas possible. Toutefois, ils ne préfèrent pas penser à de telles fantaisies sans avoir vu l’intérieur du bâtiment.
– C’est vrai que tu ne te sentais pas mal en voyant les cadavres dans le train ?” demande Deshya, s’adressant à la fille à côté d’elle.
Tessa baisse le regard sans bouger la tête, mais elle le relève rapidement.
– C’était des inconnus pour moi, donc je ne pouvais pas me sentir si mal. Après, peut-être que j’exagère… Je pense juste que je n’étais pas aussi sensible qu’Annie ou toi,” répond-t-elle avec sincérité.
– … Je vois, c’est pas grave, je comprends !
– … Hm.
Tessa lâche un discret acquiescement et ensuite regarde Maruno revenir vers eux.
– Du coup, en fait, c’est quoi, ce bâtiment ?
Les deux filles haussent les épaules et quand tous trois se tournent vers Raiji, il répond qu’il n’en sait rien. Toutefois, un des adultes s’approche d’eux en photographiant l’endroit de son téléphone et leur explique ce qu’il sait :
– C’est un ancien laboratoire qui servait dans les années 1990, mais a été fermé en début des années 2000. Je crois vers 2002, mais je ne peux pas l’affirmer avec certitude…
– Pourquoi un laboratoire dans le milieu de la forêt ? En plus, il a l’air… petit, pour un laboratoire,” demande Maruno.
– Je n’en sais pas vraiment plus que ça, il faudrait demander à des habitants de Sléron qui sont ici depuis longtemps. Si je ne dis pas n’importe quoi, c’était un laboratoire qui faisaient des recherches de leur côté, n’appartenant pas réellement à une firme en particulier, mais allez savoir. Par contre, je peux vous assurer que le laboratoire est plus grand que vous ne le pensez, vu qu’en réalité, la majorité de ses étages sont dans le sol.
– T’en sais beaucoup, Rayan,” avoue Marc.
Les deux hommes se regardent quelques instants, mais finalement, Rayan sourit à nouveau.
– Je venais ici plus jeune et mon père m’en avait un peu parlé, mais bon, je ne l’ai pas bien écouté, vu que je ne me souviens pas de tous les détails…
Pendant que les adultes parlent entre eux, avec les adolescents qui les écoutent, Deshya fixe attentivement le bout de laboratoire qu’elle peut voir à la surface de la terre. Tout en l’admirant elle se demande :
– Est-ce que j’étais dans un endroit comme ça, quand j’ai été enlevé… ?
Une question qui lui traverse l’esprit, mais qui va désormais rester accrochée à son cerveau. A-t-elle été dans un laboratoire pour qu’on fasse des expériences sur elle ? Après tout, il a bien fallu qu’on s’occupe d’elle, pour qu’elle reste encore en vie. Quand elle est revenue auprès de ses parents, elle était toujours en bonne santé, ne manquait pas de grand-chose — bien qu’un peu assoiffée — et contrairement à ce qu’on pourrait penser, rien n’allait mal avec son corps. Ses oreilles et sa queue de renard sont bien intégrées en elle, n’étant pas rejetées par son corps lui-même. Le médecin qu’elle est allé voir a même avoué que c’était normalement impossible. Deshya avait demandé si ça l’était réellement, vu qu’on peut transpléter un vagin ou un pénis sur l’autre sexe, mais le docteur a avoué que ce n’était pas du tout la même chose. Deshya se demande aussi comment son corps peut accepter de tels ‘corps étrangers’, surtout qu’un humain n’est pas censé pouvoir détenir de tels attributs… Il serait sûrement possible de greffer des oreilles et une queue sans trop de problème, mais que celles-ci fonctionnent aussi parfaitement ? Cela est digne de sciences-fiction. Peut-être que dans des années — dizaines, centaines ou plus —, cela sera totalement normal et n’étonnera plus personne, mais dans leur temps et âge, cela n’est possible que dans les rêves de ceux qui aimeraient réellement avoir des attributs d’animaux.
– … Est-ce que je suis… unique ?
Elle veut une réponse à cette question. Est-elle la seule personne avec des attributs d’animaux ? Y a-t-il, dans ce monde, une fille ou un garçon qui traîne avec une queue et des oreilles de chat ? De chien ? Peut-être même des attributs d’oiseaux, de poissons ou d’insectes comme un moustique ou même un cafard ? Elle va peut-être trop loin, mais depuis qu’elle sait ce qu’elle est, Deshya se demande ce qui touche réellement la science-fiction et la réalité…
– On y va ?
Tessa lui tapote le bras de son coude et lui propose d’entrer à l’intérieur. Elle accepte, mais avant qu’ils y aillent tous, ils se préparent. Marc et Léa filment déjà le bâtiment en ruine avec leur téléphone à la verticale, Balthazar tient le sien à l’horizontal en capturant aussi la végétation, tandis que Rayan ne le sort pas encore. Toutefois, il attrape une lampe de poche et le fait tourner dans sa main.
– Vous avez des lampes de poche ?” demande-t-il.
Raiji en sort quatre de son sac : il avait prévu le coup. Chacun de ses amis en reçoit une, avec Raiji lui-même qui en garde une et l’agite aussi dans sa main, même si plus maladroitement que Rayan.
– On a tout ce qu’il faut !” dit le garçon aux cheveux noirs.
– Ahah, parfait !
– J’en ai une aussi,” avoue Balthazar.
– On a une application parfaite pour ça sur nos téléphones, pas besoin,” avoue Léa.
Son mari acquiesce et remarquant qu’ils sont tous parés pour leur ‘exploration’, ils s’approchent de l’entrée du bâtiment. Avant d’entrer, toutefois, Marc demande s’ils y vont tous ensemble ou s’ils font des groupes de 2 ou 3.
– Je propose qu’on reste tous les quatre et vous restez vous quatre,” répond rapidement Tessa.
– Est-ce que c’est réellement la meilleure des solutions ? Genre, c’est vraiment… ‘safe’ ?” demande Marc.
– Je n’ai rien contre vous, mais on s’connaît pas. Oui, on serait peut-être plus en sécurité avec des adultes, mais je pense qu’on sait se défendre et se débrouiller seuls, surtout qu’on a des buts assez différents. Si on reste ensemble, alors on reste tous les huit ensemble, mais on prendra plus de temps à trouver des trucs et si l’un de nous est horrible, on est tous dans la merde ensemble.
– … Les jeunes de nos jours…” soupire Rayan.
Il allume sa lampe de poche et hausse les épaules.
– Faites ce que vous voulez, moi ça me va de faire des groupes comme ça. Après, on est pas dans Scooby-Doo en train de chercher un fantôme, se séparer va pas nous tuer, donc qu’importe. Dérangez juste pas les vidéos des autres et tout va bien.
– On fait comme ça, alors ?” demande Léa.
Ils approuvent tous et entrent ainsi à l’intérieur du sombre bâtiment, le groupe d’adolescents se dirigeant vers la gauche, celui des adultes à droite. Rapidement, ils tombent sur des escaliers qui mènent aux étages du dessous, ainsi qu’un ascenseur dont la cage n’est pas visible, probablement tout au fond, dans l’abysse obscure qu’ils peuvent voir depuis le rez-de-chaussée.
– Est-ce qu’on visiterait pas plutôt le seul étage du bâtiment, avant ?” propose Raiji.
– J’préfère commencer par le pire, donc le bas, surtout que j’parie que c’est là où ton Clémentine ou j’sais pas quoi était allé,” répond Tessa, se retournant déjà vers les escaliers.
Même si la cage d’ascenseur n’était pas détruite, le manque d’électricité leur empêcherait de l’utiliser. N’ayant pas d’autres choix que de descendre grâce aux marches de marbre, ils descendent tous ensemble, leur lampe de poche dans les mains. Maruno est le seul qui filme les lieux, au cas où quelque chose venait à se passer ou qu’ils auraient besoin de preuve pour montrer aux autres. Deshya garde son téléphone dans les mains pour prendre des photos et les envoyer à son père à tout moment, mais elle ne sait pas si la 4G fonctionnera dans les profondeurs de ce laboratoire.
Leurs pas résonnent contre les murs sombres et délabrés. Des morceaux de marbre, de pierre et de verre jonchent sur le sol, certains écrasés par leurs pas. Excepté leur lampe de poche, aucune lumière n’existe dans ce laboratoire. Les ampoules sont soit explosées, brisées ou retirées. Le long couloir ne montre même pas sa fin, un brouillard de ténèbres les attendant au fond. Les pièces qu’ils peuvent voir à gauche et à droite souvent généralement similaires, rarement intéressantes et n’ont plus grand meubles : des voyous ont dû squatter les lieux et ont ‘emprunter’ — bref, voler — ce qu’il restait des lieux. Deshya se demande intérieurement si un sans-abri n’habiterait pas les lieux, mais elle n’espère pas : s’ils viennent le déranger, qui sait ce qu’il pourrait faire pour se défendre… Cependant, avec Maruno, Raiji et surtout Tessa à ses côtés, elle n’a pas besoin d’avoir trop peur… Toutefois, les ténèbres des lieux, l’étrangeté des pièces qui sont répétitives et les murs aux peintures griffées et décomposées ne rendent pas l’endroit… sympathique, encore moins rassurant. Elle n’a pas envie de fuir sur le coup, mais elle préférerait ne pas être là du tout. Au moins, Tessa et les autres sont à ses côtés.
– Rien, pour l’instant. On n’peut même pas savoir quel genre d’labo c’est…” dit Maruno en regardant l’intérieur d’une pièce encore vide.
– Ouais…
Raiji soupire en se grattant l’arrière du crâne.
– Je m’attends pas à qu’on trouve grand-chose de toute façon, la plupart des trucs ici ont dû être pris avant qu’ils ne ferment le laboratoire ou des gens ont dû venir voler tout ce qu’il y avait,” avoue-t-il.
– Je pense pareil,” lâche Tessa en s’avançant aux côtés de Deshya.
Cette dernière saute au-dessus d’une porte presque entière qui se repose sur le sol, sa vie et son but éteints d’elle. Rien ici ne donne envie de rester, avec une odeur de pourriture, mélangée à de la pisse et autre chose d’indescriptible entrant dans leurs narines — désagréable est un mot trop faible pour exprimer ce ressenti. Les toiles d’araignées sont bizarrement une décoration joyeuse dans un tel endroit. Quelques insectes rampent sur le sol, mais aucun des quatre n’a de raison d’en être effrayé, même si à tout moment, c’est un animal plus gros qui peut se pointer. Tout en avançant, ils arrivent au bout du couloir, là où d’autres escaliers sont visibles.
– Je suppose qu’on va devoir aller plus profond dans le laboratoire…” soupire Maruno.
– Il reste encore trois pièces ici,” remarque Raiji.
Ils vont donc voir ce qu’ils peuvent trouver, mais cette fois-ci, ce ne sont pas que des pièces vides : quelques meubles sont restés. Deshya s’avance seule vers l’un d’eux, remarquant que c’est un bureau tout à fait normal, son bois ayant perdu de sa beauté et ses tiroirs impossibles à ouvrir, faisant face au sol. Un cadre peut être observé sur le mur d’en face, encore intact, avec la photo d’une femme aux côtés d’un homme souriant. Vu que la photo est en noir et blanc, ainsi que poussiéreuse, Deshya ne peut pas réellement savoir qui sont ses deux personnes, mais une note est lisible à côté :
« Merci à tous ! – Lisa 1997 »
Deshya suppose que ‘Lisa’ est la femme qu’elle peut observer sur la photo… Toutefois, inscrire cela en griffant dans le mur ? Si le laboratoire a réellement fermé ses portes dans les alentours de 2002, alors ce message a vu le jour tandis que le lieu était encore actif. Deshya se demande si c’est réellement autorisé… Vu la date, les chances que quelqu’un ait écrit cela plus tard est peu probable. Deshya scrute les environs, admirant aussi le plafond, espérant trouver quoi que ce soit.
– Aaah !!
D’un coup, un cri retentit — celui de Raiji. Deshya fronce les sourcils et court hors de la pièce, se dirige rapidement là où elle voit ses trois amis et demande ce qu’il se passe. Elle observe d’abord Tessa, cette dernière fixant droit devant elle avec des yeux plissés. L’odeur est non seulement irrespirable, ici, l’ambiance est affreuse et terrifiante. L’air de Tessa est celui du dégoût, mais aussi… d’une sorte de ‘peur’. D’inquiétude forte. Deshya tourne le visage et sa lampe de poche vers sa droite, à l’intérieur de la pièce—
— et ouvre grand les yeux.
– Q-Qu…
La pièce est entièrement vide… excepté pour une chose.
Ils ont trouvé leur cadavre. Toutefois…
Celui-ci a un trou en plein ventre, ainsi que des yeux manquant dans leur orbite. La taille du cadavre, sa corpulence…
C’était un jeune garçon. Probablement 12 ans.
Mais cela n’était pas le pire.
– C’est quoi ce bordel… ?” lâche Tessa.
Car c’est en réalité une dizaine de cadavres troués qui se présentent à eux dans cette pièce immonde.