Fox-Eared Detective
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Chapitre 56 – Sombres Secrets du Laboratoire Abandonné
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Durant la ‘commotion’ provoquée par Raiji, ce dernier s’étant enfui d’un coup en criant que tout cela est bien trop naïf, un des trois adultes a observé la scène depuis sa cachette, s’assurant de ne pas être observé. Remarquant que Raiji s’éloigne du groupe en courant à toute vitesse, la silhouette sourit à pleine dent et commence à trotter dans l’autre couloir, ne pouvant pas passer à côté du groupe d’adolescents qui vont forcément partir à sa recherche sans plus tarder. Vu que la personne connaît bien les lieux, elle sait bien qu’elle peut croiser Raiji rapidement et avant les trois autres adolescents en prenant le couloir de droite, un raccourci possible à emprunter grâce à un gros trou dans le mur. Sans avoir à s’arrêter ou être bloqué dans ce même trou, la personne réussit à rejoindre l’autre couloir comme prévu, même si ses vêtements se salissent à cause de la poussière présente par terre et des débris restants. De toute façon, elle n’aura qu’à mentir en disant qu’elle est tombée ou qu’en marchant dans une des pièces, elle s’est collée contre un mur sans faire exprès — elle y pensera après. La personne a réussi à trouver une bonne excuse aux deux autres adultes pour rapidement fuir, promettant de revenir rapidement, donc elle doit se débarrasser rapidement de Raiji : après tout, elle est certaine qu’il a toujours son téléphone sur lui. Avec cela en tête, elle doit le lui prendre, l’empêcher ainsi d’appeler la police et le plus rapidement possible, récupérer les autres téléphones. Le fait qu’ils ne les aient pas mis dans le sac est un problème, mais d’un autre côté, c’était tant mieux pour cette personne : avec le corps de ‘Rayan’, l’homme qu’elle a tué, qui s’est déjà raidi, elle ne sait pas réellement comment elle aurait pû prendre le sac avec elle sans avoir à couper les lanières. La seule chose qui la dérange est qu’il va falloir ranger tous les téléphones dans son propre sac, mais dès que cela sera fait, elle n’aura qu’à fuir les lieux sans la moindre hésitation, partant ainsi de ce laboratoire qu’elle connaît plutôt bien. Les adolescents lui ont posé un certain problème, mais après tout, ils ne restent que des enfants. La présence de ‘Deshya Oveja’ est un problème vu son intelligence, mais il semblerait qu’elle n’a pas encore réussi à découvrir son identité et donc n’a pas besoin d’avoir trop peur d’être découvert. Même si cette personne aura du mal à se défendre face aux accusations qu’elle va se prendre pour le meurtre de Raiji, elle n’a pas réellement le choix : elle doit voler son téléphone au plus vite ! La personne sort donc son couteau de sa poche — vu qu’elle n’a pas pensé à prendre de pistolet ou la moindre arme à distance, comme les adolescents le pensent — et vérifie d’abord que Raiji ne la voit pas derrière lui. Heureusement pour le criminel, le garçon est trop concentré sur son téléphone, sûrement en train de composer le numéro de la police, alors elle s’approche sans faire de bruit, lève haut le couteau et vise ainsi le dos de Raiji, avec l’intention de le blesser gravement — le tuer n’est même pas un problème pour elle.

CHAPITRE 56  
Sombres Secrets du Laboratoire Abandonné


– Idiot.

Toutefois, Raiji lâche ce mot sans même se retourner, ce qui fait ouvrir grand les yeux du criminel.

Et au même moment, on lui attrape le bras.

D’une force qui prouve de l’expérience et de l’exercice, celle qui a attrapé le bras droit de la victime, celui qui tient le couteau, force le criminel à reculer d’un pas et d’un coup de poignet, fait lâcher le couteau aiguisé à l’adulte. La fille pousse l’arme vers l’arrière, l’envoyant à l’entrée de la pièce, et justement, une autre fille l’attrape en soupirant, se baissant vers ce couteau. L’adulte ferme un œil, son bras tiré d’une certaine façon qu’il ne peut pas le faire bouger. L’impression qu’il va être arraché de son corps est réellement désagréable et il est rapidement envoyé par terre d’un coup de pied précis, l’empêchant d’attraper l’autre couteau qu’il a dans son sac ou de se défendre d’une façon ou l’autre. Le garçon devant l’adulte garde son téléphone allumé, mais baisse la tête.

– Tu croyais quoi… Cela aurait été trop simple, si j’étais aussi con, pas vrai…

Raiji se retourne vers l’adulte, une partie de son visage illuminé par la lumière du téléphone. Dans cette même pièce, la seule fenêtre qui s’y trouve a été barricadée par des planches d’un vieux bois, clouées avec maladresse et laissant passer des fins rayons du soleil qui ne s’est toujours pas couché. L’homme peut donc voir une certaine partie du visage de Raiji, ce dernier souriant avec une touche de ‘malveillance’ dedans.

– Notre petit ‘Balthazar Kriken’ ?

Raiji lâche l’identité de l’homme d’un ton aussi amusé, qu’heureux et fier. Balthazar, ce criminel qui a failli planté un couteau dans le dos de ce garçon, ouvre grand les yeux : vu la façon dont Raiji parle, qu’il agit et comment il n’a même pas eu besoin de se retourner pour comprendre qu’il était dans la pièce, Balthazar comprend directement qu’il est tout bonnement tombé dans un piège. Ses yeux se referment d’un coup, la lumière de la lampe de poche de Raiji agressant ses rétines. La fille qui tient toujours Balthazar en plaçant sa main dans son dos est celle aux longs cheveux mauves, ‘Tessa Merossa’, s’assurant que l’adulte ne pourra rien tenter. ‘Maruno Uffite’ arrive dans la pièce à son tour, passant à côté de ‘Deshya Oveja’ qui tient l’arme qu’elle a ramassé en l’observant.

– Ce n’est pas un simple couteau de cuisine, en tout cas…” remarque-t-elle.

Balthazar grince des dents, cherchant à échapper la prise de Tessa, mais lorsqu’il tente de se débattre, la fille au-dessus de lui le frappe — sans que cela soit trop violent — pour lui faire comprendre que ses gestes ne servent à rien. C’est en grognant que Balthazar arrête de bouger, se mordant la lèvre inférieure. Maruno regarde dans les alentours, mais ne voyant rien qui puisse ligoter Balthazar, il s’excuse en allant rapidement chercher une corde : il en a vu une devant le bâtiment, lorsqu’ils sont entrés, donc cela ne prendra pas trop de temps de la prendre. Raiji regarde son téléphone et s’éloigne un peu de Tessa et Balthazar en tapotant sur les chiffres de son écran.

– Je vais appeler la police, ça va aller, Tessa ?” demande-t-il.

– Yup, il a l’air pas trop doué donc j’aurai pas trop d’problème à l’retenir.

– Parfait.

Raiji sort de la pièce en mettant le téléphone sur son oreille, passant à côté de Deshya sans rien lui dire. La fille observe le garçon marcher dans le couloir en attendant qu’on lui réponde, l’autre main dans la poche de son pantalon. Deshya ne l’avait pas forcément remarqué auparavant, mais Raiji garde toujours le même casque autour du cou, pourtant, celui-ci n’a aucun fil attaché. Est-ce un casque ‘Bluetooth’ ? Il ne lui a jamais demandé, surtout qu’elle ne le voit jamais avec sur la tête. Amora devrait aussi le savoir, mais c’est une question qu’elle posera plus tard, ayant autre chose à faire pour l’instant. Dans la pièce peu éclairée, l’adulte reste immobile en grinçant des dents, silencieux et attendant sûrement que Tessa vienne à se déconcentrer l’espace d’un instant, mais malheureusement pour lui, c’est mal connaître cette fille : s’il faut qu’elle reste 1h concentré sur ce qu’elle fait, alors cela ne lui posera aucun souci. Tessa n’est pas non plus du genre à sous-estimer les autres dans une situation pareille, alors Deshya n’a pas peur qu’il réussisse à se relever. Remarquant qu’elle a toujours le couteau dans les mains, ces dernières gantées, elle le range dans une poche de son cartable en pensant qu’elle ne doit pas l’oublier, vu que ça peut être une preuve utile pour la police. Juste après, Maruno revient avec une longue corde — suffisante pour ligoter l’adulte — et Deshya l’aide, avec Tessa, à ficeler ‘Balthazar’, celui qui a failli tuer Raiji… mais aussi le coupable du meurtre de ‘Rayan Silvagre’.

– …

Balthazar est ensuite relevé sur les fesses, assis au fond de la pièce, éclairée par les lampes de poche de Maruno et Deshya. Tessa se tapote les mains pour retirer le peu de poussière dessus et se tourne vers ses deux amis.

– Raiji est toujours en train d’appeler la police ?” demande-t-elle.

C’est au même moment où elle pose sa question que l’adolescent en question revient en rangeant son téléphone dans sa poche.

– C’est bon,” dit-il.

– Ils ont répondu quoi ?” demande Tessa.

Raiji sort sa lampe de poche, mais ne l’allume pas et joue simplement avec elle dans ses mains.

– Deux policiers devraient être là dans 10 minutes,” répond-t-il.

– C’est quoi c’bordel… ?

D’une voix faible, mais audible, surtout grâce à l’intérieur de la pièce qui résonne, l’adulte ligoté parle, les yeux fixés sur les quatre amis devant lui. Non seulement l’ennui et la colère sont lisibles sur la colère, une touche d’une autre émotion, l’une complexe à saisir, se trouve dans ses yeux. Ce qui étonne Tessa sans pour autant la choquer, c’est son manque de peur, de frayeur ou d’inquiétude à l’égard de la police qui arrive. Même s’il est impossible d’être certain que les deux autres adultes, le couple de vidéastes, ne sont pas aussi des criminels qui aident Balthazar, les chances sont très faibles et donc aucun des adolescents n’ont peur d’une telle possibilité. Tessa se demande s’il est possible que quelqu’un d’autre qui travaillerait avec ce criminel se trouve ici, mais elle n’y croit pas non plus. Cela n’est pas impossible, mais juste peu probable.

– Comment ça ?” demande Raiji, arrêtant de jouer avec la lampe de poche qu’il détient dans les mains.

– J’me suis assuré de v’nir ici super rapidement, prenant un chemin encore plus court que le couloir où vous étiez…” dit Balthazar. Vous êtes venus à sa rescousse si rapidement ou—

– T’es idiot ou quoi ?

Raiji se gratte les cheveux.

– Tu as cru que j’étais un imbécile assez idiot pour courir comme ça, dans ce labo abandonné, parce que j’aurai l’impression que mes potes sont naïfs ? C’est toi, l’naïf, dans c’cas là.

– En plus, on savait que c’était toi le coupable,” avoue Deshya. On le savait déjà avant.

– A-Avant… ?

Cette fois-ci, Balthazar montre un certain étonnement sur le visage, choqué d’apprendre cela. Deshya acquiesce et pointe le doigt vers lui.

– Même si c’était plus tard qu’on en a été convaincu, c’est toi qui a toujours été le plus suspicieux et bizarre des trois,” répond-t-elle en partie.

– Parce que j’étais seul, contrairement à l’autre couple, là ?

Maruno secoue la tête.

– Nah, c’était pas ça.

– Alors quoi ?” demande Balthazar, perdant patience.

Il est dans une situation où il ne peut pas réellement se permettre d’agir de la sorte, mais c’est ce qu’il fait dans tous les cas — est-ce une question d’expérience, parce qu’il sait qu’il ne peut rien faire dans tous les cas ou qu’il veut les provoquer, seul lui pourrait le savoir. Deshya lui répond donc :

– Parce que tu tenais ton téléphone en paysage.

– … P-Pardon… ?

Cette même réponse qui ne peut empêcher Balthazar de cligner des yeux dans son incompréhension, n’ayant aucune idée du rapport avec la manière dont il a tenu son téléphone et lui qui est ‘suspect’. Voyant qu’il ne comprend pas, Raiji décide de lui expliquer, lui montrant son propre téléphone.

– Vu que tu voulais filmer pour ‘TikTok’, tu devrais filmer ça en vertical plutôt, vu que c’est uniquement comme ça que tu peux visionner les trucs sur cette application. Même si tu ne filmais pas encore, inventons, t’aurais le réflexe de le faire quand même au cas où.

Raiji hausse les épaules.

– Bah, contrairement aux trois autres autour de moi, c’est pas quelque chose que j’ai remarqué et même si j’l’avais vu, ça m’aurait pas choqué.

– La différence entre génies et petit idiot, on dirait,” le taquine Tessa.

– C’est juste que de toute façon, ça n’aurait rien voulu dire…

Il n’est pas forcément vexé, mais peut-être que les mots de Tessa lui ont quand même piqué le cœur. Balthazar soupire longuement, fermant les yeux.

– Quelle raison d’merde, mais en même temps… J’comprends. ‘Tain, j’y avais pas pensé,” dit-il.

– Si tu avais simplement dit que tu voulais commencer une chaîne sur TikTok, mais ne t’y connaissais pas, cela aurait été un détail inutile à prendre en compte, je pense,” lui dit Deshya. Bah, de toute façon, ce n’était rien qui nous permettait de mettre le doigt sur toi quand on pensait à un coupable pour le meurtre de ‘Rayan’, mais j’avoue que du coup, j’ai pensé plutôt à toi et je me suis demandé si c’était possible.

– Personne n’avait réellement un ‘alibi’ correct et vu qu’on était au sous-sol, on ne pouvait qu’espérer comprendre le ‘Dying Message’ du mort que tu as planté.

– …

L’homme plisse les yeux.

– Quoi, cette pièce d’échec, là ?” demande-t-il. Je l’ai vu prendre quelque chose dans son sac dans ces derniers moments, mais j’ai cru que c’était un simple porte-bonheur…

Les adolescents acquiescent tous en même temps.

– On avait raison : ce chevalier est bel et bien son ‘Dying Message’,” lâche Maruno.

– Je suis content d’avoir compris, hm, hm,” sourit Raiji.

– Vous vous foutez d’ma gueule, c’est ça ?!

Balthazar ne baisse pas sa voix, celle-ci résonnant dans la pièce entière. Malgré son insupportabilité, Deshya n’a pas besoin de se tenir les oreilles cette fois-ci, même si sa voix grave est désagréable — le fait qu’elle résonne de la sorte n’aide pas. Tessa secoue la tête.

– Nan, c’est vraiment un ‘Dying Message’ qui pointe que c’est toi l’criminel.

– Comment, hein ?” demande Balthazar.

Les adolescents se regardent, se demandant s’ils veulent même le lui avouer. Toutefois, Deshya finit par prendre la parole en premier, ayant réellement envie de donner l’explication. C’est probablement une question d’égo et de fierté, mais cela ne lui pose aucun souci : ils doivent attendre la police et Tessa est un peu plus en arrière contrairement à eux, s’assurant que personne ne vient aider Balthazar. Les chances qu’il soit accompagné restent si faibles qu’elles s’approchent de 0, mais cela restent des chances…

– Vu que c’est un cavalier noir, cela aurait pû signifier ‘Marc Réti’, vu que son nom de famille est littéralement un ‘opening’ — donc une ouverture — d’échec, qui, de plus, commence avec le mouvement d’un cheval, bien que blanc,” explique Deshya.

– Par contre, même si après, Marc aurait tout fait pour l’attraper ou le retirer de là, en s’approchant peut-être du corps en lui demandant s’il va bien, volant ainsi la pièce d’échec pour retirer le seul indice qui mène à lui,” rajoute Maruno.

– Même sans ça, si ça parlait d’lui, j’sais pas pourquoi se faire chier à prendre une pièce dans son sac à la place de son porte-clef,” avoue Tessa, regardant à gauche du couloir.

– Donc pour moi, ça ne pouvait pas être Marc, car il aurait eu sûrement le temps de reprendre la pièce d’échec en s’approchant du corps. La laisser là était trop risqué, surtout qu’il s’y connait assez bien en échec de ce qu’on a pu entendre avant d’entrer dans le laboratoire,” parle Raiji.

– Donc car c’est pas lui, c’est moi, hein ?!” crie à nouveau Balthazar.

Tessa secoue la tête, mais c’est Raiji qui continue à parler.

– Vu que le mouvement d’un cavalier est en forme de ‘L’, on pourrait croire que ça représente la première lettre du prénom et nom de famille de ‘Léa Lotus’, ce qui n’aurait pas été idiot, mais vu sa réaction devant le corps et le fait qu’elle aurait sûrement quand même compris que c’était un ‘Dying Message’, je l’ai retiré de la liste de mes suspects, donc j’ai pensé à toi.

– C’est stupide,” avoue Balthazar. Retirer un suspect de sa liste pour une raison si débile…

– Eh, je dirai plutôt qu’on était plus ou moins convaincu que c’était toi, vu que tu semblais ne pas t’y connaître du tout sur le sujet de ‘TikTok’ malgré ce que tu as dit et en plus, pour nous, le ‘Dying Message’ était autre chose un peu plus complexe, s’assurant que personne le comprenne,” avoue Maruno en haussant les épaules.

– Lequel, alors ? Vous allez me dire qu’y a un chevalier connu qui s’appelle Balthazar ?!

Maruno secoue la tête et pointe du doigt l’homme devant lui.

– ‘Balthazar Kriken’, donc ‘B.K.’ En anglais, ‘cavalier noir’ est ‘Black Knight’. ‘B.K.’. C’est ça qu’il voulait dire.

– On utilise souvent les termes anglais, même en jouant contre des personnes qui parlent français,” avoue Deshya. Même si on aurait pû croire pour le ‘L’ de ‘Léa Lotus’, je pariais sur toi aussi. Bah, venir avec son mari, ce que je suppose est vrai, est pas la meilleure idée quand on veut tuer quelqu’un…

– Cela aurait pû être pensé sur le coup et pas à l’avance, mais j’avoue qu’en pensant à cet endroit, je me suis dit que c’était peut-être prémédité,” avoue Maruno.

– Comment ça… ? Qu’est-ce—

– Je le parie, Balthazar.

Maruno fronce les sourcils.

– Les cadavres ici sont des victimes de transplantations d’organes illégales, pas vrai ? Vous les tuez et prenez leurs organes de bonne qualité et les vendez illégalement, c’est pour cette même raison qu’il y a des corps surtout d’enfants, d’adolescents et jeunes adultes ?

Aucune réponse de la part de Balthazar. En réalité, les quatre adolescents pensent cela — oui, même Raiji. Tessa a été la première à le théoriser avec Deshya, mais Maruno l’a rapidement compris plus tard — cela va de même pour Raiji. S’ils ont raison, alors cela est une raison qui dépasse le dégoût lui-même. Dans certains pays, ce sont des pratiques qui sont utilisées par le gouvernement eux-mêmes, vu le manque de donneurs d’organes au sein du pays, mais Bélium n’a pas ce souci — en tout cas, rien de publique n’est connu sur ce sujet. Qui sait ce qu’il se passe dans les ténèbres d’un pays, d’une nation ? Si quelque chose veut être cachée, il y a toujours un moyen de le faire ; il faut juste comprendre que certains chercheront la vérité même si cela mène à leur propre demise. Toujours sans offrir la moindre réponse, l’homme fixe les adolescents d’un regard de braise, de feu violent. Raiji soupire.

– En tout cas, tant mieux que tu sois tombé dans mon piège…” lâche-t-il.

– Je ne vous ai pas entendu parler entre vous, comment avez-vous compris que ce n’était qu’un piège de sa part ?

Balthazar s’adresse aux trois autres adolescents, ignorant complètement le sourire mesquin sur le visage de Raiji. Celui qui répond est Maruno, mais sa réponse est la même pour tous les trois.

– Même sans trop connaître Raiji et ses capacités mentales, je sais qu’il est loin d’être idiot et quand même intelligent. Il n’aurait jamais menti d’une telle façon pour son téléphone s’il n’y avait pas une raison, alors j’ai compris qu’il voulait piéger le criminel à le chasser lui, le seul à toujours avoir son portable sur soi. Quand il s’est mis à courir après qu’on ait parlé, qui était aussi une discussion improvisée et faite pour autoriser Raiji à agir au cas où on nous écoutait, on a directement tous les trois compris qu’on avait vu juste.

– En plus, j’ai fait un clin d’œil rapide vers Deshya, mais on dirait qu’ils ont tous les trois compris,” sourit Raiji.

– C’était dangereux… T’aimes le danger, non ?” lâche Deshya en croisant les bras.

– Eh, tant que ça marche, ça marche.

– Et si ça marche pas ?

– Alors je suis un sale con.

– … T’aimes vivre dangereus’ment, j’aime ça.

Tessa tapote le dos de Raiji qui se met à pouffer, sous l’air ébahi de l’homme. Balthazar finit par baisser la tête dans un soupir de désespoir, mais il sourit à son tour.

– … Quand avez-vous compris pour les cadavres ?” demande-t-il.

– Honnêtement, des trous comme ça, des organes qui manquent et tout, y a pas 30 millions d’raisons différentes,” avoue Tessa, la seule qui a osé s’approcher. Même si ça aurait pû être l’repère d’un criminel à l’esprit taré, y avait plus de chance qu’ici soit un endroit pour récolter des organes illégalement.

– … Eh. Si seulement cette vidéo d’merde avait pas vu le jour… On avait fermé la porte comme il faut et les autres corps étaient généralement bien cachés, mais ils ont dû tout gâché…

– C’est vrai qu’y avait d’autres cadavres dans d’autres pièces.

Balthazar garde sa tête baissée, mais ses yeux sont bien ouverts.

– De base, on les bouge quand on peut, mais on a eu une commande assez grosse y a pas longtemps, la semaine dernière. Le temps qu’on se prépare à tout dégager, y a l’autre couple de cons qui sont venus ici et ont créé le bordel. On a fait en sorte que la vidéo soit rapidement supprimée et que la mettre en ligne soit impossible, mais on dirait qu’certains p’tits génies ont réussi à trouver l’endroit… Pas d’chance.

Balthazar parle désormais d’un autre ton, un peu plus calme et tout signe de colère ayant disparu de sa voix.

– Donc cet endroit…

– Le laboratoire a arrêté en 2002 et c’est en 2008 où on a décidé de l’utiliser pour récolter des organes illégalement,” avoue Balthazar, comme si son cœur voulait vider tout ce qu’il savait. J’ai commencé à travailler en 2020, mais j’sais que ce business n’est pas là depuis hier.

– …

Les quatre adolescents se regardent, mais Tessa continue de vérifier le couloir : toutefois, personne ne vient. Elle se demande où sont passés les deux autres adultes… Elle espère qu’ils sont sains et saufs.

– C’est horrible…” avoue Deshya.

– Je sais.

Balthazar lève enfin le regard, un minuscule sourire sur le visage, celui-ci ne paraissant porter aucun malice en son sein.

– C’est qu’un travail misérable qui paye pourtant vach’ment bien. Quand on est quelqu’un comme moi, qui sait rien faire à part se plaindre de savoir rien faire, on a pas trop l’choix,” avoue-t-il.

– … Ils sont où, les deux autres ?” demande Raiji.

– J’ai juste dit que j’devais rapidement vérifié que vous alliez bien tout en promettant de rev’nir. Ils m’ont cru comme des idiots, mais d’toute façon, je les aurai assommés sinon. Je leur ai proposé de fuir en attendant, car j’m’en fiche d’eux tant que j’avais les téléphones. J’avais pas le choix que de vous empêcher de contacter la police tant que j’étais ici.

– Tu aurais pu fuir, non ?” demande Tessa, plissant les yeux.

Il approuve, mais il réplique :

– Que je sois ici ou pas changeait rien, vu que mes traces de doigts auraient été trouvables à plusieurs endroits, car si j’portais des gants constamment, j’aurai été cramé, j’pense. J’aurai dû… En plus, on comptait se débarrasser des corps aujourd’hui, c’est même pour ça que j’étais dans les environs.

– Et pourquoi avoir tué Rayan ?” demande Deshya, remarquant que Balthazar n’hésite pas à leur révéler la vérité.

– On sait qu’il est d’jà v’nu ici et en réalité a déjà vu les cadavres, c’est même pour ça que certaines pièces n’avaient plus leur barricade. Il voulait juste profiter de ce qu’il savait pour filmer et avoir encore plus d’abonnés j’parie, donc j’ai voulu me débarrasser de lui aujourd’hui vu qu’on le surveillait. S’il était v’nu demain, j’aurai pas eu à l’tuer.

– … C’est horrible.

Il hausse les épaules.

– J’aime pas tuer, mais vous avez pas à m’croire. J’ai des ordres d’en haut et je les respecte.

– En haut ?

Maruno penche la tête et cette fois-ci, Balthazar ne répond pas directement. De plus, le couple revient vers eux en courant, leur demandant si tout va bien. Tessa les salue, leur promettant que ça va, tandis que Raiji se dirige vers eux à son tour. Il leur explique la situation dans le couloir, préférant qu’ils n’entrent pas dans la pièce, et l’homme ligoté fixe Deshya.

– … T’es donc la p’tite qui s’fait connaître et qui est assez tarée pour sauter d’un hôtel avec une moto, hein ? J’aurai jamais pû battre quelqu’un comme toi,” lâche-t-il.

– Comment ça ?” demande-t-elle, surprise qu’il lui adresse la parole.

– Tu m’fais juste penser à ma fille qui osait faire du karting à pleine vitesse alors qu’elle avait que 10 ans. Elle vit toujours comme si elle savait qu’elle allait crever demain, on dirait qu’elle est invisible. J’parie que t’es pareille, p’tite détective.

– …

– … J’te conseille de faire gaffe.

– ?

Deshya fronce les sourcils et Balthazar lui sourit. Maruno écoute leur conversation, ne s’intéressant plus aux explications de Raiji et de Tessa, observant l’homme ligoté.

– Tu veux savoir pour qui j’travaille ? J’peux t’le dire.

– Pourquoi en dire autant ?” demande Deshya, suspicieuse.

– C’est pas comme si j’aime vraiment c’que j’fais et honnêtement, aussi bizarre qu’ça soit, pouvoir dire ce que j’ai sur le cœur à quelqu’un qui vient pas d’la police me fait plaisir. Cherche pas à comprendre.

Même si elle ne peut réellement pas savoir ce qu’il ressent, elle a une touche de sympathie envers cette pensée : elle voudrait aussi dire aux autres à propos de ses attributs de renard, mais elle ne peut pas. En réalité, elle irait presque jusqu’à être heureuse de l’avouer à quelqu’un qui n’est pas une de ses connaissances, mais au moins pour que quelqu’un, dans ce monde, autre que sa famille et probablement ceux qui lui ont fait ça, sache la vérité. Quand Deshya a avoué la vérité entière à Korone, elle était si… heureuse. Peut-être que même pouvoir l’avouer à quelqu’un lui a permis de s’ouvrir un peu plus en général — elle repense à ce que lui a dit Amora ce matin. Est-ce que cela pourrait être aussi lié à son ‘faible changement’ ?

– … Je veux bien savoir. Pourquoi faire attention ?

– … Section 3.

L’homme garde le regard fixé sur Deshya.

– « Le Majeur » — bref, la Section 3. Celle qui s’occupe surtout du corps humain, des marchandises d’esclaves et tout ce qui touche aussi les nations françaises.

– P-Pardon ?

– Nous sommes aussi ceux qui sont parfois chargés de recruter certaines personnes pour travailler chez les Sections. J’suis plutôt un larbin qui est dans le domaine de la récolte d’organes et autres composants humains pour les vendre.

– Tu-Tu parles de quoi… là ?

Balthazar sourit, continuant ses explications comme s’il n’entendait pas la fille.

– Un total de 5 Sections.

Il fronce les sourcils.

– Les cinq doigts de la main. Les 5 Sections sont les ‘5 Doigts’, et moi, je viens de la Section 3, le Majeur.

– …

Deshya ne comprend toujours pas ce qu’il veut dire, ni de quel ‘groupe’ il parle. Toutefois, dans sa poitrine, son cœur ne peut s’empêcher de battre plus rapidement. Bien que cela serait sûrement trop beau pour être vrai, elle se demande si ce dont il parle… ne serait pas…

– Je ne suis pas haut placé, donc je ne sais pas réellement plus, sauf que chaque nom de Section est un nom de doigt, avec la Section 1 étant le petit-doigt. Toutefois, chaque nom de Section est d’un langage différent en fonction de leur fonction,” continue d’expliquer Balthazar, la tête à moitié relevée.

– …

– Je sais que ça doit faire beaucoup d’informations à la fois. Nous vendons parfois tout ça au Dark Web.

– L-Le Dark Web ?

Deshya répète ce qu’elle vient d’entendre, avec Maruno qui fronce les sourcils derrière elle, surpris de ce qu’il vient d’entendre. Balthazar acquiesce et la fille au pull renard serre un poing.

– Mais… C’est un groupe qui s’appelle les 5 Doigts, là où tu es ?

– La Main. Le Bras et ensuite le Corps.

– H-H… Hein ?

Balthazar sourit.

– La Main est ce qui regroupe la totalité des 5 Doigts et contrôle son entièreté. Le Bras est ce qui contrôle les Sections et qui est un gros domaine. Finalement, le Corps est ce que vous connaissez tous, mais qui est pour vous tous un mystère.

La voix de policiers retentit dans le couloir et Tessa peut même les voir. Les deux adultes mariés se retournent et Raiji leur dit que le coupable est ici. Remarquant que leur conversation arrive à sa fin, Balthazar décide de conclure rapidement. D’un sourire, il parle à Deshya avec un sourire qui est mystérieux : est-il amusé, ennuyé ou ressent-il autre chose ? Deshya ne peut pas le dire.

Et alors, Balthazar lui dit :

– Le Corps est ce que vous appelez le ‘marché noir’, Deshya. Le Bras est la division la plus connue de même marché noir… le ‘EFE’.

– !!!

Deshya ouvre grand les yeux — même réaction que Maruno.

– Tu es une fille courageuse et qui ira loin dans la vie, j’en suis certain, mais ne te mêle pas dans toutes les affaires que tu rencontreras, ‘Deshya Oveja’. Nous ne sommes pas dans une œuvre de fiction : évites de tels dangers.

– … Est-ce que je dois prendre ça comme une menace ?

Les policiers arrivent proche de la pièce, mais avant qu’ils n’arrivent, Balthazar arrive à lui répondre courtement :

– Je n’ai aucune raison de vouloir vous arrêtez, c’est moi qui a merdé. Disons juste que si tu rentres dans leurs affaires… j’espère que tu es prête à mourir.

Les policiers arrivent dans la pièce et Tessa leur montre le coupable. Le couple et les adolescents expliquent rapidement ce qu’il s’est passé, même si Deshya est globalement muette, pensant à ce qui a été dit. Balthazar avoue son crime, les policiers appellent quelques collègues pour venir sur la scène du meurtre et vérifier la véracité des récits des jeunes, parlant des cadavres troués ici. Ils sortent tous du bâtiment et ‘Balthazar Kriken’ — si cette identité est une vraie — est emmené par les forces de l’ordre, les mains attachées à l’arrière par des menottes. Bien évidemment, la corde a été retirée de son corps. Il se retourne et regarde à nouveau Deshya, souriant.

– Ne répète jamais ce que j’ai dit à quiconque. Enfin… vous deux.

Il s’adresse aussi à Maruno qui ne répond rien, mais Deshya reste toute aussi silencieuse. Ainsi, l’homme disparaît derrière les troncs de la forêt, accompagné des deux policiers. D’autres arrivent pour entrer dans le laboratoire abandonné, tandis que le couple reste avec les adolescents pour expliquer à nouveau ce qu’il s’est passé. Ils ont déjà récupéré leurs téléphones — celui du coupable a été emmené par les policiers — et Tessa regarde l’heure, mais rapidement tourne son attention sur Deshya.

– Vous avez parlé de quoi, à l’intérieur ?” demande-t-elle.

– … Rien.

Elle relève la tête et se retourne vers ses amis.

– Rien du tout.

– …

Elle sait bien que ce mensonge ne convainc pas du tout Tessa, mais elle préfère réellement ne rien dire : à quoi bon ? De plus, si Balthazar n’a pas dit d’idiotie — ce que, bizarrement, elle doute énormément —, alors c’est réellement un sujet dangereux… l’un qu’elle ne veut pas réellement s’approcher plus. Elle tourne ensuite le visage vers Maruno qui acquiesce, comme s’il pouvait lire dans ses pensées : il est préférable qu’ils se taisent sur ce sujet avec quiconque. Deshya pourrait en parler avec son père… mais au final, elle ne veut pas réellement aller plus loin dans cette recherche. Parce que du peu qu’elle sait…

Il est préférable de ne pas se confronter ou toucher au marché noir.

De plus…

EFE…

Une abréviation qu’elle connaît bien. C’est en réalité la division la plus connue de tout le marché noir.

‘Everything For Everyone’.

Elle compose une majorité des marchés et vend énormément sur le Dark Web, un endroit dont elle préfère rester bien éloignée. Elle ne veut même pas s’imaginer tout ce qu’il y réside… En général, les gens qui osent y aller diront qu’à part l’un ou l’autre site pédopornographie ou de vente illégale, rien ne s’y trouve d’intéressant. Toutefois, cela est de la naïveté pure et dure : la réelle partie du Dark Web qui est à éviter est bien cachée, où seuls ceux qui n’ont plus rien à perdre ou qui ont perdu toute santé mentale peuvent s’aventurer. Quiconque y va pour ‘rire’ se fera sûrement traqué, attaqué, enlevé… ou même tué. Deshya frissonne rien que d’y penser. Le marché noir est un simple marché clandestin où il est possible d’y acheter des produits illégaux ou introuvables ailleurs, mais ce n’est pas aussi ‘horrible’ que certains le pensent.

En tout cas, c’est justement ce qu’ils pensent.

– …

Maruno a aussi entendu le terme d’EFE — la division qui est le réel ‘cancer’ du marché noir. Les marchés qui vendent aussi des esclaves, des parties d’humains ou d’animaux, même de drogues illicites et complètement illégales. C’est aussi à l’EFE que des produits qui ne se trouvent sur aucun autre marché ou qui n’auraient pas dû encore voir le jour autre part que dans des usines ou laboratoires sont achetables, bien qu’à des prix que tout le monde ne peut pas se permettre. Même avec les 10 000 euros de Deshya, elle peut rêver d’acheter ce genre de choses.

… Heureusement qu’il était seul,” pense Maruno.

Il parle évidemment du criminel de cette affaire. Le fait qu’il a osé parler autant l’étonne aussi, mais Maruno n’avait pas l’impression qu’il mentait… Il semblait juste vouloir dire ce qu’il ne pouvait raconter à personne d’autre. Peut-être sait-il que maintenant qu’il a été attrapé par la police, sa vie est terminée… Peut-être même ne va-t-il rien avouer sur la vérité des corps.

Par contre… Je n’avais jamais entendu les autres termes.

Les ‘Sections’, les ‘5 Doigts’, le Bras,… Tout cela lui était nouveau — ce sont sûrement des termes utilisés uniquement là-bas ou par les plus gros connaisseurs. Maruno est très intrigué, mais pour sa propre sécurité, il ne préfère pas chercher plus sur internet. Le mieux pour lui serait de laisser tout ça de côté, abandonnant toute indiscrétion inutile. De plus, vu qu’il se trouve dans une telle affaire, il y a des chances qu’ils soient rapidement surveillés, donc Maruno préfère faire comme s’il ne savait rien de rien — même pensée que Deshya.

Et c’est donc environ deux heures plus tard, après avoir pris le train à nouveau, que chacun rentre chez soi en espérant pouvoir se reposer la soirée et ne pas dormir en cauchemardant à propos d’un spectacle si… horrifiant.

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Les touches des claviers sont tapées rapidement, les unes après les autres. C’est une mélodie qui s’approche plus de la cacophonie, une musique insupportable pour n’importe quelles oreilles — pourtant, c’est comme ça qu’ils travaillent. C’est un petit bureau et pourtant, un total de 20 personnes écrivent sur leur ordinateur, font des recherches ou simplement font ce qu’ils doivent exécuter. Les tâches sont des ordres, c’est tout ce qu’ils ont à retenir. Parfois, l’endroit est plus calme, plus silencieux et même les mouches ne font pas de bruit, mais certains jours, l’orchestre composé d’employés joue de sa mélodie nonchalante et répétitive. Certains aimeraient vivre en travaillant uniquement sur un ordinateur, mais personne n’oserait appeler ce travail-ci l’un de rêve. Les paiements ne sont pas forcément attirants, le temps que certaines tâches demandent force des heures supplémentaires — rarement payées — et même avec quelques fenêtres ouvertes, de la taille de l’écran de leurs ordinateurs, l’odeur à l’intérieur de la pièce ressemble à celui d’un adolescent qui fume et ne prend pas soin de soi. Des déchets de bonbons, des canettes et l’une ou l’autre cigarette éteinte et à moitié consumée se trouvent sur le sol. Peut-être que le seul avantage d’être ici est qu’ils sont majoritairement libres, mais cela est aussi un défaut pour ceux qui ne veulent pas travailler dans une odeur désagréable. Vu que chacun possède deux écrans — c’est la limite du luxe pour un endroit pareil —, ils regardent des vidéos, écoutent des podcasts ou même apprécient une série ou l’autre. Ils ont tous leur casque sur la tête, certains des écouteurs qui ne valent même pas 5€, et n’entendent pas forcément le bruit des autres claviers. Bizarrement, peu écoutent simplement de la musique. Un des hommes qui travaille ici — il n’y a pas la moindre trace d’une femme ici — regarde même un film sous-titré dans sa propre langue. En effet, la majorité des gens travaillant dans ce bureau ne parlent même pas français, ou plutôt, le strict minimum, celui demandé pour être embauché. Là, une femme passe dans l’étroit couloir qui permet de passer de la portée d’entrée à celle du fond, une tenue de secrétaire sur le corps. Vu le peu de vue féminine dans un tel endroit, les quelques hommes qui ont la chance de pouvoir la voir n’hésitent pas de la mater, bien que ses vêtements font que ses formes ne sont pas bien visibles. Ses cheveux noirs n’atteignent même pas ses épaules et les lunettes qu’elle porte sont rectangulaires : on aurait dit qu’elle faisait tout pour paraître être la secrétaire la plus ‘cliché’ possible. Malgré l’âge qui passe sur sa peau, elle reste plutôt belle et grâce à ses talons, elle paraît un peu plus grande que prévu. Toutefois, cela n’est pas quelque chose dont elle a besoin : elle atteint presque le 1m80 sans de telles chaussures. Elle arrive finalement au bout du couloir, ouvre la porte et emprunte l’ascenseur qui est interdit aux hommes qui travaillent sur les ordinateurs. Dans ce bâtiment, les étages du dessous sont tous pareils, avec des ordinateurs de tous les côtés et des bureaux étroits, mais elle ne veut pas s’amuser à les visiter tous : l’odeur lui coupe l’appétit, le vacarme lui brise les tympans et les regards tournés sur elle la met mal à l’aise. Elle n’imagine même pas une vie aussi… ridicule. Elle monte dans la cage d’ascenseur et appuie sur le numéro le plus élevé, le ‘8’. Quelques secondes plus tard, elle arrive à l’étage et sort de l’ascenseur en regardant à sa droite, là où une pancarte explique qu’il ne faut pas emprunter les escaliers entre l’étage 5 et 8, vu l’accident qui s’y est produit.

Un homme qui s’est suicidé.

Même si dès le lendemain, ils pourront y aller, la majorité des gens — pour ne pas dire tout le monde sauf 3 personnes — prennent l’ascenseur dans tous les cas. Cette même femme, qui est clairement une secrétaire, déteste emprunter les escaliers, surtout lorsqu’elle porte des talons. Elle avance dans le couloir aux murs sans couleur et finit par atteindre une nouvelle porte à la peinture bleue, d’une teinte qui correspond bien à l’endroit où ils travaillent. La femme aux courts cheveux noirs y toquent, attend et juste après, un homme vient l’ouvrir. Contrairement à ceux d’en bas, il a bonne mine, en bonne santé et même heureux. Avec un sourire, il la laisse passer en la saluant, lui demandant comment elle va et lui propose même une bouteille d’eau. Vu qu’elle n’est que de passage, elle le remercie pour sa bonté et se dirige juste au fond de la salle, passant à côté de tous les hommes et femmes qui travaillent dans l’endroit. Cette salle est bien plus grande, spacieuse et l’odeur existe à peine : c’est même agréable, avec une touche de lavande et d’une autre fleur qu’elle ne reconnaît pas. Ici, interdiction de fumer ou de polluer la salle, même si cela est souvent inévitable, raison pour laquelle des femmes de ménages sont embauchées pour nettoyer l’étage tous les jours — entre 1h et 4h du matin précisément. Arrivant enfin à la fin de la salle, la femme s’arrête devant une nouvelle porte, complètement bleu — même ton que celle que l’autre porte — et y toque à nouveau avant de prononcer son prénom :

– C’est ‘Joanna’.

Rapidement, une voix retentit de l’intérieur, lui autorisant à entrer. Elle fait donc, tourne la poignée et ferme la porte derrière lui directement, s’approche du bureau où la chaise lui fait dos, avec une personne à l’intérieur qui observe l’extérieur depuis les grandes fenêtres de l’endroit. La secrétaire au prénom de Joanna dépose un dossier sur le bureau, le pousse doucement vers l’avant et s’incline poliment, même si la personne assise sur la chaise ne peut pas la voir, même dans le reflet faible des vitres.

– Madame.

D’une voix sérieuse ; d’un dos droit ; d’un regard admiratif, mais neutre ; d’un professionnalisme qui respire l’expérience. La secrétaire parle à la femme toujours assise dans sa chaise, un verre d’alcool doux dans la main gauche.

– Je viens vous faire un rapide rapport,” déclare Joanna.

– Je t’écoute,” répond courtement la femme.

Sans plus tarder, la secrétaire parle, commençant par remettre correctement ses lunettes rectangulaires sur son nez.

– Notre employé ‘Balthazar Kriken’ a été arrêté il y a désormais 1h42, dans le nord de Sléron, durant sa mission de se débarrasser de l’homme qui en savait un peu trop sur notre endroit AC-41.

– Le laboratoire où nous récoltons les organes pour des transplantations et les vendre sur le marché et au Dark Web ?

– Exactement.

– Pourquoi a-t-il été arrêté ? Comment cela se fait-il ?

– De ce que l’un de nos employés a rapporté, il a réussi à se débarrasser de la cible, mais les gens qui étaient là-bas ont découvert qu’il était le criminel et l’ont piégé. Il est actuellement au poste de police de Sléron et même si nous pourrons le récupérer, je pense que—

– Non, n’en faites rien. Nous devons nous faire le moins remarquer. Est-ce que la police a commencé une enquête sur les cadavres ?

– Oui, madame. Il semblerait que les gens là-bas ne savent pas trop ce qu’il s’y passe et ont simplement expliqué ce qu’ils ont vu. Il est plus ou moins certain qu’ils ne sont pas allés jusqu’au plus bas sous-sol du laboratoire, donc ils n’ont pas trouvé l’entièreté des cadavres. Ce soir, nous allons nous en débarrasser, mais nous ne pourrons pas récolter les cadavres qui sont dans les autres étages, sinon, cela va paraître trop suspicieux.

– Est-ce que Balthazar leur a parlé de nous ?

– Il semblerait que non. Un membre de la Section 2 est à la station de police et s’assure qu’il n’ose rien dire sur sa coopération avec nous. Nous savons tout sur sa famille dans tous les cas, donc s’il ose révéler quoi que ce soit…

– Bien.

La femme dans la chaise tourne doucement son verre d’alcool avant d’en prendre un petit coup, mais presque rien. Elle profite du goût, de la texture et de la chaleur dans sa bouche avant d’avaler le tout.

– Il ne doit rester aucun cadavre à l’intérieur de ce laboratoire qui soit sous l’étage -4.

– Les étages -5 et -6 sont déjà prévus, mais nous aurons besoin de plus de personnels pour le -4,” avoue Joanna.

– Cela m’est égal, nous ne pouvons pas risquer plus. Il y a déjà des chances que tout cela soit compris par la police, donc nous allons devoir faire profil bas et trouver des excuses si le besoin nous le demande.

La femme dépose le verre derrière elle et se lève de sa chaise.

– Je chercherai un nouvel endroit où extraire les organes pour ceux qui le demandent. Une femme riche qui travaille dans le domaine de la justice nous a demandé spécialement un foie d’une fille entre 7 et 8 ans ; nous n’avons que deux semaines devant nous. L’accord a déjà été passé.

– Nous aurons le temps.

– Bien évidemment. Merci du rapport… Toutefois.

La femme tourne doucement le visage vers l’arrière.

– Que s’est-il passé là-bas pour qu’il soit piégé ? Ne devait-il pas se trouver seul avec cet homme ? Je veux dire, notre Balthazar avec notre cher monsieur qui en savait bien trop.

Joanna garde une pose droite et approuve.

– Il semblerait qu’un couple de vidéaste s’y trouvait aussi, mais ils n’ont pas suffisamment filmer pour mettre quoi que ce soit sur internet — nous les surveillons pour l’instant, mais cela ne durera qu’une courte semaine. De plus, la police n’autorise pas que cela soit publié, donc nous n’avons pas à nous en inquiéter. Pour ce qui est du ‘piège’, il semblerait que… quatre adolescents étaient là-bas et ont attrapé Balthazar.

La femme au long manteau plisse doucement les yeux.

– Adolescents ?

– Quatre élèves de l’école secondaire de Tetazo. ‘Raiji Harmony’, un garçon d’une famille modeste, ‘Maruno Uffite’, le copain actuel d’Aya Deroom, ‘Tessa Merossa’, rien de spécial à son sujet, dont…

Joanna déglutit avant de prononcer son identité :

– ‘Deshya Oveja’, la détective aux oreilles de renard.

La femme devant les vitres ouvre la bouche, mais aucun son n’y sort. Le temps passe sans qu’un mot ne soit prononcé, alors Joanna décide de continuer rapidement.

– Il semblerait aussi que cette fameuse ‘Tessa Merossa’ ait participé à l’arrestation d’Axel Lymenn avec Maruno.

– Je connais l’histoire. Deshya, Tessa, Maruno… Je ne sais pas pour ce Raiji, mais…

La femme admire à nouveau le paysage observable depuis les vitres propres, mais rien n’est appréciable : une vue grise de ville, où les lumières de la nuit ne sont pas encore allumées. Le ciel s’assombrit, mais les étoiles ne montrent pas leur éclat — de toute façon, la pollution leur empêchera d’observer la beauté d’une nuit étoilée.

– … Donc je suppose que c’est à cause de ‘Deshya Oveja’ que notre Balthazar a été arrêté ?

– Nous n’avons pas assez d’informations sur cela.

– Est-ce que Balthazar a dit quoi que ce soit à notre sujet ?

– Peu probable, il est du genre à ne pas parler beaucoup.

– Est-ce qu’elle ou ses amis auraient compris le lien entre les cadavres et le marché noir ?

– Impossible à dire. Nous pouvons la surveiller, mais—

– Nullement utile.

La femme refuse directement. Elle parle sans se presser, ne commet pas le moindre geste inutile et seuls ses longs cheveux blancs aux mèches rouges se remuent avec entrain.

– Vu son intelligence, il est probable qu’elle ait compris, mais le marché noir est si peu documenté et connu du public que je pense qu’il n’y a aucune raison de nous inquiéter,” avoue la femme aux longs cheveux. Nous n’avons aucune raison de l’embêter.

– … Est-ce que vous dites ça à cause des clients qui sont venus nous voir ?

– …

La femme ne répond pas, mais elle finit par sourire doucement, montrant ses dents aiguisés sous sa bouche au rouge à lèvre bleu.

– Nous sommes puissants, Joanna, mais certaines personnes ont le dessus. Même sans leurs demandes, je ne souhaite pas surveiller une adolescente. Laissons la vivre tranquillement… pour l’instant.

La femme se retourne vers Joanna en marchant dans son bureau. Chaque pas est suivi d’un plus oppressant, un qui paraît plus lent ; on aurait dit une mélodie créée par sa présence. Sa longue veste se balance de gauche à droite, geste suivi par ses longs cheveux qui lui atteignent facilement le bassin. Elle s’arrête devant sa secrétaire : leur taille est presque similaire, même si les talons de la secrétaire lui donnent l’impression d’être à peine plus grande.

– Il semblerait que certaines personnes se demandent si elle n’est pas une réelle fille aux attributs de renard, mais cela n’est que le commencement. Sa popularité ne fait qu’augmenter encore et encore depuis l’affaire avec ‘Sleeping Little Beauty’, donc il est possible qu’en fin d’année ou l’année prochaine, nous allons avoir des demandes… particulières.

– … Pardonnez mon impolitesse, Directrice, mais nous n’avons nullement le droit d’enlever une adolescente—

– Ne t’inquiètes pas, je ne propose pas une telle chose. Nous avons bon faire partie de l’EFE et donc du marché noir, nous avons certaines règles en place. Toutefois, il est possible que nous soyons fortement payés pour apprendre la vérité sur cette Deshya. Avec de telles personnes qui sont venues nous voir et nous demander de telles conditions, ainsi que cette fille qui ne veut pas montrer ce qu’elle a sous son pull…

– Est-il réellement possible qu’elle soit… semi-humaine ?

La question de Joanna amuse la femme qui ne peut s’empêcher de sourire.

– Cela serait de la science-fiction, peut-être même de la fantaisie. Toutefois, avec eux qui existent…

La Directrice se retourne et sourit à pleine dent en admirant l’extérieur.

– Nous vivons dans un monde qui avance plus vite que jamais nous l’avons cru. Quand j’étais encore petite, nous pensions que les voitures volantes existeraient aujourd’hui, mais même si nous n’avons pas une telle chose, nous avons encore mieux. Peut-être que la conquête spatiale sera connue de nos petits-enfants, peux-tu imaginer cela, Joanna ?

– Je ne le peux point, Directrice.

La femme s’avance avec les mains dans le dos, contourne son bureau et observe attentivement les lumières de la ville qui s’allument une par une.

– Nous ne lui ferons rien, nous avons signé un contrat avec des conditions qui nous l’en empêche et même sans cela, nous n’avons aucun droit d’enlever une fille adolescente de la sorte. Nos esclaves et ‘victimes’ ne sont pas de simples habitants, mais des vies oubliées, après tout.

La Directrice se craque les doigts, les mains cachées derrière des gants noirs aux logos bleus sur le dos de ceux-ci.

– Toutefois, cette fille, Deshya Oveja, semble souvent se retrouver dans des enquêtes et des problèmes. Si un moment, elle venait à mourir ou que respecter le contrat n’est plus à notre avantage…

La femme sourit à pleine dent.

Cette femme qui est la Directrice de la Section 3 —

— la Directrice Nord du Majeur, l’un des 5 Doigts du marché noir.

Alors je me ferai une joie de récupérer le corps de cette fille.



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