Au point de rencontre entre le désert et la végétation, le sable était encore parsemé de quelques feuilles vertes. Cet environnement était bien plus apaisant que l’étendue aride infinie de sable jaune du désert Tager…
La zone étant toute proche du désert, on pouvait voir occasionnellement quelques personnes où des petits groupes de mercenaires qui revenaient après avoir chassé des Bêtes Démoniaques dans le désert. Une silhouette vêtue de noir avançait à la limite du sable et de la terre. Le jeune homme transportait une règle noire presque aussi haute que lui sur le dos. La vision quelque peu étrange amenait les passants à lui lancer des regards étonnés.
Le jeune homme vêtu de noir ignorait simplement les regards et marchait d’un pas ferme et régulier. Son allure n’était pas très rapide. En y regardant attentivement, on pouvait se rendre compte que chacun de ses pas était soigneusement mesuré. La distance entre chacun d’entre eux était rigoureusement la même.
Le soleil pourtant brûlant ne faisait apparaître aucune goutte de sueur sur le front du garçon. De son allure tranquille, il ne semblait pas être pressé. Il admirait même le paysage tout au long de son chemin…
Le long voyage dura presque toute une journée. Quand le soleil brûlant descendit progressivement au-delà de l’horizon du désert, le jeune homme s’arrêta puis leva la tête en direction de la grande ville qui apparaissait au loin. Un léger sourire apparut sur son beau visage aux traits fins. Xiao Yan étira paresseusement sa taille, et un sentiment de satisfaction apparut sur son visage lorsqu’il entendit le craquement de ses os. Il poussa ensuite un petit rire et glissa les mains dans ses manches :
« Ville du désert. Te voilà enfin. »
« Maître, allons-nous vraiment raffiner la pilule médicinale pour ce type ? » Debout sur une dune de sable, Xiao Yan regardait l’entrée de la ville lointaine où se pressait une foule de gens avant de poser la question en fronçant légèrement les sourcils. Le « type » auquel il faisait allusion était naturellement l’ermite qu’il avait rencontré la dernière fois dans la Ville du Désert, l’un des dix premiers puissants de l’Empire Jia Ma, surnommé « l’Empereur des Glaces », Hai Bodong.
« Héhé, pourquoi pas ? Puisque nous sommes déjà là, nous devrions saisir l’occasion. La reconnaissance d’un Dou Huang est toujours bonne à prendre » Le rire du vieux maître résonna de l’intérieur de l’anneau.
« De plus, ne souhaites-tu pas obtenir le fragment de carte restant ? Tu as beau déjà avoir obtenu un Feu Céleste, l’amélioration de ta Méthode Qi dans le futur reste très difficile. Et le Feu du Lotus Purificateur est quelque chose d’extraordinaire. Si tu parviens à l’obtenir, personne n’osera encore te prendre de haut »
« Mais je persiste à croire qu’il ne soit pas tout à fait honnête. » Xiao Yan accompagnait son propos en agitant la main.
« Ha ha, et même s’il ne l’est pas, en admettant qu’il retrouve sa force, il n’est que Dou Huang… Que peut-il bien nous faire ? » Yao Lao rit doucement.
« Mais nous devrions toujours être prudents. Même si nous ne sommes pas que de simples touristes, nous devrions prendre quelques précautions, afin de garantir notre sécurité… Lorsque nous raffinerons la pilule médicinale, nous ajouterons un ingrédient supplémentaire. S’il ne montre aucune mauvaise volonté, nous serons conciliants, mais s’il a de mauvaises intentions, alors, naturellement, nous ne témoignerons d’aucune pitié. »
Suite aux mots du vieux maître, Xiao Yan sourit. Il hocha la tête et dit doucement :
« C’est aussi bien. Faisons comme Maître le suggère. Si nous pouvons réellement obtenir une faveur d’un Dou Huang, à l’avenir c’est une excellente chose. Je pense en particulier à mon passage à la Faction des Nuages de Brume dans deux mois. Non pas que je manque de confiance en moi pour la rencontre avec Nalan Yanran, ce sont surtout ses vieux camarades de la faction qui risquent de vouloir m’attaquer pour se venger de l’humiliation si je devais l’emporter. Cet Empereur des Glaces pourrait ne pas être un mauvais garde du corps. »
« Hé hé, les réseaux sont la spécialité des alchimistes. On l’a bien vu avec l’exemple du Feu Céleste cette fois-ci. Gu He avec sa seule force n’aurait pas pu pénétrer dans les régions intérieures du désert. Mais il est parvenu à convaincre tous ces puissants de l’accompagner… En fin de compte, il a même créé tout ce désordre au sein des Chef-Serpents. » dit Yao Lao en souriant.
« C’est vrai. » Xiao Yan sourit et hocha la tête. Il tapota sa Lourde Règle Xuan et commença à marcher lentement vers la grande ville à l’extrémité du désert.
Une fois les grandes portes passées, Xiao Yan se tint un instant dans la rue pour regarder autour de lui avant de suivre la route qu’il avait gardée en tête. Un long moment plus tard, il s’arrêta enfin à l’entrée d’un magasin de cartes anciennes.
Peut-être était-ce dû à l’heure tardive, mais la porte du magasin semblait déjà fermée. Une faible lumière brillait tout de même de l’entrebâillement de la porte déverrouillée.
Xiao Yan resta un instant devant la façade de la boutique de cartes. Il ne pouvait s’empêcher de repenser à la chance qu’il avait eu la dernière fois de rencontrer par hasard cet ermite du niveau Dou Huang. C’était tout à fait inattendu. Après avoir incliné la tête et balayé son regard de l’autre côté de la rue, le jeune homme poussa finalement doucement la porte du magasin.
A l’intérieur, une Pierre de Lune émettait une faible lueur tamisée. La pièce avait toujours le même aspect qu’a l’origine et les dommages causés par le combat de la dernière fois avaient tous été réparés. Derrière une pile de cartes, un vieil homme avait la tête baissée, trop absorbé par son travail pour remarquer la présence de Xiao Yan.
Il y avait également quatre autres personnes qui consultaient des cartes. Il s’agissait de trois hommes et d’une femme, très bien vêtus et accompagnés de quelques grands hommes, avec des corps fortement bâtis, qui se tenaient respectueusement près d’eux. Lorsque Xiao Yan entra dans la pièce, les quatre personnages inclinèrent la tête, mais dès qu’ils virent l’aspect poussiéreux du garçon, ils détournèrent rapidement leurs regards.
Lorsque tous les quatre s’étaient retournés, Xiao Yan avait rapidement examiné leurs visages. Les trois hommes avaient bonne apparence mais ils avaient aussi dans les yeux un petit air hautain. La dame, elle, portait une longue robe serrée rouge. Sa silhouette était exquise. Les trois hommes à côté d’elle regardaient de temps à autre avec adoration les jolies courbes du dos de la jeune femme. Pourtant, ils semblaient ressentir envers cette personne une forme de crainte. Xiao Yan choisit d’ignorer ce groupe de personnes dont les actions paraissaient un peu étranges et s’avança lentement vers le vieil homme au niveau du comptoir. Il prit ensuite au hasard une carte pour la parcourir paresseusement.
Le stylo à encre du vieil homme marqua alors une pause. Cependant, tout comme la première fois, il ne releva pas la tête et dit simplement :
« Navré, mais la boutique est déjà fermée. Si vous avez besoin d’une carte, revenez demain. » En entendant les mots froids et habituels du vieil homme, Xiao Yan ne put s’empêcher de secouer la tête. Ce vieil homme, décidément…
Alors que Xiao Yan était sur le point de parler, deux grands hommes se glissèrent agilement devant lui, les mains sur leurs armes et avec des regards menaçants.
« Euh ? » La scène soudaine surprit le garçon. Avait-il offensé quelqu’un sans même dire un mot ? Aussitôt, il secoua la tête, l’air confus. Il inclina ensuite la tête vers la dame en robe rouge qui semblait avoir une position élevée au sein de la Ville du Désert.
« Quand le Grand Maître Bing compose une carte, il n’aime pas être dérangé. En conséquence, je vous demande de bien vouloir le laisser. » La femme en robe rouge s’avança doucement.
Il n’était pas difficile de percevoir le ton autoritaire et capricieux camouflé dans la voix douce de la jeune femme… ‘Ne me dites pas que ces gens connaissent l’identité du vieux ?’ Xiao Yan était étonné de voir cette personne si attentionnée à l’égard Hai Bo Dong.
La dame en rouge se sentait en fait légèrement découragée. Son père lui avait toujours dit que le vieil homme de cette boutique de cartes était un puissant important. Ainsi, chaque fois qu’elle en avait le temps, elle devait se rendre dans cette boutique pour saluer le vieil homme et s’enquérir de son état de santé. Elle n’hésitait pas à user de son autorité pour tenter de lui rendre des services. Cependant, le vieil homme n’appréciait pas du tout ses attentions. Chaque fois qu’elle venait, elle recevait un accueil froid, dénué de toute forme de considération. La dame au caractère hautain avait donc beaucoup de difficulté à accepter la situation. Mais, pour le respect envers son père, et aussi parce qu’elle avait pu, par le passé, vaguement sentir le Qi imposant du vieil homme, elle ne pouvait que trembler en silence…
Ainsi, elle avait depuis toujours traité le vieillard avec le plus grand respect. D’ailleurs, son attitude faisait très souvent naître l’incrédulité chez certains de ses compagnons. Cette jeune femme obéissante était-elle la même que celle qu’ils avaient l’habitude de côtoyer ? Était-ce toujours cette femme fière et capricieuse qui avait jadis causé de grands ravages dans la Ville du Désert ? Aujourd’hui, elle était venue comme à chaque fois pour saluer le vieil homme. Naturellement, l’attitude de celui-ci avait été aussi glaciale que d’habitude. A part jeter un rapide coup d’œil lorsqu’ils étaient entrés, il était resté concentré sur son travail.
Face à si peu d’égard, la dame vêtue de rouge avait naturellement quelques ressentiments. Par conséquent, lorsque Xiao Yan fit irruption, il devint malgré lui la cible de sa colère. Le jeune homme ignora simplement les caprices de la jeune femme et il la regarda brièvement. Il jeta ensuite la carte qu’il avait dans la main sur le comptoir et pencha son corps pour contourner les deux grands hommes.
En voyant que le garçon, non seulement n’obéissait pas, mais qu’il voulait en plus prendre les devants, les sourcils de la jeune femme se redressèrent. Une lueur menaçante lui traversa les yeux et elle leva légèrement son menton blanc comme la neige. Les quelques grands hommes commencèrent à entourer Xiao Yan et la dame en robe rouge croisa les mains sur sa poitrine et regarda Xiao Yan avec des yeux moqueurs. Mais alors qu’elle s’apprêtait à voir ce dernier implorer sa miséricorde, le garçon entreprit une action qui la stupéfia.
Celui-ci tira une carte et la jeta sur le vieil homme derrière son comptoir. En même temps, il marmonna :
« Vieux bougre, arrêtez donc de faire semblant, avez-vous toujours besoin que je vous raffine cette pilule ? »