Zheng Tan progressa en direction de la source du son. Il aperçut des traces sur le sol là où la fille avait été traînée, ainsi qu’un téléphone et un sac à bandoulière.
Il y avait une forte odeur dans l’air. Le chat renifla et trouva dans l’herbe un trousseau de clés ainsi qu’un petit tube. On aurait dit un spray au poivre.
La fille était bien préparée. Cependant, Zheng Tan n’avait pas entendu crier. Cela signifiait-il qu’elle n’avait pas réussi à immobiliser son agresseur? A moins que l’homme ne soit un récidiviste habitué à contrer ce genre de chose.
Il aurait été beaucoup plus rapide s’il se déplaçait sur des arbres. Il n’avait pas à d’éviter toutes les bosses.
Arrivé sous un arbre, l’homme s’arrêta. L’endroit était loin de la route. Il pouvait faire du bruit, personne ne l’entendrait.
Kling!
Alors que Zheng Tan se demandait ce qui avait produit ce son, il aperçut un éclair métallique.
« M* ! Ce pervers a apporté des menottes S & M! Y’a-t-il au monde un être plus pervers? » Ragea le chat noir.
Le type menotta la fille et sortit de son sac du ruban adhésif.
Il retira sa main du visage de la fille et avant même qu’elle n’ait eu le temps de pousser un cri, lui scotcha la bouche. Elle ne pouvait que pleurnicher.
Zheng Tan vit que le type portait des gants et un masque de ski. Il ressemblait à un braqueur de banque. Seuls ses yeux et sa bouche étaient visibles. Apparemment, c’était un récidiviste expérimenté.
Calmement, le chat sauta sur l’arbre à côté d’eux. Il grimpa jusqu’au sommet, trouva une branche convenable et sauta.
Bang!
La branche se mit à trembler violemment et les feuilles s’éparpillèrent partout. Le bruit résonna dans le calme de la nuit.
L’homme au masque de ski tenait la fille d’une main et de l’autre, se battait avec la boucle de sa ceinture. Il était sur le point de réussir lorsqu’un bruit venu de plus haut le surprit.
Il leva la tête. Il faisait trop sombre pour qu’il puisse apercevoir quoi que ce soit d’inhabituel. Seule une branche au-dessus de sa tête oscillait de haut en bas.
Cependant, il n’y avait pas de vent ce soir-là et toutes les autres branches étaient immobiles. Cette branche, telle un fantôme, semblait lui faire signe.
« Des oiseaux? » se demanda-t-il.
Cependant c’était l’hiver. A cette heure, les oiseaux étaient tous blottis dans leurs nids. Pourquoi des oiseaux? Peut-être y avait-il un nid sur cet arbre? Ou était-ce un autre animal?
Tout en tenant la fille, il écoutait les sons environnants.
Il y avait bien quelques bruits, mais ce n’était pas ceux d’un humain.
Rejetant ses doutes, il baissa la fermeture à glissière de son pantalon. A nouveau, il entendit un « bang ». Cette fois, le bruit était bien plus fort. Il voulut l’ignorer mais ces bruits au-dessus de lui le ramollissaient. C’est alors qu’une épaisse branche se décrocha de l’arbre et le frappa en plein visage.
– « Ah! »
L’homme laissa échapper un cri de douleur. Non seulement la branche l’avait frappé au visage mais les feuilles lui avaient égratigné les yeux.
La fille profita de l’occasion pour tenter de s’enfuir mais l’homme lui attrapa la cheville. Elle tenta de s’en débarrasser d’un coup de pied mais elle était trop épuisée pour se défendre.
– « A woooo! »
Le bruit étrange les immobilisa tous les deux.
Ils n’auraient pu dire quel animal était à l’origine de ce cri.
Un loup? Mais sur un campus, il n’y avait certainement pas de loups. Un chien errant peut-être?
L’homme sortit un canif dont la lame brillait au clair de lune.
Zheng Tan se cacha derrière un arbre. Il n’envisageait pas de sauter tout de suite. Peut-être l’aurait-il fait s’il était encore humain, mais en tant que chat, il n’était pas à son avantage pour se battre avec un humain. Peut-être allait-il se blesser sans toutefois parvenir à sauver la fille.
Les bruits se faisaient de plus en plus fréquents.
L’homme était en état d’alerte. Il priait pour qu’il ne s’agisse pas d’une meute de chiens errants. Il avait entendu dire que lorsque les animaux errants avaient très faim, ils mangeaient même des humains. Il était en mesure d’affronter un chien, mais s’il s’agissait d’une meute, il aurait de la chance s’il s’en sortait vivant.
Les froissements se rapprochaient. Sans lâcher la fille, l’homme serra fermement son couteau et retint son souffle.
Soudain, quelque chose le frappa violemment au bras. Il lâcha son couteau et tomba.
Zheng Tan attendait sa chance. Il avait calculé l’angle et le point à frapper et attendait que les autres chats arrivent pour faire diversion. Lorsque l’occasion se présenta, il la saisit aussitôt.
Après avoir été frappé, l’homme dégringola la colline sur laquelle ils se trouvaient. Le chat noir le suivit et le vit s’éloigner. Il pensait probablement que quelqu’un les avait trouvés et tentait de s’enfuir.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que son assaillant n’était ni un homme, ni un chien errant, mais un chat.
Comme la fille était toujours là, Zheng Tan renonça à poursuivre le malfrat. Cependant, si jamais il croisait ce type, il le reconnaitrait certainement. Les chats ont un excellent sens de l’odorat. A tout moment, il serait en mesure de repérer l’homme dans une foule, même s’il portait un masque de ski.
Zheng Tan remonta la colline. Dans l’herbe, il trouva une veste qui sentait le parfum de la jeune fille. Celle-ci avait probablement assisté à une fête. Elle portait une robe longue. On lui avait arraché sa veste quelque temps auparavant.
Sous le vent de la nuit, le félin frissonna. Il examina le manteau, puis le ramena sur la colline. Le couteau de l’homme à la main, la fille regardait autour d’elle. Lorsque Zheng Tan revint avec son manteau, elle leva aussitôt son arme. Sous le clair de lune, elle ne vit personne mais en baissant les yeux, elle aperçut son manteau. À côté de lui se trouvait un chat qui se confondait presque la nuit.
Soudain, d’autres chats sortirent des arbustes. Ils ne s’étaient pas montrés plus tôt car il y avait un humain. Maintenant que Zheng Tan était là, ils se sentaient en sécurité. Celui qui menait la meute était Sheriff. En apercevant le chat noir, il sauta hors de sa cachette, miaula, et bondit pour frapper une feuille qui tombait.
Mais pour le moment, personne ne s’intéressait à sa performance.
Curieusement, la jeune fille se sentit mieux en voyant tous ces chats. Elle écouta : aucun humain ne s’approchait.
Elle s’assit sur l’herbe, le couteau toujours dans sa main. Elle tremblait.
Zheng Tan traîna le manteau et le déposa près de ses pieds.
Que devrait-il dire? Venez ici pleurer sur mon épaule? Comment quelqu’un pourrait-il pleurer sur l’épaule d’un chat?
Comme il s’y attendait, la fille le prit dans ses bras et posa son menton sur son dos.
Elle tremblait toujours, le couteau à ses côtés. La chaleur du chat la fit se sentir mieux.
Zheng Tan était mal à l’aise. Les genoux de la fille lui faisaient mal mais celle-ci s’agrippait à lui comme s’il était son seul espoir.
Il ne voyait pas ses yeux, mais ses mains étaient glacées et elle tremblait de peur.
La fille le serrait. Il ne put s’empêcher de balancer sa queue pour lui faire comprendre de relâcher son étreinte.
Elle n’eut aucune réaction.
A nouveau, il balança sa queue.
Toujours pas de réaction.
Il renonça. Sa queue se déplaça de son poignet à son coude puis jusqu’à son épaule. Il refusait d’admettre qu’il profitait de l’occasion pour en tirer des «bénéfices».
La fille ne savait pas que le chat qu’elle tenait dans ses bras commençait à avoir des pensées impures.
Elle respirait vite. Même si la bande d’adhésif avait été arrachée, elle gardait la bouche fermée. Le souffle de ses narines démangeait les oreilles de Zheng Tan. Il les contractait à chaque fois qu’elle expirait.
Comme, en chemin, il avait caché sa plaque d’identité sur un arbre, la fille ne pouvait pas savoir à qui appartenait le chat.
Le vent hurlait. Les feuilles dansaient dans l’air. Certaines tournoyaient encore après avoir touché le sol. Les bois étaient effrayants la nuit. Cependant, les chats qui l’entouraient, la rassuraient un peu.
Le vent de la nuit dérangeait les longs cheveux bouclés de la jeune fille. Zheng Tan trouvait le spectacle agréable.
Mais un instant plus tard, Shérif arriva et se mit à jouer avec ces cheveux. L’instant d’après, il se léchait les fesses.
Imbécile!
Belle façon de gâcher l’ambiance!
Zheng Tan se dit que plus jamais il ne jouerait avec cet idiot.
Non loin de là, un autre chat ennuyait Patapouf. Celui-ci perdit patience. Il sauta et l’écrasa de tout son poids. Le chat laissa échapper un cri.
Un autre chat qui poursuivait quelque chose entendit le cri. Il jeta un œil et courut dans un arbre. Il roula sur le sol comme si rien ne s’était passé.
Zheng Tan aurait bien voulu se cacher le visage. C’était embarrassant.
Mais en voyant tous ces chats, la jeune fille se détendit. Elle cessa de trembler et sa respiration se calma.
Bien qu’il fût dans une position inconfortable, le chat noir a eu le sentiment d’être digne de confiance et de confiance. Il se sentit un peu désolé après l’avoir laissé partir.
– « Merci les gars, vraiment, merci. »
La voix de la fille tremblait toujours, mais à en juger par son ton, elle se sentait mieux.
Elle se leva, le couteau toujours à la main, et descendit prudemment la colline.
Zheng Tan passa devant et lui apporta son sac.
Elle sortit son cellulaire et passa un appel.
Au départ, il pensait qu’elle appellerait la police, une colocataire ou son petit ami, mais de toute évidence, il se trompait.
Les lampadaires clignotaient. Étant donné son emplacement, l’école tardait à réparer les lampes de cette rue.
Les chats marchaient dans les bois. En raison de l’éclairage et de l’angle, à chaque fois qu’elle levait la tête, elle voyait des yeux briller dans la forêt. En temps normal, elle aurait trouvé ce spectacle étrange et les chats malveillants mais à présent, c’était une source de réconfort.
Zheng Tan resta à ses côtés et attendit avec elle.
Comme il était toujours là, Shérif et Patapouf restèrent eux aussi. Les autres chats firent de même.
Dix minutes plus tard, une Range Rover se gara sur le côté de la route. Deux hommes et une femme en sortirent. Ils se montrèrent respectueux mais guère bavards.
La jeune fille regarda par la fenêtre de la voiture, le chat noir n’était plus là et la meute avait disparu.
Zheng Tan ne pensa guère aux événements de la nuit. Il rentra prendre un bain. Papa Jiao sécha sa fourrure et il se lova dans les couvertures du lit de Gu Youzi. Il mangea, et dormit et se promena comme si de rien n’était.
L’après-midi, il dormait sur la chaise dans le bureau de Papa Jiao pendant que celui-ci lisait les copies de ses élèves. Soudain, son téléphone portable se mit à sonner.
– « Bonjour? Oh, Yuanzi, quoi de neuf? »
Les oreilles de Zheng Tan se dressèrent. Les yeux fermés, il tenta s’écouter la conversation mais un camion passa au dehors. Le bâtiment bio devait être agrandi. Zheng Tan dût deviner ce qui se passait aux réponses de Papa Jiao.
L’expression du professeur changea:
– «Je ne connais personne à la Société Changwei, vous savez. Ces derniers temps, j’ai été très pris par mon travail. Certains jours, je n’avais même pas le temps de rentrer chez moi donc à plus forte raison de rencontrer des gens comme ça. »
Yuan Zhiyi répondit quelque chose. La bouche de Papa Jiao se crispa:
– «Vous dites que sur la carte de visite que le PDG de Changwei vous a donnée, il y avait un chat. Un chat noir. En êtes-vous certain? »
Arrivé à la fin de sa phrase, son ton changea. Il avait peine à le croire.
– « Bien. J’ai une supposition. Laissez-moi vérifier quelque chose. »
L’appel terminé, le professeur Jiao posa son téléphone portable et frotta la tête de Zheng Tan :
– « Charbon, qu’as-tu encore fait ? »