« Les mortels ne peuvent pas vaincre les Diables », pensait Isabella, « C’est pourquoi l’Église a créé l’Armée du Châtiment Divin. »
« Ils possèdent une force considérable, ne ressentent pas la douleur et ne connaissent pas la peur, ce qui fait d’eux la meilleure arme possible contre les Diables. Certes, ils sont incapables d’agir par eux-mêmes, mais ceci n’est pas nécessairement un désavantage durant une bataille. Jamais une armée de mortels ne pourrait résister à une force aussi puissante. »
« Surtout après avoir perdu le soutien des murs de leur ville. Chercher à battre les forces d’élite de l’Église dans un combat au corps à corps est totalement irréaliste. »
Telle une puissante vague d’or, l’Armée des Juges se précipita à travers la porte principale du mur de Wolfsheart City et entra en lutte à main nue avec tous les défenseurs qui s’étaient rassemblés. L’Armée du Châtiment Divin, toute de rouge vêtue, semblait marcher sur un terrain plat alors qu’en réalité ses soldats escaladaient les remparts effondrés, massacrant tous ceux qui tentaient de les arrêter.
– « Voulez-vous que nous allions leur prêter main forte ? » Demanda Isabella en se tournant vers Cléo.
Celle-ci bâilla et dit d’un air désintéressé :
– « Non, ma magie est limitée. Je dois donc la réserver pour des cibles importantes. »
– « Vous pourriez simplement utiliser l’épée, le marteau ou l’arbalète pour vous battre », dit Isabella, mécontente, « de toute façon, ils ne pourront jamais vous tuer. »
Cléo secoua la tête :
– « Avec ou sans moi, notre armée n’aura aucune peine à remporter la bataille. Cela ne sert à rien. »
– « Très bien », répondit Isabella qui changea aussitôt de sujet : « Pourquoi avez-vous agi ainsi tout à l’heure ? »
– « Quoi donc ? »
– « Tout le temps durant lequel vous avez joué avec les prisonniers, l’Evêque avait un visage crispé », répondit Isabella. « Il semblerait qu’il n’apprécie pas votre façon de gérer un procès. N’oubliez pas qu’il est le candidat le plus susceptible de devenir le prochain pape. Vous pourriez avoir à souffrir lorsque le temps sera venu. »
– « Justement, Mayne est fâché parce qu’il n’est pas encore Pape », dit négligemment Cléo. « Lorsqu’il entrera dans la bibliothèque au sommet du Temple Central Secret, il comprendra que ma façon de gérer les choses est exactement ce qui plaît à Dieu. »
– « Cette… Votre façon de manipuler ? »
– « De jouer avec! » La Purifiée passa ses mains dans ses cheveux emmêlés par le vent. « Dieu n’est jamais descendu sur le monde, il ne protège pas non plus son peuple. En ayant un objectif illusoire, nous devons prendre le relais lorsque quelqu’un d’autre n’y parvient pas, dans l’espoir de recevoir sa faveur. Ce concept n’est-il pas celui du procès que je viens de tenir ? Au moins, je leur ai donné un objectif concret, chose que Dieu ne fera jamais. Nous ne sommes même pas certaines que son objectif soit réaliste. Tout ceci n’est peut-être qu’un délire de fous. Pourtant, malgré toutes ces incertitudes, nous continuons à avancer sans penser à notre sécurité personnelle… Pfff, c’est vraiment un jeu de dupes. »
« De quoi parle cette femme ? Pourquoi ne puis-je comprendre un traitre mot de ce qu’elle vient de dire ? » Isabella fronça les sourcils et demanda, confuse :
– « Etes-vous déjà allée à la bibliothèque ? »
– « Non », répondit Cléo en haussant les épaules : « Ce sont des paroles que Sa Sainteté O’Brian m’a dites. Il n’est pas sorcier et sa vie tire à sa fin. J’ai entendu dire que lorsque les mortels approchaient de leur fin, ils commençaient à se remémorer leur vie et espéraient trouver quelqu’un à qui en parler. Le Pape a même l’intention de me demander de l’absorber avant sa mort. »
– « Vous ne pouvez pas… »
– « Il est évident que je ne le ferai pas. Cela rendrait le Seigneur Mayne fou furieux », interrompit Cléo. « Rassurez-vous, je sais ce que je suis autorisée ou non à faire. » Elle eut un sourire significatif et ajouta : « Si jamais je perds, que se passera-t-il ? Devrais-je lui laisser mon enveloppe corporelle ? »
– « Je ne pense pas. Si vous perdez, il y a de grandes chances pour que rien ne se passe. » Isabella soupira : « Cette femme est étrange, probablement à cause de ses capacités. Elle a absorbé tellement de gens que rares sont les sentiments qu’elle n’a pas encore expérimentés. C’est pourquoi elle ne s’intéresse pour ainsi dire à rien et n’agit que par plaisir. Un plaisir bien inhabituel. »
Isabella reporta son attention vers le champ de bataille. Un groupe de soldats drogués sortit soudain des brèches des remparts et se mit à charger dans les rangs de l’Armée du Châtiment Divin. La plupart d’entre eux finirent transpercés par les lances des soldats ennemis mais certains parvinrent à passer à travers les mailles du filet. C’est alors que le bruit des explosions s’intensifia, suivi par la fumée qui, en s’élevant, recouvrait à présent toutes les brèches du mur.
« Ce doit être la nouvelle arme alchimique que nous avons vue au cours du dernier siège », pensa-t-elle. « Elle semble assez puissante pour éliminer les bêtes démoniaques mais tenter de l’utiliser contre l’Armée du Châtiment Divin est tout simplement suicidaire. Sans les pilules, jamais ils n’auraient seulement osé s’approcher de notre armée. »
De l’autre côté, la puissante vague d’or ralentit tandis que des flammes rugissantes émergeaient soudain de la porte, isolant les soldats déjà entrés dans la ville des Juges qui était encore à l’extérieur. Pris dans les flammes, certains se roulèrent désespérément sur le sol pour tenter d’éteindre les flammes, mais en vain.
– « Hmm… Le nombre de Pierres du Châtiment Divin a augmenté de façon exponentielle derrière les portes. Il y a parmi elles deux pierres de haute qualité. On dirait que deux personnes importantes sont arrivées jusqu’ici », dit Isabella.
– « Dans ce cas, allons-y et finissons-en », répondit Cléo en s’étirant tranquillement.
– « Ce ne sont ni le Roi des Loups ni la Reine de Clearwater », affirma Isabella en jetant un coup d’œil à la ville, « la réaction la plus intense vient du château. Etes-vous certaine de vouloir y aller ? »
– « L’armée n’est-elle pas en difficulté ? Une victoire facile est une chose, une victoire amère en est une autre. Je dois absolument aider Sa Sainteté O’Brian à réduire les pertes. » Cléo inclina la tête et ajouta d’un ton grave : « Comme je l’ai déjà dit, je sers l’Église de tout mon cœur. »
La ligne défensive de Wolfsheart City finit par céder l’après-midi même. Après que les soldats de l’Armée du Châtiment Divin aient pris le contrôle de la porte, l’Armée des Juges balaya les rues afin d’éliminer toute résistance ennemie.
– « Nos cibles ont commencé à bouger », dit Isabella qui regardait en direction du château, « il semblerait qu’elles aient l’intention de se rendre sur le quai de la rivière. »
Ces deux personnes venues organiser la résistance sur les remparts et aux portes de la ville étaient les fils du roi des loups. Cléo les absorba tous deux et put ainsi lire leurs souvenirs, confirmant l’hypothèse d’Isabella : les porteurs des deux Pierres du Châtiment Divin qui avaient la réaction la plus élevée étaient bien les cibles principales de cette mission.
En outre, elles s’étaient également occupées d’une sorcière déchue qui, de par son apparence et sa tenue vestimentaire, semblait venir d’un autre peuple. Après sa mort, les forces de la milice qui osaient s’opposer à l’Armée du Châtiment Divin avaient considérablement diminué.
– « Ils ont probablement l’intention de partir en bateau », dit Cléo avec un grand sourire. « Allons accomplir la mission que nous a confiée Sa Sainteté. »
L’ennemi agissait avec beaucoup de prudence. Alors qu’ils se dirigeaient vers les quais, ceux-ci changèrent plusieurs fois de chemin et au lieu de monter dans l’un de ces immenses navires aux voiles noires, ils optèrent pour le petit sloop d’un marchand.
Mais ils avaient beau tenter de masquer leur position, sous la surveillance constante d’Isabella, leurs mouvements étaient immédiatement repérés.
Au moment où le Roi des Loups et la Reine de Clearwater montaient à bord du navire, deux personnes surgirent de l’autre côté de la jetée. Il y avait vingt soldats sur le bateau, la plupart d’entre eux étant des gardes personnels. En voyant ces deux femmes surgir, ils réalisèrent sans même réfléchir que quelque chose n’était pas normal. Tous tirèrent leurs armes, sautèrent du navire et se jetèrent droit sur les Purifiées.
C’était une nouvelle occasion pour Cléo de montrer ses compétences exceptionnelles au combat. À mains nues, elle s’empara de l’épée d’un garde personnel et s’en servit contre tous les autres. À chacun de ses coups, un ennemi tombait. Sa rapidité et son adresse étaient telles qu’aucun des gardes ne pouvait anticiper ses mouvements. Qu’il s’agisse d’attaquer, de frapper, de couper ou de parer, chacun de ses gestes était calculé et précis. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, plus d’une douzaine de gardes étaient allongés sur le sol.
Le Roi des Loups tira son épée, prêt à se lancer dans un combat désespéré.
– « Isabella! », s’écria Cléo.
– « Je sais », répondit l’interpellée en lançant immédiatement sa capacité. Celle-ci forma autour d’elle un cercle de lumière qui n’était visible que par l’Oeil Magique. Dans le champ de vision d’Isabella apparurent les zones sombres dues à la présence des Pierres du Châtiment Divin. Chacune d’elles vibrait à une fréquence différente, comme des rides à la surface de l’eau. Elle contrôla son propre champ jusqu’à ce qu’il vibre à la même fréquence que celui de la pierre portée par le roi. Les deux ondulations s’annulèrent immédiatement et le champ devint plat et lisse.
Au même moment, Cléo prit l’apparence d’un rayon de lumière et transperça le corps du Roi des Loup.
Ce dernier se tordit et prit l’apparence de la sorcière. La Reine de Clearwater parut stupéfaite :
– « Comment cela est-il possible ? Comment faites-vous pour utiliser votre pouvoir alors que vous êtes entourée de Pierres du Châtiment Divin ? »
– « Parce que ces pierres ne sont pas ce que vous pensez… », répondit Isabella tout en bloquant les vibrations du champ de son adversaire : « Mais il ne vous servira à rien de le savoir étant donné que… votre heure a sonné! »
À peine avait-elle prononcé ces paroles que Cléo se jeta sur Garcia.