Plus on descendait profondément dans la mine, plus l’environnement devenait humide.
Sylvie, qui menait le groupe au fin fond de la mine, brandissait une torche et évitait avec précaution les gouttes d’eau qui tombaient sur sa tête. Même sans lumière, son Œil de Vérité perçait à travers les ténèbres. Si elle s’était munie d’une torche, c’était uniquement pour économiser son pouvoir magique.
– « La route fait une autre fourche », dit en s’arrêtant Rossignol qui marchait devant. « Quelle caverne est-ce déjà ? »
– « La vingt-troisième à partir de la première fourche après l’entrée », répondit Foudre en jetant un coup d’œil aux notes.
– « J’espère que c’est la dernière », grommela Sylvie. Elle ouvrit grand son œil magique : « Le côté gauche… s’étend loin de la zone minière, il n’y a pas de minerai là-bas. Le côté droit… même-chose. »
Foudre nota les résultats et annonça :
– « Dans ce cas, ces cavernes étaient les dernières portes que nous devions inspecter. »
– « Allez », dit Rossignol. Elle passa de l’avant à l’arrière et précéda le groupe sur le chemin du retour. Apparemment, sa capacité ne se limitait pas à la seule invisibilité. Sylvie ne percevait que de faibles changements dans le pouvoir magique de Rossignol mais au final, elle était incapable de capter sa silhouette ou ses mouvements. Selon ce que Foudre lui avait dit en la présentant, elle était la plus forte des sorcières de combat.
C’était sans doute la raison pour laquelle Roland l’avait contrainte de les suivre. Certaines rumeurs disaient que la mine avait été autrefois un repaire de monstres anciens et on avait relevé plusieurs cas de disparition de mineurs. Avant leur départ, Son Altesse leur avait recommandé à plusieurs reprises de se montrer très prudentes. Si elles ne parvenaient pas à cerner la situation, elles devaient quitter la mine et rentrer le lui signaler.
Cependant, Sylvie ne pouvait pas accepter cela. Aucun monstre n’était en mesure d’échapper à l’investigation de son Œil Magique. Elle voyait clairement ces cadavres d’animaux et ces serpents invertébrés qui sinuaient dans les murs.
Le groupe expéditionnaire comprenait quatre personnes : elle-même, Foudre, Rossignol et une jeune fille appelée Lucia. Chaque fois qu’elles trouvaient des minéraux, celle-ci les transformait en une variété de débris et après les avoir soigneusement classés, elle les mettait dans sa poche pour les remettre plus tard à Son Altesse Royale.
Foudre était chargée de dessiner la carte de la mine, car, selon ses propres termes, il n’existait aucune aventure de laquelle elle puisse être exclue. Devant ce discours plein d’orgueil, Sylvie n’avait pu s’empêcher de penser au capitaine qui demeurait temporairement sur l’Île Dormante.
La 23ème grotte se trouvait au niveau inférieur du site minier et pouvait être décrite comme un chemin qui se divisait en trois bifurcations. Cependant, elles se trouvaient déjà hors du site minier et avaient peu de chances de trouver d’autres veines. Elles décidèrent donc de mettre fin à leur exploration.
De retour à la première fourche, que Foudre avait consignée sous le nom de ײPorte de la vieײ, Sylvie jeta un œil sur la 23e caverne et la situation de ces trois chemins.
Plus elle augmentait la portée de son Œil de Vérité, plus elle consommait de magie et plus le fardeau qui sur son corps était lourd. Elle décida donc d’observer un canal après l’autre à partir de chaque embranchement.
« La grotte numéro trois… en effet, il n’y a pas de zones minières au bout de celle-ci. Il y a… » Elle resta un moment figée sous l’effet de surprise : « Il y a cinq branches, dont une qui semble descendre plus bas tout en faisant un détour. »
– « Plus bas ? » répéta Foudre.
– « En effet», confirma Sylvie en jetant à nouveau un coup d’œil.
À peine un peu plus loin, le mince sentier en descente tournait à un angle et pointait tout droit vers la mine. Alors qu’elle tentait d’explorer plus loin sur le chemin, la sorcière fut prise d’une forte sensation de vertige qui interrompit le contact avec son œil magique. « J’ai l’impression que celui-ci pourrait mener à un dépôt de minerai. »
Cette interprétation était un peu tirée par les cheveux. De toute évidence, ce système embrouillé et complexe de grottes dans la Mine du Versant Nord n’avait pas été creusé artificiellement. En outre, si elle n’était pas spécifiquement à la recherche de minerai, elle n’aurait probablement jamais découvert de veines inconnues, même cachées entre deux canaux. Sans l’Œil de Vérité qui avait la capacité de traverser n’importe quel obstacle, il serait tout simplement impossible de trouver des minéraux cachés derrière des rochers et sous des tas de boue.
« Quoi qu’il en soit, allons immédiatement jeter un coup d’œil », dit Rossignol en haussant les épaules.
L’une après l’autre, les sorcières pénétrèrent dans la grotte située derrière la troisième porte. Environ un quart d’heure plus tard, elles étaient arrivés au bout du tunnel.
Là, celui-ci se divisait effectivement en cinq embranchements, comme Sylvie avait pu le voir. L’un d’entre eux était même si étroit qu’il était impossible de l’emprunter en marchant. On ne pouvait y entrer qu’en rampant. Cependant, l’étrange canal que Sylvie avait vu était celui qui se trouvait au centre. Sa topographie changeait radicalement, formant une pente abrupte qui descendait profondément par rapport à l’endroit où elles se tenaient.
– « On dirait que ça descend tout droit », dit Rossignol en levant sa torche. « Cette grotte ressemble un peu à la falaise profonde de la Chaîne des Montagnes Infranchissables. »
– « Finissons-en au plus vite avec cette inspection et rebroussons chemin », dit Lucia, effrayée, en saisissant instinctivement le bras de Rossignol. Je n’aime pas cet endroit… J’ai constamment l’impression que quelque chose nous regarde depuis l’intérieur de la grotte. »
– « Il n’y a rien dans cette grotte, sauf de la boue et des pierres », répondit Sylvie. Même si elle n’aimait pas cet endroit silencieux et humide, sa capacité lui disait qu’il n’y avait aucun danger. « Les quatre tunnels situés à gauche et à droite ne contiennent aucun minerai et s’éloignent du site minier. »
Elle inspecta rapidement les chemins latéraux puis déplaça son champ de vision vers l’avant en lâchant un faible « ah! »
– « Que se passe-t-il ? » Demanda Foudre.
– « Je… suis incapable de voir plus bas. »
– « Vous ne voyez rien ? », demanda la jeune fille, incrédule, « se pourrait-il que vous soyez trop fatiguée et que votre capacité ne fonctionne plus ? »
– « Non, je n’ai aucun problème avec ma capacité », répondit Sylvie. Elle ferma les yeux, les rouvrit et constata que tout était toujours aussi sombre. C’était comme si elle avait complètement perdu la vue. Bravant son mal de tête, elle tenta d’élargir son champ de vision, mais le résultat fut le même, alors qu’elle discernait parfaitement le sol environnant. Seul le passage du milieu était enveloppé d’une obscurité totale, aussi épaisse que de l’encre. « On dirait que quelque chose obstrue mon regard. »
– « Attendez-moi toutes ici et ne bougez pas », ordonna Rossignol en sortant simultanément ses deux armes brillantes en argent. « Je vais aller voir ce qu’il en est, je reviens de suite. »
– « N’y allez pas! » s’écria Sylvie en se tenant le front de douleur. « Il n’y a qu’une seule chose qui puisse produire un tel effet. Si vous y allez, vous vous mettez en danger. »
– « Qu’Est-ce que c’est ? »
– « Une Pierre du Châtiment Divin », répondit Sylvie à travers ses dents serrées, « il y a une Pierre du Châtiment Divin sous terre et elle couvre toute cette région! »
…
Lorsque Roland apprit la nouvelle, il mobilisa immédiatement les soldats de la Première Armée et les conduisit dans la Mine du Versant Nord.
Le résultat de leur inspection confirma l’hypothèse de Sylvie : ils avaient découvert une grande quantité de Pierres du Châtiment Divin au fond de la profonde cavité.
Après s’être assuré qu’il ne courrait aucun danger, Roland pénétra à son tour dans la grotte n°23 sous la protection de ses gardes personnels. Il voulait voir par lui-même à quoi ressemblaient les Pierre du Châtiment Divin qui se trouvaient au fond de la mine.
– « Votre Altesse, s’il vous plaît, soyez prudent », rappela une nouvelle fois Carter, « la sortie est juste en face de nous. »
– « Vous ne pouvez pas utiliser votre magie ici », dit Roland en regardant Anna, Rossignol et Foudre qui se tenaient derrière lui, « Sylvie ne vous l’a pas expliqué ? »
– « Même sans magie, je suis plus forte que vous. Si vous pouvez y aller, il est évident que je le peux aussi », répondit Rossignol sur un ton désapprobateur.
– « Partout où il y a une aventure à vivre, je serai là aussi», annonça Foudre en gonflant sa poitrine.
Anna, cependant, ne disait rien. Elle regarda Roland. En voyant la flamme vacillante des torches se refléter dans ses yeux clairs, Roland sut que quoi qu’il puisse dire, cela se révélerait inutile.
– « Très bien », soupira-t-il. « Mais vous devrez rester à mes côtés. Ne vous éloignez pas. »
Arrivé au bout de la pente, Roland comprit immédiatement la signification des paroles du Chevalier en Chef.
Ses yeux furent soudain remplis de lumière et une caverne vaste et profonde apparut devant lui.
Même sans l’aide de torches, il pouvait voir nettement toute la grotte car elle était éclairée par le prisme de cristal de la Pierre du Châtiment Divin. Des tours majestueuses d’un diamètre de vingt à trente mètres à la base s’élevaient tout droit depuis le sol et ressemblaient à de très grandes tours au néon.