À table, Xiao Yan regardait de travers la “mangeuse féroce” assise face à lui. Lorsque Xiao Yu mâchait, on entendait ses dents argentées s’entrechoquer. En pinçant ses lèvres, Xiao Yan repensait à la sensation singulière certes, mais splendide de l’instant d’avant. Inconsciemment, il caressait avec ses doigts la paume de sa main droite.

Assise en face de lui, Xiao Yu qui fixait Xiao Yan d’un regard impitoyable apercut le geste de la main du jeune homme. Son charmant visage se mit à rougir de nouveau.

Xun Er qui voyait Xiao Yu grinçer des dents et constatait dans le même temps l’attitude nonchalante de Xiao Yan se mit à froncer les sourcils, suspicieuse. Peu de temps après, elle secoua la tête impuissante, et consomma lentement son dîner.

Les yeux de Xiao Yan qui se déplaçaient sur le côté firent une pause sur la personne de Xiao Ning : À cet instant, celui-ci resplendissait de joie ; la courbe de son sourire s’étendait presque à mi-chemin sur son visage. Tapotant doucement la table, Xiao Yan, qui prenait plaisir à penser au malheur des autres se disait intérieurement :

‘Celui-là a certainement déjà reçu l’Elixir de Fondation, Il ne le sait pas, mais l’élixir n’a quasiment plus d’effet une fois passé le 8ème Duan Qi…’

Riant doucement en silence, sa vision balaya ensuite les alentours, quelque peu ennuyé… En voyant son père souriant, il devint perplexe :

‘Le repas familial n’est-il pas d’ordinaire tenu durant les festivités ? Qu’y aurait-t-il aujourd’hui de si particulier ? Se pourrait-il que l’acquisition, à grand frais, de l’Elixir soit l’événement célébré ?’

Laissant libre son imagination, Xiao Yan ne savait naturellement pas que ce repas familial était en fait la conséquence des paroles de la mystérieuse personne en noir et de sa probable collaboration avec le Clan.

Le fait de pouvoir travailler avec un alchimiste de deuxième niveau ou plus encore pouvait rendre quiconque fou de jalousie. Le Clan pourrait même être susceptible de gravir plusieurs échelons, s’élevant au-delà du niveau des deux autres grandes familles. Ainsi, il n’était pas surprenant que son père, habituellement calme et serein, avait à cet instant l’air si heureux. Quant aux Vieux Aînés, ils rayonnaient davantage encore, leurs sourires tirés d’une oreille à l’autre et les yeux plissés à moitié fermés. Il était évident que cette bonne fortune tombée du ciel les avait quelque peu étourdis.

L’ambiance festive du repas retomba finalement et Xiao Zhan remercia ses invités. Xiao Yan sauta alors rapidement de sa chaise pour se précipiter hors du hall et se rendre directement dans sa chambre.

Peu de temps après le départ de Xiao Yan, Xiao Yu qui serrait encore les dents tenta de le suivre, mais il avait déjà disparu. Impuissante, elle ne pouvait que piétiner le sol de haine et repartir avec le cœur empli de rage.

…Retrouvant sa chambre, Xiao Yan, fort de son apprentissage du jour ne demanda pas immédiatement à Yao Lao d’affiner les ingrédients. Après avoir fermé la porte et la fenêtre, il s’enroula paresseusement dans son lit et s’endormit profondément.

Tard dans la nuit, une fois que tous à l’extérieur étaient endormis, Xiao Yan toujours étendu sur son lit ouvrit les yeux. Il bondit aussitôt du lit et sortit les ingrédients cachés de l’armoire, les plaça avec précaution sur la table, puis tourna la tête pour regarder vers Yao Lao dont la silhouette fantomatique flottait à un pied du sol. Xiao Yan demanda alors doucement :

« Maître, Êtes-vous prêt ? »

« Enfin, tu as appris à être un peu plus prudent. Le raffinage des pilules nécessite un environnement extrêmement silencieux. Si je suis dérangé, les conséquences sont très graves. À ce niveau, il n’y aurait sans doute pas de situation de non-retour, mais plus tard, quand tu commenceras à apprendre l’alchimie, si tu continues à être négligent, tu risques de perdre ta petite vie, et ce plus vite que tu ne le penses. »

Yao Lao se déplaçait vers la table et palpait doucement chaque ingrédient avec la paume de sa main fantomatique. Hochant légèrement la tête, le ton sourd de sa voix contenait un soupçon de sévérité.

Xiao Yan, honteux, baissa la tête en la frottant alors qu’il écoutait les instructions.

C’est seulement après avoir constaté que Xiao Yan était disposé à obéir que Yao Lao poussa un soupir de soulagement. D’un geste assuré, il étendît les paumes de ses mains et une flamme blanche jaillit.

Alors que sa Perception d’Âme contrôlait continuellement la température du feu, Yao Lao profita d’un temps mort pour jeter un œil à Xiao Yan qui regardait avec curiosité le feu dans la paume de sa main. Légèrement hésitant, Yao Lao murmura doucement :

« Les niveaux de la plupart des alchimistes peuvent être distingués par la couleur de leur flamme. »

« Les alchimistes ordinaires ont des flammes avec une faible couleur jaune. Au fur et à mesure que leur rang augmente, la couleur de la flamme devient plus sombre et la force de la flamme devient plus forte. »

Après avoir entendu cela, Xiao Yan cligna des yeux, puis désigna du doigt la flamme dans les mains de Yao Lao et demanda:

« Alors professeur, pourquoi est-ce que votre flamme est blanche ? »

« Haha, ce que je viens de dire est valable pour les flammes d’alchimiste les plus communes. Cependant, au sein du cercle des alchimistes, en plus de compter sur le Dou Qi comme catalyseur de la flamme, il existe aussi une autre méthode … »

Yao Lao souriait avec un soupçon de fierté.

« C’est du Feu d’Emprunt ! »

« Le Feu d’Emprunt ? » Ces termes n’étaient pas tout à fait inconnus. Il comprenait ce que signifiait chaque mot, mais Xiao Yan était en perte de vitesse. Comment pouvait-on emprunter tout le feu nécessaire pour affiner des pilules ?

« C’est bien cela, une flamme empruntée. » Hochant la tête, Yao Lao riait doucement :

« Dans ce monde sans limites, il y a toujours des feux célestes. Peut-être que la flamme provient d’un météore tombé des cieux, ou peut-être encore des profondeurs d’un volcan forgé à travers des centaines de milliers d’années par la lave… la puissance de ces Flammes Célestes est beaucoup plus grande que la puissance des flammes créées par le Dou Qi. Le raffinage des pilules avec des flammes de cette nature peut même faire augmenter l’efficacité du médicament. Seulement, ces feux célestes sont extrêmement violents et assez rares. Et même si tu en repères un, c’est extrêmement difficile à contrôler. »

« Beaucoup d’alchimistes passent leur vie entière à rechercher le Feu Céleste sans pour autant y parvenir. Pour en contrôler la flamme, il est nécessaire de le faire passer dans son corps ; mais c’est un feu de nature extrêmement destructrice. Même le Diamant d’Or Magique qui est l’un des métaux les plus durs qui soient est incapable de contenir la chaleur de la Flamme Céleste et le corps humain est fragile … le risque est tout simplement de brûler vivant. Par conséquent, seuls quelques rares chanceux peuvent affiner occasionnellement des Flammes Célestes en petite quantité. Ceux capables d’associer la flamme au corps, sont considérés, au sein du monde des alchimistes comme des Maîtres d’exception. »

Xiao Yan resta étourdi un moment. En se léchant les lèvres, il observait de près la flamme blanche sur la paume de Yao Lao et pouvait percevoir une sensation de froid glacial.

« La flamme du Maître est de la catégorie des Flamme Céleste, n’est-ce pas? » Demanda Xiao Yan.

« Hé hé… » En levant la flamme, le visage de Yao Lao s’illumina d’une lueur légère, il dit les yeux flamboyants :

« La communauté des alchimistes du Continent Dou Qi a classé les différentes catégories de Flammes dans le ‘Classement des Feux Célestes’. Il y a en tout 23 catégories et ma flamme est classée dans la 11ème, elle est connue sous le nom de ‘Feu de Refroidissement des Os’. Ce Feu Céleste n’apparaît que tous les cents ans, lorsque par un froid glacial, l’éclipse se produit en croisant le Yin Extrême… »

« Le Feu de Refroidissement d’Os? » Xiao Yan fixa la flamme blanche sans cligner des yeux, puis murmura doucement.