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Voyageurs du lointain | 天涯客
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Extra 3 – Vie passée, vie présente (bis)
Extra 3 – Vie passée, vie présente Menu Extra 4 – Le monde martial et Ye Baiyi (fin)

Hu Jia poussa un soupir et, en désignant la vieille Meng Po, murmura à Cao Weining: « Regarde-la, cette vieille Meng Po, moi je suis ici depuis des centaines d’années, arpentant le pont Nao encore et encore, et elle aussi. Et tout ce qu’elle m’a jamais dit, c’est ‘Messager Hu, surveillez vos paroles’. Cet endroit est vraiment désespérément ennuyeux. »

Cao Weining sourit doucement en l’écoutant se plaindre, tout en regardant au loin, imaginant à quoi ressemblerait Ah Xiang, devenue une vieille dame marchant vers lui. Ce serait sûrement une grand-mère énergique, pleine de vitalité, toujours aussi vive et fougueuse, pensait-il…

Soudain, Cao Weining se redressa, les yeux écarquillés. Il venait de voir au loin cette silhouette familière, une jeune fille sautillant joyeusement derrière un messager des âmes, bombardant ce dernier de questions tout le long du chemin. Le messager, impassible, continuait à avancer sans prêter attention à elle. Quand elle insistait trop, il se contentait de répondre par un simple: « La poussière retourne à la poussière, la terre à la terre. »

Cao Weining ouvrit la bouche et appela: « Ah Xiang… »

Ah Xiang s’arrêta net et tourna la tête dans sa direction. Pendant un moment, elle resta figée, comme si elle allait pleurer, mais elle ravala ses larmes et son visage s’illumina d’un grand sourire. Elle se précipita vers lui comme un oiseau, criant: « Grand frère Cao, je savais que tu m’attendrais! »

Cao Weining, qui n’avait pas vu Ah Xiang depuis ce qui lui semblait être une éternité, la serra fort dans ses bras. Mais alors, il se rendit compte que si Ah Xiang avait l’air si jeune, cela voulait dire qu’elle était morte prématurément, et cela l’attrista profondément. Submergé par des émotions contradictoires, il se mit à pleurer. Ses larmes tombèrent dans l’eau des Sources Jaunes, formant des cercles de vagues qui attirèrent l’attention du passeur.

Hu Jia cessa de parler, un sourire lointain aux lèvres, en regardant les deux âmes se retrouver et s’enlacer.

Au bord du Pont Nao, ils se tenaient là, comme figés dans le temps, une éternité s’étendant devant eux.

Sur le pont, un autre messager des âmes appela: « Vous deux, il est temps, en route! »

Comme un pendule fidèle à son devoir, année après année, répétant sans cesse la même phrase.

Ah Xiang leva la tête du creux des bras de Cao Weining, et lança un regard féroce au messager: « Pourquoi me presses-tu? Tu crois que tu appelles les âmes?! » (NT: Ah Xiang sous entend que la pressions exercée est aussi absurde que si on essayait d’appeler les âmes des défunts.)

Le messager, pris au dépourvu, pensa intérieurement: N’est-ce pas justement ce que je fais?

Hu Jia éclata de rire et commenta: « Quelle petite tigresse tu as là. Eh bien, jeune homme, tu as une épouse bien fougueuse. »

Les larmes de Cao Weining coulaient encore, mais il répondit avec un sourire, humblement: « J’ai de la chance, j’avoue. »

Hu Jia se leva et, en désignant le Pont  Nao, dit: « Allez, il est temps de partir. Ne ratez pas l’heure pour la réincarnation. Si vous ratez ne serait-ce qu’un instant, vous pourriez manquer une vie de richesse et devenir des mendiants au bord de la route. Si votre destinée n’est pas achevée, vous pourrez toujours vous retrouver dans la prochaine vie. »

Après ces paroles, il les conduisit sur le Pont  Nao, où ils s’arrêtèrent devant la soupe de l’oubli de la vieille Meng Po. Gu Xiang hésita un moment avant de demander: « Si je bois ça, alors j’oublierai tout. Grand-mère, est-ce que je peux ne pas boire? »

La vieille Meng Po, le visage aussi impassible qu’une sculpture, la regarda et secoua la tête en silence.

Le messager Hu Jia ajouta: « Petite, si tu ne bois pas la soupe de la vieille Meng Po, tu seras réincarnée en bête de somme, en bœuf ou en cheval dans ta prochaine vie. Bois-la. »

Les yeux de Gu Xiang s’emplirent soudain de larmes. Tête baissée, elle refusait obstinément de bouger malgré toutes les supplications. Touché, Hu Jia se tourna vers la vieille Meng Po et dit: « Vous pourriez peut-être faire une exception, non? Ce n’est pas facile, vous savez. Cela fait des centaines, voire des milliers d’années que nous n’avons pas vu un couple d’amoureux finir ensemble ici. C’est vraiment… »

La vieille Meng Po l’interrompit: « Messager Hu… »

Hu Jia la coupa précipitamment: « Oui, oui, je surveille mes paroles, je surveille mes paroles. »

La vieille Meng Po hésita un moment, puis sortit deux cordelettes rouges de son manteau, les tendit à Gu Xiang.

Surprise, Gu Xiang resta figée, tandis que Hu Jia, à côté d’elle, s’empressa de dire: « Petite dame, vite, prends-les! La vieille Meng Po fait preuve de compassion. C’est une chance rare, même après plusieurs vies. Prends-les et attache-les à vos poignets, ainsi, dans la prochaine vie, vous vous reconnaîtrez immédiatement. »

Gu Xiang s’empressa de prendre les cordelettes rouges que la vieille Meng lui tendait et, maladroitement, elle les attacha autour de son poignet et de celui de Cao Weining. Ce n’est qu’ainsi, leurs mains jointes, qu’ils purent enfin boire la soupe de l’oubli et entrer dans le cycle de la réincarnation.

Derrière eux, ils entendirent la voix lointaine du messager des âmes: « La poussière retourne à la poussière, la terre retourne à la terre… »

Et Hu Jia, pensif, soupira: « Qu’est-ce que l’amour en ce monde? Même la vieille Meng Po en est émue. »

(NT: d’après le poème « Catching Fish » (捉鱼) . Extrait : «L’amour en ce monde est-il quelque chose de concret, Ou est-ce simplement une affaire ordinaire et banale? On admire en silence les voisins de la chambre obscure, Sans réaliser que les années ont déjà filé.»)

La vieille Meng Po dut le reprendre: « Messager Hu, surveillez vos paroles. »

*

Quinze ans plus tard, dans la ville de Luoyang, la fille de la famille Li, issue d’une famille aisée, célébra la cérémonie de la majorité. L’ancien frère juré de son père, le chevalier Song, vint avec son fils pour deux raisons: pour offrir ses félicitations et pour proposer une union.

Ces deux enfants avaient grandi ensemble, et depuis leur plus tendre enfance, les adultes avaient remarqué que l’un portait une marque rouge au poignet gauche et l’autre au poignet droit. N’était-ce pas là une preuve que leur destin était scellé depuis leur naissance? Ainsi, ils avaient été fiancés dès leur plus jeune âge.

Leur histoire rappelait celle des jours où, sous un prunier en fleurs, un jeune garçon montait un cheval  de bambou…

(NT: d’après le poème 长干行  ‘La Balade de Changgan’ de Li Bai. La juxtaposition de l’innocence de l’enfant et la beauté éphémère du prunier en fleurs crée une image de pureté et de sérénité. Le poème est écrit du point de vue de la jeune femme et parle de 2 amis d’enfance qui se retrouvent séparés.  Le  poème exprime sa détermination à se réunir avec son bien aimé, malgré les distances et les difficultés.)

 

Traduction: Darkia1030

Check: Hent-du



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