Une révélation de ce type lui apporta bien plus qu’une simple provision de pilules de Rassemblement de Qi. Cela lui offrait une nouvelle vision de son identité et de sa place dans ce monde. Au lieu de ressentir de la peur, il se sentit au contraire éclairé.

Il se préoccupait encore de comment éliminer Zhuo Zhibo sans susciter trop de soupçons si ce dernier se retournait contre lui, mais désormais, ces zones sombres en dehors des points lumineux lui offraient une opportunité. Il pourrait ouvertement massacrer n’importe qui et attribuer tous les méfaits à un puissant cultivateur inconnu ou à un démon effrayant de passage.

Zhou Wenbin ne détecta aucune trace de peur sur le visage de Li Qingshan. C’était une émotion que tous les cultivateurs de lignage orthodoxe exprimaient en entendant quelque chose comme cela pour la première fois. Même Zhou Wenbin n’avait pas échappé à cette peur, ce qui l’avait conduit à rester dans la lumière toute sa vie, se protégeant et se distançant de ce monde d’ombre.

Il dut admettre qu’il y avait quelque chose de différent chez cet adolescent. Il semblait avoir un vif intérêt pour la bataille, le carnage, le chaos, et le désordre, mais ce n’était pas un fou furieux dépourvu de réflexion. Il était courageux mais non téméraire.

Peut-être serait-il plus adapté à rejoindre une grande secte plutôt que de suivre la voie des faucon-loup ou de l’Académie des Cent Écoles. Pratiquement chaque grande secte recherchait des disciples de ce genre. Que ce soit pour éradiquer les démons ou purifier l’orthodoxie, ils avaient tous besoin de combattants.

Aux yeux des gens ordinaires, les cultivateurs semblaient détachés du monde mortel, évitant le sang et les affaires des mortels, se contentant de méditer et prier, vivant en pleine nature. Cela leur permettait de prolonger leur vie, voire d’atteindre l’immortalité.

Mais dans la réalité, qui aurait la témérité de prendre des risques et se battre ? Qui ne préférerait pas avancer paisiblement sur le chemin de la longévité, consacrant tout son temps à la fabrication d’artefacts spirituels et de talismans, à raffiner des pilules, à consommer des élixirs et à cultiver en quête d’illumination ? Mais ce chemin était semé d’embûches et trop encombré.

Tout le monde avait besoin de pilules et de remèdes, mais les herbes spirituelles étaient limitées. Chacun avait besoin de terres bénies pour cultiver, mais il y avait peu de bons emplacements. Ils pouvaient choisir de rester en retrait et voir les autres jouir des pilules, des remèdes, des terres bénies, et d’une cultivation rapide. Eux-mêmes déclineraient progressivement pour finir en un tas d’os dans une tombe, ou ils pouvaient se mesurer aux autres et voir qui serait le plus fort.

Non seulement ils devaient contester leur destin avec les cieux, mais ils devaient aussi se mesurer aux hommes pour la victoire.

Même si la paix régnait dans le monde et qu’il y avait harmonie parmi les hommes, les démons, fantômes et monstres tapis dans l’ombre ne chercheraient-ils pas à reprendre le dessus et à dominer les neuf provinces ? Dans cette nature sauvage sans ordre, on ne savait combien de sectes avaient été fondées puis détruites. Ils ne pouvaient suivre que le principe le plus primitif la survie du plus fort. Seuls les plus puissants seraient respectés.

Entre le palais de la Collection des Épées et la secte de l’Ombre Yin, l’un maniait les épées, tandis que l’autre contrôlait les fantômes. Peut-être n’étaient-ils pas les meilleurs dans la cultivation, mais ils possédaient chacun des avantages uniques. Ils avaient suivi ce principe et survécu en prospérant.

Li Qingshan rangea dans son esprit la carte mentale de la province Verte. Il dit, « Puisque je les ai déjà offensés, autant aller jusqu’au bout. J’ai cette identité, donc si je ne l’utilise pas, ce serait dommage. »

Zhou Wenbin comprenait qu’il était impossible pour lui de trouver un compromis ou de se réconcilier après avoir tué des membres de la Secte des Nuages et de la Pluie en public. En pensant à son esprit jeune et à sa colère persistante, il déclara, « Très bien. Je te donnerai une douzaine de gardes supplémentaires. Bien que ce compte ne soit pas suffisant pour les abattre, cela suffira à les faire plier et à leurarracher un peu d’argent. »

À ce moment-là, un domestique entra et annonça, « Monsieur, un homme corpulent est à la porte et souhaite vous voir. Il dit qu’il est le magistrat de la ville de Qingyang. Voici ses documents. »

Zhou Wenbin sourit. « On dirait que ton ancien patron est là. »

Li Qingshan sourit aussi. « Maintenir la paix dans la ville est normalement le travail des vice-magistrats. Ne serait-il pas plus approprié d’envoyer monsieur Ye à ma place ? »

Zhou Wenbin agita la main. « Va lui dire toi-même. Je vais commencer à cultiver, alors dis-lui de revenir demain. » Clairement, il ne prenait pas quelqu’un comme Ye Dachuan très au sérieux. Il n’avait qu’à lui donner un peu plus d’argent pour satisfaire le préfet.

Li Qingshan se rendit à l’entrée du bureau du gouvernement. Il aperçut Ye Dachuan en train de montrer du doigt l’endroit en parlant avec son conseiller. « Regarde, voilà une vraie grande ville. Les grandes villes, c’est autre chose. Certes, c’est un peu moins bien que la ville de la Rivière Claire, mais c’est largement mieux que ce trou à rats de Qingyang. » Le conseiller se tenait à ses côtés, tout heureux de suivre enfin ce personnage influent.

« Monsieur Ye, cela fait quelques jours. Comment allez-vous ? »

Ye Dachuan se retourna et vit Li Qingshan dans son uniforme de Loup Noir. Bien qu’il sache que Li Qingshan avait vraiment rejoint cet ordre, il ne put s’empêcher de s’étonner. « Tu es vraiment… »

Li Qingshan sourit. « J’ai d’immenses richesses et honneurs à vous offrir ! En voulez-vous ou pas ? »