Je l’avais remarqué aussi pendant que je m’entraînais. Je n’arrivais pas vraiment à comprendre ce qui me rendait difficile la connexion des formes, mais le bulletin de notes m’a éclairé.
« Huu. »
Prenant une profonde inspiration, je rangeai la carte et regardai au loin.
Là, j’aperçus Leon.
Il était plongé dans son bulletin scolaire, le visage renfrogné.
« Ha ! »
Je faillis rire en me rappelant ce que j’avais écrit. « Il croit que je raconte des conneries… ? » C’était bien possible. Je ne lui en voudrais pas.
Mais je pensais que c’était quelque chose que je devais écrire.
Peut-être y avait-il une part de vérité dans ce que j’avais écrit… ?
« Peut-être qu’il viendra me remercier plus tard, ou peut-être qu’il l’ignorera complètement. »
C’était à lui d’interpréter.
***
Leon regarda le rapport entre ses mains et le lut attentivement. Bien qu’il ne sache pas qui était son analyste, il avait une idée.
Il était curieux de savoir ce qu’il dirait.
[Leon Ellert – Rapport d’observation]
[Observation :
Leon pratique une technique sophistiquée caractérisée par un flux continu et des mouvements interconnectés qui se concentrent sur de petits mouvements et une faible dépense d’énergie. C’est…]
Le rapport était long et détaillé. Leon était un peu surpris par ce qu’il voyait. Cependant, ce n’était que le discours standard.
Il n’y avait rien de nouveau pour lui.
[Avantages :
— Transition fluide.
— Bien pratiqué. Il est évident que le cadet a pratiqué le mouvement des milliers de fois dans le passé.]
[Faiblesses :
— Aucune que j’aie vue ou que je sois capable de voir.]
Leon fit une pause.
« … Je ne peux pas lui en vouloir là-dessus. »
La technique qu’il pratiquait s’appelait [La Danse du Tourbillon]. Contrairement aux mages qui apprenaient des sorts classés de débutant à perfectionné, les utilisateurs qui pratiquaient la classification [Corps] apprenaient des « Techniques » ou des « Arts ».
Eux aussi avaient des rangs. De une à cinq étoiles.
Et contrairement aux sorts, ils ne nécessitaient pas non plus qu’une personne ait un certain niveau de force pour les pratiquer.
[La Danse du tourbillon] était un art secret qu’il avait réussi à découvrir par hasard.
Le rang était inconnu, mais Leon était sûr qu’il était élevé.
Il serait étrange que Julien voie des défauts dans son art.
Pas impossible, mais aussi très peu probable.
Il continua à lire le rapport.
[Conclusion :
Il n’y a pas grand-chose à ajouter. Tout semble impeccable. Mes limites m’empêchent peut-être d’identifier des défauts ou de faire des commentaires constructifs. Cependant, je remarque un problème caché dans le mouvement
: un segment semble manquer dans la progression du pas de gauche à celui de droite. Bien que certaines tentatives aient été faites pour y remédier, il semble y avoir encore un certain décalage…]
« Hein ? »
Les yeux de Leon s’arrêtèrent sur les dernières remarques.
Tout son corps tremblait.
« Défaut ? Pas de gauche à droite ? »
Il avait du mal à décrire la situation actuelle. Non pas parce qu’il avait tort, mais parce qu’il avait… raison.
« Comment le savait-il ? »
Leon se souvint qu’il ne l’avait observé que pendant dix minutes.
Avait-il compris quelque chose pendant ces dix minutes ?…
Ou y avait-il autre chose ?
« Comment cela peut-il être logique ? »
Leon n’était pas choqué parce qu’il ne connaissait pas le défaut. En fait, il connaissait le défaut. L’« Art » était incomplet, il manquait quelques pages. Il avait déjà fait de son mieux pour le réparer et le recouvrir.
Cela étant dit…
« Comment l’a-t-il découvert ? »
Ce n’était pas quelque chose qui était censé être découvert en quelques instants d’observation.
Une idée frappa soudainement Leon.
« Est-ce qu’il… ? »
Il s’arrêta là et prit une profonde inspiration. Il ne tira pas immédiatement de conclusions hâtives. Cependant, il ne put s’empêcher de respirer plus fort.
Peut-être…
***
22 h
J’atteignis l’entrée de l’Académie où tout ce qui m’accueillit fut la vaste forêt qui l’entourait. Une silhouette se tenait près d’elle, m’attendant. Vêtue de noir, elle se fondait parfaitement dans l’obscurité.
« Tu l’as ? »
« J’ai la marchandise. »
Je sortis une barre et la lui tendis.
Elle hocha la tête avec satisfaction.
Non, attendez… Pourquoi ai-je un mauvais pressentiment ?
« Viens avec moi. Je vais te conduire à un endroit. »
« Où… »
Avant que je puisse finir de parler, elle posa sa main sur mon épaule et le paysage changea.
Swoosh ! Swoosh !
Le bruit sourd de l’eau qui tombe résonna à mes oreilles alors qu’une grande cascade apparaissait dans ma vision.
« Où… »
« C’est ici que tu t’entraîneras. » dit Delilah d’une voix monotone.
Je levai les yeux vers elle, ne sachant pas ce qu’elle voulait dire. Nous étions perchés au sommet d’une modeste colline surplombant un bassin d’eau en contrebas. Une cascade s’y déversait, son grondement régulier résonnant tout autour de nous.
« Tu as dit que tu voulais te développer rapidement, n’est-ce pas ? »
« … »
J’avalai ma salive avant d’acquiescer.
Des rides se formèrent sur son visage indifférent alors qu’elle pointait la cascade du doigt.
« Il y a quelque chose au-delà. Au-delà de la cascade. Ce sera ce que tu cherches. Cependant… »
Elle fit une pause et me regarda.
Un léger sourire se dessina sur son visage.
« Ça va te pousser à tes limites. Ça pourrait même être assez dangereux. Tu es sûr de vouloir le faire ? Je ne te force pas. La décision t’appartient. »
« Non, j’y vais. »
Je n’ai pas hésité à répondre. C’était évident pour moi.
Delilah hocha la tête.
« D’accord. »
Et elle me fit signe de me diriger vers la cascade avec son menton.
« Vas-y. »
J’acquiesçai doucement de la tête.
Sans hésiter, je sautai du haut de la petite falaise.
Splash !…
Pour ma progression.