Le chef de salle Wu se réjouit. Heureusement, il n’était pas venu seul. Désormais, il désirait encore plus le ginseng spirituel. Tant qu’il ingérait ce ginseng et parvenait à franchir le cap du domaine inné, l’école du Poing de Fer aurait un protecteur, le Protecteur Wu. Même s’il devait à nouveau affronter Sir Feng de la Garde Faucon-Loup, il n’aurait plus besoin d’adopter une attitude si soumise.

Sir Feng sourit. « Il a du talent. Ce gamin n’a que quinze ans ? »

« Oui. Il aura seize ans au début de la nouvelle année. Il doit se rendre en ce moment même au restaurant Qingyang. » Liu Hong avait mené quelques enquêtes de son côté. Il craignait d’irriter Sir Feng, alors il évita de lui dire directement que Li Qingshan avait refusé de venir.

« Tous les maîtres doivent être rassemblés là-bas à cette heure-ci. Intéressant. »

Li Qingshan était déjà entré dans le restaurant Qingyang. L’établissement était désormais déserté de tous ses clients. Il semblait divisé en plusieurs groupes qui se faisaient face.

Même si tout le restaurant avait entendu dire qu’il avait tué le Moine Fou, les clients restants restaient complètement stupéfaits en le voyant porter l’arme renommée de celui-ci, le Bâton du Démon Fou.

Li Qingshan observa les lieux. Il ne prêta attention qu’à quatre personnes.

Il s’agissait d’un vieil homme manchot avec une grande lame dans le dos, d’une femme d’âge moyen au visage creusé, d’un riche homme rieur, et d’un érudit au teint blafard portant une épée.

Quiconque fréquentait le monde du jianghu pâlirait de peur à la place de Li Qingshan.

Ne me dites pas que Wan Hao est le maître de la secte du Sabre Sauvage, Wan Hao ? On l’appelle le Roi du Sabre Manchot dans le jianghu, et il a tué la Cavalerie des Dix-Huit du Vent Féroce avec un seul bras et une seule lame, se faisant un nom dans la ville de Xiasha. Et ce Dandong, il doit être le Wei Dandong de l’Académie de l’Érable Humble ; on l’appelle l’Érudit Faucheur de Vie dans le jianghu. Son style des Treize Épées Mortelles a atteint la perfection.

Quant à Chu Xin et Lü Tingrui, ils sont encore plus impressionnants : Chu Xin, le Fantôme Rieur, et Lü Tingrui, l’Épée Frelon. Aucun d’entre eux n’est quelqu’un que même des maîtres de premier ordre pourraient facilement affronter. Tous quatre comptent parmi les plus grands maîtres de premier ordre de notre époque.

Toutes leurs armes luisaient. Aucun des outils qu’ils maniaient n’était ordinaire. Étaient-ils tous semblables au Boucher du Vide, avec chacun des atouts redoutables ?

À l’exception de Wei Dandong, tous étaient entourés de disciples, de nombreux subordonnés. Mis à part eux, aucun autre membre du jianghu ne pouvait prétendre à une place dans le restaurant.

Bien sûr, il y avait maintenant une personne de plus.

Li Qingshan s’avança vers le centre du restaurant comme s’il était seul au monde. Il s’avança tel un roi parmi des bêtes. Avec sa silhouette mince, il ne semblait pas particulièrement puissant, mais il dégageait l’aura du roi de toutes les bêtes.

Tout comme son surnom, le Tigre Noir !

Li Qingshan s’assit fermement et planta le bâton dans le sol. « Servez les plats ! »

Le serveur apporta un plateau, les mains tremblantes, renversant de l’alcool sur le plateau.

« Votre alcool est renversé, alors laissez-moi vous en offrir un autre ! » Wei Dandong prit le verre sur la table et le lança en direction de Li Qingshan.

Le verre fendit l’air sans qu’une seule goutte d’alcool ne se renverse.

Il s’agissait d’une méthode courante pour évaluer les compétences de quelqu’un. Ils voulaient jauger le niveau de Li Qingshan en arts martiaux. Selon toute attente, Li Qingshan devrait faire preuve de ses talents supérieurs pour impressionner les personnes présentes. Tous les regards étaient braqués sur lui.

Li Qingshan fit un geste de la main, et le verre se brisa en éclats. Wei Dandong devint encore plus pâle, tandis que les autres se demandaient en silence si Li Qingshan avait été blessé lors de son combat contre le Boucher du Vide.

« J’ai mon propre alcool ! » déclara Li Qingshan en levant sa gourde, retirant le bouchon et renversant la tête en arrière pour boire goulûment. Un moment plus tard, il ajouta : « Et c’est de l’alcool spirituel ! »

Tout le monde était captivé. Chacun d’eux se tenait prêt, attendant le bon moment pour agir. Ils restaient prudents, en tenant compte des autres, mais aussi intimidés par le bâton noir et lourd de Li Qingshan.

Li Qingshan sentit soudain le vrai Qi en lui se renouveler totalement. “Oui, le ginseng spirituel est bien avec moi !” lança-t-il, créant un nouveau tumulte dans le restaurant.

Chu Xin s’avança : « Quelles sont vos conditions pour l’obtenir ? Combien d’argent voulez-vous ? Fixez un prix ! Nous pouvons négocier. »

Li Qingshan baissa la tête, comme s’il réfléchissait à l’offre.

« Hé, gamin, sais-tu quel est le surnom de ce gros dans le jianghu ? » lança Lü Tingrui en voyant que Li Qingshan semblait intéressé.

« Lequel ? »

« Le Fantôme rieur. Il paraît amical, mais c’est en réalité un homme impitoyable. Il peut te promettre des milliers de taels d’argent, même des dizaines de milliers, mais tu ne peux pas lui faire confiance. »

Chu Xin resta jovial et sortit une liasse de billets d’argent, qu’il posa bruyamment sur la table. « Ne dis pas cela. Quand je fais des affaires, je ne trompe jamais personne. Est-ce que cet argent est suffisant ? Sinon, considère-le comme un acompte. » Il n’achetait pas le ginseng spirituel seulement, mais une chance de devenir un maître inné. Une fois maître inné, il pourrait regagner tout l’argent dépensé.

Wei Dandong toussa violemment. « J’ai besoin de ce ginseng spirituel pour me sauver la vie. Si quelqu’un souhaite se battre pour me le prendre, il devra d’abord prendre ma vie. Je suis prêt à la jeter dans la bataille ! »

Wan Hao ajouta : « Je n’ai plus beaucoup de temps à vivre non plus. Ce n’est pas la peine de le regretter. »

Li Qingshan fit tournoyer sa gourde et sourit calmement. « Vous êtes quatre ici. À qui devrais-je donner le ginseng spirituel ? Décidez-vous entre vous ! » S’il avait osé venir, ce n’était certainement pas par bravade. Il avait anticipé cette situation et conçu un plan pour y mettre un terme.

Chu Xin éclata de rire. « Ne tombons pas dans son piège pour nous monter les uns contre les autres. Sommes-nous censés nous entretuer ? Ce serait une grande perte pour nous. Pourquoi ne pas coopérer, capturer ce gamin et partager le ginseng spirituel en quatre ? Ce serait un profit assuré. Qu’en dites-vous ? »

Wei Dandong haussa les épaules. « Il semble bien qu’un vieux renard comme toi sait faire ses calculs. Mais si nous devons vraiment nous battre, au moins trois d’entre nous mourront. Qui peut dire qu’il sera le dernier survivant ? » Cela dit, il toussa encore quelques fois.

Wan Hao et Lü Tingrui furent tentés.

Li Qingshan pensa, Ce sont vraiment des vétérans du jianghu. Ils ne se laissent pas manipuler facilement, et leurs réactions sont rapides. Alors qu’il allait devenir la cible de tous, il posa la main sur sa gourde, prêt à exécuter son plan.

Son plan était simple : manger le ginseng spirituel devant tout le monde. Le ginseng avait été infusé dans l’alcool pendant longtemps, diluant déjà son Qi spirituel. Il pensait pouvoir le supporter.

Bien sûr, cela risquait d’irriter ces maîtres de premier rang, les poussant à s’unir pour tenter de le tuer. Cependant, Li Qingshan pensait qu’il serait capable de s’enfuir si besoin. Il y avait même de grandes chances que ces gens n’agissent pas. Sans la tentation du ginseng spirituel, ils seraient peu enclins à risquer leurs vies.

S’il fuyait ou mangeait secrètement le ginseng, les ennuis ne feraient que s’amplifier. Sa seule option était de faire savoir publiquement que le ginseng avait été consommé, mettant fin à l’affaire devant ces figures du jianghu.

Son idée reposait non seulement sur son intelligence, mais aussi sur sa force. S’il avait été un maître de second rang, cette stratégie n’aurait servi à rien. C’est parce qu’il était un maître de premier rang, capable de tuer le Moine Fou, qu’il suscitait la méfiance.

À cet instant, d’autres personnes entrèrent dans le restaurant, attirant tous les regards.

En tête se trouvait Sir Feng, vêtu de son uniforme sombre du Loup Noir, orné d’un loup scintillant, visible sous un angle particulier. Le loup montrait ses crocs, bougeant comme s’il prenait vie à chaque mouvement de son porteur.

Il portait un fourreau vert en peau de requin, contenant une lame Enlaceuse de Vent à garde dorée, sertie d’une pierre œil-de-chat verte. Ses yeux étroits, légèrement inclinés vers le haut, semblaient observer tout le monde de haut.

Cependant, ce que Li Qingshan remarqua surtout, c’était l’aura qui émanait de lui, semblable à celle des artefacts spirituels. Sans introduction, deux mots surgirent dans son esprit : Maître Inné.