Livre 8, Chapitre 23 – Retrouvailles
Sumeru existait dans un état qui dépassait l’entendement humain. Il existait même au-delà des limites de la compréhension des dieux et des démons. Il s’agissait d’une civilisation capable de voyager dans plusieurs univers.
Si Sumeru avait été créé au lieu d’être formé naturellement, l’espèce responsable devait être plus grande que toutes les autres dans cet univers. En réalité, de tels êtres n’étaient pas différents du concept humain de dieu.
Même avec les souvenirs et l’expérience de l’ancien Roi Démon, Cloudhawk ne pouvait pas comprendre complètement ce qu’il voyait. Les bâtiments et leur distribution semblaient tous avoir une fonction, mais celle-ci restait un mystère. Lorsqu’il leva la tête, il vit des centaines de cristaux prismatiques flottant parmi les nuages de poussière cosmique. Ils ressemblaient à des diamants sans défauts éparpillés sur un tissu de velours, figés sur place.
En y regardant de plus près, Cloudhawk s’aperçut qu’ils avaient tous une structure en nid d’abeille. A l’intérieur de chaque segment, baigné dans une lumière arc-en-ciel, se trouvait le corps d’un dieu.
S’agissait-il d’une sorte de chambre à coucher ? Les dieux semblaient aimer dormir.
Aux yeux des humains, les dieux étaient une espèce énigmatique. Ils vivaient des vies infinies, possédaient d’immenses pouvoirs psychiques et disposaient d’un trésor inépuisable de connaissances. Pourtant, ils n’avaient ni désirs personnels ni émotions d’aucune sorte. Leur apathie naturelle rendait le désir difficile, voire impossible.
Une race dont tous les membres vivraient une vie de moine ne prospérerait jamais. Toutes les autres races avaient des fous, des entrepreneurs, des faucons de guerre, etc. Sinon, la vie ne serait qu’une mare d’eau stagnante d’où rien ne sortirait.
L’évolution de la société, des arts et de la science avait pour origine une seule et même racine : le mariage du désir et de l’ambition. Le statu quo n’était modifié que lorsque les membres d’une civilisation se sentaient suffisamment forts pour changer les choses. Le sentiment était le moteur du changement. Sans lui, tout restait inchangé.
Les dieux n’étaient que des exécutants. Ils étaient pieux, méticuleux et indifférents à leur propre vie et à leur propre mort. Le changement ne les intéressait pas du tout. Ils ne pouvaient pas se changer eux-mêmes, alors comment pouvaient-ils faire évoluer leur monde ? Les démons représentaient l’extrême opposé.
Les dieux et les démons formaient autrefois une seule et même espèce. En tant que tels, ils avaient beaucoup de points communs : une durée de vie infinie, une puissance incroyable, etc. Cependant, les démons chérissaient la liberté et l’autodétermination. Ils s’efforçaient d’améliorer leur technologie, créaient des œuvres d’art, poursuivaient leurs propres objectifs et chérissaient leur vie. C’était une espèce ordinaire.
Cloudhawk était certain qu’avec du temps et des opportunités, les démons pourraient créer la plus grande civilisation que l’univers ait jamais connue. Les dieux, même s’ils étaient plus nombreux, ne feraient jamais avancer leur société. Pour eux, la seule façon de progresser était de suivre les ordres.
Sans instruction directe, les dieux se contentaient de dormir. Cent ans, mille ans, peu importe. Ils ne se réveillaient que lorsqu’on le leur demandait, et seulement jusqu’à ce que leur mission soit accomplie. Cette existence allait totalement à l’encontre de l’instinct biologique.
Les dieux avaient un esprit indépendant, bien sûr. Ils pouvaient comprendre et réagir aussi bien que n’importe qui. Mais il leur était interdit d’aller au fond d’eux-mêmes, de penser à un niveau plus profond. Alors que les autres espèces avaient la capacité fondamentale de s’explorer elles-mêmes, les dieux n’avaient pas cette possibilité. Ils n’étaient pas différents des robots de la base de l’Arche et de leurs cerveaux artificiels avancés. À moins qu’un mandat n’ait été transmis pour créer une société, rien ne changerait dans la civilisation divine, même après des millions d’années.
« Comme prévu, la plupart des dieux ne sont pas à Sumeru. »
Cloudhawk confirma ses premiers soupçons après avoir regardé autour de lui pendant un certain temps. Le Mont Sumeru était enveloppé d’une étrange tranquillité. Quatre-vingt-dix pour cent des dieux étaient endormis, et de nombreuses structures de cristal étaient vides. Pour Cloudhawk, c’était la preuve que la majorité des dieux n’étaient pas en train de voyager dans l’univers.
Pour lui, c’était une découverte inestimable. En évaluant le nombre et la répartition de ces cristaux, il put obtenir une estimation approximative des défenses de Sumeru. Lorsqu’ils attaqueraient, ils pourraient utiliser ces données pour trouver le point faible à percer.
Cloudhawk poursuivit son voyage, se rapprochant du cœur du royaume divin. Il découvrit que même les dieux éveillés ne faisaient pas attention à lui.
Il n’était pas là physiquement, bien sûr, mais seulement comme une projection de son esprit. Il semblait que ces dieux n’avaient aucun moyen de détecter sa conscience sous cette forme. Sans crainte d’être repéré, il continua à se diriger vers la flèche centrale.
Une énorme et magnifique colonne de lumière s’éleva devant lui.
Cloudhawk pouvait sentir qu’il ne s’agissait pas seulement de la source d’énergie de ce véhicule. Elle contenait également une quantité stupéfiante d’informations – toute l’intelligence combinée des dieux se trouvait probablement à l’intérieur. C’était la tour qu’il avait vue au milieu de la Matrice divine.
Chaque seconde, des billions de grains de lumière traversaient la colonne. C’est ce qui créait et entretenait la Matrice divine. C’était l’endroit où tout était stocké, où tous les dieux de l’espace se connectaient entre eux.
Si elle était détruite, toute la Matrice divine tomberait avec elle.
S’il pouvait arriver jusqu’ici, il pourrait retirer le sceau de l’esprit de tous les dieux.
Bien sûr, il savait que détruire cette chose était plus facile à dire qu’à faire. Les dieux ne laisseraient pas leur plus grande faiblesse exposée. Sous sa forme actuelle, il ne pouvait utiliser aucun de ses pouvoirs et ne pouvait donc pas tester leurs défenses. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était rapporter ces informations à son peuple, planifier leur attaque et trouver une solution à ce moment-là.
Mais c’était étrange… Pourquoi ne sentait-il pas la présence du Roi-Dieu ?
Depuis que Cloudhawk était entré dans Sumeru, le Roi des Dieux n’avait pas semblé être conscient de sa présence. De même, il ne sentait pas non plus son ennemi juré. Peut-être que le roi dieux n’était pas là ?
Cloudhawk étendit sa perception dans l’espoir d’en savoir plus. Soudain, une signature mentale très active attira son attention, une signature qu’il reconnut.
Il poussa sa conscience vers la source des fluctuations. Elle le conduisit à l’un des cristaux, à l’intérieur duquel dormait une forme différente de toutes les autres. Elle était humaine, avec une peau blanche comme la neige et de longs cheveux dorés qui flottaient comme des mèches derrière les facettes du cristal.
« Aurore ?! »
L’incrédulité envahit son esprit. Aurore… n’était pas morte ? Cloudhawk l’avait condamnée de sa propre main. Il l’avait jetée dans les profondeurs de l’espace pour qu’elle meure avec la Bête du Chaos. En toute logique, il ne devrait rien rester d’elle. Alors que faisait-elle ici ?
De plus, pourquoi dormait-elle comme les dieux, enfermée dans ces cristaux ? Et autre chose… il y avait quelque chose en elle, un pouvoir qu’il ne reconnaissait pas.
Que se passait-il ?
Il réfléchissait à la manière d’en savoir plus quand elle sembla sentir sa présence. Ses yeux s’ouvrirent et de la lumière jaillit de ses pupilles. Lorsqu’il les regarda, Cloudhawk perdit le contrôle de sa volonté.
La projection de sa conscience ne pouvait plus durer. Il disparut de Sumeru, se baladant dans le cosmos jusqu’à ce qu’il retombe dans son propre corps.