Livre 8, Chapitre 20 – Miroir du royaume divin
Cloudhawk parcourut le reste de la cache du roi des démons.
L’héritage de son prédécesseur était abondant. En les amenant à la cité, en les réparant et en les nourrissant de Source, il pourrait les utiliser avec l’équipement sumérien laissé sur la lune. Les capacités destructrices de ces armes feraient frémir n’importe qui.
La nouvelle vint de l’aîné du dixième sceau, Bélial. Tous les préparatifs étaient terminés. Cloudhawk laissa à Korath le soin de préparer les forces de la Géhenne et partit pour l’Étoile d’émeraude. Il y laissa Azura avec un lot de reliques dont il n’avait plus l’utilité et lui demanda de les distribuer à son peuple.
Sur ce, il se dirigea vers la capitale du Sud.
Bélial et le dieu berger l’attendaient. Conformément aux instructions de Cloudhawk, ils avaient concocté un moyen d’entrer dans la Matrice divine. Ils étaient prêts à infiltrer les dieux et à trouver l’emplacement de Sumeru.
Facile à dire. Seule l’action se compliquait.
Les pièces du puzzle étaient nombreuses : Cloudhawk, le Dieu Berger, quelques dieux capturés et les inventions de Bélial. En principe, avec l’équipement de l’artisan, Cloudhawk pouvait se connecter à la Matrice Divine par l’intermédiaire de leurs prisonniers. Une fois qu’il aurait découvert un moyen d’y accéder, le pouvoir mental du Dieu berger téléchargerait sa conscience et lui donnerait accès à la Matrice.
En d’autres termes, Cloudhawk était un virus artificiel, prêt à infecter le système des dieux.
Ce n’était pas la première ni même la deuxième fois qu’il faisait ce voyage, sauf qu’il n’avait fait qu’effleurer la surface de la Matrice auparavant. Cloudhawk était beaucoup plus fort cette fois-ci, et avec l’aide du Dieu et de Bélial, il pouvait aller plus loin qu’auparavant.
Il était temps de tenter le coup.
Un groupe de soldats démoniaques était posté dans une vallée désolée et typique des terres désolées. Dans la partie la plus basse de la vallée se trouvait un bassin dans lequel plusieurs tours psioniques avaient été disposées. Au centre de ces tours se trouvait une cellule fermée, comme une cage à oiseaux. Quatre-vingts pour cent de la cage était faite de Source pure, surtout les barreaux. Dans chaque pilier translucide se trouvait le corps d’un dieu.
Chacun de ces dieux avait été gravement blessé et capturé vivant au cours des derniers combats. Bélial avait consciencieusement pratiqué une « petite chirurgie » sur chacun d’entre eux, de sorte qu’ils étaient plongés dans un coma permanent. Leurs esprits étaient toujours intacts, mais ils ne pouvaient pas communiquer avec le reste de leur espèce.
Si Cloudhawk voulait entrer dans la Matrice divine, il devait le faire en passant par ces soldats. C’était la même chose que d’essayer de télécharger des données dans une machine. Il fallait un canal pour faciliter le transfert, qu’il soit câblé ou sans fil.
Auparavant, c’était le Dieu des nuages qui avait mis tout cela en place. Leur allié divin n’avait pas coupé son lien avec la matrice, ce qui faisait de lui le canal parfait pour une infiltration facile. La situation était différente aujourd’hui. Le dieu berger ne pouvait pas se connecter directement à la matrice, il devait donc construire un pont avec les esprits de ses dieux captifs.
Les tenants et les aboutissants étaient compliqués, mais les détails n’intéressaient pas Cloudhawk. Tout ce qu’il voulait savoir, c’était s’il pouvait trouver ce qu’il cherchait.
« Je dois vous avertir, votre Majesté. Entrer dans la Matrice divine de cette façon n’a jamais été tenté. Jusqu’à présent, tout est théorique. » Bélial était explicite dans ses avertissements. « Même si votre Majesté réussit à s’infiltrer dans la matrice, de nombreux dangers subsistent. »
« Ce n’est pas le moment de bavarder inutilement. » Le temps était précieux. Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre une seule minute.
En réponse, Bélial cessa ses avertissements. Le roi des démons avait pris sa décision. Il n’y avait pas moyen de le faire changer d’avis.
Cloudhawk et le Dieu berger entrèrent dans la cage. Ils s’assirent au milieu, face à face, les jambes croisées. Bélial manipulait l’équipement à l’extérieur. Après avoir enclenché l’équipement, les tours psioniques s’animèrent toutes. Des flux de lumière et d’énergie envahirent la cage et les piliers de la Source se mirent à tourner.
Un rayon de lumière jaillit de la cage. Une colonne massive traversa le ciel et s’enfonça dans l’obscurité de l’espace.
Cloudhawk prit une profonde inspiration, ajusta un peu sa position et fit un signe de tête au Dieu berger. « Commencez. Faites-moi passer. »
« Sois prudent. » Le Dieu berger posa sa main sur la tête de Cloudhawk. À l’instant où le contact fut établi, il eut l’impression d’être projeté hors de son corps.
Sa volonté et son esprit se déconnectèrent de sa forme physique. D’un seul coup, il se sentit libéré des entraves matérielles, entièrement détaché et faisant partie du monde spirituel. Il pouvait encore sentir son corps, et même les changements dans l’environnement qui l’entourait. Seul son esprit était libre de voyager. Les sensations étaient différentes dans cet état.
Les yeux étaient les organes par lesquels il voyait habituellement le monde, mais il n’avait plus d’yeux. Auparavant, il était capable de mesurer les distances et de comprendre sa position physique, mais maintenant, la distance ne semblait plus rien signifier. Comment le pourrait-il, alors que l’espace dans la réalité spirituelle était tout autre chose ?
La réalité spirituelle était tout autre ?
Il avait l’impression que sa conscience pouvait atteindre tous les coins de l’univers !
La volonté et la pensée n’étant soumises à aucune contrainte, les dieux pouvaient communiquer même à travers de grandes distances. Des centaines de milliers d’années-lumière séparaient les membres de l’espèce, mais ils étaient tous reliés par leur Matrice divine.
Cloudhawk se débarrassa de son enveloppe physique et devint un esprit flottant. Les choses que ses sens ordinaires ne pouvaient pas percevoir lui apparaissaient désormais clairement. Les émotions, par exemple.
Les émotions étaient des choses abstraites. Cloudhawk pouvait sentir comment les émotions influençaient le monde autour d’eux, chacune avec sa propre “couleur”. Il sentit Sélène s’affairer à organiser ses forces, Hellflower s’acharner à rechercher de nouveaux équipements. Bruno, Gorman, Phoenix et tous les autres soldats… il les sentait tous.
L’univers d’énergie mentale pure était l’ombre du monde physique. Ils existaient côte à côte, inexorablement liés. Mais il y avait beaucoup de choses indescriptibles dans cet endroit, car elles défiaient toute explication. La logique ordinaire ne s’appliquait pas, et pourtant, malgré toute cette étrangeté, il y avait un ordre précis. Cloudhawk faisait désormais partie de ce monde intangible. Aucun processus physique ne pouvait le localiser ou l’immobiliser. En fait, son esprit ne faisait plus du tout partie du monde physique.
« La connexion est terminée. Ouverture d’un canal. » La voix solennelle du dieu berger résonna tout autour.
Cloudhawk sentit un monde incroyablement grand et magnifique de brillance s’ouvrir devant lui. Il existait dans son esprit comme une vaste ville flottant seule dans un univers spirituel. Elle était remplie d’une énergie mentale inimaginable. C’était la Matrice Divine.
Une puissante force de gravité l’entraîna vers l’avant. Pendant un bref instant, tout s’accéléra alors qu’il traversait ce vortex mental. Puis la “lumière” revint, et il se retrouva parmi les structures imposantes dont il se souvenait.
Cloudhawk se secoua pour se remettre du choc causé par l’étrangeté de la situation. Il était temps de se mettre au travail.
La “réalité” à laquelle il était habitué se réaffirma ici. Une fois de plus, les concepts d’espace et de temps, les structures comme les bâtiments et les divers paysages se manifestèrent. Un monde d’une ampleur sans précédent – et pourtant confortablement familier – se révéla à lui.
« Qu’est-ce que c’est ? » Cloudhawk découvrit qu’il était revêtu d’une armure divine. Il s’agissait probablement d’un déguisement qui faisait partie de sa connexion avec les soldats et qui lui permettait de se fondre dans la masse. Il se tenait debout, contemplant la ville la plus magnifique qu’il ait jamais vue.
Bien qu’il interagisse avec le monde d’une manière physique habituelle, une grande partie de celui-ci défiait la logique. Il s’agissait d’un continent formé d’îles flottantes vaguement reliées entre elles, flottant dans un univers dépourvu d’étoiles. Il n’y avait ni soleil ni lune, mais chaque coin de la ville était baigné de lumière. Cette illumination sans source garantissait l’absence d’ombres.
Cloudhawk se fraya un chemin dans les rues qui défilaient sans cesse. D’autres dieux allaient et venaient, se frayant un chemin avec des mouvements anormalement rigides, comme ceux de robots. Sans émotion, avec une efficacité mécanique, chaque mouvement était précis et calculé. Bien que la ville soit animée par des dizaines de dieux, leurs manières robotiques donnaient à l’ensemble une impression de vide et d’absurdité.
Qu’est-ce que toute cette activité ?
Cloudhawk regarda les îles flottantes à proximité. Il avait l’impression d’être dans un rêve, même s’il savait qu’un système complexe de cartographie était utilisé. La Matrice Divine était aussi illusoire que réelle. A la fois existante et non existante. Permanente et temporaire. Tous les personnages qu’il côtoyait étaient des esprits de dieux – c’était un monde composé de projections mentales.
Tout cela n’était qu’un rêve construit par la conscience de Cloudhawk, mais un rêve partagé où chaque partie avait une source réelle. Tout était illogique, comme dans un rêve, mais les informations et les éléments interactifs étaient aussi réels que n’importe quoi d’autre.
On pourrait dire que c’était comme un monde miroir du royaume divin.