Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 26 – L’entrée du palais
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Chapitre 26 – L’entrée du palais

Shunzi avait l’air perplexe, mais il n’était pas le seul. Aucun d’entre nous n’avait la moindre idée de ce que Chen Pi préparait.

Peut-être voulait-il détourner notre attention pour se débarrasser de Shunzi ? Mais en y réfléchissant, je réalisai que cela n’avait aucun sens. D’une part, Chen Pi avait plus de quatre-vingt-dix ans. Même dans une attaque sournoise, il ne pourrait probablement pas tuer un ancien soldat encore dans la fleur de l’âge. Et puis, nous avions besoin de Shunzi pour retrouver notre chemin. Il valait plus vivant que mort, même s’il avait tué Lang Feng.

Nous ne pouvions nullement deviner les pensées du vieux Chen, toutefois, j’attrapai tout de même le bras de Shunzi et lui demandai de faire attention. Il haussa les épaules et suivit Chen Pi, tandis que nous nous retournions pour continuer notre course sur la Voie sacrée.

Nos lampes de poche révélèrent des murs noirs et des avant-toits en ruine. Nous arrivâmes bientôt à l’autel au bout de l’allée sacrée. Au sommet de soixante marches de pierre éboulées, derrière l’autel, se trouvait l’entrée principale du tombeau impérial.

Vue du haut de la falaise, son échelle semblait énorme et sa majesté exigeait l’attention, car elle comportait un élément mystérieux exotique. Néanmoins, une fois que nous eûmes pénétré dans le tombeau, ce sentiment se dissipa immédiatement. Il semblait désolé et délabré. S’il n’y avait pas eu une grande structure ressemblant à un temple encore debout, nous aurions été très déçus.

L’air était calme et il n’y avait ni vent, ni soleil, ni pluie. La tombe aurait dû être très bien conservée. Pourquoi était-elle dans un tel état de ruine ?

Nous gravîmes les marches géantes et pénétrâmes dans l’entrée principale du tombeau. L’immense porte du mausolée s’était effondrée depuis longtemps et gisait sur le sol. Nous entrâmes et je sentis l’intérieur de ma bouche et de mon nez me piquer et me brûler lorsque je respirais :

― Nous devons nous dépêcher, dis-je aux autres.

La porte d’entrée donnait sur le hall du palais, qui faisait facilement la taille de deux terrains de basket. Les chariots de cuivre qui avaient transporté l’empereur se trouvaient de part et d’autre du couloir et deux statues noires couvertes de poussière flanquaient le mur du fond, l’air féroce, impitoyable et courroucé.

Nous nous dirigeâmes vers le centre de la tombe et n’avions fait que quelques pas lorsque Gros-lard glissa et tomba à plat ventre sur le dos. Grimaçant de douleur, il se releva et retourna voir ce qui avait provoqué sa chute.

― Tu as vu quelque chose ou tu as trébuché sur un fantôme ? demanda Grande-Gueule.

Le Gros secoua la tête, s’accroupit, enleva une de ses bottes et la retourna pour l’examiner. Il y avait la douille d’une balle collée à un clou sur la semelle. Il la dégagea et Grande-Gueule la saisit :

― C’est encore chaud, cette saloperie a été tirée il y a peu de temps.

― Quelqu’un est arrivé avant nous ? demandai-je, perplexe, Ning et sa bande pourraient-ils être déjà là ? Et pourquoi auraient-ils dû tirer un coup de feu dans cet endroit ?

― Allumez un feu. Jetez un coup d’œil et voyez ce que nous pouvons trouver d’autre dans la zone, dit Grande-Gueule.

Le moine alluma une petite fusée et nous commençâmes à chercher. Il y avait une longue ligne d’impacts de balles dans l’une des colonnes, allant du sol au plafond.

― On dirait que quelque chose est venu de haut en bas sur cette colonne et que les balles l’ont suivi jusqu’au sol, dit le Gros.

Grande-Gueule s’approcha et étudia les trous de balles, en les sondant avec un doigt :

― Non, c’est tout le contraire. À en juger par l’angle décalé de cette balle, les tirs ont visé quelque chose qui allait du bas vers le haut de la colonne.

Gros-lard pointa sa lampe de poche vers les impacts et la déplaça petit à petit vers le haut jusqu’à ce que la lumière atteigne une traverse située très en hauteur. Une ombre noire y pendait. Il s’agissait du cadavre d’un homme portant un petit masque à gaz, un fusil d’assaut en bandoulière. Son visage semblait russe, pas chinois :

― Il doit faire partie du groupe de Ning, dit le Gros.

Hua commença à grimper vers le cadavre, mais Grande-Gueule l’arrêta :

― Il y a quelque chose de terriblement anormal ici, dit-il alors que le Gros montrait d’autres silhouettes sombres sur la poutre :

― Tu as raison, acquiesça-t-il, Il n’est pas le seul.

Nous levâmes les yeux et vîmes sept autres corps, suspendus au-dessus de nous comme des fantômes sur une potence.

Ces gens portaient tous des vêtements de la même couleur et les mêmes armes d’assaut. Je me demandais pourquoi ils n’avaient pas utilisé leurs fusils à leur avantage. Qu’est-ce qui aurait pu les tuer ? Et qui ou quoi a accroché leurs corps à la poutre transversale ?

― Foutons le camp d’ici, dis-je d’un ton grave. Et alors que je me retournais pour commencer ma retraite, je vis le Gros grimper vers les corps accrochés à la poutre.

― Qu’est-ce que tu fous ? Descends tout de suite ! criai-je, Pourquoi tu grimpes là-haut ? Où est ton cerveau, espèce d’imbécile ?

Le Gros m’ignora. Ses mouvements étaient rapides et agiles. Il atteignit la poutre en quelques secondes et me regarda :

― Pourquoi paniquer ? Je ne suis pas un enfant. Je descendrai si quelque chose ne va pas. Il grimpa ensuite le long de la poutre vers le corps le plus proche.

Je vis alors dans son jeu et compris qu’il avait l’intention de se procurer un de ces fusils d’assaut. Il ne pouvait jamais résister à s’emparer de ce qu’il n’avait pas. Je fulminai, mais à moins de lui tirer dessus, il n’y avait aucun moyen de l’arrêter lorsqu’il était sous l’emprise de la cupidité.

Arrivé au cadavre, la première chose qu’il fit fut d’attraper le fusil et de le jeter à Grande-Gueule. Puis il trouva la ceinture de munitions et la flanqua sur sa propre épaule. Enfin, il commença à retirer le masque à gaz, centimètre par centimètre, du visage du mort.

Derrière le masque apparut un étranger d’âge moyen au visage pâle et tordu, la bouche grande ouverte comme s’il avait hurlé au moment de mourir.

― Ne le touchez pas, criai-je, on dirait qu’il a été empoisonné.

Le Gros acquiesça. Il mit ses gants et alla vérifier la corde qui retenait le corps dans les airs.

― Qu’est-ce que tu as trouvé ? criai-je.

― Cette foutue corde ressemble à des cheveux…

― Des cheveux ?

― Ils sont longs aussi. Ces gens pourraient-ils tous être des femmes ? Il regarda l’un des corps, Attendez, ce n’est pas vrai… les cheveux sortent de son cou, Il sortit son couteau et essaya de couper les cheveux, mais sans succès, C’est comme du fil d’acier, grommela-t-il, Je vais essayer de le brûler avec mon briquet.

― Oublie ça. Arrête de fouiller et redescends tout de suite. Tu vas avoir de gros ennuis si ces cheveux contiennent du poison.

― Une seconde, cria-t-il en se précipitant pour prendre un autre fusil sur le corps le plus proche, qu’il me lança. Il s’empara ensuite de la ceinture de munitions et commença à retirer le masque à gaz lorsque je vis la main du mort se tendre vers lui.

― Attend ! Celui-ci est peut-être encore en vie ! N’enlève pas son masque !

Gros-lard plaça sa main sur la gorge du cadavre, vérifiant qu’il n’y avait pas de pouls. Puis ses yeux s’agrandirent de surprise. Il sortit son briquet et brûla la corde de cheveux, provoquant la chute du corps. Le moine Hua et moi-même courûmes pour le rattraper et nous le déposâmes sur le sol.

Merde. Le Gros avait raison , pensai-je, ce type a vraiment des poils qui lui poussent dans le dos. Est-il vraiment encore en vie ?

― Il n’est pas encore mort, mais il en est proche, dis-je, Inutile d’essayer de le sauver. Nous ne pouvons pas le trimballer avec nous, après tout. Mais il est vivant, ne le laissons pas dans cet endroit.

Hua rit. Il sortit son couteau et saisit le corps par le cou :

― Il a été empoisonné et il va mourir dans d’atroces souffrances. Je vais y mettre un terme.

Avant que je puisse intervenir, le corps tressaillit violemment, ouvrant ses yeux pour saisir la main du moine. Il se redressa ensuite en hurlant de douleur. Nous nous jetâmes sur lui pour tenter de calmer ses mouvements convulsifs, mais il nous repoussa tous les deux et s’écroula sur le sol, hurlant quelque chose à pleins poumons et bavant de la bouche.

― Je ne laisserais pas un chien mourir comme ça, beugla Grande-Gueule, Il pointa son fusil, toucha l’homme en pleine poitrine d’un seul coup, et le corps s’immobilisa.

― Qu’a-t-il dit à l’instant ? Est-ce que l’un d’entre vous a compris ? demande le moine.

― C’est le dialecte Hakka. Je n’ai pas compris grand-chose à ses cris, mais on aurait dit qu’il criait « reculez, reculez », dit Ye Cheng.

― En arrière. Y aurait-il quelque chose de bizarre sur son dos ? Hua plaça le corps à plat ventre pour examiner son dos.

Il y avait du sang partout et je commençai à me sentir mal :

― Le Gros, descends pour qu’on puisse quitter cet enfer, criai-je.

Il s’accroupit calmement sur la poutre, fumant une cigarette devant le chaos situé en dessous :

― Arrête de me presser. Tu n’es pas ma mère. Je jure devant le président Mao que je descendrai dès que j’aurai fini cette cigarette.

Alors que je le regardais prendre son temps, un visage émergea dans l’obscurité, semblant se draper dans le dos du Gros. Nous l’avions tous vu, excepté Gros-lard.

― Pourquoi me regardez-vous comme ça ? J’ai dit que je descendrai quand je serai prêt.

Grande-Gueule pointa son fusil sur le visage et le Gros se retourna pour identifier la cible.

Face à cet autre visage, il laissa tomber sa cigarette et se figea, comme hypnotisé.

D’où venait ce type ? Nous avions pourtant balayé tout l’endroit de nos faisceaux en entrant, et nous n’aurions certainement pas manqué de voir un homme de cette taille. Merde, il était presque aussi grand que le Gros. Comment avait-il pu apparaître soudainement ?

Pourrait-il s’agir d’un membre du groupe de Ning qui aurait été possédé par un esprit ? Ou bien était-il le fantôme d’une des victimes sacrifiées dans ce tombeau ?

Le Gros fit un geste pour inciter Grande-Gueule à tirer, puis éloigna sa tête d’un centimètre ou deux de cet autre visage.

Grande-Gueule visa mais baissa l’arme lorsque le moine murmura :

― Attendez. Qu’est-ce que c’est que cette chose ?

Il déplaça le faisceau de sa lampe pour éblouir le visage et nous nous étouffâmes tous en voyant plus clairement les choses.

Le visage avait un énorme trou à la place du nez, les orbites des yeux étaient si profondes qu’on aurait dit que quelqu’un avait retiré les globes oculaires, et la bouche ressemblait à un bec de hibou.

Grande-Gueule hésita et desserra sa prise sur son fusil :

― C’est un hibou géant ? Il est tellement gros, comment pourrait-il rester en vie dans un endroit où l’air est si mauvais ?

Le Gros suait abondamment, comme s’il se lavait sous une douche. Soudain, il ouvrit la bouche avec un grognement de terreur et la créature proche de lui répondit en grognant également. Sa mâchoire béante révélait des crocs impressionnants, mesurant au moins cinq centimètres de long.

― Merde ! Ce n’est pas un oiseau ! s’exclama Grande-Gueule qui brandit à nouveau son fusil, mais avant qu’il ne puisse tirer, nous entendîmes un sifflement et une forte rafale de vent passa à côté de moi. Quelque chose heurta le canon de son fusil et ses balles sifflèrent aux oreilles du Gros, manquant leur cible.

― Qu’est-ce que tu vises, putain ? mugit Gros-lard, Tu as failli me tuer.

― Lâche cette arme, cria Shen Pi. Shunzi le suivait de près, l’air aussi terrifié que le reste d’entre nous.

La créature se tenait au-dessus de la gorge du Gros, prête à mordre, mais ce dernier se tordit, donna un coup de tête au visage en essayant de l’éloigner de son corps :

― Soyez maudits, montez ici et aidez-moi, cria-t-il en luttant contre son agresseur.

Chen Pi balança son bras en avant et une boule de fer frappa le Gros durement à la jambe. Il gémit, perdit pied et tomba vers nous. Lorsqu’il toucha le sol, nous vîmes qu’il était seul, ce qu’il avait sur le dos avait disparu.

Me rappelant la ligne d’impacts de balles sur la colonne, je criai :

― Cette chose est toujours là-haut, attention !, C’est alors qu’une ombre jaillit au-dessus de nous comme un éclair et que Shunzi s’écroula, trois filets de sang suintant de son épaule gauche.

Le fusil de Grande-Gueule était par terre devant moi et je le saisis, mais le Gros me l’arracha des mains et tira. Nous pointâmes tous nos lampes vers le plafond pour lui faciliter la tâche, mais lorsque la fumée s’estompa, il n’y avait plus rien à voir, la créature s’était échappée.

― Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda Gros-lard, la voix chevrotante.

― Comment veux-tu que nous le sachions ? Elle rampait sur toi et tu n’as rien remarqué. Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? hurla Grande-Gueule.

Le Gros se précipita en direction de Grande-Gueule mais s’arrêta, voyant que le monstre, le regard fixé sur nous, était accroché à l’épaule de celui-ci. Nous reculâmes, tandis que Grande-Gueule ne comprenait rien à ce qui se passait.

― Tu ne sens rien ? cria Gros-lard, Je ne suis pas le seul à avoir quelque chose qui cloche, n’est-ce pas ?

Tandis que Grande-Gueule se retournait avec horreur, le monstre ouvrit sa gueule béante, dévoilant ses crocs une fois de plus. Grassouillet tira une volée de coups de feu, faisant exploser la tête de la chose. Un liquide vert nauséabond nous éclaboussa, puis dans ce qui restait de la bouche, j’aperçus un minuscule visage.

― Merde ! J’entendis Shunzi haleter. Il se dirigea vers Grande-Gueule, poignardant sauvagement l’air dans son dos. Il n’y avait rien, Qui a ouvert le feu ? hurla-t-il.

Gros-lard leva la main :

― C’est moi.

― Et moi aussi, dit Grande-Gueule en levant la sienne.

― Ceux qui ont ouvert le feu, restez derrière ! Tout le monde court ! Courez tout droit ! Ne vous retournez pas ! Il y avait sur le visage de Shunzi une expression de commandement que je n’avais jamais vue auparavant et son ton de voix indiquait clairement qu’il n’accepterait aucun argument.

Je me rendis compte que je serais le seul à rester dans mon groupe d’origine si le Gros et Grande-Gueule étaient laissés derrière. Rapidement, je levai ma main en l’air :

― J’ai tiré moi aussi, menti-je, je resterai ici avec les autres.

Au moment où je parlais, le bruit des tuiles qui se brisaient au-dessus de ma tête emplissait l’air, ainsi que le bruit sourd de pas lourds sur le toit de la salle du palais.

― Courez ! cria Shunzi, Il est presque trop tard.

Chen Pi cracha dans notre direction et cria aux hommes près de lui :

― Allez-y maintenant !

Lui, le moine Hua et Ye Chen s’élancèrent dans le couloir, laissant Shunzi derrière eux.



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