La veille, alors qu’ils buvaient, Gao Moumou s’était levé et était allé écrire plus de 50.000 caractères. Il avait été celui qui avait bu le moins, et couplé au fait qu’il tenait assez bien l’alcool, il avait finalement réussi à se réveiller tôt.
Après avoir repris ses esprits, il prit le manuscrit contenant son intrigue et se mit à la recherche de Song Shuhang.
Il avait hâte de lui montrer à quel point cela serait “amusant.”
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À ce moment-là, Song Shuhang et Yu Jiaojiao – qui avait encore l’apparence de sa mère – étaient sur un balcon de la villa. Ils évoquaient deux-trois choses importantes qu’il fallait garder à l’esprit lorsqu’on défait la Tribulation Céleste. Le Vrai Maître était déjà au Septième Dantian, la Tête du Dragon, et il était sur le point de percer. Il lui fallait donc acquérir une meilleure compréhension de l’ensemble du processus.
Pour lui, cultiver n’était pas très différent d’aller à l’école et d’étudier. L’objectif était d’augmenter en forces et en connaissances avec le temps. La Tribulation par la foudre qu’on devait surmonter après chaque Domaine était similaire à l’examen d’entrée au lycée ou à l’université. Dans tous les cas, il fallait travailler dur pour réussir et bien se préparer. Il avait l’impression d’être sur le point de repasser l’examen d’entrée à l’université.
Yu Jiaojiao lui raconta sa propre expérience de sa percée au Troisième Rang.
– « … Par contre, la Tribulation à laquelle j’ai fait face ne pourra vous servir que de référence, c’est tout. Après tout, je suis à moitié jiaolong et à moitié monstre-poisson. La vôtre sera sûrement différente de la mienne. De plus, mon père était avec moi à ce moment-là, et il avait préparé plusieurs objets pour m’aider. La meilleure chose à faire est encore d’aller interroger des Aînés humains du Groupe des Neuf Provinces #1. Ils ont sûrement une compréhension plus approfondie du processus que moi. Vous devez accorder une attention particulière à tout ce que les cultivateurs humains doivent préparer pour la Tribulation Céleste. »
– « Merci, Jiaojiao. »
Quels objets un pratiquant humain devait-il avoir avec lui pour se protéger face aux éclairs ? Il décida d’attendre le retour de l’Aîné Blanc. Une fois ce dernier hors des ruines, il lui poserait toutes les questions qui lui passeraient par la tête. Et si le Vénérable ne revenait pas à temps, il se tournerait vers le Groupe des Neuf Provinces #1 et contacterait le Cultivateur Solitaire Rivière du Nord ou un autre cultivateur humain.
Cette histoire de Tribulation le rendait nerveux.
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Alors qu’il était plongé dans ses pensées, ils entendirent un bruit de pas dans leur dos.
Song Shuhang et Yu Jiaojiao arrêtèrent de discuter de percée et tournèrent la tête. Ils virent Gao Moumou arriver avec une pile épaisse de documents manuscrits dans les mains.
– « Shuhang, te voilà ! Oh ? Mademoiselle Jiaojiao est également là, c’est encore mieux. » L’écrivain sourit et s’installa avec eux sur le balcon, tirant une chaise pour s’y asseoir.
– « Tu voulais me voir, mon vieux ? » demanda le Vrai Maître en lui jetant un coup d’œil appréciateur. Le monstre-poisson lui avait déjà révélé que son colocataire, ivre, avait tout donné hier pour taper plus de 50.000 caractères. Chaque fois qu’il pensait à son ami ivre mort tapant frénétiquement sur son clavier, il avait envie de pouffer. Bien sûr, il était également triste qu’il fût contraint d’écrire même après s’être saoulé… Aussi, il lui offrit trois secondes de silence.
– « J’ai écrit la première partie de l’intrigue. Tiens, jettes-y un œil. » Gao Moumou se servit du thé et lui donna le manuscrit.
Song Shuhang le prit, surpris. Merde. Non seulement il a écrit je ne sais pas combien de chapitres, mais en plus il a pondu la première partie de l’intrigue du film. Et en plus, il l’a même mise en forme et imprimée !
Après s’être saoulé, Gao Moumou se transformait donc en Super Gao Moumou !
Le cultivateur le regarda avec admiration et observa trois secondes de silence supplémentaires. Puis il se mit à lire le manuscrit.
Yu Jiaojiao tendit le cou pour voir le texte.
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L’histoire se déroulait dans le futur, dans un monde parallèle.
La Terre avait été victime de l’attaque surprise d’ennemis incroyablement puissants. La race humaine avait subi de lourdes pertes et vivait une phase apocalyptique.
Mais juste à ce moment-là, une mystérieuse organisation faisait son apparition. Celle-ci avait toujours protégé l’humanité dans l’ombre et avait cette fois encore empêché sa destruction. Ses membres n’étaient autres que les cultivateurs immortels des légendes, des êtres aux pouvoirs stupéfiants. Les plus forts parmi eux pouvaient déplacer des montagnes et assécher des mers d’un claquement de doigt, mais aussi chevaucher les nuages et voler sur la brume. Pour parer à l’attaque surprise de ces ennemis inconnus, les pratiquants avaient uni leurs forces et s’étaient mis à recruter en masse des disciples, sortant enfin de l’ombre pour se tenir fièrement debout sous le soleil.
– « Pas mal… Pas mal ! Le cadre se tient. Je ne vois pas d’incohérence, » applaudit Song Shuhang.
– « C’est évident ! » affirma Gao Moumou avec complaisance en sirotant son thé. Il avait hâte de voir la tête de son ami quand il lirait la suite.
Le Vrai Maître continua à lire. Il entra dans le vif du sujet.
Le personnage principal était le disciple d’une Secte de cultivateurs de taille moyenne. Comme demandé, le personnage principal était beau et élégant.
– « Pas mal. Pas mal du tout. » Il hocha la tête. Le Vénérable Blanc allait sûrement aimer ce personnage principal.
Mais alors qu’il poursuivait sa lecture, son visage se tordit étrangement.
La scène qui ouvrait l’histoire était une compétition d’arts martiaux. Le personnage principal et son frère aîné, “Gao Sheng”, s’y affrontaient. Le premier finissait par être battu dans tous les domaines possibles et imaginables par le second. Ils s’affrontaient au sabre, à l’épée, aux poings, à la course, etc. Jamais le héros ne parvenait à vaincre son frère.
Song Shuhang imagina le Vénérable dans cette situation. Il se frotta les tempes, l’énergie mentale entre ses sourcils se mettant justement à faire des siennes. Il avait l’impression que quelqu’un lui frappait la tête avec un marteau. Cependant, la migraine n’était rien comparée au malaise qu’il ressentait après avoir lu cette section de l’intrigue.
– « Gao Moumou, puis-je te poser une question ? »
– « Bien sûr ! » répondit-il, prétentieusement fier de lui.
– « Qui va jouer le rôle de ce frère aîné, Gao Sheng ? »
– « N’est-ce pas évident ? Moi, évidemment ! » Étrangement, il remarqua que le regard de son ami avait changé. Song Shuhang le regardait avec compassion, peut-être même avec une pointe de pitié. Se faisait-il des idées ? Il eut l’impression de voir une lueur dorée émaner du corps de son colocataire, comme s’il était la réincarnation du Bouddha, un être vertueux et débordant de gentillesse. « Ne me regarde pas comme ça. Je t’avais prévenu que j’allais créer ce personnage, même si tu n’étais pas d’accord. C’était la condition pour que j’écrive l’intrigue ! »
– « Ne t’en fais pas, je ne m’y opposerai pas. Pas du tout. » Il tendit la main et tapota doucement l’épaule de Gao Moumou en soupirant. Puis, il dit à Yu Jiaojiao via une transmission secrète : « Quel est le prix d’une place dans votre cimetière sous-marin ? Je pense que je devrais en réserver une pour notre cher ami ici présent. »
Elle eut l’air confuse.
Il reprit : « Le personnage principal de cette histoire… sera joué par le Vénérable Blanc ! »
Elle comprit.
– « Vous avez fini de flirter en silence ? » s’emporta le binoclard. « Si vous avez quelque chose à dire, dites-le ! »
– « Rien d’important, pas du tout. Continuons, » sourit Song Shuhang. Bien sûr, il plaisantait avec le monstre-poisson. L’Aîné Blanc n’était pas si fier. Cette partie du film ne le dérangerait pas. Après tout, ce ne serait pas la réalité !
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Le Vrai Maître continua à lire le travail de Gao Moumou.
Gao Sheng rendait les choses difficiles pour le héros. Il le défiait au sabre, à la lance, au bâton, au gourdin… pour un total de dix-huit types d’armes différents.
Song Shuhang trouva la scène familière.
Un souvenir remonta dans sa mémoire.
Petit Blanc, où étiez-vous passé ? Je pensais que vous vous étiez perdu !
Petit Blanc, utilisons quelques techniques au poing (sabre / épée / bâton / lance) !
Petit Blanc, attention au sabre (poing / épée / bâton / lance) !
Petit Blanc, venez. Essayons encore !
Petit Blanc, l’entraînement d’aujourd’hui se termine ici. Je viendrais vous voir demain et nous pourrons continuer à jouer ensemble !
Le tintement mélodieux d’une clochette accrochée au cou d’un cheval résonnait en arrière-plan…
Merde !
Ce truc me rappelle le jeune homme en vert avec un cheval blanc dans le désert !
Il fixa étrangement Gao Moumou. Il sentait que son cher ami cherchait inconsciemment la mort !
Devaient-ils vraiment utiliser cette intrigue ?
Si oui, Gao Moumou ne serait pas le seul à en subir les conséquences ! Si l’Aîné Blanc lisait ce torchon, ne penserait-il pas que le Vrai Maître voulait se payer sa tête ? Alors, il serait une victime collatérale des tendances suicidaires de son cher ami à lunettes !
Bah ! Je vais lire toute l’intrigue avant de juger.
Après s’être frotté les tempes, il prit une profonde inspiration et reprit sa lecture.
Dans l’histoire, une fois bien malmené par Gao Sheng, une jolie Sœur Aînée arrivait et appliquait des médicaments sur ses blessures.
Ce n’était pas trop mal. Cette femme semblait être le type de grande soeur douce et gentille qui aidait les autres. Bien.
Mais voilà, l’histoire subissait un rebondissement soudain.
Cette pratiquante était prête à se marier… Mais pas avec le personnage principal !
Heureusement, ils s’étaient mis d’accord : “Venez me chercher le jour du mariage. Si vous venez, j’abandonnerai tout pour vous épouser.”
Vu l’évolution classique des scénarios, le héros déboulerait au moment critique de la cérémonie, sèmerait la panique, et finalement épouserait cette femme !
Cependant, Gao Moumou avait décidé d’innover.
En chemin pour le lieu de la cérémonie, il était attaqué par les membres de la mystérieuse organisation ennemie. Finalement, il tombait dans le coma pendant plusieurs jours et ratait sa chance d’être avec sa bien-aimée.
Quand il se réveillait, elle était déjà devenue la femme de quelqu’un d’autre…
Ensuite, Gao Moumou décrivait la scène déchirante où le héros noyait son chagrin comme il pouvait, le genre de peine profonde et pleine de remords capable de pousser les spectateurs à pleurer malgré eux des torrents.
Est-ce vraiment bien de tendre le bâton avec autant d’enthousiasme ?
Il jeta un nouveau coup d’œil à Gao Moumou.
– « Cette partie a été suggérée par le prêtre. C’est vraiment un chef-d’œuvre ! » sourit-il. Il montra un coin du manuscrit où il avait noté : “Idées du prêtre Horizon.”
Le Vrai Maître sentit sa tête lui faire mal.
Il le savait. Cela avait été une grave erreur de permettre au Prêtre Daoïste d’entrer dans la villa !
Bon sang. Si le Vénérable Blanc a quelque chose à dire sur l’intrigue, je vendrai immédiatement Horizon, pensa l’étudiant.
Il continua à lire.
Après avoir perdu la Sœur Aînée, le personnage principal buvait pour noyer son chagrin… Mais voilà qu’il rencontrait son deuxième amour. Une très belle femme qui adorait lire des livres, s’accroupir avec quelqu’un qu’elle aimait dans une bibliothèque pour lire, qui préférait se débrouiller pour emprunter gratuitement de quoi lire, et qui appréciait regarder le soleil coucher avec le héros en mangeant des cuisses de poulet.
Pour décrire ce deuxième amour, Gao Moumou utilisait tous les passe-temps de Song Shuhang !