Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 27 – La requête
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Chapitre 27 – La requête

– « Les Timothy ? Ils sont toujours au restaurant », répondit inconsciemment Urdi Branch.

Il désigna ensuite l’endroit où la tête moisie avait été purifiée et inquiet, demanda :

– « Qu’est-ce que c’était à l’instant ? »

Fidèle à son personnage de Gehrman Sparrow, Klein ne répondit pas. Il jeta un coup d’œil à Danitz, passa devant Donna et sa famille, et se dirigea vers la porte du Citron Vert qui était verrouillée.

La lanterne à la main, le pirate, soulagé d’avoir enfin atteint son but, se redressa, regarda Urdi et les autres et railla :

– « Ne vous souciez pas de ce que c’était. Sachez simplement que c’est un monstre qui va vous faire du mal. »

Si Sparrow ne s’était pas trouvé à quelques mètres de là, il aurait volontiers ajouté : Moi seul, Lord Danitz Le Flamboyant, peux vous protéger !

Cleves échangea un regard avec Cécile et Teague, puis s’avança pour réconforter ses employeurs :

– « Laissez vos questions de côté. Nous verrons cela une fois de retour à l’Agate Blanche. »

À vrai dire, les trois gardes du corps avaient tous été des aventuriers sur des périodes plus ou moins longues. Cependant, ils ne savaient des monstres que ce qu’en disait le folklore ou ce que racontaient leurs pairs lorsqu’ils étaient ivres. Ils trouvaient cela plutôt surréaliste et avaient l’impression de rêver.

Mais depuis qu’ils avaient vu des créatures comme le murloc, il ne leur était pas difficile d’accepter que d’autres puissent exister. Tout au plus étaient-ils un peu plus étranges et laids que ces hommes-poissons.

À cette pensée, leurs cœurs s’apaisèrent considérablement et les armes qu’ils tenaient à la main leur parurent regagner en puissance.

Cependant, la lumière pure descendue du ciel dépassait leur entendement. Ils sentaient vaciller leur vision du monde, leur conception de la vie et les valeurs qu’ils s’étaient forgées depuis longtemps. Tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était laisser pour un temps cette question de côté et de réprimer au plus profond d’eux toutes leurs émotions.

Klein s’arrêta devant le Citron Vert et de ses doigts, frappa à la porte.

Au bout de trois coups rythmés, personne ne répondit. Tout était silencieux.

Sans la lumière des bougies qui filtrait par les fenêtres et les interstices de la porte, Klein aurait pu penser que le bâtiment était désert, abandonné depuis longtemps.

À nouveau, il frappa trois coups.

Dans le restaurant, le silence se prolongeait. Tout le monde semblait se conformer à la coutume consistant à ne pas répondre aux coups frappés à la porte par temps de brouillard.

Klein laissa retomber sa main et tapota l’ourlet de sa redingote à double boutonnage.

Soudain, il se pencha en arrière, leva les genoux et donna un bon coup de pied dans la porte.

Celle-ci s’ouvrit en grand avec fracas et tous les clous qui maintenaient en place la serrure de cuivre sautèrent.

Vêtu d’une queue de pie, Fox, le patron au visage rondouillard, était toujours à la même place. Les messieurs et les dames qui avaient choisi de passer la nuit sur place ouvrirent l’un après l’autre la porte de leur chambre et debout sur le seuil, observèrent sans un mot.

– « Qu’est-ce que… vous voulez ? »

Fox ne s’emporta pas. Il gardait son ton habituel, mais avait un revolver à la main.

Sa Vision Spirituelle activée, Klein regarda autour de lui et ne vit aucune trace de mal sur les personnes présentes.

Son regard se posa sur le patron du restaurant et se fit pesant. Il le regarda droit dans les yeux et demanda :

– « Où sont les Timothy ? »

Fox réprima ses émotions. Durant les deux secondes où ses yeux se posèrent sur cet homme, on aurait dit qu’une tempête couvait dans ses yeux d’un brun sombre. Enfin et contre toute attente, il répondit :

– « Il y a encore une table. Des étrangers. Là-haut. »

– « Faites-les descendre », ordonna froidement Klein.

Fox demeura silencieux quelques secondes, si bien que très vite, l’homme sortit son arme et la pointa sur sa tête.

Il prit une profonde inspiration et envoya à l’étage un serveur qui redescendit accompagné des Timothy.

– « Que se passe-t-il ? »

Timothy était un homme de plus de trente ans qui prenait des vacances avec sa toute nouvelle épouse.

Klein baissa son arme.

– « Il s’est passé quelque chose d’inattendu au Port de Bansy », répondit-il sans ambages. « Vous rentrez avec moi sur le bateau ou vous restez ici ? »

– « Quelque chose d’inattendu ? »

Timothy ruminait ces mots lorsqu’il aperçut, au dehors, Urdi Branch qui le saluait d’un grave signe de tête.

Il savait que cet homme était un très riche marchand d’import-export qui avait avec lui trois gardes du corps. En cas d’imprévu, il était plus sûr de rester avec eux. La réponse était donc évidente.

Quant aux coutumes singulières du Port de Bansy, ce n’étaient, après tout, que des coutumes !

Il prit la main de sa femme et se dirigea vers la porte.

– « Toutes nos affaires sont sur le bateau. Nous vous suivons, bien sûr », dit-il avec un sourire poli. « Merci. »

Après avoir, d’une seule voix, exprimé leur gratitude, les Timothy passèrent devant Klein et rejoignirent la famille Branch qui attendait dehors.

Rétractant son revolver, Klein s’inclina poliment devant Fox :

– « Veuillez nous excuser. »

Sur ce, il tourna les talons et se dirigea vers Cleves et son groupe qu’éclairait la lumière provenant du restaurant.

La porte du Citron Vert se referma avec un bruit sourd. Elle oscillait légèrement sous le vent.

Klein avait bien remarqué une atmosphère inhabituelle et subtile à l’instant, mais sa Vision Spirituelle n’ayant rien révélé, il préférait ne pousser plus loin ses investigations de crainte d’enflammer le grand danger caché dans cette ville portuaire.

Il retourna aux côtés de Danitz et à la lumière de la lanterne, compta les personnes présentes.

Les quatre membres de la famille de Donna, leurs trois gardes du corps, le couple Timothy et quelques domestiques…. Tout le monde est là .

Le jeune homme intervertit son revolver et sa canne, enfonça sa main droite armée dans sa redingote et frotta la Broche du Soleil.

Il y eut un éclair d’or sombre et une force invisible se mit à irradier, inondant, telle une vague, toutes les personnes présentes.

Instantanément, Donna et les autres eurent l’impression de se retrouver dans le sud, l’impression de baigner dans la chaude lumière du soleil qui venait disperser le froid dans leur corps.

Leur nervosité et leur inquiétude s’apaisa et l’on aurait dit qu’ils retrouvaient courage. Les tons noirs résiduels provenant de la viande séchée du Port de Damir disparurent rapidement, de même qu’une quantité extrêmement infime de sentiments malveillants.

Le Halo de Soleil était capable, dans un rayon de vingt mètres, de renforcer le courage des compagnons d’une personne et de purifier les forces maléfiques qui les habitaient !

Aidé de la broche, sous le contrôle de son énergie spirituelle et de sa psyché, Klein, pouvait faire en sorte que le pouvoir du soleil contourne toutes les cibles qu’il ne souhaitait pas aider.

– « Allons d’abord au bureau du télégraphe », répéta-t-il, sa canne dans la main gauche et son revolver dans la droite.

Puis, ayant pris ses repères, il se mit en route.

Danitz, suivant ses directives, marchait en diagonale sur le côté. Cleves, Cécile et Teague, en bon professionnels, assuraient la sécurité des deux autres flancs.

Avec un groupe de plus de 15 personnes, il est facile d’essuyer des pertes si jamais nous sommes attaqués. De plus, Le Flamboyant est le seul que je puisse vraiment considérer comme un assistant… Que faire ?

À la pensée des monstres qu’il avait affrontés, Klein rangea soudain le revolver dans son étui et reprit sa canne dans sa main droite.

De la main gauche, il fouilla dans sa poche et dissipa le mur d’énergie spirituelle qui entourait un étui à cigares en fer. Il en sortit le sifflet de cuivre d’Azik qu’il garda dans sa main. De temps à autres, il le lançait en l’air.

Il pensait ainsi détourner l’attention de ces têtes de morts-vivants de ses compagnons, dans la mesure où ils n’auraient plus, dans les “yeux”, que cet antique sifflet de cuivre.

De cette façon, je n’ai pas à craindre de ne pas pouvoir les sauver à temps. C’est là l’effet d’un MT ! soupira le jeune homme en accélérant le pas.

C’est alors que trois têtes ratatinées et couvertes de moisissures jaillirent du brouillard devant lui. Telles des flèches provenant de directions différentes, elles fonçaient droit sur lui, ignorant totalement l’existence d’autres délicieuses chairs.

Trois ! Les pupilles de Danitz se contractèrent. Il était un peu inquiet à l’idée que Gehrman Sparrow finisse par s’énerver, mais également impatient de voir véritablement à quel point il était fort.

Trois… Calmement, Klein fit un geste de la main gauche et lança en l’air le sifflet d’Azik.

Les têtes desquelles pendait encore l’œsophage tracèrent aussitôt un arc de cercle et se dirigèrent vers leur principale cible.

Klein recula d’un pas et impassible, leva la main et serra la Broche du Soleil.

Tout à coup, de denses flammes dorées apparurent à l’endroit où se trouvait le sifflet de cuivre et émirent une aura sacrée.

Feu de Lumière !

Les trois têtes rabougries poussèrent simultanément des cris misérables et sous l’effet de la lumière dorée, se transformèrent en poussière.

Klein fit deux pas en avant et tendit la main pour rattraper le sifflet d’Azik.

… Ça fonctionne vraiment ? Un autre objet occulte ? Danitz en resta figé quelques secondes, sidéré par la facilité avec laquelle cet homme avait mis fin à l’assaut.

Timothy et son épouse virent alors clairement à quoi ressemblaient les choses qui venaient de les attaquer. L’un d’eux pâlit d’effroi tandis que l’autre, troublé, demandait :

– « Qu’est-ce que c’était ? »

Donna se tourna vers eux et hocha gravement la tête.

– « Laissez vos questions de côté. Nous en reparlerons lorsque nous serons de retour à l’Agate Blanche. »

Sur ce, elle posa un doigt sur ses lèvres, ainsi que le faisait l’oncle Sparrow, pour leur intimer leur silence.

Se remémorant l’aura sacrée que dégageait le jeune homme devant lui, Timothy ravala à grand peine sa salive et saisit la main de sa femme. Devant son silence et sa vigilance, les domestiques n’eurent d’autre choix que d’obtempérer.

Le groupe poursuivit sa route à travers les rues éclairées par la lune. Les lumières des maisons qui les bordaient étaient éteintes et tout était sombre derrières les oriels.

Donna avait l’impression que des yeux les suivaient, mais pour une raison ou une autre, personne ne se manifestait.

Ils ont sans doute peur de l’oncle Sparrow !

Elle tenait fermement la main de son frère et marchait au milieu du cercle protecteur de ses parents.

Soudain, une silhouette apparut au bord de la rue. Vêtu d’un manteau noir, l’homme était penché en avant, révélant un cou qui saignait encore. Il n’y avait rien au-dessus de ce cou et le rayon de lune se reflétait dans sa capuche.

La silhouette sans tête poussa un grognement bestial qui ressemblait à un halètement et se précipita vers Klein. Ses pas étaient si lourds que le sol trembla légèrement.

Comme il se trouvait sur le chemin de Danitz, le tristement célèbre pirate poussa un juron et lui lança une boule de feu jaune-orange qu’il avait compressée à plusieurs reprises.

Celle-ci explosa et l’homme sans tête recula de quelques pas.

Ses vêtements étaient en lambeaux et sa peau carbonisa rapidement tandis que sa cape s’enflammait.

Mais pour un monstre qui avait déjà perdu la vie, ce n’était pas une blessure grave.

En un instant et dans un crépitement, les flammes écarlates provenant de la cape noire s’élevèrent dans les airs comme si elles s’apprêtaient à éclore.

Klein sauta hors des flammes et profitant de son élan au moment où il retombait, planta de toutes ses forces sa canne – qu’il tenait à deux mains – dans le cou de l’homme sans tête.

Celle-ci s’enfonça dans son corps et ressortit par l’entrejambe.

Gonflant les muscles de son dos, Klein, projeta le monstre au sol.

Profitant de l’occasion, il se plaça derrière lui et tenant fermement sa canne, déversa son énergie spirituelle dans la Broche du Soleil.

Ayant fait appel à sa Vision Spirituelle et conclu que ni l’Invocation de la Lumière Sacrée, ni la Lame de Purification, ni le Feu de Lumière n’étaient en mesure de venir rapidement à bout de ce monstre vert noirâtre, il lui fallait recourir à une autre méthode.

Cinq secondes, quatre, trois … L’homme sans tête se débattait de toutes ses forces, mais tel un serpent, il tomba à genoux et fut fermement cloué au sol par la canne.

Deux secondes, une seconde…

– « Soleil ! » lâcha Klein en Hermès ancien.

Des points de lumière apparurent et se transformèrent en gouttelettes d’eau qui vinrent arroser le corps de l’homme sans tête.

Il y eut un grésillement et alors qu’un gaz d’un vert noirâtre se formait, Klein lâcha sa canne et fit deux pas sur le côté.

Sous cette ” pluie ” éparse, l’homme sans tête, agité de continuels soubresauts, s’apaisa enfin et fondit dans une mare de sang.

Pas de caractéristiques Transcendantes… Ce n’est donc pas le véritable ennemi. Tout au plus peut-on le voir comme un “serviteur” créé… pensa Klein qui récupéra sa canne et rejoignit le groupe.

– « Génial ! » s’exclama Denton après coup.

Les yeux de Donna brillaient.

Il s’est encore servi des pouvoirs d’un objet occulte… Cependant, sa sortie des flammes témoigne de sa véritable force. Il n’est vraiment pas facile à gérer…

Danitz détourna le regard, convaincu qu’il avait agi avec beaucoup de sagesse en décidant de ne pas s’enfuir.

Sept ou huit minutes plus tard et après avoir éliminé deux autres vagues de monstres, le groupe arriva au bureau télégraphique du Port de Bansy.

Cleves prit l’initiative de frapper à la porte.

– « Qui est là ? » demanda une douce voix féminine.

– « Nous sommes à la recherche de M. Elland, le capitaine de l’Agate Blanche », répondit Cleves à travers la porte.

– « Lui et son second sont partis à l’église d’à côté », répondit la voix sans précipitation.

La femme qui parle a l’air bizarre, à moins qu’elle ne soit ainsi que durant les nuits semblables ?

Klein lança une pièce d’or pour s’assurer qu’elle ne mentait pas.

Ils s’apprêtaient à partir lorsque la voix féminine, hésitante, demanda :

– « Pouvez-vous… pouvez-vous… m’aider… à retrouver quelqu’un ?

« C’est mon collègue. Il est sorti avant que le vent ne se lève… et n’est jamais revenu.

« Son nom est Paavo Court. »

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