Livre 7, Chapitre 38 – corps transformés en batteries
Il devait s’agir d’un chef-d’œuvre divin, vestige de… ce qui s’était passé ici. D’après les apparences, il fonctionnait encore, mais son fonctionnement restait un mystère. Et pourquoi Cloudhawk les avait-il tous envoyés ici ?
Le groupe resta bouche bée tandis que les lumières s’unissaient. Elles se déversaient dans ces moules étranges pour former l’armure divine. Aucune matière première n’était visible, hormis la lueur. De toute évidence, la technologie des dieux était trop avancée pour être comprise par de simples mortels.
« Automatisé et fonctionnant sans problème ».
« Ou peut-être qu’il y a un dieu quelque part qui s’assure que tout fonctionne encore ? Si c’est le cas, nous pouvons lui demander de l’aide. Trouver un moyen de quitter ce monde. »
Tandis que Bruno écoutait les autres s’interroger à voix haute, son front se plissa sous l’effet de la réflexion. À ses yeux, tout cela était si étrange et inexplicable. Quoi qu’il en soit, il n’y avait pas de réponse simple. En tout cas, puisqu’ils étaient là, cela valait la peine d’explorer plus avant.
Personne n’osant agir de manière irréfléchie, ils se frayèrent prudemment un chemin à travers l’usine. Ils passèrent une porte à particules de l’autre côté de la chambre et entrèrent dans une autre porte. À première vue, il s’agissait d’une sorte de salle d’exposition ou de bibliothèque. Des murs imposants s’élevaient du sol, si hauts qu’on ne pouvait en voir le sommet. De part et d’autre des dalles, des sphères à demi enfouies d’un matériau blanc inconnu étaient encastrées.
Il y en avait tellement… trop pour les compter, s’étendant le long d’un couloir sans fin.
Phoenix, Bruno et les autres entrèrent prudemment à l’intérieur et regardèrent autour d’eux. En examinant les dalles et les orbes qu’elles contenaient, ils constatèrent que quelque chose s’y trouvait. La plupart étaient sombres, mais quelques-uns bourdonnaient d’une faible lumière.
« S’agit-il d’une sorte de… source d’énergie ? » marmonna Natessa en examinant les objets. Même la personne la plus inconsciente pouvait sentir l’énergie mentale qui s’en dégageait. Elle était transmise d’une manière ou d’une autre.
En d’autres termes, ces orbes étaient comme des batteries. Ils fournissaient de l’énergie mentale, et les dieux l’utilisaient d’une manière ou d’une autre pour faire fonctionner l’usine.
Bruno aperçut Phoenix bouger du coin de l’œil. « Maîtresse Phoenix, que faites-vous ? »
Elle n’y prêta pas attention. D’un puissant coup de poing, elle frappa l’un des orbes, provoquant des fissures à sa surface. Une vague de quelque chose d’énigmatique s’en échappa, puis…
— CRACK !
Elle donna un nouveau coup de poing ! Le bruit du verre qui se brise parvint aux oreilles de tous.
L’orbe se brisa, libérant d’un seul coup l’énergie qu’il avait emmagasinée. Une forme humanoïde en sortit et tomba sur le sol devant eux. Cette forme humanoïde était enveloppée de chair grise. Ses joues, son menton et son front étaient couverts d’étranges tentacules. Son torse était recouvert de fines écailles. Si elle se tenait droite, la chose mesurerait environ deux mètres et demi de haut.
Qui savait depuis combien de temps il était mort ? Il était recroquevillé comme un fœtus, ridé et atrophié. Il était clair qu’elle avait été vivante dans sa vie, mais maintenant, elle était comme un poisson mort suspendu pour sécher. Au contact de l’air, il commença instantanément à se ratatiner. Le fluide qu’il contenait s’assécha, le faisant rétrécir d’un demi-mètre, ne laissant derrière lui qu’un vieux cadavre émacié.
Les explorateurs regardèrent fixement, horrifiés et déconcertés.
Qui était-ce ? Que faisait-il ici ? La dernière question semblait évidente : enfermé dans cet orbe, il était utilisé comme une sorte de batterie. Mais qui ferait une telle chose ?
« En tout cas, il n’a pas l’air humain ». Bruno marmonna l’observation. Puis, apercevant quelque chose, il s’étonna. « Attendez un peu… ça ne ressemble pas à ce qu’on voit dans les peintures murales ? »
Les autres virent également les similitudes une fois qu’il les avait mentionnées. Depuis qu’ils avaient été laissés sur cette planète, ils avaient trouvé un certain nombre de peintures murales qui décrivaient la vie de créatures avec des tentacules sur la tête et le corps. Sauf erreur de leur part, il s’agissait d’un des premiers habitants de la planète.
« Regardons-en un autre ».
Phoenix ne perdit pas de temps à ouvrir plusieurs autres orbes. Chacun d’eux contenait un corps, certains semblables aux premiers, d’autres d’une autre espèce. Tout cela ne faisait qu’ajouter à leur confusion.
« Qu… regardez celui-là ! »
Le ton pressant attira l’attention de tout le monde, qui s’était précipité, mais se figèrent en le voyant. Un humain ! C’était un vieil homme sans le moindre vêtement, avec de longs cheveux blancs plaqués sur la tête. Il n’avait que la peau sur les os. Comme les autres créatures, il était recroquevillé et mort depuis longtemps.
Oren Cloude se marmonna à lui-même, en pleine confusion. « Que se passe-t-il… ? »
Phoenix lui lança un regard noir, une noirceur se dessinant sur ses traits. « N’est-ce pas évident ? Il a été capturé et utilisé comme source d’énergie. On l’a mis ici pour alimenter cette usine. »
Il semblait bien que ce soit le cas. Il ne faisait aucun doute que les dieux étaient la seule espèce capable de construire un tel endroit. Les humains et toutes les autres espèces qui avaient occupé ce monde avaient été arrachés, placés dans ces orbes et utilisés pour leur énergie mentale.
Si c’était vrai, cela expliquerait bien des choses. Par exemple, pourquoi les dieux enseigneraient-ils aux races inférieures à utiliser le pouvoir mental ? S’ils apprenaient à maîtriser leur esprit, ils pourraient être utilisés plus efficacement comme des batteries.
La colère monta en Phoenix. « Est-ce là le vrai visage des dieux ? »
« Ne tirons pas de conclusions hâtives. » Les yeux de Bruno balayèrent les innombrables orbes qui s’étendaient dans le couloir. Il y avait une trace de tristesse dans son regard. « J’ai l’impression que c’est plus compliqué que ce que nous savons. »
D’où venaient les dieux ? Et les démons ? Qui avait créé cet endroit ? Quelle était la vérité derrière tout cela ? Il y avait trop de secrets que les humains ne connaissaient pas.
Mais même en tenant compte de toutes ces questions, ce qu’ils avaient découvert aujourd’hui les avaient profondément ébranlés. C’était particulièrement poignant pour Bruno et Phoenix, des maîtres chasseurs de démons dont les énergies mentales étaient très cultivées.
Ils savaient que l’énergie mentale était un pouvoir capable de faire quelque chose à partir de rien. Un ou deux maîtres chasseurs de démons pouvaient raser la moitié d’une ville. Il devait y avoir des millions de cosses ici, fournissant éternellement de l’énergie. Sur des centaines d’années ou plus… il était impossible de savoir quelle quantité d’énergie avait été extraite.
Ce qui était encore plus effrayant, c’était de se rendre compte que ce n’était probablement qu’un aperçu.
« Continuons à avancer, voyons ce que nous pouvons trouver d’autre. »
Ils étaient ici. Ils devaient trouver la vérité. Mais alors qu’ils s’apprêtaient à avancer, un sentiment de danger les envahirent. Au même moment, ils entendirent un fracas sinistre.
« Attention ! »
Du coin de l’œil, Natessa aperçut des formes qui se dirigeaient vers eux.
Ils étaient grands, vêtus de magnifiques armures. L’air autour d’eux ondulait comme s’ils étaient nés d’un rêve. Des épées de lumière s’animaient entre leurs mains tandis qu’ils fonçaient vers l’avant.
Cosmo Thane leva instinctivement son arme pour se protéger. Cela ne servit à rien, car l’épée de lumière le traversa de part en part et lui sépara la tête du cou. Elle s’élança dans les airs et frappa le sol dans un bruit sourd et humide.
« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? ! »
Phoenix regarda, les yeux écarquillés, la foule de silhouettes brillantes qui apparaissaient autour d’eux. Il y en avait des centaines ! Des dieux ? Tant de dieux ?