Le moine occidental était un homme qui acceptait le fait que toute faveur devait être rendue. Bien qu’il fût un fanatique d’exorcisme dont le passe-temps était de purifier les âmes, il serra les dents et ne refusa pas la requête de l’Esprit Fantôme, lui qui voulait essayer de guider un mort.
Une fois arrivé à destination, le bouddhiste ne s’avança pas immédiatement vers la maison où ils devaient accomplir la cérémonie. Il acheta d’abord du matériel pour le spectre, de l’équipement que lui et ses pairs utilisaient pour se préparer. Ensuite, ils rejoignirent la famille éplorée.
Après un simple échange, le moine commença à prendre les dispositions nécessaires.
Tout d’abord, il aménagea l’autel et prépara la salle. Bien entendu, tout cela était uniquement destiné au bien-être des gens ordinaires. S’il voulait guider l’âme d’une personne ordinaire, le moine n’avait besoin que d’une pensée pour activer le Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha avant de tendre la main.
Mais si les préparatifs n’étaient pas minutieux, le “client” pourrait ne pas être satisfait.
En fait, à mesure que la science et la technologie se développaient, la plupart des “clients” des moines ne le faisaient plus pour des croyances religieuses, mais pour leur extravagance ! La grande majorité des gens pensaient qu’ils ne pouvaient montrer à quel point ils tenaient à leurs proches qu’au travers d’une cérémonie grandiose et ridicule, transformant la mort des membres de leur famille en un grand spectacle.
Ainsi, si les préparatifs n’étaient pas à leur goût, et la salle suffisamment décorée, le moine n’aurait peut-être pas d’autres occasions de guider des âmes. Afin de laisser une bonne impression et de recevoir le plus grand nombre possible de demandes de ce type, il devait consacrer beaucoup de temps et d’efforts à la préparation de l’autel.
Il n’avait pas vraiment le choix.
Le pire, c’était que la secte à laquelle il appartenait était Daoïste. Par conséquent, il avait passé beaucoup de temps à comprendre comment les bouddhistes arrangeaient leurs cérémonies !
Après avoir atteint un degré suffisant d’extravagance, l’occidental mit son kesa et marmonna le texte religieux qu’il avait apporté. Alors qu’il jouait du tambour en bois et chantait, les inscriptions sur les pages luirent faiblement. Il avait écrit ce soutra de mémoire, alors qu’il était en prison. Il s’apparentait à un talisman et il était possible de le déchirer pour libérer son pouvoir offensif contre des créatures fantomatiques.
C’était l’une des raisons pour lesquelles cet homme était meilleur que les moines ordinaires lorsqu’il s’agissait de faire preuve d’extravagance. Son talent était réel et chacun de ses accessoires de scène pouvait émettre une lumière sacrée. De plus, chaque fois qu’il lisait ses écrits, les gens ordinaires à proximité de lui se calmaient. Il avait l’air incroyablement solennel et saint en frappant son tambour avec un bâton.
Lorsqu’il se mit à chanter, les membres de la famille en pleurs s’apaisèrent. Agenouillés au bord du cercueil, le chagrin pour la perte de leur être aimé fut instantanément effacé.
Personne n’osait mépriser le moine occidental.
À vrai dire, lorsqu’ils avaient vu qu’il était venu seul, sans une troupe monastique, la plupart des membres de la famille avaient été quelque peu mécontents. La cérémonie n’était pas assez extravagante si un seul moine était présent ! Même s’il était doué avec ses textes, il était seul. Pouvait-il vraiment être comparable à tout un groupe de moines bouddhistes chinois ?
Mais en voyant la scène, plus personne n’imagina le critiquer. Ils conclurent qu’il était sans aucun doute un véritable Aîné doté d’une immense connaissance !
À ce moment-là, l’Esprit Fantôme de Song Shuhang passa à l’action.
Il flotta doucement au-dessus du cercueil.
Chaque endroit avait ses propres coutumes. Ici, il était d’usage d’aménager une pièce pour le deuil pendant deux ou trois jours après le décès d’un proche. Ensuite, le corps serait incinéré.
L’Esprit Fantôme remarqua qu’une pâle boule de lumière était apparue au-dessus du cercueil. L’âme de la personne décédée. Très ordinaire, elle s’attardait là, apparemment réticente à se séparer de son corps. Cette personne n’avait commis aucun acte répréhensible au cours de sa vie et avait mis davantage un point d’honneur à réaliser de bonnes actions. Elle avait eu une vie paisible. Ainsi, même si elle restait là, elle ne montrait aucun signe de transformation en fantôme rancunier.
Dès qu’elle sentit l’arrivée de l’ectoplasme, la boule de lumière fut terrifiée. Elle recula, presque comme si elle avait rencontré son ennemi naturel.
Ce qui était le cas. L’Esprit Fantôme était un prédateur pour âmes ordinaires et les fantômes rancuniers. Ces derniers étaient à la base de son alimentation.
Cependant, il ne l’agressa pas. Il tendit un doigt, récita mentalement le Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha, puis la toucha.
L’Esprit Fantôme ne savait pas s’il pouvait la guider. Après tout, même si le corps principal connaissait des techniques magiques telles que la Paume Éclair et l’art de manipulation du feu, et même si le spectre connaissait les théories sur lesquelles elles s’appuyaient, il était incapable de les utiliser en raison des limitations de son corps.
Heureusement, cette technique était différente des autres.
Dès qu’il toucha l’âme, celle-ci ressentit de l’étonnement. Puis de la joie.
Alors, elle se transforma en particules de lumière et disparut.
L’âme avait été guidée.
Le pouvoir de la vertu entre le ciel et la terre se condensa et s’abattit sur l’Esprit Fantôme de Song Shuhang. Cette puissance était divisée en trois faisceaux.
Le premier était une fine couche de lumière vertueuse qui enveloppait le corps de l’Esprit Fantôme. Elle était très mince. Il fallait purifier environ un millier d’âmes pour la rendre visible, et elle ne subirait un changement qualitatif qu’après en avoir guidé 100.000.
Un autre fusionna avec l’esprit de l’Esprit Fantôme, renforçant son énergie mentale. Une telle augmentation était presque négligeable pour un spectre de Deuxième Rang.
La dernière partie fusionna avec son corps, améliorant ainsi sa constitution. De même, le bonus était négligeable.
L’ectoplasme planait dans les airs, savourant la sensation de la lumière vertueuse fusionnant avec sa structure éthérée. En même temps, il transmit ce sentiment à Song Shuhang à travers leurs sens communs.
Le moine occidental, qui lisait à haute voix des textes religieux, joignit les paumes et cria : « Un grand service a été rendu ! »
L’Esprit Fantôme le regarda et hocha légèrement la tête. Il le salua. Ami Daoïste, nous nous reverrons.
Le moine acquiesça silencieusement.
Ensuite, il reprit sa lecture et continua à battre du tambour, juste pour le spectacle. Tout était prêt pour la cérémonie. Il ne pouvait pas décemment partir après n’avoir lu que l’espace de quelques minutes.
Il devait au moins réciter le texte religieux dix fois avant de s’en aller.
Sinon, la scène ne serait pas assez extravagante et le client ne serait pas satisfait !
Cette foutue société où l’apparence extérieure comptait plus que tout était responsable de bien des ennuis, dont les siens !
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L’Esprit Fantôme partit et vola haut dans le ciel.
Avant d’aller trop loin, il jeta un coup d’œil aux environs. Malheureusement, les cultivateurs de fantômes qui poursuivaient le moine occidental n’étaient pas venus.
Ces Généraux Fantômes étaient vraiment délicieux. De toute façon, comme ils ne sont pas là, je ne peux qu’en rester là. Ils ont eu de la chance, ils ont évité le pire.
Ensuite, il jeta un coup d’œil à l’occidental, assis bien droit, qui jouait de son tambour. Même s’il avait l’air un peu simple d’esprit, ce n’était pas un imbécile. Son seul problème était sa manière étrange de voir la vie.
Puisque ces cultivateurs de fantômes le poursuivaient, il ne resterait naturellement pas trop longtemps au même endroit. Il se précipiterait sans doute dans sa secte une fois la cérémonie terminée.
L’Esprit Fantôme n’avait pas besoin de s’inquiéter pour lui. Il partit en direction de la maison de Song Shuhang.
En même temps, il transmit cette pensée au corps principal : J’ai le sentiment que la technique pour guider les âmes me sera très utile. Peut-être que ce sera la clé qui me permettra de devenir un Esprit Fantôme de haut rang !
Lorsque le pouvoir de la vertu entre le ciel et la terre s’était divisé en trois parties, l’Esprit Fantôme avait eu la sensation qu’une porte vers une percée se dessinait devant lui. Il devait juste continuer à accumuler de la puissance vertueuse !
Cette piste valait la peine d’être explorée…
❄️❄️❄️
Cité du Temps, dans la Ville Basse.
Après avoir terminé sa pratique quotidienne, Song Shuhang reçut le message de l’Esprit Fantôme. « Cette technique peut réellement l’aider à progresser d’un rang ? »
Il savait qu’il y avait un énorme fossé entre les Esprits Fantômes de rang intermédiaire et ceux de haut rang. La croissance des premiers était plafonnée, ils pouvaient tout au plus atteindre le Sixième Rang. D’un autre côté, les seconds pouvaient être comparés à des pratiquants très talentueux capables de pratiquer jusqu’au Neuvième Rang. De plus, ils pouvaient apprendre des techniques magiques extraordinaires spécifiques aux fantômes. Ils étaient de super clones très fidèles.
Si l’Esprit Fantôme pouvait percer et devenir un spectre de haut rang, Song Shuhang pourrait ne plus rien faire et pourtant atteindre le Cinquième Rang, simplement en s’appuyant sur la poussée qu’il lui procurerait. Bien sûr, ce n’était que s’il pouvait survivre aux Tribulations Célestes.
Telle était la différence entre un tricheur normal et un super tricheur !
Song Shuhang lui envoya cette pensée : Va voir Yu Jiaojiao, demande-lui si elle a besoin d’aide pour quoi que ce soit. Ensuite, guider des âmes sera ta priorité ! Tu pourras agir à ta guise jusqu’à mon retour sur Terre !
Ensuite, il jeta un coup d’œil à ses mains… Il n’y avait eu aucun changement dans son corps alors que l’Esprit Fantôme avait purifié cette âme ordinaire.
Il semblait que la lumière vertueuse était spécifique aux entités, celle-ci appartenant donc uniquement à son spectre… À moins que celle qui l’enveloppait lui reviendrait dès que celui-ci retournerait dans son corps.
À ce moment-là, la Sœur Aînée Ye avait fini de donner des conseils à Chu Chu et elle retournait aux côtés de l’étudiant. En le voyant si songeur, elle lui posa une question. « À quoi pensez-vous ? »
– « À la lumière vertueuse, » sourit-il. Ensuite, il lui parla de son Esprit Fantôme. Après lui avoir raconté toute l’histoire, il demanda : « Sœur Aînée Ye, y a-t-il des âmes qui attendent d’être guidées vers l’au-delà à proximité du Pavillon de l’Eau Cristalline ? »
Le Pavillon était au milieu de l’espace. Cependant, là aussi les cultivateurs se battaient entre eux. Il y avait peut-être quelques âmes à purifier.
– « À proximité du Pavillon de l’Eau Cristalline ? Je n’y ai jamais prêté attention. » Elle réfléchit un instant et frappa soudainement dans ses mains. « Dans ce cas, sortons faire une promenade à l’extérieur. Nous sommes restés sous terre pendant si longtemps. Sortons respirer un peu d’air frais ! »
Pour des raisons qui lui échappaient, elle n’avait pas mis les pieds hors du Pavillon de l’Eau Cristalline depuis très longtemps.
Elle était déjà un Empereur Spirituel de Cinquième Rang et avait depuis longtemps rempli les conditions pour quitter l’enceinte de la Secte. Elle pouvait partir se promener si elle le souhaitait. Cependant, elle ne l’avait jamais envisagé au cours des dernières années.
C’était plutôt étrange.
Bref, puisque Song Shuhang avait évoqué cette possibilité, elle décida de sauter sur l’occasion pour aller se balader !