C’était très étrange, mais à l’instant où Song Shuhang perdit le contrôle de son corps, il eut la sensation d’avoir été “libéré,” dégagé de toutes ses attaches et de n’être plus retenu par aucune entrave.
Ce sentiment troublant l’effraya un peu.
Avant de perdre le contact avec la réalité, il entendit la Sœur Aînée Ye pleurer doucement.
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Il resta dans un endroit sombre et dériva pendant dix minutes. Plus d’un siècle, de son point de vue. Ce fut une torture indescriptible. Cependant, cette longue attente s’avéra être une expérience précieuse pour lui. La force de sa volonté s’accrut encore après avoir connu “la mort.” L’état d’esprit d’une personne qui était passé par ce cap était complètement différent de celui de quelqu’un qui ne l’avait jamais frôlé.
On dirait que je ne suis pas tout à fait sorti d’affaire. Dois-je attendre de reprendre naturellement conscience ?
Peut-être dois-je utiliser une méthode spéciale pour sortir de là ?
Après quoi, il se remémora toutes les techniques de cultivation, les techniques magiques, ainsi que le contenu des livres qu’il avait lus avec la Sœur Aînée Ye.
La Pierre d’Illumination sur sa poitrine commença à libérer son pouvoir. À ce moment-là, Dame Oignon avait fait pousser une nouvelle petite pousse. Il y avait alors des veines rouge sang visibles sur les feuilles, rendant le bulbe encore plus beau. Alors, le contenu d’un texte religieux traversa l’esprit de Song Shuhang. Il s’agissait du Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha qu’il avait obtenu grâce aux souvenirs partagés avec l’Esprit Fantôme. Il ne savait pas à quelle secte bouddhiste ce texte appartenait, mais il s’agissait sûrement de quelque chose de très précieux.
Je ne deviendrai pas un bouddha tant que je n’aurai pas atteint l’illumination, que tous les êtres vivants ne seront pas guidés et que l’enfer ne sera pas vidé. La note que le moine occidental avait laissée sur la première page du texte refit surface dans son esprit.
Peu de temps après, le Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha se manifesta lentement dans sa conscience, comme un long parchemin. La Pierre d’Illumination renforçait continuellement ses capacités de compréhension. Quand le texte lui apparut, un éclair de génie le frappa.
Il avait enfin découvert le secret du Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha.
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Alors c’est ça, une technique pour guider les âmes… Il eut une illumination. Après avoir vécu “la mort” et regardé le Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha du point de vue d’une personne décédée, il réussit à en saisir les arcanes.
Dans ce cas, j’ai déjà décidé de ma première cible…
… Ce sera toi !
Il récita silencieusement le Soutra.
Alors que le son du chant devenait de plus en plus fort, le rouleau qui s’était matérialisé dans sa conscience émit un rayonnement doré. L’éclat illumina l’ensemble de l’espace ténébreux.
Au même moment, Song Shuhang ouvrit les yeux et revint à lui.
– « Shuhang, vous êtes enfin réveillé. » Ye Si était agenouillée à côté de lui. Elle avait visiblement pleuré. À ce moment-là, elle essuyait soigneusement la sueur du front de l’étudiant.
Il semblait avoir vécu quelque chose de terrifiant pendant son inconscience, au point de transpirer continuellement.
Il sourit. « Ouais, je suis de retour. Même si c’était une expérience plutôt étrange, elle était aussi très précieuse. Ye Si, combien de temps ai-je dormi ? »
– « Environ 13 minutes. Est-ce que vous allez bien maintenant ? »
– « Oui, je vais bien. Je vais même très bien. » Il se redressa. « De plus, j’ai mis la main sur quelque chose de très utile. »
Si Song Shuhang avait utilisé les Écrits d’introspection méditative à ce moment-là pour jeter un coup d’œil à son Vrai Soi, il aurait remarqué certains changements. Son image intérieure était radicalement identique à la sienne. C’était une chance pour lui, puisqu’il ne portait pas de kesa ou quoi que ce fût de ce genre. Il avait toujours son short et sa tête n’était pas chauve. Il conservait son air d’érudit et une certaine musculature. Par contre, l’expression de son visage avait changé. Il paraissait plus compatissant. Un texte religieux était apparu entre ses mains.
Le Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha avait marqué son Vrai Soi. C’était la première fois que l’étudiant vivait une telle situation. Il y avait de grandes chances que les Écrits d’introspection méditative et le Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha eussent la même origine ! Peut-être étaient-ils tous deux des produits de l’ancienne Secte Jingang.
Bref, juste au moment où le Soutra était apparu entre les mains du Vrai Soi, son corps physique avait partagé avec lui une partie de la pression due à l’énergie mentale. S’il pouvait renforcer sa lumière vertueuse et atteindre un niveau similaire à celui du moine occidental – lui faisant subir un changement qualitatif – il aurait un nouvel atout pour résister à son excès de puissance. À ce moment-là, Song Shuhang n’aurait plus à s’inquiéter de cet enchaînement continuel de maux de crâne.
Ye Si demanda, curieuse : « Quelque chose de très utile ? Avez-vous compris la technique pour guider les âmes ? »
– « Oui. » Il récita silencieusement le Soutra du Voeu du Bodhisattva Kishitigarbha et tendit le doigt vers le vide.
L’instant suivant, une âme noire et pleine de ressentiment y apparut, émettant des crépitements tout en planant au-dessus de son ongle. La malédiction du Maître d’Autel ! Lorsqu’il avait compris qu’il était condamné, ce dernier avait sacrifié le dernier brin de sa force vitale pour lui lancer un sortilège odieux. À l’intérieur, une petite partie de son âme fragmentée avait survécu.
Malheureusement, la malédiction avait eu une existence tragique. Bien qu’elle avait tenté de blesser Song Shuhang à plusieurs reprises, elle avait toujours échoué. Pire encore, elle avait fini en pâtée pour Esprit Fantôme. En une occasion, elle avait été forcée de s’activer à cause du Vénérable Blanc et avait été transformée en une petite boule noire qui avait été ingérée par l’ectoplasme de Song Shuhang.
Elle n’avait encore la possibilité que de s’activer trois ou quatre fois de plus. Comptant sur l’âme fragmentée et pleine de haine du Maître d’Autel, elle avait accumulé petit à petit de l’énergie, attendant le moment de frapper.
Cependant, la vitesse de cultivation de l’étudiant était tout simplement trop élevée. En seulement quelques mois, il était passé du Premier au Deuxième Rang ! Face à une telle puissance, la malédiction n’avait pas l’occasion d’agir pour le blesser. Elle ne pouvait qu’attendre, en embuscade, et économiser tranquillement son énergie.
Voilà pourquoi elle n’avait pas fait parler d’elle et était restée cachée.
Alors, Song Shuhang poussa la masse noire avec son doigt, sa phalange recouverte d’un type de pouvoir capable de guider les âmes vers l’au-delà.
L’âme fragmentée se transforma en particules de lumière et se dispersa lentement.
Le jeune homme sentit que la haine et la colère du Maître d’Autel diminuaient et se dissipaient.
Ye Si, qui tenait son visage dans ses mains, cligna des yeux en le regardant faire. La scène se reflétait dans ses yeux.
Dans les derniers instants, les petites particules dorées abandonnèrent tout ressentiment, se dirigeant vers le salut.
En ayant été témoin, elle ne put s’empêcher de soupirer. En fait, elle-même ne savait pas pourquoi elle se sentait ainsi.
Elle fit ensuite quelque chose qui la surprit autant que Song Shuhang.
Elle se pencha sur lui et tendit ses doigts longs et fins, puis toucha doucement ceux de Shuhang. Ils sentirent une petite décharge électrique qui les fit trembler tous les deux.
Whoosh ! L’âme fragmentée du Maître d’Autel s’évapora totalement.
Les deux échangèrent un regard.
– « Héhéhé ! » Elle rit, joyeuse. Le choc électrique qu’elle avait reçu lorsqu’elle avait touché les doigts de son petit ami lui donna l’impression qu’ils étaient encore plus intimes. Elle ne détestait pas cela.
Song Shuhang sourit et se frotta doucement les doigts. Lors du contact, il avait senti leur lien, comme s’il y avait eu une connexion. Il percevait son bonheur. Il pouvait l’affirmer, elle était vraiment heureuse à ce moment-là.
Le temps passa et une nouvelle journée débuta dans la Cité du Temps. Cela faisait 48 jours que Song Shuhang et Chu Chu y étaient entrés. Un nouveau jour démarrait dans le monde extérieur.
Lundi 5 août. Le nom de Dao de Shuhang était désormais Sabreur Bouddhiste Vertueux.
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Chine, crypte de la Fée Litchi.
Elle recevait un cadeau ce jour-là. Le Maître Immortel à l’Amulette de Cuivre, qui était alors allongé sur son lit d’hôpital, avait commandé un présent à son intention sur un site spécialement réservé aux pratiquants. La robe annuelle pour femme en édition limitée du Palais de Beauté, et du sur-mesure.
Il n’avait aucune particularité. Elle était simplement magnifique.
Le Maître Immortel avait décidé de présenter ses excuses. Pour acheter cette robe, il avait dépensé près de la moitié de ses revenus mensuels.
Le mois précédent, la Fée Litchi avait attendu tranquillement en embuscade devant le domicile du Maître Praticien. Puis, dès qu’Amulette de Cuivre était apparu, elle avait sauté sur l’occasion pour lui coller une bonne raclée accompagnée d’une série de “Yiya !”. D’où les excuses officielles.
Lorsque la cultivatrice ouvrit le paquet cadeau, elle vit la belle robe.
Les tenues comme celle-ci étaient en nombre limité. Leur prix n’était pas si élevé, mais parfois, les pratiquantes qui aimaient les beaux vêtements ne pouvaient pas les acheter même si elles avaient suffisamment de pierres spirituelles. Elle ne s’était pas attendue à ce que le Voyant Louche eût les relations nécessaires pour mettre la main sur cet habit.
Il semble que tous les Daoïstes du Groupe cachent leurs véritables capacités, pensa-t-elle.
Bien sûr, le Maître Immortel n’avait pas l’intention de lui dire qu’il était un client Super VIP du Palais de Beauté. Il avait commandé tous leurs articles, tant pour homme que pour femme. Il lui fallait beaucoup d’argent pour utiliser pleinement sa technique de déguisement.
La Fée Litchi mit le beau vêtement. La robe tombait comme une jupe longue en révélant des jarretières noires. Elle fit ressortir sa silhouette élancée.
– « Je pense que j’ai un peu grossi. »
Ensuite, elle sortit son téléphone portable et fit un sceau à la main. L’appareil plana dans les airs et trouva l’angle parfait pour prendre une photo.
Flash ! Flash ! Une main invisible appuyait sur le bouton de capture et enregistrait les magnifiques portraits.
Avant même l’apparition de gadgets tels que les perches à selfie, la Fée Litchi avait déjà perfectionné son talent en la matière.
Elle aimait vraiment se prendre en photo, et ce d’aussi loin que ses souvenirs remontaient. Mais il n’y avait pas que les selfies. Elle aimait aussi filmer les choses qui l’entouraient. C’était son passe-temps.
Ensuite, elle sélectionna ceux avec les meilleurs angles et les envoya sur le Groupe des Neuf Provinces #1…