Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 24 – Le saut de la mort
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Je restais figé, choqué, à me demander : mais qu’est-ce qui se passe ? Comment ce visage peut-il se fissurer ? Sa peau est sèche ou quoi ? Mais avant que je puisse y regarder de plus près, le monstre qui tirait ma jambe me donna un coup sec et me fit trébucher. La créature était si forte que je ne pouvais résister, aussi, cessant de me débattre, je sautai. En tombant, j’attrapai d’une main une branche de bronze et de l’autre, plaçai le canon contre la gorge du monstre. Puis, pressant la détente, je lui fis exploser la tête dans une forte détonation.

Le recul fut si violent que je faillis lâcher la branche, mais serrant les dents, je tins bon. Une fois stabilisé, je jetai un coup d’œil en bas pour m’assurer que le tir n’avait pas manqué sa cible. En effet, si le corps sans tête de la créature avait été projeté hors de l’arbre, sa main était toujours fermement accrochée à ma jambe et ce poids mort m’entraînait vers le bas.

Mon seul bras ne pouvant supporter le poids de deux personnes, je serrai les mâchoires et baissai la tête, tentant de trouver une branche sur laquelle je pourrais poser mes pieds. Cela fait, je pourrais trouver un moyen de me débarrasser de ce cadavre. Mais soudain, le monstre au visage craquelé se suspendit à l’envers, m’entoura la gorge d’une patte et me souleva. J’avais l’impression d’avoir le cou compressé par le Sort de Serrage du Bandeau d’Or de Sun Wukong. (1) Comme je ne pouvais plus prendre la moindre bouffée d’air, mon visage vira aussitôt au rouge. Désespéré, je levai mon arme et frappai de toutes mes forces la tête de la créature.

Si l’on frappe fort et à plusieurs reprises quelqu’un au visage, il sera inévitablement blessé. C’était particulièrement vrai pour ce monstre qui était clairement étourdi par la violence de mes coups. Il ne cessait de secouer la tête et tentait d’esquiver, mais je parvins à lui asséner un puissant coup précisément là où se trouvait la fissure. Il poussa un cri étrange, relâcha son emprise sur ma gorge, sauta sur la branche au-dessus de ma tête et se griffa frénétiquement le visage.

Mon appui perdu, tout le poids revint dans ma main et je lâchai prise. Je fis une chute de plus d’un mètre avant de pouvoir me raccrocher à une branche saillante. Levant les yeux, je vis que le visage de la créature avait complètement éclaté et s’était transformé en petits fragments blancs qui commençaient à s’écailler.

Très vite, tous ces fragments se mirent à tomber comme de la neige. J’en attrapai un pour l’observer de plus près et m’aperçus qu’il s’agissait de pierre. Ces créatures étaient-elles des statues ? Je levai une nouvelle fois les yeux et vis que, sous le visage de pierre émietté, se cachait un visage couvert de fourrure jaune.

En y regardant de plus près, je compris à quoi nous étions confrontés.

― Lao Yang ! criais-je.  Je sais ce que sont ces salopards ! Ce sont des singes, des putains de gros singes !

Lao Yang, qui était toujours dans l’obscurité en dessous, ne pouvait pas vraiment voir ce qui se passait, mais je l’entendis répondre :

― Des singes, mon cul ! Comment des singes pourraient-ils avoir des visages humains ? ! Ça n’a aucun sens !

― Ce ne sont pas des visages, lui criai-je, ce sont des masques ! Ces singes portent des masques de pierre à visage humain !

Je voyais Lao Yang qui remontait des ténèbres, les vêtements presque en lambeaux.

― Je me fiche de ce que c’est ! Et ces singes ? Pouvons-nous les battre ?

Je regardai dans sa direction et vis un groupe d’ombres se déplacer dans l’obscurité en dessous. Je n’aurais su dire combien de ces singes masqués nous poursuivaient. Je grimpai de quelques mètres, ouvris la boîte placée sous le canon de l’arme et vis que les cartouches rouges avaient toutes été utilisées. Il ne me restait plus que quelques bleues. Elles n’étaient probablement pas remplies de petites billes de plomb, mais de billes d’acier, plus grosses. Si ce type de munitions fonctionnait bien à longue distance, il n’était pas aussi efficace que la chevrotine. Voyant que les singes grimpaient rapidement, je pressai des deux mains la crosse de mon fusil et tirai deux coups vers le bas.

Quoique la puissance létale des billes d’acier fût considérablement réduite dans la mesure où elles se répandaient dans l’air, celles-ci étaient cependant efficaces pour couvrir une large zone. Les singes les plus proches étaient couverts de sang et bon nombre de ceux qui se tenaient à distance avaient également été touchés. Je me dis alors que si je tirais cinq balles en rafale, je pourrais tuer toutes ces créatures.

Les singes, visiblement intimidés par la puissance de feu, ralentirent. Profitant de la situation, je me retournai aussitôt, suivis Lao Yang et tous deux, nous tentâmes de rattraper Maître Liang. Le singe au masque cassé nous vit, montra les dents en signe de frayeur, puis sauta sur le côté comme s’il volait. Lao Yang me lança un regard surpris :

― Merde, ce sont vraiment des singes. Qu’est-ce qui se passe ici ?

Je trouvais moi-aussi cela très étrange. Qui avait bien pu mettre des masques à ces singes ? Dans quel but ? Comment avaient-ils survécu étant donné qu’il n’y avait pas de trou, ni pour les yeux ni pour la bouche ?

Maître Liang, qui était déjà à plus de dix mètres au-dessus de nous, s’était allongé sur une branche, haletant. Nous eûmes tôt fait de le rejoindre et constatâmes qu’il était pratiquement comateux. Heureusement que les branches, à l’endroit où il se trouvait, étaient denses, car cela l’empêchait de chuter. La torche, qui était tombée à peu près à mi-chemin en dessous, était coincée entre trois branches.

Lao Yang s’approcha pour la récupérer, brandit le pistolet et abattit le singe sans masque. N’ayant plus de munitions, il s’apprêtait à jeter l’arme, mais il se ravisa et la remit dans sa ceinture. Cela fait, il agita la torche vers le bas dans l’espoir que les flammes repoussent les singes qui approchaient. Effrayés, les primates se retiraient là où la lumière de la torche ne pouvait pas les atteindre, mais dès que celle-ci s’éloignait, ils revenaient à la charge.  Nous n’avions guère le temps de reprendre notre souffle.

Lao Yang resta un long moment à agiter la torche, mais au lieu de fuir, les singes se resserraient de plus en plus autour de nous. Je tirai Maître Liang dans l’espoir de lui faire reprendre ses esprits, mais il restait allongé là comme une boule gélatineuse.

― Laisse-le ! Cria Lao Yang. Nous ne pouvons pas les retenir plus longtemps. Allons-y !

Extrêmement inquiet, j’aurais voulu faire tomber Maître Liang de l’arbre à coups de pied, mais comme ce n’était pas quelqu’un de malveillant, je ne pouvais vraiment pas m’y résoudre. Je le tirai et tentai de le soulever, mais ses fesses glissèrent entre deux branches, ce qui compliqua la situation.

Lao Yang, qui continuait à balancer la torche pour tenir les singes à distance, me cria :

― Bon sang ! Mais qu’est-ce que tu fais ? Ce type n’est pas l’un des nôtres. Si les choses s’étaient bien passées pour lui plus tôt, il t’aurait peut-être déjà tué de sang-froid. Ton traitement de faveur des prisonniers doit cesser ici !

Je rechargeai mon arme et tirai deux autres coups de feu. Il y eut deux fortes détonations et cinq singes volèrent dans les airs.  Alors que les autres se retiraient à près de six mètres de nous, je jetai les cartouches vides et les remplaçai par deux autres. Mais au moment où j’étais sur le point de tirer, Maître Liang m’attrapa la main et me dit d’une voix faible :

― Ces créatures ont peur du feu… utilise… les fusées éclairantes…

En entendant cela, je repris mes esprits. Lao Yang réagit aussitôt et, sortant le pistolet de détresse, me demanda :

― Où dois-je viser exactement ? Inutile de les frapper directement !

Je lui pris le pistolet des mains, le pointai vers la paroi rocheuse en face de nous et pressai la détente. La fusée jaillit comme un éclair, toucha le rocher qui se trouvait à quelques dizaines de mètres, ricocha et frappa l’arbre de bronze. Elle rebondit deux ou trois fois autour des branches avant d’exploser au milieu des singes qui s’étaient rassemblés. La chaleur qu’elle dégageait était telle qu’ils furent tous brûlés. Je n’attendis pas que le premier tir s’éteigne pour lancer deux autres fusées, si bien que tout l’espace fut éclairé par une lumière blanche éblouissante.

Celle-ci était si vive que Lao Yang, soudain aveuglé, faillit tomber de l’arbre. J’attrapai aussitôt sa tête et le poussai sur le côté en criant :

― Ne regarde pas ! Nous sommes trop près ! C’est cent fois plus puissant que les rayons lumineux d’un fer à souder. Ça va nous brûler les rétines !

Nous fermâmes tous trois les yeux en même temps, mais nous percevions tout de même la lumière à travers nos paupières. Bien que nous ne puissions pas voir, nous savions que les singes étaient devenus fous car nous pouvions entendre leur tumulte en contrebas et percevions une odeur de chair brûlée.

J’ignore combien de temps il fallut pour que la lumière s’atténue enfin, mais le moment venu, je plissai les yeux et regardai en bas. Mes yeux brûlaient et ma vision était très floue, mais je pus voir que tous les singes avaient disparu. Lao Yang avait des larmes aux yeux et se les frottait désespérément, quant à Maître Liang, il s’était littéralement évanoui. Si je n’avais pas agrippé son col, il serait tombé de l’arbre.

Je fus soulagé de voir que les singes étaient partis. Je ne savais pas si c’était parce qu’ils avaient eu peur de la chaleur ou de la vive lumière, mais s’ils l’avaient regardée directement, il y avait 90 % de chances pour qu’ils soient temporairement aveuglés. D’après moi, il leur faudrait environ deux semaines pour se remettre complètement. À cette pensée, je ne pus m’empêcher de soupirer de soulagement.  Je tapotai Maître Liang jusqu’à ce qu’il reprenne ses esprits, puis j’attrapai son bras, le soulevai et tentai de le traîner. Mais ce fut peine perdue. Tout ce que je réussis à faire, c’est le maintenir debout. Impossible de le faire bouger de sa position initiale.

Je le reposai et allai voir Lao Yang. Les yeux plissés, il marmonnait des jurons, mais il avait enfin recouvré la vue.

― Putain, tu pourrais prévenir avant de faire quelque chose. Si jamais je deviens aveugle par ta faute, je te tue.

― Merde, tu en as du culot ! J’ai sauvé ta putain de vie, tu sais ? En plus, tu n’es pas aveugle, si ?

― D’accord, d’accord, dit-il en regardant en contrebas, j’admets que cette ruse a bien fonctionné. Mais les singes se sont-ils enfuis ou sont-ils tous morts brûlés ?

Je lui répondis qu’il était peu probable qu’ils soient tous morts brûlés. Ils avaient certainement battu en retraite, mais pouvaient revenir. Cela dit, étant donné que nous avions enfin trouvé un moyen de nous occuper d’eux, nous n’avions plus rien à craindre. Il nous restait encore quelques fusées éclairantes, suffisamment pour nous sauver la mise plusieurs fois.

Je réfléchissais à la finesse des masques que portaient ces singes et à la façon dont ils étaient sculptés pour ressembler à de vraies personnes. Étaient-ils liés à la statue de pierre réaliste que nous avions vue sur la falaise ? Mais pourquoi nous avaient-ils attaqués ?

J’avais lu un jour dans un roman que d’anciennes civilisations dressaient des gorilles pour garder les mines. Après leur destruction, ces gorilles avaient continué à transmettre leurs techniques de tuerie à la génération suivante. De fait, des milliers d’années plus tard, leurs descendants gardaient encore les vestiges des mines et massacraient les équipes d’expédition qui s’en approchaient.

Toutefois, les créatures auxquelles nous venions de faire face étaient des singes. Ils n’étaient évidemment pas aussi intelligents que des gorilles et ne pouvaient donc pas faire de choses aussi compliquées. Je voulus interroger Maître Liang à ce sujet, mais l’expression de son visage me fit comprendre que c’était inutile. L’homme était au bord de l’effondrement. S’il ne se reposait pas très vite, je craignais qu’il n’en meure.

Nous restâmes sur place plus de dix minutes et n’osâmes pousser un soupir que lorsque nous fûmes certains qu’il n’y avait plus de danger en bas. Lao Yang nous proposa de la nourriture, mais nous refusâmes. Ce n’était pas une question de faim, juste un manque de repos. Quand bien même il m’aurait donné du glucose pur, je ne serais toujours pas en état de poursuivre.

Prenant appui sur quelques branches, la tête posée sur mon sac à dos, je commençai à m’assoupir sans même m’en apercevoir. Lao Yang et Maître Liang qui, restés assis, étaient eux-aussi hébétés, ne tentèrent pas de m’en empêcher. J’étais sur le point de m’endormir, lorsqu’une série de fracas retentit d’en haut et presque aussitôt, l’arbre de bronze se mit à trembler violemment. On aurait dit qu’un énorme monstre était en train de descendre.

Oh non, me dis-je. Nous venons à peine de nous débarrasser des singes et voilà autre chose ! Serait-ce King Kong ? Alors que j’essayais de trouver un endroit où nous cacher, une ombre noire tomba du ciel comme un éclair et atterrit dans l’espace que formaient trois branches, éclaboussant mon visage d’un liquide nauséabond.

L’impact fut si violent que tout l’arbre trembla et je faillis chuter.  Morts de peur, nous restâmes tous trois figés un long moment.

Lao Yang fut le premier à se calmer. Il leva la torche et nous appela pour voir ce qui venait de tomber. En regardant attentivement, nous vîmes qu’il s’agissait d’un être humain. Son corps était coincé entre les branches et ses membres tordus d’une drôle de manière. Il avait les yeux grands ouverts, le visage couvert de sang et ses côtes sortaient de son corps. Manifestement, il était tombé de très haut et la chute lui avait été fatale.

Lao Yang approcha la torche du cadavre pour éclairer son visage et s’écria :

― Putain, c’est ce salaud d’Oncle Tai ! Pas étonnant que nous ne l’ayons jamais vu. Il était devant nous tout le temps !

Tout tremblant, Maître Liang se pencha, observa le corps, puis appuya sur la poitrine de l’oncle Tai. Un flot de sang s’écoula du nez et de la bouche du cadavre. Le vieil homme soupira :

― Il est tombé de très haut et tous ses organes sont écrasés. Mais comment a-t-il pu se montrer aussi imprudent ?

Je regardai les jambes du mort. Les os ressortaient et pratiquement tout son corps était tordu, probablement du fait du choc contre les branches de bronze. Maître Liang appuya sur ses membres et prit une profonde inspiration :

― Il semblerait, messieurs, que la cime de cet arbre soit encore loin. D’après la façon dont les os sont brisés, il a dû chuter d’environ cent mètres.

Je pestai intérieurement. Nous étions déjà épuisés d’avoir grimpé cinquante ou soixante mètres dans notre course folle et la cime était encore si loin ? Comment étions-nous censés y arriver ? Et Quand bien même nous y parviendrions, nous serions probablement à bout de force. Un seul faux mouvement et tout comme l’oncle Tai, nous ne serions plus qu’un sac d’os brisés.

Maître Liang et moi pensions sans doute la même chose, car nos visages exprimaient tous deux la douleur.

Lao Yang, par contre, ne fut pas le moins du monde découragé par la nouvelle. Nous voyant ainsi, il me tapa sur l’épaule en me disant que quelques centaines de mètres, ce n’était rien. Si nous devions parcourir cette distance au sol, ce serait fait en quelques secondes. Tout ce que nous avions à faire, c’était d’escalader, aussi n’y avait-il vraiment pas de quoi s’affoler. Je lui répondis d’aller se faire foutre. Si nous l’écoutions, il ne faudrait que trente minutes pour, à vélo, gravir l’Everest qui culmine à 8 848 mètres. N’avait-il pas compris qu’il s’agissait d’une bataille de gravité et non de friction ?

Lao Yang me fit signe qu’il ne voulait pas se disputer avec moi, puis il prit le sac à dos de l’oncle Tai et en vida le contenu. Alors qu’il fouillait parmi les objets à la recherche de ce qui pouvait nous être utile, je fus ravi. Dans l’équipe de Maître Liang, c’était justement l’oncle Tai et le jeune homme nommé Pockmark qui transportaient l’essentiel de l’équipement. Apparemment, la plupart des objets étaient là, y compris des balles pour le pistolet, plusieurs détonateurs, un pistolet de détresse et même de la corde. Mais ce qui me rendit le plus heureux, c’est lorsque nous découvrîmes une lampe de poche. Je me souvins alors de la grotte où nous nous trouvions quelques temps plus tôt, de ces milliers de cadavres et de ma crainte que la torche ne s’éteigne. Merde, j’aurais vraiment voulu attraper cette lampe et la couvrir de baisers. Les produits high-tech étaient vraiment les meilleurs !

Lao Yang rechargea le pistolet, rangea le tout dans le sac, le mit sur son dos et nous dit :

― Ce groupe de macaques doit encore être en bas. Nous ne pouvons pas nous attarder. Nous allons nous reposer un peu et reprendre notre ascension vers le sommet. Nous avons tous grimpé les 1 300 mètres qui nous séparaient du sommet du Mont Tai, n’est-ce pas ? (2) Ce n’est en fait qu’un aller-retour d’une journée. Juste ça, rien de spécial. Voyez-le comme une visite touristique.

Maître Liang, dont le teint s’était un peu amélioré, afficha un sourire en coin et mima une marche avec ses doigts :

― Frère Yang… pour monter le Mont Tai, il suffit de marcher alors qu’ici, il faut monter et descendre à la verticale. Comment pouvez-vous comparer les deux ? De plus, là-bas, on peut admirer la beauté des Cinq Montagnes Sacrées, dont d’étranges rochers et une mer de nuages. Qu’y a-t-il à voir ici ?

Lao Yang donna un coup de pied au tronc :

― Je faisais juste une putain d’analogie. Même si cet arbre de bronze n’est pas comparable au paysage du Mont Tai, il est tout de même spectaculaire, non ? Il faut juste vous accrocher encore un peu et ne pas vous décourager. La victoire est à portée de main. Dépêchons-nous de tout emballer et montons d’une traite jusqu’ au sommet. Le paysage en vaudra vraiment la peine.

Tout en frottant ma jambe qui commençait à enfler, je lui répondis que ce n’était pas par manque de motivation, mais qu’il n’y avait rien que je puisse faire, quand bien même je serrerais les dents à m’en mordre les lèvres. Il est vrai que je pouvais encore faire preuve d’un peu de force au besoin, mais Maître Liang était à moitié mort. Plutôt que d’agir dans la précipitation pour quelques minutes à peine d’escalade, mieux valait, au préalable, nous reposer un peu.

Maître Liang me lança un regard reconnaissant tandis que Lao Yang hochait la tête en soupirant. Tout cela était bien beau, mais il nous fallait nous débarrasser du corps de l’oncle Tai. Il se sentait trop mal face à ce mort qui le fixait.

Si je ne ressentais rien de spécial devant les traits tordus et le regard sans vie de l’oncle Tai, le fait que ses yeux sortent de leurs orbites suffisait à m’effrayer quelque peu. En cet instant, je ne me souciais guère du caractère moral ou immoral de la situation. J’étais davantage occupé à aider Lao Yang à extraire précautionneusement le corps du défunt des branches.

Lors d’une telle chute, il était inévitable qu’il ait heurté au passage un certain nombre de branches. Seul point positif :  il n’était pas tombé directement sur le sol. En le soulevant, je pus constater que Maître Liang avait vu juste : le cadavre était étrangement mou, comme si tous ses os étaient brisés. Alors que nous le déplacions, une grande quantité de sang jaillit de son corps et dégoulina le long des branches, dans les rainures de l’arbre de bronze et ce jusqu’à sa base.

Maître Liang et moi nous figeâmes de stupeur à la vue de ce phénomène. Maître Liang nous demanda de stopper, puis, allumant la lampe de poche que nous avions trouvée dans le sac à dos, il dirigea le faisceau vers les rainures et observa à nouveau les branches :

― Messieurs, je pense savoir à quoi servait cet arbre de bronze !

Notes explicatives :

(1) Le « sort de resserrement du bandeau » récité par le moine Tang Sanzang dans le roman classique “Le Voyage en Occident” provoque la contraction du bandeau porté par Sun Wukong (alias le Roi Singe), ce qui lui cause une douleur insupportable. Il est censé corriger tout mauvais comportement, comme le fait de tuer des gens.

(2) Le Mont Tai est une montagne d’importance historique et culturelle située au nord de la ville de Tai’an. C’est le point culminant de la province de Shandong, en Chine. Le plus haut sommet est le pic de l’Empereur de Jade, dont on dit généralement qu’il mesure 1 545 mètres (5 069 pieds) (Lao Yang était donc loin du compte).



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