Max tourna la tête vers l’entrée à cette nouvelle inattendue. Bien qu’elle ne puisse pas voir l’intérieur du temple central, la curiosité l’envahit et elle se déplaça sur son siège sans se sentir à l’aise. Les Chevaliers Saints d’Osyria étaient admirés par le continent occidental d’une manière différente de celle des Chevaliers Remdragon. Contrairement aux Chevaliers Remdragon, qui ont acquis la réputation d’être les chevaliers les plus forts grâce à leur mérite militaire et leurs exploits au combat, les Chevaliers Saints étaient historiques et s’étaient établis depuis longtemps comme les gardiens du continent occidental depuis l’ère Roem.
Tous étaient des paladins qui avaient juré allégeance et avaient été ordonnés par le Pape. Ils étaient d’excellents épéistes et en même temps des prêtres de haut rang, qui avaient subi un entraînement rigoureux depuis l’âge de douze ans. Il n’était pas déraisonnable que le peuple soit étourdi à l’idée de rendre un culte à des personnages aussi estimés. Les dames de Livadon étaient assises avec un rougissement éhonté sur les joues, incapables de cacher leur admiration pour ces messieurs.
“Maintenant que les chevaliers sacrés sont venus, la situation à Louiebell va sûrement s’améliorer.”
“C’est vrai ! Il y a maintenant trois chevaliers de la réincarnation de Sir Uigru en tout. Seigneur Sejour Aren, Seigneur Riftan Calypse de Whedon et maintenant Seigneur Quahel Leon d’Osyria. Maintenant, tous les monstres vont sûrement s’enfuir la queue entre les jambes. Et tous ces méchants trolls seront écrasés comme des grenouilles !”
Une des dames s’exclame avec enthousiasme et Max ne peut s’empêcher d’être décontenancé par les propos radicaux de la jeune fille. Voyant son expression, la dame assise à côté d’elle a grondé la fille pour qu’elle ait un peu de dignité.
“Idcilla, une dame ne devrait jamais parler d’une manière aussi vulgaire.”
La fille nommée Idcilla a grogné et fait la moue. “Qu’est-ce qu’il y a de mal à cela ? Les vaillants chevaliers vont trancher la gorge de ces monstres vicieux et les hacher comme de la viande morte…”
“Idcilla !”
“J’ai compris, d’accord. Par égard pour mon cousin bien élevé, je me conduirai avec la plus grande dignité et le plus grand décorum.” La fille s’est tournée vers Max et lui a fait un joli sourire. “Je m’appelle Idcilla Calima. Je crois que je vous ai souvent vue dans la chapelle. Enchantée de vous rencontrer.”
“Oh mon dieu, je m’excuse pour les présentations tardives. Je m’appelle Alyssa Samon.”
L’autre dame a rapidement ajouté sur un ton légèrement embarrassé. Après un moment d’hésitation, Max se présenta aussi doucement et directement que possible.
“C’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis… Maximilien Calypse.”
Les yeux des filles s’écarquillent. “Calypse, vous dites… La dame est la femme de Lord Calypse ?!”
Max tressaillit et fut gêné par la réaction excessive que son nom provoqua. Étaient-elles surprise qu’une femme aussi insignifiante et timide qu’elle soit sa femme ? Elles la dévisagèrent et la regardèrent de haut en bas, puis détournèrent rapidement le regard, réalisant qu’elles étaient incroyablement impolis.
“Pardonnez-nous, m’dame. J’ai entendu dire que Dame Calypse restait au monastère, mais je pensais que c’était juste une rumeur.”
“C’est bon. Ce n’est pas déraisonnable… d’être surprise.”
Il y eut un silence gênant pendant un moment entre les trois dames. Incapable de contenir sa curiosité, Alyssa a levé les yeux et a demandé avec précaution.
“Si vous me permettez de demander, puis-je savoir quelle est la raison pour laquelle la Dame est ici à Livadon ? J’ai entendu dire que le domaine du Seigneur Calypse est situé à l’extrémité sud de Whedon…”
“Pourquoi demandez-vous une telle chose ? De toute évidence, la Dame est venue car elle était inquiète pour le Seigneur Calypse !” Idcilla s’exclame, et tourne ses yeux brillants et admiratifs vers Max. “Cela a dû être merveilleux d’être venu jusqu’ici pour suivre votre mari. Je suis aussi venue ici pour prier pour le bon sort de mon second frère aîné. ”
L’expression de la jeune femme s’assombrit rapidement à la mention de sa famille. “Il est piégé dans le château de Louiebell depuis deux mois. Si les forces alliées n’expulsent pas bientôt les trolls, les habitants du château vont manquer de nourriture et mourir de faim.”
Max saisit la pièce dans sa poche en se souvenant de Ruth et des chevaliers Remdragon piégés.
“Mes connaissances… sont également piégées dans le château de Louiebell.”
“Quelle tragédie. Pourquoi Dieu a-t-il créé des monstres et leur a-t-il permis de faire ça ?”
Le visage d’Alyssa se durcit devant le blasphème des paroles de son cousin. “Tu ne devrais pas parler comme ça, Idcilla. Les monstres sont des créations des démons pour tourmenter les humains. Dieu ne nous ferait jamais de mal intentionnellement.”
“Alors pourquoi… ?”
Avant qu’Idcilla ne puisse réfuter, le Grand Prêtre est entré dans la chapelle, et tout le monde a immédiatement cessé de parler et s’est assis droit. La lourde cloche a sonné et le service du matin a commencé dans une atmosphère solennelle. Alors qu’ils baissaient la tête et se prosternaient en silence, l’esprit de Max tournait sans fin. Comme Idcilla l’avait dit, avec l’arrivée des Chevaliers Sacrés, la situation à Louiebell pourrait bientôt s’améliorer.
Cependant, il y avait aussi d’autres dangers : actuellement, l’armée de monstres était égale à la force des forces alliées. Avec l’ajout des Chevaliers Saints, l’équilibre bascule et une guerre totale s’ensuit inévitablement. Dans ce cas, Riftan et les Chevaliers Remdragon se battraient certainement en première ligne. Ils ne sont pas du genre à rester calmes et rationnels lorsque leurs camarades sont en danger. Ce sont des chevaliers compétents, certes, mais rien n’est acquis sur le champ de bataille. Dans le passé, Max se souvient avoir vu d’innombrables chevaliers de la famille Croix revenir comme des cadavres.
Soudain, la tête de Max a tourné, et son estomac s’est retourné. Son visage devenant rapidement pâle, elle pouvait à peine supporter les prières tortueuses. Dès que la messe fut terminée, elle sortit de la chapelle en courant. Il y avait de fortes chances que les Chevaliers Saints se reposent jusqu’au soir dans le même bâtiment que les Chevaliers Remdragon.
Elle savait que c’était insensé de sa part d’essayer d’approcher les Chevaliers Saints, puisqu’ils ne méritaient pas d’être dérangés de la sorte. Cependant, elle voulait quand même essayer de les rencontrer. Ils venaient d’arriver à Levan, ils n’étaient donc pas encore au courant de la situation des forces alliées à Louiebell. Max était perdue dans ses pensées en retournant dans sa chambre, puis elle a commencé à écrire une lettre à Riftan. Il n’y avait aucune garantie qu’il puisse la recevoir, mais elle ne voulait pas rater cette possible occasion de le contacter.
Elle a nourri sa plume d’encre en abondance et a écrit, dans les moindres détails, sa vie au couvent. Elle décrivit sa vie ici comme paisible et confortable, espérant que cela apaiserait ses inquiétudes. Puis, elle a écrit sa dernière phrase, lui souhaitant un bon destin et le suppliant de ne pas être imprudent. Elle souffla sur l’encre pour qu’elle sèche et relut la lettre encore et encore, bien qu’elle ne soit pas très longue. Après avoir soigneusement vérifié qu’il n’y avait pas de fautes d’orthographe, elle plia le parchemin et le glissa dans la poche de sa robe.
A l’extérieur, plusieurs dames se dirigeaient vers le temple central. Max les suivit en descendant les escaliers jusqu’à l’entrée et vit que tous les sièges de devant étaient déjà pris. Elle réussit de justesse à se faire une place à l’arrière et s’assied, le cœur battant.
Il y a tellement de gens ici pour voir les chevaliers sacrés… Est-ce que je pourrai leur remettre cette lettre ?
Max lécha ses lèvres sèches et ses épaules se crispèrent d’anxiété. Après un long moment, les chevaliers entrent dans la chapelle à l’unisson, la cape noire sur la tête. Elle sortit la tête de la foule pour mieux les voir. Les chevaliers d’Osiriya portaient des sous-manteaux noirs sur leur armure gris argenté. Ils étaient complètement différents des attentes. Max avait toujours imaginé que les chevaliers sacrés étaient vêtus d’armures blanches argentées brillantes et de splendides vêtements bordés d’or, elle retint son souffle à l’apparition inattendue des chevaliers.
Chacun d’entre eux avait un visage sans expression, comme s’ils portaient un masque, et leurs yeux gardaient leur concentration vers l’avant, aucun d’entre eux ne s’égarant ou ne plissant les yeux. Même leur démarche était égale, comme si chaque pas était mesuré avec une règle. En voyant cela, Max a senti sa colonne vertébrale se refroidir indistinctement. ( On dirait des robots… c’est nul )
Je ne pense pas que quelqu’un va accepter ma demande…
L’atmosphère qu’ils dégageaient autour d’eux rendait difficile pour quiconque de les approcher, et encore moins de leur demander une faveur. Tout au long de la cérémonie, Max a tripoté nerveusement la lettre dans sa poche. Lorsque les chevaliers s’agenouillent devant l’autel, ils enlèvent leur capuche noire et joignent leurs mains en signe de prière. La foule venue se recueillir fait de même, se tenant les mains jointes et marmonnant des prières en langue roem.
Max ne peut s’empêcher de se sentir un peu offensé par cette démonstration flagrante de favoritisme. Quand ils sont arrivés, il n’y avait pas de telles cérémonies. Mais… en y réfléchissant bien, c’était probablement parce que Riftan ne voulait pas perdre de temps et était parti tout de suite pour Louiebell.
Quoi qu’il en soit, Max a prié pour eux et a mémorisé les prières pour les Chevaliers Remdragon. Lorsque la cérémonie s’est finalement terminée, le Grand Prêtre est monté sur le podium et a donné une bénédiction avant de sonner la cloche, mettant fin au service. Les chevaliers se sont levés un par un et se sont tournés vers la sortie. Max a rétréci ses yeux pour avoir une meilleure vue, et parmi les chevaliers sombres et froids, un jeune chevalier s’est démarqué et a attiré son regard.
C’était un jeune homme à la beauté délicate et brillante, plus adapté pour être un barde chantant gracieux plutôt qu’un épéiste. Il semblait mesurer environ 6 kvet (180) cm, son physique svelte et bien équilibré était élégant et ses cheveux bronzés légèrement ondulés donnaient une impression de douceur. Max se sentait soulagée, il y avait au moins un gentleman qui ne semblait pas si intimidant. Elle frotta ses paumes moites contre sa robe et sortit de la chapelle, poursuivant les chevaliers.
Dehors, il y avait d’autres soldats, des rangées de chevaux et sept chariots remplis de nourriture, d’eau et d’armes. Max se tenait en haut des escaliers et regardait la mer de gens et de chevaliers. Tout le monde est occupé à se préparer à partir, personne ne semble être d’humeur à parler. Ne sachant que faire, Max fait les cent pas jusqu’à ce qu’elle aperçoive un visage familier au milieu de la foule.
“Archiduc, v-votre grâce… !”
À son appel, l’archiduc Aren se retourne lentement et voit Max courir vers lui avec enthousiasme, ne s’arrêtant que lorsqu’il y a trois ou quatre pas entre eux. Devant l’archiduc se tenait le jeune chevalier que Max avait remarqué il y a quelques instants. Le chevalier l’a regardée lentement de ses yeux verts glacés et elle s’est figée comme une souris devant un serpent. L’homme au visage lisse qu’elle avait vu de loin, semblait maintenant plus froid et distant que n’importe quel autre chevalier de près. Ses yeux brillaient comme des poignards. Paralysé par cette atmosphère menaçante, l’archiduc s’est approché d’elle avec une expression perplexe.
“Cela fait un moment ma Dame. Comment est la vie ici au monastère ? Y a-t-il quelque chose que vous trouvez gênant ?”
Max eut du mal à détacher son regard du chevalier et ouvrit les lèvres. “Merci pour votre gé-générosité… Tout est confortable.”
“J’aurais dû vérifier plus tôt… Je m’excuse de ne pas avoir pu vous rendre visite plus tôt. ” L’archiduc se racla la gorge une fois avec une expression embarrassée, puis se tourna pour présenter le jeune chevalier qui se tenait à côté de lui. “C’est Sir Kuahel Leon d’Osiriya. La dame a dû entendre parler de lui au moins une fois. Il est le commandant des chevaliers sacrés d’Osyria. Sir Leon, voici Lady Maximillian Calypse, la femme du seigneur Calypse.”
Les yeux de l’homme pétillent d’intérêt. Il l’a regardée avec curiosité dans ses yeux verts, puis a posé une main sur sa poitrine et s’est incliné poliment. “C’est un plaisir de vous rencontrer, m’dame.”
“C’est un plaisir de vous rencontrer… Je suis honorée.”