Le silence. La nuit noire. Elle attend patiemment dans sa chambre, son coussin entre les bras. Un dessin de ‘Liv’, un personnage fictionnel d’une œuvre populaire, peut y être vu d’un côté, ainsi que de l’autre, mais différent. La fille est silencieuse, se remémorant ce qu’elle vient de vivre, ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a dit. Sa chambre n’est pas illuminée et sa fenêtre est légèrement ouverte. L’écran de son ordinateur est éteint, mais la tour tourne encore. Les lumières de l’intérieur sont la seule source de lumière de la chambre, étant donné que la fenêtre est trop sale pour laisser les rayons de la lune éclairer la pièce. De plus, les deux autres petites fenêtres sont cachées derrière les tentures. La fille s’est vêtue de son autre pull de renard, celui à la couleur bleue et où on peut y lire ‘I DON’T GIVE A’ avec le dessin d’un renard à fin, un jeu de mot qui ne fonctionne qu’en anglais.
Il est 22h11. Deshya ne dit rien et sa queue de renard est agrippée par Korone, cette dernière déjà endormie. La raison pour laquelle Deshya ne dort pas n’est pas simplement à cause du manque de sommeil, mais parce qu’elle attend que quelqu’un vienne toquer à sa chambre pour qu’ils discutent ensemble. C’est son père qui l’a forcé à rencontrer cette femme qu’elle ne connaît pas, à cause du comportement qu’elle a eu avec ‘Mishra Joyti’, la femme qui a enlevé Byron Elrick. Cela s’est passé il y a environ deux heures, mais elle voit la scène devant ses yeux comme si cela faisait quelques secondes. Lorsque Deshya a remarqué que la femme avait poussé les policiers et avait fui à l’étage, Deshya est sortie dans le jardin et a sauté au-dessus de la clotûre d’une façon acrobatique au cas où Mishra aurait tenté de s’enfuir de l’autre côté. En remarquant que ce n’était pas son plan et qu’elle est simplement restée dans le jardin, menaçant de tuer le bébé si quelqu’un s’approchait, Deshya a décidé de revenir sur ses pas et attendait le bon moment pour sauver Byron Elrick des mains de la femme. Entendre ses excuses à la noix pour enlever le bébé l’a enragé de plus en plus, mais elle avait dû attendre le bon moment. Lorsqu’elle a pû sauter dans l’action et secourir Byron, elle n’a pas pû retenir sa rage et a finalement sauté sur Mishra en la frappant. Elle sait très bien que ça avait été irresponsable et idiot de sa part, mais son cœur ne pouvait pas le supporter. Deshya souhaitait réellement que cette femme…
– Ah…
Deshya soupire en tenant fermement le coussin de ‘Liv’ dans ses bras, la grosse peluche renard qu’elle a gagnée au début de cette année scolaire derrière son dos. Korone a essayé de rassurer le mieux qu’elle pouvait Deshya, mais malheureusement, cela n’a pas suffit. Elle continue à ressentir cette colère en elle, ainsi qu’une envie de hurler de rage. En contraste, elle se sent mal pour ce qu’elle a fait et n’aime pas ressentir une émotion si intense et brûlante… L’une qui crépite en elle, mais qui lui fait mal. Jamais n’a-t-elle ressenti cela auparavant… Jamais n’avait-elle souhaité la mort de quelqu’un. Elle se trouve… pitoyable. Elle se trouve honteuse.
Deshya refuse de croire qu’elle peut penser à tuer quelqu’un et pourtant, c’est ce qu’elle avait souhaité lorsqu’elle a sauté sur la femme.
C’est pour ça que son père, Gatito, lui a demandé d’attendre dans sa chambre et qu’elle discuterait un peu avec une psychologue qui travaille aussi pour la police, bien que Deshya ne la connaisse pas vraiment. La session d‘aujourd’hui va être assez courte, de ce qu’elle sait. Elle a école le lendemain et ne veut pas s’endormir trop tard, surtout que la nuit est déjà tombée. Une des deux oreilles de renard de Deshya palpite et elle lève la tête : elle entend quelqu’un monter les marches de l’escalier qui mène du premier au deuxième étage, là où se trouve sa chambre. Deshya lâche son coussin et pousse gentiment Korone vers le côté avant de se diriger vers la porte de sa chambre. Elle baisse la poignée et l’ouvre avant que la femme n’y toque et toutes les deux se font face.
– Ah.
– Bonsoir,” lui chuchote Deshya.
Elle montre la fille qui dort dans le lit, derrière elle, et lui explique qu’elle ne veut pas la réveiller.
– Allons dans le salon en bas, si ça vous va,” lui propose Deshya.
– Aucun problème avec moi.
Elle accepte d’un doux ton et descend à nouveau les marches de l’escalier bruyant en essayant de rendre ses pas les plus silencieux possible. Deshya ferme la porte de sa chambre derrière elle et suit la psychologue de près. Ils descendent toutes deux au rez-de-chaussée et Deshya ouvre la porte qui se trouve à la gauche de l’escalier, dans le hall d’entrée de la maison. Elle allume la lumière et la femme regarde la pièce avec attention.
– C’est plutôt un bureau qui sert aussi de salon, n’est-ce pas ?” demande-t-elle.
Deshya déplace une chaise depuis le fond de la pièce et la place devant la table, juste en face d’une autre. Elle acquiesce à la question de la psychologue et lui propose de s’asseoir. Elle ferme la porte derrière et accepte avec plaisir. La femme dépose les papiers qu’elle a pris avec elle sur la table et s’assied en même temps que la fille.
– Ton père est une bonne connaissance, je ne pouvais donc pas refuser de venir te voir,” lui dit la psychologue.
– C’est gentil.
Elle sort une feuille et tourne le bic entre ses doigts avant de le tapoter contre la feuille sur le bureau.
– Avant tout, je devrais me présenter ! Tu ne me connais pas, n’est-ce pas ?
Deshya s’excuse en secouant la tête. La femme pouffe en lui rassurant que ce n’est pas un problème. Elle lui offre un sourire doux et amical. De ses yeux calmes, elle admire la fille en face d’elle.
– Je m’appelle ‘Bibi Derumi’. Je suis une psychologue qui travaille pour la police de Tetazo, mais j’ai évidemment mon travail sur le côté. Je suis une bonne amie de ton père,” se présente-t-elle.
– Enchantée.
– Je viens te voir aujourd’hui uniquement quelques minutes pour discuter un peu, je ne compte pas voler trop de ton sommeil.
– Aucun souci.
Bibi retire le capuchon de son bic et ensuite le dépose sur le côté avant de tirer la feuille blanche vers elle.
– Bien, Deshya. Tout d’abord, comment te sens-tu ?” commence Bibi.
– Je vais bien, mais un peu fatiguée…
– Aussi bien physiquement que mentalement ?
Deshya bloque ses deux mains entre ses cuisses et acquiesce.
– Ton père m’a raconté la situation au téléphone, mais est-ce qu’il serait possible d’avoir ta version des faits ? Même si tu ne rentres pas dans les détails,” lui demande Bibi.
Deshya lui raconte ce qu’il s’est passé en commençant par la demande de Michaël, le fait qu’elle ait accepté, sa recherche d’indice et sa visite des maisons des victimes, ainsi que du moment où elle a sauvé Byron Elrick et a commencé à s’enrager sur Mishra. Bibi l’écoute attentivement sans rien n’écrire sur son papier, ses yeux rivés sur le visage de la fille en face d’elle. Lorsqu’elle eut terminé de parler, Bibi inscrit quelques mots sur le papier et dépose le bic.
– Je vois. J’ai entendu dire que tu as résolu un meurtre qui concernait la famille d’une tes amies, que tu as aidé à attraper un meurtrier qui a placé des bombes dans un train, ainsi que découvrir l’identité d’un criminel qui a tué les parents de la fille que vous gardez, Korone ?
– Elle sait même ça…” pense Deshya.
La fille ne veut pas lui mentir, alors elle affirme que tout ce qu’elle vient d’énoncer est vrai. La femme en face d’elle frotte ses longs cheveux blancs en souriant.
– Est-ce que ce n’est pas compliqué ?
– Comment ça ?” demande Deshya.
– Voir des meurtres de partout. Devoir observer des cadavres, des gens tués. Voyager dans un train qui peut exploser à tout moment si tu te trompes. J’ai même entendu qu’un sniper aurait tiré dans le train et aurait tué le coupable et aurait failli te toucher. Est-ce que ce n’est pas compliqué, de vivre avec ça ?
– … Je…
Bibi attend patiemment une réponse de la part de la fille, ne souhaitant pas la presser. Deshya se remémore tout ce qu’elle a vécu durant ces derniers jours. Cela ne fait même pas une semaine qu’elle a repris les cours et elle a dû vivre tout ça. Excepté ce Dimanche, elle n’a pas réellement eu le temps de se reposer. Elle doit aussi s’inquiéter à propos de ses attributs de renard. Elle a été psychologiquement troublée durant la partie de poker contre Tessa aussi, parce qu’elle a cru qu’elle allait perdre et qu’elle aurait dû avouer sur ses attributs de renard. Bien qu’elle ne se sent pas si mal à l’aise à côté de corps, elle ne peut pas le nier :
– C’est… dur. Oui.
Bibi l’observe avec un regard reposant. Elle croise les bras avec douceur.
– Tu sais, même les policiers ont besoin de repos, parfois. Eux aussi ont besoin de psychologues ou de gens qui vérifient si tout va bien,” lui explique Bibi.
– Je n’en doute pas… Mais…
– Mais quoi donc ? N’oublie pas, Deshya, tu es toujours une enfant. Une adolescente de 16 ans qui va à l’école. Je ne doute pas deux secondes que tu n’es pas faible psychologique et que tu es très intelligente, mais nous parlons de réels meurtres, là.
– Je sais…
– Si tu veux devenir détective privée ou que tu aimes résoudre des meurtres, je ne vais pas t’en empêcher. Néanmoins, tu dois comprendre que c’est la réalité. Voir des cadavres, supporter la présence de meurtriers à ses côtés et les écouter parler n’est pas si simple qu’on ne le pense. Ce n’est pas facile pour quiconque.
Cette fois-ci, Deshya ne répond rien. Elle a conscience de tout ce que la femme lui dit, mais l’entendre de quelqu’un d’autre lui fait bizarrement du bien. Peut-être est-ce dû à sa voix douce et rassurante ? Bibi continue à se frotter quelques mèches de ses cheveux blancs et admire la fille en face d’elle avec ses yeux rouges, des lentilles spéciales sur ses iris.
– Ton père s’inquiète pour toi, mais il est certain que Sammy s’inquiète aussi.
– C’est vrai que j’ai créé une scène, là-bas, ahah…” ne nie pas Deshya.
Deshya n’imagine même pas ce qu’il a dû penser en la voyant s’enrager de la sorte. Elle qui rigole souvent, blague et le taquine… Elle a montré un côté d’elle qu’elle ne connaissait pas vraiment.
– Je peux te poser une question un peu… indiscrète ?” lui demande Bibi.
– Oui… ?
– Est-ce que tu as pensé ou même voulu à tuer cette femme ?
– Eh… !
Deshya recule dans sa chaise, surprise que Bibi ait découvert cela aussi rapidement. Néanmoins, elle se souvient de ce qu’elle a crié à Mishra :
– Crève… crève… C’est ce que je lui disais…” pense tout haut la fille au pull de renard.
– Ton père me l’a dit. Je veux vérifier quelque chose avec toi, aujourd’hui.
– Oui… ?
– Ne me mens pas, d’accord ?
– Promis.
– Est-ce que tu aurais pû la tuer ? Est-ce que tu aurais osé la tuer, si les policiers n’étaient pas aux alentours ?
Une question qui attrape Deshya par les tripes. Elle se fige sur sa chaise, incapable de répondre à la question de Bibi. Elle y réfléchit, mais c‘est un véritable désordre dans son esprit. Quelle est la réponse qui est la vraie ? Est-ce que Deshya aurait osé tuer cette femme… ? Elle avait réellement souhaité qu’elle meure, sur le coup, mais maintenant qu’elle est reposée et calmée, c’est une pensée qui la dégoûte. Elle ne peut pas croire qu’elle a osé ressentir une émotion pareille. L’une qui l’a brûlé de l’intérieur. Deshya ouvre la bouche, mais elle est toujours incertaine de sa réponse. Bibi lui rassure qu’elle n’a pas à se presser pour lui répondre.
– Je ne pense pas…” avoue finalement Deshya.
– Tu ne l’aurais donc pas tué ?
– Je ne suis… pas une meurtrière, j’ai juste… Mes émotions ont explosé et…
– Je veux qu’on soit clairs entre nous, Deshya.
La fille lève le regard vers la femme aux longs et magnifiques cheveux blancs.
– Je ne pense pas que tu sois une meurtrière. Ni une folle. Nous avons tous un côté plus sombre en nous, ce n’est que la vérité de l’être humain et au fond, de toutes choses.
Bibi dépose à nouveau son bic et sourit.
– Tel un fusil qui peut servir à protéger ou à tuer, nos émotions peuvent blesser ou guérir. Cela dépend comment tu les utilises, comment tu les contrôles et si tu les acceptes,” continue-t-elle.
– Si je les accepte…” répète Deshya.
– Exactement.
Bibi sourit et agite le doigt.
– ‘But feelings can’t be ignored, no matter how unjust or ungrateful they seem’.
La femme parle d’un anglais au bon accent, voire excellent, et augmente l’intensité de son sourire. Deshya comprend la phrase et confirme à Bibi qu’elle connaît sa signification.
– Si tu pensais réellement pouvoir la tuer, cela ne fait pas de toi une meurtrière. Tu n’as encore tué personne, il faut juste trouver un moyen de les contrôler un peu plus et aussi les accepter. Tu ne peux pas ignorer ce que tu ressens. Personne n’est parfait, après tout.
C’est une vérité que Deshya ne niera jamais. Elle n’a jamais pensé qu’elle était au-dessus des autres, encore moins parfaite. Certes, elle peut prendre un peu la grosse tête et se trouver plus intelligente que certains, mais elle ne s’en vante pas tant que ça. Elle se connaît bien, mais lorsqu’elle pense à nouveau à ce qu’elle a pensé et hurlé à Mishra, Deshya se demande si au fond, elle ne sait pas grand-chose sur elle-même. Elle admire Bibi avant de lui poser une question qu’elle a dans la tête.
– Est-ce que je dois avoir peur de moi-même… ?
La question soudaine semble surprendre la psychologue, mais son air surpris disparaît rapidement, laissant place à une expression bien plus douce.
– C’est une question que seule toi peut répondre, mais si je peux te donner mon avis, je ne pense pas que tu devrais. Je ne te connais que de ton père, mais il me parle que du bien de toi. Tu n’es pas violente, tu es amusante et tu rayonnes de la joie de vivre, mais tu ne sais pas bien contrôler tes propres émotions. De plus, tu gardes peut-être un peu trop en toi, alors ça peut déborder, mais vu que tu n’as jamais connu de situation aussi stressante, c’est normal que ça soit compliqué et nouveau pour toi,” lui explique calmement Bibi.
– Comment ça ?
– Que tu le comprennes ou non, voir autant de morts, et cela en réel, en si peu de temps, ça joue sur ton esprit. Tu te connais bien mieux que moi, mais aussi forte es-tu psychologiquement, ton niveau de stress a dû être très élevé. Tu ne pouvais pas plus retenir en toi, alors tu as explosé. Tu as tout relâché en hurlant, en t’agitant et redirigeant tout ce que tu ressentais vers cette femme. J’ai appris la situation de la part de ton père, ainsi que la raison que cette femme ait enlevé l’enfant. Ce n’était pas une femme innocente, alors je peux comprendre que tu aies ressenti beaucoup de rage envers elle, surtout qu’elle a voulu tuer le bébé, à la fin.
– C’est surtout ça qui m’a fait sortir de mes plombs…” avoue Deshya.
– Je peux comprendre. Je ne peux pas rester trop longtemps, mais je peux te donner l’un ou l’autre conseil.
Bibi range son bic dans la poche de sa veste et dépose les deux mains liées sur la table en face d’elle.
– Même des gens comme ton père, certains de tes amis ou même moi ont ressenti des émotions très intenses. Certains y sont plus sensibles que d’autres, mais je ne connais aucun être humain qui n’a jamais voulu faire de mal à un autre. Tu peux trouver la personne la plus gentille du monde, je suis convaincue qu’il y a au moins une fois, même plusieurs fois, où elle a voulu blesser quelqu’un. Qu’elle était jalouse, qu’elle ressentait de la colère envers quelqu’un. Même si cela prend du temps, on finit tous par ressentir de la haine envers quelqu’un, quelque chose, ou même un certain groupe.
Bibi plie la feuille sur laquelle elle a écrit quelques mots tout en continuant ses phrases.
– Nous avons tous nos raisons. Certains ressentent de la haine envers des personnes qui sont gentilles en général, mais qui ne sont pas compatibles avec eux. Certains souhaitent la mort de gens qu’ils ne connaissent pas vraiment simplement parce qu’ils appartiennent à un certain groupe. Certains espèrent que leur ami, voire même leur partenaire, va souffrir. Même les gens qui s’aiment peuvent penser à des choses horribles. Cependant, est-ce que cela signifie qu’ils le pensent vraiment ? Est-ce qu’ils iront jusqu’à faire du mal à l’autre, voire les tuer ?
Bibi passe la feuille pliée à Deshya en fermant les yeux, son sourire toujours aussi calme sur le visage.
– Je pense que l’humain est empli de mauvaises ondes, de sentiments négatifs, d’émotions interdites, mais nous devons nous accepter de la sorte. Tu as peut-être souhaité que la femme en face de toi souffre, t’as même voulu la frapper, peut-être même la tuer, mais l’aurais-tu fait ? Seule toi peut connaître la réponse. Si tu penses que tu es capable de tuer un autre être humain sans ressentir de peine, alors parles-en : cela peut se guérir ou tu peux être suivie. Si tu penses pouvoir tuer, mais cela te rendrait malade, alors sache que ça ne fait pas de toi quelqu’un d’étrange ou de différent.
Bibi se lève doucement de sa chaise et dépose sa main sur la capuche de Deshya.
– Tu es une humaine normale comme nous tous.
Les mots de la psychologue agissent comme une flèche qui transperce le cœur de Deshya, mais sans pour autant lui faire mal : non, c’est l’inverse. Deshya ravale un sanglot et tremblote, ce à quoi répond Bibi par :
– Si nous pensons que les humains peuvent tous tuer sous la colère ou sous les émotions, alors je pense que c’est la fin du monde en quelques heures. Je veux bien te suivre une fois par semaine, ou une fois toutes les deux semaines, mais je n’ai pas ressenti de malice de ta part.
Deshya n’ose rien répondre, de peur de se mettre à pleurer : elle n’aime pas qu’on la voie lâcher des larmes. Elle déteste ça, même. Bibi remarque le silence de la fille et décide de ne pas insister. Elle reprend ses affaires, excepté la feuille peu importante qu’elle laisse à Deshya, et se lève complètement.
– Fais simplement attention à ne pas laisser tes émotions t’envahir et n’hésite pas à tout lâcher, que ce soit en méditant ou en discutant de ce que tu ressens avec une amie, même anonymement sur internet.
– D’a-D’accord…
Deshya se lève à son tour et s’incline poliment et par remerciement. Bibi lui sourit simplement et lui explique qu’elle parlera avec son père pour qu’elles se revoient, mais demande d’abord l’avis de Deshya.
– Est-ce que tu penses que tu as besoin de quelques sessions avec moi ou veux-tu croire aveuglément en toi ?
Sans aucune hésitation, Deshya lui répond qu’elle accepte avec joie de pouvoir discuter avec Bibi à propos de ses émotions et se faire suivre. Bibi est heureuse de l’apprendre et promet donc qu’elles se reverront rapidement. Deshya la remercie à nouveau et lui ouvre la porte.
– Bonne nuit, Deshya,” lui lance gentiment Bibi.
– À vous aussi, Bibi !” lui répond Deshya, un grand sourire sur le visage.
Elle ferme ensuite la porte derrière la psychologue, après avoir agité la main plusieurs fois dans les airs, et se retourne. Là, elle voit son père dans la cage d’escaliers, les mains dans les poches.
– Vous allez donc vous revoir…” lui dit-il.
– Elle m’a l’air très sympathique, très amicale et semble bien utiliser ses mots. Je l’aime bien.
Gatito descend les quelques marches et dépose les deux pieds sur la pierre du hall d’entrée.
– Bibi est une très bonne personne, encore jeune, qui comprend très bien l’humain. Honnêtement, elle m’impressionne, parfois,” avoue-t-il.
– Même si c’était court, ça m’a fait du bien d’en parler…
Deshya soupire de soulagement et retire son pull renard avant de le laisser pendre sur le porte-manteau. Contrairement à la majorité du temps, Deshya est vêtue d’un t-shirt de pyjama, ainsi que d’un short confortable qui lui arrive au milieu des cuisses. Gatito retire les mains de ses poches et croise les bras, un pied contre le mur derrière lui.
– Je n’ai pas écouté votre conversation, mais j’aimerai quand même te dire quelque chose en tant que père et policier.
– Quoi donc ?” lui demande sa fille, se frottant les cheveux roux.
– En tant que policier, je veux juste te prévenir que les meurtres dans la vraie vie n’ont pas le même effet que dans la fiction. Voir un vrai cadavre en face de soi, qui de plus est quelqu’un de tué, n’est pas un jeu. Les enquêtes policières ne sont pas là pour amuser les gens à chercher qui est le meurtrier. Ce n’est pas une partie de Cluedo.
– Je sais…
– Tu le sais peut-être, mais j’espère que je n’ai pas à te rappeler ton comportement durant les enquêtes ?
Gatito offre un regard plutôt froid à sa fille, mais cette dernière a conscience que les mots de son père sont emplis de vérité et de bonnes intentions. Deshya répond qu’elle n’a pas besoin de recevoir un rappel de sa part : elle s’en souvient parfaitement. La façon dont elle était presque amusée lorsqu’elle a révélé que Koinu était la meurtrière, son nouvel amour à offrir ses déductions aux autres en face d’elle, ainsi que son sang-chaud qui l’a mené à sauter sur un coupable, ainsi que de le frapper et lui souhaiter la mort. Deshya s’en veut pour son comportement, mais elle se connaît : c’est sa façon d’être. Le mystère l’intrigue, même si cela touche la vraie vie. D’une énigme à un meurtre. D’un code à un crime. Gatito s’approche de sa fille et l’observe de haut, ce qui inquiète la semie-renarde, surtout qu’il lève une main…
Mais il caresse simplement la partie de son crâne qui se trouve entre ses deux oreilles.
– En tant que père, je veux juste te dire que je suis fier de toi et que tu ferais un superbe détective.
Deshya ouvre grand les yeux et admire son père.
– Tu as encore beaucoup de travail à faire, surtout sur ta façon de procéder, tes émotions ainsi que ton propre mental, mais tu m’impressionnes. Par contre, par pitié, fais attention à toi.
– Papa…
– Je suis sérieux : prends soin de toi. Aussi bien physiquement que psychologiquement.
Il arrête de caresser le crâne de sa fille et s’étire avant de se gratter l’oreille droite. Deshya lui montre un magnifique et grand sourire avant de l’enlacer.
– Promis. Pardon encore pour ce soir.
– Ne crie plus à quelqu’un d’aller crever, ça m’a fait du mal à entendre de ta part.
– Hihi, pardon.
– Bah, elle le méritait un peu…
Gatito lâche un sourire en coin et sa fille se met à rire. Alors qu’elle pensait que cette nuit allait mal se passer pour elle, c’est dans la bonne humeur qu’elle retourne dans sa chambre et s’endort rapidement, Korone ayant attrapé la grosse peluche renard dans son propre sommeil. C’est en se souvenant des mots de Bibi Derumi et de son père que Deshya plonge dans le monde des songes sans cauchemarder de l’enquête qu’elle a résolu aujourd’hui.
CHAPITRE 31
⎾Bibi Derumi ; Raiji Harmony⏌
(Case 6)
– Comment tu vas Deshya ?
– Salut, Deshya !
– Bonjour, notre petite renarde !
Comme presque chaque matin de cours, Deshya est accueillie à l’école de nombreuses salutations. Elle répond à tout le monde avec le sourire, Amora juste à ses côtés. Certains élèves souhaitent une bonne journée à la fille aux longs cheveux roses aussi, ce qui lui donne encore plus d’énergie pour la suite. Cependant, elle n’a vu presque personne sur la route pour venir à l’école, étant donné qu’aujourd’hui, comme tous les futurs mardi, elle commence 2 heures plus tard que l’heure normale. Bref, les élèves qui lui disent bonjour sont dans la cour de récréation, après qu’elle soit arrivée aux côtés de sa meilleure amie, Amora Takt. Deshya est arrivée au moment du début de la récréation pour avoir le temps de discuter avec certains amis avant que les cours commencent. Une fille s’approche d’elle et d’Amora en courant et en les saluant d’une main haute. Deshya se tourne vers la fille aux longs cheveux blancs et lui rend son sourire. Cependant, c’est Amora qui prononce son prénom en premier.
– Laaaam !! Comment tu vaaas ?
Les deux amies se prennent les mains et Deshya s’approche d’elles à son tour.
– Yo, Lam. Tu vas bien ?” lui demande-t-elle.
– Oui, tout va bien ! Et vous deux ?” répond Lam.
– Je vais super bien !
– Un peu fatiguée mentalement, mais tout va bien.
– Fatiguée mentalement ? Il se passe quoi ?
Lam s’intéresse au cas de son ami au pull de renard et Deshya lui explique ce qu’il s’est passé hier, sans pour autant lui avouer la fin de l’histoire avec ses cris de rage. Même Amora ne sait pas la vérité : cela ne reste qu’entre son père, Sammy et Bibi.
– Aussi Korone… C’est vrai qu’elle le sait,” pense Deshya.
Elle n’a pas pû lui cacher la vérité, vu qu’elle s’était mise à pleurer dans son lit, là où Korone l’avait entendu. La petite fille avait discuté avec elle quelques instants avant de s’endormir, ce qui avait réussi à calmer Deshya. Elle a oublié de la remercier pour cela : elle n’oubliera pas de le faire aujourd’hui.
– C’est quand même super que vous avez réussi à arrêter la femme ! Enlever un petit de 8 mois, ça va pas la tête…” lâche Lam.
La fille soupire en secouant la tête, incapable de comprendre l’esprit d’une telle personne. Amora approuve avec son amie aux cheveux décolorés et croise les bras.
– Je suis contente que Michaël a pû retrouver son frère, mais quand même ! Cette femme, grr…
– On ne pensait pas qu’elle oserait nous enlever Byron, mais on a changé où se trouvait la clef et on ne le dira plus à personne.
Un garçon arrive derrière Deshya et ses amies, ce qui surprend la fille à la longue queue de renard. L’arrivant secoue gentiment la main et salue le groupe d’amies.
– Désolé de vous surprendre, je t’ai juste vu arriver et je voulais te dire bonjour, Deshya,” lui dit Michaël.
Contrairement à hier, son expression est plus vivante et heureuse. Il n’est plus aussi pâle et les larmes qu’il n’a pas réussi à retenir hier n’ont plus aucune marque sur ses joues. Deshya lui sourit et lui demande comment il va. Il lui répond avec honnêteté et explique qu’ils vont faire plus attention avec la sécurité de leur maison, ce qui rassure Deshya. Lam salue Michaël lorsqu’il eut terminé ses phrases.
– Vous vous connaissez ?” demande Deshya.
– Pas énormément, mais oui !” lui répond Michaël.
– Comme quoi…
Michaël leur dit qu’il doit discuter avec des amis, mais avant de partir, il enlace Deshya en la remerciant à nouveau avant de courir, ses joues toutes rouges. Amora se place à côté de sa meilleure amie et montre un sourire rayonnant, encore plus que le soleil au-dessus de leurs têtes.
– Tu vas devenir une légende vivante, si ça continue !!” dit-elle.
– Je pense que tu exagères…” avoue Deshya. En plus, la police n’avait pas besoin de mon aide.
Sammy avait aussi compris que ‘Mishra Joyti’ était celle qui avait enlevé Byron Elrick, au même moment que Deshya. Certes, ils n’avaient pas compris de la même façon, mais cela n’avait pas grande importance : ils auraient pû résoudre cette affaire sans elle. Elle est heureuse que Michaël vienne la remercier, mais elle trouve qu’elle n’a pas été d’une aide aussi importante que lors du meurtre des parents adoptifs de Korone ou du père de Kyria Blushark.
– J’ai quand même sauvé Byron de la mort, mais est-ce que mon père l’aurait réellement laissé faire… ?
Deshya avait été enragé, donc elle n’avait pas fait attention à ses alentours, mais elle se souvient bien d’avoir vu son père pointer le pistolet vers la femme. Il aurait très probablement tiré dans son bras ou sa jambe pour l’empêcher de faire et l’un des autres policiers aurait sauté pour sauver Byron dans tous les cas. Deshya soupire, ne voulant plus y penser et là, un autre garçon s’approche du groupe. Cette fois-ci encore, ce fut une personne que Deshya ne connaissait pas bien, mais contrairement à Michaël qu’elle n’avait jamais rencontré, celui-ci était un garçon qu’elle reconnaît et a déjà parlé cette année : c’était le deuxième jour d’école, celui où elle est allée avouer la vérité à la famille Blushark du meurtre commis. De plus, c’est un ami d’Amora. Un casque sans fil autour du cou et des cheveux noirs en pagaille, ce garçon s’appelle—
– Raiji !!
Amora saute sur le garçon qui la prend dans ses bras en pouffant. Ils se mettent à discuter tous les deux tandis que Lam se place aux côtés de Deshya.
– Ils s’entendent toujours aussi bien,” remarque-t-elle avec amusement.
– Je ne le connais pas bien, personnellement…” avoue tristement Deshya.
– Oh, je pensais que tu connaîtrais bien Raiji, vu sa personnalité !
– Sa personnalité ?” demande Deshya, intéressée.
Lam sourit et tapote son amie de son coude.
– Bah, apprends à le connaître, tu verras de quoi je parle !
– Ah…
Deshya est déçue de ne pas pouvoir le savoir directement, mais elle comprend Lam : c’est plus amusant d’apprendre à connaître quelqu’un que tout savoir d’un coup. Amora arrête d’enlacer Raiji et ce dernier s’assure que son casque est bien mis autour de son cou avant de faire face à Deshya.
– Deshya, je voulais justement te demander quelque chose !
– Quoi donc ?
– Est-ce que ça te dirait qu’on apprenne à se connaître un peu plus, tous les deux ?” propose-t-il. J’aime bien aller au parc tout près d’ici, les mercredi, je me demandais si tu voulais venir.
Une proposition sans hésitation, sans même rougir de gêne ou tourner autour du pot par peur de sa réponse. En voyant sa confiance, Deshya accepte directement, sans même y penser, ce qui fait grandement plaisir à Raiji.
– Mais à quel parc ?” demande-t-elle.
– Au parc Linda, si ça te va !” lui répond Raiji.
– Parfait pour moi.
– Demain, vers 13h10 ?
– Bien sûr.
– Super, merci !
Raiji secoue la main dans les airs et la remercie avant de courir vers Abdoul Ferino. Les deux se mettent à discuter ensemble, laissant les trois amies derrière. Amora attrape le bras de Deshya avec joie.
– J’espère que vous allez bien vous entendre !!” souhaite Amora.
– S’il s’entend bien, ça devrait aller,” lui répond honnêtement Deshya.
– Il est cool, je ne m’inquiète pas !
Deshya n’a aucun doute des mots de son amie et regarde Raiji s’éloigner plus loin. Pouvoir discuter et rencontrer une nouvelle personne lui ferait énormément du bien et lui permettrait de se reposer, ne pas penser à tout ce qu’elle est en train de vivre et même réduire le stress qui s’accumule en elle. Deshya accepte donc joyeusement l’offre de Raiji et espère réellement qu’elle s’entendra bien avec lui. Amora sourit.
– En plus, de ce que je sais, il est aussi fan de ‘Waffie’ !” lui dit-elle.
Deshya tourne son visage vers elle avec rapidité et étonnement.
– Vraiment ?!
– Hm ! Il faudra lui demander par contre, mais je pense bien, hm hm !
‘Waffie’ est le pseudonyme de la Vtubeuse que Deshya suit activement et adore. Cette semaine-ci, elle a annoncé sur son Twatter qu’elle n’allait pas être très présente, ce qui a attristé Deshya qui aurait voulu se vider la tête en regardant ses streams. Cependant, cela n’est pas une possibilité, vu qu’elle a annoncé qu’elle ne serait libre qu’à partir de jeudi. Deshya attend donc avec impatience son retour. La sonnerie de la fin de la récréation retentit quelques instants plus tard, avant même que Deshya puisse discuter avec Maruno ou Tessa. Elle va en cours en espérant parler avec eux deux durant le temps de midi.
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Deshya rentre chez elle vers 17h00 après avoir discuté quelques minutes avec Amora et Lam sur le chemin. Sa journée a été reposante et elle a pû apprendre plusieurs sujets intéressants. Elle est accueillie par la petite Korone qui lui ouvre la porte avec le grand sourire. Deshya la lève dans les airs et la salue en lui rendant son beau sourire.
– Comment tu vas ?!” lui demande Korone.
– Je vais très bien et toi ?
– J’irai mieux si tu me fais un câlin !!
Deshya ferme la porte derrière avec son pied tout en rigolant, prenant la petite fille dans ses bras, une main sur le derrière de son crâne. Korone enlace la fille avec joie et Pera, la mère de Deshya, vient à leur rencontre.
– As-tu passé une bonne journée à l’école, chérie ?” lui demande la femme aux longs cheveux roux.
Comme la plupart du temps, elle est vêtue d’un pyjama confortable, bien qu’un peu trop grand pour elle. Sa fille dépose Korone par terre et répond à sa mère en acquiesçant.
– Et toi, ça va ?” lui demande Deshya.
– Pas au top, donc ça te va si j’achète des pizzas, pour ce soir… ?
– … D’accord.
Deshya regarde sa mère avec une expression chagrinée, mais Pera lui sourit en la rassurant que ce n’est pas grave et qu’elle ira mieux avec du sommeil, étant donné qu’elle a mal dormi hier soir. Deshya décide de la croire et se débarrasse de ses chaussures, Korone se mouvant dans tous les sens à côté d’elle.
– Diiis, pourquoi ta maman ne va pas très bien ? Tu sembles inquiète pour elle…
Deshya se relève et se dévêtit de son pull renard avant de tourner son attention vers la petite fille. Elle ne lui répond pas directement et va accrocher son pull sur le porte-manteau. Ne voulant pas laisser la petite sans réponse, elle s’abaisse devant elle et lui dit simplement que parfois sa mère ne se sent pas au top de sa forme, mais qu’il ne faut pas s’inquiéter plus que cela. Korone finit par acquiescer et observe Deshya se diriger vers la cuisine.
– Pas m’inquiéter…
Pourtant, Korone sait quelque chose que Deshya n’a pas vu. Le comportement de sa mère… ou plutôt, ses pleurs. Korone plisse les yeux, mais lorsque Deshya l’appelle, elle sourit et la suit en sautillant de joie : elle ne veut pas y penser plus et préfère profiter du retour de la fille qu’elle adore tant.
Le temps passe et les pizzas arrivent un peu avant 20h. Gatito est rentré de son travail de policier et leur dit qu’il est possible qu’il doive retourner à son poste plus rapidement que prévu, alors il parle avec sa fille tout en mangeant son souper. Elle raconte à ses deux parents et Korone que demain, après les cours, elle va rencontrer un garçon du nom de ‘Raiji Harmony’ qui est un très bon ami d’Amora et qui souhaite la rencontrer et en apprendre plus sur elle pour qu’ils deviennent amis. Sa joie se ressent dans sa voix et son expression rayonnante prouve encore plus qu’elle est réellement heureuse de le rencontrer demain. Elle leur explique qu’ils vont se voir à 13h10, au parc Linda, celui qui se trouve à environ 10 minutes à pied de l’école de Tetazo où elle étudie. Korone lui demande si elle peut venir aussi, mais Deshya lui avoue qu’elle préfère y aller seule. La petite fille accepte sans râler, mais elle ne cache pas sa déception. Elle croque dans son morceau de pizza et Pera pouffe en déclarant qu’elle trouve Korone super mignonne. Cette dernière rougit et la remercie, ce qui fait rire Deshya et Gatito. C’est avec bonne humeur que le souper continue et se termine. Quelques minutes plus tard, Deshya et Korone montent dans leur chambre, mais avant d’aller dormir, la fille aux attributs de renard s’assied devant son ordinateur et tape rapidement sur les touches de son clavier. Korone se pose au coin du lit et observe l’écran en demandant à la fille ce qu’elle fait.
– Je vérifie juste les nouvelles sur internet… Je vais aussi souhaiter bonne nuit à certains amis, c’est tout,” répond-t-elle.
– Y a des choses intéressantes sur internet, pour l’instant ?
– Je vois rien de spécial… Minos n’a pas donné de nouvelles… Aucun détective que je suis n’a dit quoi que ce soit, en tout cas.
Deshya est déçue de ne rien voir d’intéressant sur le web, alors elle décide de discuter rapidement avec certains amis avant d’éteindre la lumière et se couche sur le lit moelleux.
– Bonne nuit, Korone.
– Bonne nuit, Deshya.
La petite fille attrape la queue de renard duveteuse de Deshya et sourit en fermant les yeux, s’endormant dans une pose confortable.
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Comme prévu, la nuit de sommeil a été très bonne pour les deux filles. Deshya se lève en première, mais en sortant du lit, elle est obligée de réveiller Korone à son tour. Toutes deux se brossent les dents ensemble et vu que Deshya a quelques minutes devant elle avant de partir pour l’école, elle prend une douche rapide. Elle s’habille ensuite et décide qu’aujourd’hui, elle remettrait son pull de renard bleu et non celui foncé et orange. Korone mange d’abord un petit-déjeuner avec Deshya avant d’aller à la douche à son tour.
– On se voit ce soir ! Passez une bonne journée !” leur dit Deshya.
Elle part au même moment que Korone ait terminé sa douche et descend les escaliers pour rejoindre le hall d’entrée. Elle agite la main vers Deshya qui lui rend son geste avant de fermer la porte derrière elle. Korone regarde Gatito et lui sourit.
– Tu vas partir au travail aussi ?” lui demande la petite.
L’homme se tourne vers elle, une tasse de café dans la main, et secoue la tête.
– Je suis en congé aujourd’hui. Si quelque chose de très grave demande mon intervention, alors j’irai, c’est pour ça que je garde mon téléphone dans ma poche. Il fera un son si on m’appelle,” explique-t-il.
– Eh, je vois !
– Vu que j’ai ma journée devant moi, je peux m’occuper de toi, pendant que ma femme va faire les courses et va se reposer. Elle n’a pas super bien dormi, aujourd’hui.
– Encore ? Elle n’avait pas bien dodo hier non plus…
– …
Gatito ne répond rien à Korone et lui propose un petit jeu de société avec des cartes. La petite-fille accepte avec un grand sourire et court vers la cuisine, d’abord voulant jouer avec le grand chien au prénom de ‘Néro’. Gatito la laisse faire en se dirigeant vers le bureau qui sert aussi de salon, là où se trouve aussi la grande armoire avec tous les jeux de société. Sur l’ordinateur portable de la pièce, sa femme regarde quelques sites avec des petits yeux. Gatito lui demande simplement si ça va, mais lorsqu’elle répond qu’elle ira se reposer après les courses, il ne fait que l’embrasser sur la joue et lui supplie de se reposer. Elle sourit et promet qu’elle dormira bien, ce qui rassure le policier.
Les heures passent et finalement, la sonnerie qui prévient les élèves des trois classes de 4ème année retentit, leur prévenant qu’ils peuvent désormais sortir de l’école et que la journée scolaire est terminée. Raiji salue Deshya et lui prévient qu’il sera là à l’heure : il doit discuter un peu avec sa famille et rendre un livre à un ami avant de venir.
– Pas de problème !” lui répond Deshya.
Elle s’en va avec joie, mais Amora la rattrape et commence à discuter avec elle. Toutes deux parlent jusqu’au moment où leurs routes se séparent et Deshya se dirige donc vers le parc Linda, qui se trouve au sud de l’école de Tetazo. Elle n’y est pas allée souvent, mais de ce qu’elle sait, c’est que ce parc est très souvent calme et peu de gens y vont. Ce n’est pas parce qu’il ne vaut pas la peine d’être visité, mais parce que le parc Amélie attire plus d’habitants. C’est un endroit plus grand et plus diversifié, avec un terrain de football juste à côté. Les week-ends, le parc Linda reçoit bien plus de visiteurs, donc y aller la semaine est souvent recommandé. Deshya comprend pourquoi Raiji veut discuter avec elle là-bas, vu qu’il y aura moins de bruit et de passants partout. Elle hésite à aller chercher à manger sur le chemin, mais elle décide d’y aller directement et d’attendre Raiji : elle ira prendre de la nourriture plus tard s’il le faut.
Elle arrive rapidement au parc Linda et l’admire avec plaisance. Aucun bruit n’en retentit et bien qu’elle remarque un couple adulte sur un banc, tout près de la petite forêt qui touche le parc, elle ne peut voir personne dans les alentours. Comme toujours, le parc Linda est calme et presque vide. L’herbe y est d’un magnifique vert et les quelques arbres qui s’y trouvent sont bien entretenus, en bonne santé et d’une beauté à en trouver dans les bouquins de nature. L’air est frais et la fontaine au milieu du parc est observable même depuis la rue. Deshya se dirige vers un banc vide, juste à côté d’une poubelle à moitié remplie, et attend là-bas. Elle se demande quelle est la personnalité de Raiji, vu qu’il est un très bon ami d’Amora. Elle se souvient de la fois où ils se sont rapidement parlés, durant la classe, mais elle ne peut pas en tirer grand-chose, excepté qu’il semble avoir énormément d’énergie en lui. Elle n’imagine pas les conversations entre Amora et lui… Elle est fatiguée rien qu’en y pensant. Deshya regarde ses alentours, profitant des quelques gazouilles relaxantes des oiseaux. Elle ne peut pas les voir, même avec ses yeux perçants, mais elle les entends très bien. Malheureusement pour Deshya, elle ne connaît pas bien les races d’oiseaux, donc elle ne peut pas deviner ceux qu’elle entend actuellement. Elle peut supposer, mais c’est là où se trouve sa limite. Alors qu’elle admire ses alentours, elle remarque quelque chose du coin de l’œil et tourne son attention vers la forêt qui longe le parc. La fille à la longue queue de renard n’arrive pas à savoir ce qu’elle vient d’observer, mais elle est certaine que c’était un éclat… L’un qui a été rapide et feint, ce qui signifie qu’un rayon de lumière a probablement rebondit sur un objet qui se trouve dans la forêt. Deshya se demande alors pourquoi elle ne le voit plus. Sa curiosité commence à l’emporter et après tourner la tête dans tous les sens pour vérifier si Raiji est arrivé, elle décide de se lever du banc et court vers la source de lumière. Elle souhaite juste savoir ce qu’elle a perçu du coin de l’œil. Deshya arrive au bord de la forêt et observe devant elle, vu qu’elle ne peut pas y aller directement : des barreaux qui s’élèvent assez haut séparent le parc de la forêt sombre, bien qu’il est possible de simplement les contourner sans difficulté. Elle plisse les yeux et voit enfin ce qu’elle a rapidement aperçu auparavant.
Une personne caché par un long manteau noir avec un marteau dans la main. Venant tout juste de tuer quelqu’un d’autre.
Deshya ouvre grand les yeux et recule d’un pas. Le meurtrier tourne rapidement le visage vers sa gauche, là où la fille au pull de renard se tient. Ils se fixent quelques instants avant que Deshya tourne les talons et se mette à courir en attrapant son téléphone. Rapidement, elle tape son code et ouvre son application de message avant d’ouvrir une des boîtes. Elle se met à écrire le plus brièvement possible ce qu’elle vient de voir, mais alors qu’elle court…
On la frappe sur la tête.
Deshya ferme les yeux à cause de la douleur et essaie de crier, mais un voile noir cache sa vision avant qu’elle ne le puisse : ce sont ses paupières. Elle tombe par terre en lâchant son téléphone qui rebondit un peu plus loin. La personne qui vient de la frapper se dirige vers son téléphone et l’observe avec attention, remarquant que la fille ne l’a pas éteint, mais a sûrement voulu écrire à quelqu’un ou téléphoner. Quand elle se retourne vers la personne au pull de renard qu’elle vient d’assommer et qui a aperçu le crime, cette personne réfléchit et finalement la reconnaît.
– C’est Deshya Oveja… !
La personne se dirige vers elle et s’arrête devant son corps inconscient. Deshya respire encore et dort désormais paisiblement à cause du coup qu’elle a reçu derrière la tête. La personne regarde le téléphone de Deshya et sourit à pleine dents.
Cinq minutes plus tard, Raiji arrive au parc Linda et retire son casque de ses oreilles pour le placer autour du cou. Il vérifie une nouvelle fois qu’il a assez d’argent pour inviter Deshya à manger un petit casse-croûte après et ensuite s’arrête tout près d’un banc. Il observe ses alentours, mais ne voit la fille nulle part. Raiji se demande où elle se trouve, vu qu’elle lui a dit qu’elle viendrait directement ici, mais il décide de simplement hausser les épaules et s’assied sur le banc.
En même temps, Gatito Oveja visionne la télévision et observe un match de foot qui se passe dans un autre continent, celui d’Arèpe. Un de ses groupes préféré y joue et pour l’instant, le score est toujours de 0 – 0. Juste à ses côtés se trouve la petite Korone, qui mange une tartine au beurre de cacahuète avec grande joie. Pera Dimera est rentrée avec trois sacs de courses et a tout rangé avec l’aide de son mari avant de monter se reposer. Korone admire la télévision avec l’imposant homme assis sur la chaise juste à côté d’elle, bien que le football ne soit pas son sport préféré. Ni à jouer, ni à regarder. Néanmoins, les réactions de Gatito la font rire et rendent l’expérience plus agréable. Alors qu’ils mangent tous les deux ensemble, le téléphone du policier se met à bruiter : c’est ‘La Stravaganza’, une symphonie de ‘Vivaldi’. Il avale hâtivement ce qu’il a dans la bouche et regarde son téléphone pour remarquer que c’est sa fille qui l’appelle. Il décroche et bloque son téléphone entre son oreille droite et son épaule, reprenant son repas dans ses mains.
– Qu’y a-t-il, Deshya ?
– Ce n’est pas votre fille.
Gatito plisse les yeux et s’immobile, arrêtant la fourchette juste devant sa bouche. Korone le remarque et se tourne vers lui, surprise.
De son côté, Raiji se demande où se trouve Deshya. Il attrape son téléphone qu’il a mis en silencieux et vérifie si elle ne lui aurait pas prévenu qu’elle arriverait en retard ou d’un inconvénient : il ne peut pas croire qu’elle ait décidé de le laisser en plan sans rien dire. Avant de commencer à douter, il décide donc de regarder ses messages. Il remarque que justement, Deshya lui a envoyé quelque chose. Il ouvre la boîte de message, mais il fronce les sourcils en voyant le message.
Gatito dépose sa fourchette et prend son téléphone dans sa main.
– Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?
– J’ai votre fille en otage. Elle est à côté de moi, inconsciente.
Gatito grince des dents. Korone s’est levée sur sa chaise et a déposé son oreille sur le téléphone pour entendre ce que dit sa sœur, mais elle remarque que c’est une voix incompréhensible : impossible de savoir si c’est une fille ou un garçon, voire un homme qui parle.
– Je ne vais pas me répéter : je veux une somme de 300 000 euros en liquide, dans un sac qui nous sera emmené en discrétion. S’il y a le moindre capteur ou microphone dedans, je tue votre fille d’un seul coup, Gatito Oveja, monsieur l’inspecteur.
Korone déglutit bruyamment et Gatito serre son téléphone.
– Je vous rappellerai dans quelques minutes pour les instructions. Si vous essayez de faire quoi que ce soit ou que vous mentez sur l’argent, je n’hésiterai pas à tuer votre fille d’un seul tranchant.
– Atten—
Avant que Gatito ne puisse parler, la personne de l’autre côté du fil raccroche, n’ayant aucun intérêt à l’écouter. Korone saute de sa chaise et Gatito se lève en frappant un poing contre sa propre cuisse. Il range son téléphone et éteint la télévision avant de courir vers le hall d’entrée. Korone le suit et lui demande où il va, ce à quoi il répond hâtivement :
– Au parc Linda.
De son côté, Raiji regarde son téléphone avec incompréhension. Le message qu’il vient de recevoir de Deshya, environ 7 minutes auparavant…
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
Le message qu’il a reçu de sa part est le suivant :
« Tueur lune »