3 jours après que Karin parla de mariage à Shin, une lettre fut livrée à la maison des Saegusa.
Chiyo, qui l’a reçue, dit qu’elle venait des Kujou.
“C’est pour moi ?”
“Oui, dame Haruna a exprimé le souhait de vous rencontrer. L’expéditeur est dame Kanade.”
Je suis consciente de l’impolitesse de ma demande. Mais pourriez-vous faire en sorte de rencontrer ma sœur une fois… était le contenu de la lettre.
Vu la personnalité de Kanade, elle aurait préféré se présenter en personne pour en parler, mais comme elle était absente de Hinomoto depuis longtemps, elle fut probablement attrapée par un serviteur en sortant.
“Dame Haruna est une personne très raisonnable. Elle n’apprécierait sûrement pas de demander à la personne à qui elle doit la vie de venir lui rendre visite. Mais elle n’accepterait pas non plus de se contenter d’une lettre de remerciement.”
Shin avait déjà reçu une lettre de remerciement pour l’aide qu’il apporta.
Elle était riche en expressions désuètes et difficile à lire, mais ses sentiments de gratitude étaient clairement exprimés.
“J’ai déjà été remercié par le seigneur Tadahisa aussi, je ne pense pas qu’elle doive s’en préoccuper…”
“Elle est aussi exceptionnellement têtue, vous voyez. Monsieur Shin, ne pourriez-vous pas donner à dame Haruna l’occasion d’exprimer ses remerciements ?”
“Je n’ai pas grand-chose à faire avant l’arrivée de mes camarades. Si ça peut la rassurer, je n’ai rien à redire. Pour être honnête, c’est moi qui me sens nerveux…”
Kuyou écrivit une lettre d’acceptation et la remit au messager qui l’attendait.
Ils iraient rendre visite à dame Haruna le lendemain.
“Ehm, je pense qu’il est préférable de revoir le protocole de visite…”
Alors qu’ils se dirigeaient vers la résidence Kujou, Shin parla à Karin, mais reçut une réponse embarrassante : “Oui…”
Le lendemain de leur conversation sur le mariage, Karin était trop agitée et ils ne purent continuer leur entraînement habituel.
Maintenant, après quelques jours, elle semblait plus calme.
D’ailleurs, Yuzuha était restée à la résidence.
En arrivant à la résidence où Haruna était censée se trouver, ils montrèrent au gardien la preuve de passage qu’ils reçurent avec la réponse à leur lettre.
La preuve de passage comportait la moitié d’un sceau ; combinée à l’autre moitié, que possédait le gardien, elle correspondait parfaitement et émettait une faible lueur. Afin d’éviter les contrefaçons, un mécanisme de défense magique était placé sur le sceau.
Alors qu’ils attendaient que quelqu’un les guide à l’intérieur de la résidence, Kanade apparut.
“Je vous remercie d’être venus. Entrez, par ici.”
“Dame Kanade. La fille noble de la maison Kujou ne devrait pas se comporter ainsi en public !!!”
Une dame d’une quarantaine d’années, arrivée juste après Kanade, la réprimanda. Elle était la tutrice de Kanade et son nom était “Ei”.
“Je m’excuse pour mon impolitesse. Je vais vous accompagner à l’intérieur. Quelques jours seulement se sont écoulés depuis que notre dame Haruna s’est levée de son alitement, je vous prie donc de ne pas trop la fatiguer.”
“Je comprends.”
Ei s’inclina profondément devant eux, et Shin acquiesça. Sa maladie était peut-être guérie, mais Haruna était restée au lit pendant une longue période, et ils ne voulaient pas être un fardeau pour elle.
Après avoir marché un moment, Ei s’arrêta devant une pièce avec une véranda. Kanade, qui était rentrée avant eux, était déjà à l’intérieur.
Ei s’agenouilla sur le sol et appela la personne qui se trouvait derrière les portes coulissantes.
“Dame Haruna. Le Seigneur Shin et Dame Karin sont arrivés.”
“Laissez-les entrer.”
Après la réponse de Haruna, Ei ouvrit les portes coulissantes. Shin et Karin furent encouragés à entrer et s’exécutèrent.
“Laissez-moi vous remercier d’être venus jusqu’ici pour me rendre visite.”
Outre Kanade, il y avait dans la pièce une autre jeune femme, parée d’un magnifique kimono.
L’attention de Shin fut attirée par les cheveux noirs qui lui arrivaient à la taille et par ses yeux, noirs comme des pierres d’obsidienne polies.
Les traits de son visage étaient très japonais, avec une élégance réservée typique de la beauté japonaise traditionnelle.
“Ne restez pas planté là, asseyez-vous. Vous ne devriez pas faire attendre ma sœur.”
“Vous avez encore moins de retenue que d’habitude, je vois.”
Il ne faisait aucun doute que la jeune femme devant eux était Haruna.
Alors que Shin s’asseyait sur le coussin préparé pour lui, Haruna ajusta sa posture, puis baissa profondément la tête vers lui.
“Je tiens à vous exprimer ma profonde gratitude pour avoir sauvé la vie de ma sœur et de son ami. Grâce à vous, la maladie qui m’affligeait a également été guérie. Je n’oublierai jamais la dette de gratitude que j’ai envers vous jusqu’à la fin de ma vie.”
“Relevez la tête, s’il vous plaît. J’ai simplement suivi mon cœur. Vos sentiments de gratitude me sont déjà bien parvenus.”
Shin se sentit un peu mal à l’aise, doutant qu’il soit convenable pour la fille du chef de famille de s’incliner ainsi devant un simple aventurier.
Il appréciait son geste de remerciement, bien sûr, mais le fait d’être traité de façon si formelle avait l’effet inverse de le rendre nerveux.
Étant né et ayant grandi à l’époque moderne, Shin trouvait les réactions d’Haruna exagérées.
“J’aimerais aussi pouvoir vous montrer ma gratitude d’une manière ou d’une autre…”
“Non, s’il vous plaît, vous ne devriez vraiment pas vous préoccuper de cela. Euh… oh, oui ! Voir Dame Haruna sourire serait plus que suffisant !”
“Mon sourire ?”
“Je ne sais pas comment vous êtes normalement, bien sûr, mais votre expression maintenant est, comment dire… raide, Dame Haruna. Je n’ai pas besoin de choses ou de gloire, rien de tel, mais si possible, j’aimerais voir une expression plus joyeuse de votre part.”
Shin suivit une idée qui lui était soudainement venue à l’esprit, mais tout en parlant, il était presque agacé contre lui-même par cette demande totalement hors de son caractère.
Il savait que lorsqu’il se souviendrait de ses actes et de ses paroles plus tard, il aurait envie de se donner des coups de pied.
“Je dis que j’aime aussi beaucoup le sourire de ma sœur.”
En disant cela, Kanade serra Haruna dans ses bras.
“Je ne sais pas à quel point mon sourire peut être précieux, mais je ne refuserai pas une telle demande. Je n’ai pas eu beaucoup de raisons de sourire depuis que je suis alitée, alors j’espère que ce n’est pas trop gênant.” répondit Haruna tout en caressant la tête de Kanade, qui sauta sur ses genoux.
Ses paroles le soulagèrent un peu.
L’expression d’Haruna alors qu’elle câlinait Kanade paraissait comme illuminée par la lumière du soleil.
“….Prêter mon aide en valait la peine.”
Grâce à la chaleur qu’il ressentait en regardant Haruna câliner Kanade, le malaise de Shin disparaissait également.
Après avoir expliqué brièvement ce qui s’était passé au cours de leur voyage, ils quittèrent les quartiers d’Haruna. La tutrice Ei leur rappela de ne pas rester trop longtemps après tout.
Karin ne parla pas beaucoup, mais apparemment elle avait déjà rencontré et discuté avec Haruna, qu’elle considérait comme une amie proche.
“Je me rétablis régulièrement, mais tout le monde est tellement inquiet.”
“J’ai entendu dire que vous étiez alitée depuis longtemps, il n’y a rien à faire.”
Après avoir consolé Haruna qui semblait déçue, Shin se leva. Haruna ne voulait pas encore les voir partir, mais il n’y avait rien d’autre à faire ; une présence envoyait clairement un message ‘Il est temps de laisser la dame se reposer’ depuis l’extérieur vers Shin, probablement Ei.
“Je vais donc prendre congé. Veillez à ne pas vous surmener, vous venez de vous rétablir.”
Réalisant à nouveau à quel point elle devait être aimée par ceux qui l’entouraient, Shin fit ses adieux à Haruna.
“Serait-il possible de se revoir ? J’ai hâte d’en savoir plus sur le monde en dehors de Hinomoto.”
“Je m’impose dans la maison des Saegusa jusqu’à l’arrivée de mes compagnons, ce sera donc possible d’ici là. Mais je crains que les vassaux ne s’opposent à ce que la dame de la maison rencontre un simple aventurier comme moi.”
“Il sera sage de le faire sans créer de rumeurs désagréables, en ayant quelqu’un d’autre avec vous pendant la visite, je pense.” suggéra Karin.
La maison Kujou était le maître de l’est de Hinomoto. Si les gens commençaient à raconter que sa fille aînée avait des relations intimes avec un aventurier inconnu, la réputation d’Haruna était plus menacée que celle de Shin.
“Je comprends, mais c’est vraiment regrettable.”
“Hélas, je crains que Shin et Karin aient raison. Maintenant que tu as récupéré, la tempête de demandes en mariage va reprendre aussi.” expliqua Kanade.
Sa maison et son apparence étaient excellentes, et parler avec elle montrait une personne à la personnalité sereine, manifestement très intelligente. Avec toutes ces excellentes conditions réunies, il y aura sûrement une multitude d’hommes prêts à l’épouser.
Comme elle venait de se rétablir, il était probable qu’aucun sujet de ce genre ne lui fut mentionné, mais tôt ou tard, ils le feraient sûrement. Shin ne pouvait rien y faire.
“Eh bien, si l’occasion se présente, nous nous reverrons.”
“Merci encore d’être venu.”
“Oui, revenez !”
Ei, qui attendait devant les quartiers d’Haruna, les ramena à la porte d’entrée.
“Merci beaucoup d’avoir consacré votre temps précieux à Dame Haruna aujourd’hui.”
“Pas du tout, un simple aventurier comme moi n’était pas digne d’un tel honneur.”
Normalement, une personne accompagnait les invités depuis la petite porte dans les haies entourant la résidence jusqu’à la grande porte à l’entrée du domaine Kujou, mais cette fois-ci, c’était Karin qui assumait ce rôle.
Même s’il s’agissait d’une personne à qui ils devaient une grande reconnaissance, ils ne laisseraient pas des étrangers se promener seuls dans l’enceinte principale après tout.
En pensant à cela, Shin réalisa que depuis qu’il était entré dans le domaine Kujou, chaque fois qu’il quittait la résidence Saegusa, il était accompagné par quelqu’un.
“Eh bien, je suppose que c’est évident.” murmura Shin en regardant vers la grande porte, lorsqu’il vit quelqu’un d’autre que le garde devant celle-ci.
“Cela fait un moment, monsieur Shin.”
“Monsieur Kankurou… vous avez également affaire à dame Haruna ?”
Kankurou, qui était habillé de la même façon que lorsqu’il avait combattu Shin, secoua la tête.
“Non, j’avais simplement un peu de temps libre, alors je me promenais, et j’ai perçu votre présence. Je n’ai pas beaucoup de temps, mais pourriez-vous vous joindre à moi pour discuter ?”
“Pas de problème pour moi, mais qu’en est-il de vous Karin ?”
“Moi aussi, je suis d’accord. Je vois que monsieur Toshiro est là aussi, et vous ?”
“Je n’ai pas d’obligations pressantes non plus.”
Dans la direction que regardait Karin se tenait Yaejima Toshiro. Il ne portait pas d’armure, mais seulement des vêtements de cérémonie gris et vert foncé.
“Cependant, si le temps le permet, j’aimerais demander un combat à monsieur Shin.”
“Un combat ?”
Depuis leur première rencontre, lorsque Shin était avec Karin et Kanade, il ne ressentait pas d’amitié de la part de Toshiro. Ce qu’il ressentait lui donnait presque l’impression d’être considéré comme un ennemi.
Il fut donc légèrement surpris d’être provoqué en duel de manière aussi directe.
“J’ai entendu les rumeurs. Vous recevez les enseignements de Dame Karin sur la façon de manier l’épée, n’est-ce pas ?”
“Il y a de telles rumeurs ?”
Shin haussa les sourcils aux paroles de Toshiro.
Karin était la fille aînée de la famille Saegusa et le troisième siège des Dix Braves de Hinomoto. Si l’on apprenait qu’elle enseignait l’art du sabre à un étranger, cela provoquerait certainement des remous. Shin n’aurait pas aimé rendre la pareille à Karin en lui causant des ennuis.
“Je ne pense pas en avoir parlé à qui que ce soit.”
“Je n’en ai pas entendu parler non plus. Au fait, Toshiro, ces derniers temps, vous semblez étrangement disparaître assez souvent, n’est-ce pas ?”
Après avoir entendu les commentaires de Karin et surtout de Kankurou, Shin jeta un regard suspicieux à Kankurou, pensant qu’il les espionnait peut-être.
“Je viens de l’apprendre par dame Chiyo ! On m’a dit de ne pas le dire à qui que ce soit, et je n’en ai pas l’intention ! Je suis juste trop env-ahem ! !!”
Plus ils parlaient, plus l’opinion de Shin sur Toshiro changeait.
“Ehm…monsieur Toshiro ?”
Karin regarda Toshiro d’un air perplexe, elle ne semblait pas encore avoir remarqué l’affection qu’il lui portait.
“En tout cas !!! Je vais vous mettre à l’épreuve et voir à quel point vos compétences se sont développées !!!”
“Mes excuses. Toshiro s’est entiché de dame Karin, et vous voyez…”
“Oh, oui, je m’en suis rendu compte aussi.”
“Ça n’a rien à voir avec ça !!!”
Toshiro hurla à la conversation chuchotée de Kankurou et Shin.
” ?”
Karin, qui n’entendit pas la conversation, semblait encore plus confuse.
Shin se dit que ce Yaejima Toshiro n’était peut-être pas une mauvaise personne.