Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 18 – Un fantôme qui éteint la lumière
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Sitôt la torche éteinte, l’espace, déjà faiblement éclairé, se retrouva plongé dans une obscurité absolue. J’étais si effrayé que j’en eus des sueurs froides et faillis laisser tomber la torche.

Maître Liang, qui était encore plus peureux que moi, poussa un cri étrange et s’enfuit en courant. Il avait à peine fait quelques pas que nous entendîmes un grand « bruit sourd » suivi d’un cri de douleur, comme s’il avait heurté quelque chose.

Je sortis mon briquet pour examiner la torche et constatai que la partie combustible supérieure n’était pas totalement brûlée. Pourquoi donc la flamme s’était-elle soudainement éteinte ? Était-ce le vent ? Pourtant il n’y avait pas de vent là où nous nous trouvions.

― Vieux Wu, me dit Lao Yang d’un air suffisant, tes compétences en matière de fabrication de torches sont si mauvaises que la tienne s’est éteinte avant même d’avoir complètement brûlé. C’est assez pour me donner la chair de poule.

― Mais de quoi tu parles ? Si tu as le temps de te moquer de moi, pourquoi n’irais-tu pas voir ce qui est arrivé à Maître Liang ? Il est peut-être tombé dans un de ces tas de cadavres.

Je rallumai la torche et la brandis pour mieux inspecter les environs. Maître Liang était allongé sur un squelette dont les os étaient éparpillés sur le sol.

Je m’approchai pour l’aider à se relever. Il était blême et semblait terrifié. Lao Yang lui tapa dans le dos et dit :

― Maître Liang, vous êtes hilarant. Avec des tripes comme ça, comment espérez-vous piller des tombes ?

Voyant que la torche brûlait à nouveau, Maître Liang poussa un soupir de soulagement :

― Ne vous méprenez pas. Ce n’est pas que j’aie peur du noir, c’est juste qu’on aurait dit que quelque chose soufflait sur ma nuque tout à l’heure. C’était si froid que j’ai pensé à un zombie et j’ai cru que mon cœur allait sortir par ma gorge.

Lao Yang se mit à rire :

― Comment ça de l’air froid ? À mon avis, c’était juste la sueur froide qui coulait le long de ton cou. S’il y avait eu un zombie derrière toi, il s’en serait pris à ton cou, il ne soufflerait pas dessus. Tu penses donc que les zombies se comportent comme une bande de filles ?

― C’est vrai, Maître Liang, ajoutai-je, il faut vous calmer et arrêter de vous faire peur.

Voyant que nous ne le croyions pas, il se mit à tousser, anxieux :

― Les gars, je vous prie de me croire. Quelqu’un vient de souffler sur ma nuque. C’était vraiment terrifiant. Je ne pense pas que nous soyons seuls ici. À mon avis, il y a quelque chose avec nous !

À voir l’expression de son visage et me souvenant de la façon dont la torche s’était éteinte à l’instant, je me dis que les propos de Maître Liang n’étaient pas complètement absurdes. Une torche n’est pas une bougie et il est difficile de l’éteindre tant qu’il reste du combustible à brûler. Quelque chose d’étrange avait dû se produire. Et dans un endroit pareil, il était toujours bon de garder un œil sur ce genre de choses.

Je lançai un regard à Lao Yang :

― Nous ferions mieux d’aller voir, au cas où.

Lao Yang hocha la tête. Nous sortîmes tous deux nos armes et nous dirigeâmes en tandem vers Maître Liang.

À moins d’un mètre derrière l’endroit où il se tenait se trouvait une figurine de pierre dont la tête humaine était desséchée. Ce n’était certainement pas elle qui lui avait soufflé de l’air sur la nuque. Le seul autre endroit où se cacher, c’était derrière la figurine.

Lao Yang et moi nous approchâmes prudemment, passâmes d’abord la torche derrière, puis jetâmes un coup d’œil sur les côtés de peur que quelque chose ne nous surprenne. Soudain, Lao Yang fit un bond en avant et cria :

― Les mains en l’air !

Rien ne se produisit car il n’y avait rien derrière la statue.

Je soupirai de soulagement. Maître Liang était sans doute si effrayé et confus à l’instant qu’il avait tout imaginé. Mais je ne pouvais l’en blâmer. Si vous n’étiez jamais venu dans ce genre d’endroit auparavant et que vous soyez confronté aux circonstances dans lesquelles nous nous trouvions, vous auriez inévitablement peur. Je me souvins alors de la fois où je me trouvais dans le Palais du Roi de Lu aux Sept Étoiles et réalisais que je n’étais pas si différent de lui. Apparemment, le courage était vraiment quelque chose qui s’apprenait par la pratique.

Lao Yang leva les yeux au ciel et secoua la tête. Nous retournions ranger nos armes lorsque soudain, il y eut un grand « pouf » et la torche que je tenais à la main s’éteignit à nouveau.

J’en fus abasourdi. Que venait-il de se passer ? La flamme s’était éteinte trop brusquement. Alors que ces pensées me traversaient l’esprit, j’entendis Lao Yang crier dans l’obscurité :

― Merde ! Vieux Wu, fais attention ! Il y a quelque chose ici ! Allume vite la torche !

Je repris mes esprits et m’empressai d’attraper mon briquet, mais avant même d’avoir pu le saisir, je ressentis une sensation de fraîcheur dans le dos, puis une forte rafale de vent me frappa aussi vite que l’éclair. Je compris tout de suite que quelque chose n’allait pas. Sans lumière, il était impossible de voir ce qui se passait. En me baissant rapidement, je sentis une forte rafale de vent balayer mon cuir chevelu. Je perdis pied et m’écroulai sur le sol.

La chute ne fut pas très douloureuse, mais je finis écrasé contre quelques-unes de ces figurines de pierre sur le côté, ce qui fit beaucoup de bruit. Alors que j’étais allongé, une chose inconnue tomba sur mon visage, cependant je n’avais pas le temps de m’inquiéter de son caractère dégoûtant. Je pris aussitôt mon briquet et m’empressai de rallumer la torche.

En un éclair, je vis Lao Yang et Maître Liang allongés sur le sol, le visage pâle. Maître Liang était si terrifié qu’il ne cessait de marmonner : Amitabha (1).

Même Lao Yang semblait affolé :

― Amène vite la lumière par ici ! Qu’est-ce que c’était ? Comment ça pouvait aller si vite ?

Serrant les dents, je me relevai et brandis bien haut la torche pour pouvoir regarder autour de moi. Rien n’avait changé dans notre environnement, à l’exception des quelques figurines que nous avions renversées dans le chaos. Je ne vis même pas de traces de pas et cela m’inquiéta fortement. La puissance de la rafale qui venait de se produire laissait à penser que l’autre partie était très proche. Mais les figurines et les cadavres étaient si densément serrés les uns contre les autres, et la zone si sombre qu’il aurait été impossible d’effacer toute trace de leur présence, quelle que fût la vitesse à laquelle ils s’étaient échappés ou le temps qu’il m’avait fallu pour allumer mon briquet. En repensant à tout ça, je me dis : bon sang, serait-on vraiment tombés sur un fantôme ?

La torche s’était éteinte deux fois. Cela signifiait-il que ce spectre suivait la vieille pratique du « fantôme qui éteint la lumière », mais qu’au lieu d’une bougie, il utilisait ma torche ? (2) Cet enfoiré est trop contraire à l’éthique ! Si tu veux éteindre quelque chose, ne t’en prends pas à ma torche !

J’abaissai celle-ci sous la hauteur de mes épaules afin d’éviter qu’elle ne s’éteigne, puis je fis un mouvement pour tirer Maître Liang vers le haut. L’homme était tellement dans les vapes qu’il ne parvenait pas à se tenir droit malgré tous mes efforts. On aurait dit que ses jambes s’étaient transformées en gelée. Je tentai à deux reprises de le soulever, mais comme je n’y parvenais pas, Lao Yang n’eut d’autre choix que de donner deux gifles au vieil homme.

Je m’empressai de l’arrêter de crainte qu’il ne soit trop dur avec lui, mais à ce moment-là, Maître Liang réagit. Il regarda autour de lui puis éclata en sanglots :

― Oh, mon Dieu ! Pourquoi faut-il donc que je me mêle de tout ? Ne vaut-il pas mieux rester chez soi ? Pourquoi ai-je décidé de suivre les autres et de piller les tombes ? Je vais mourir ici. Je vais mourir dans un endroit étrange…

Voyant que Liang n’avait pas l’air de vouloir se taire, Lao Yang lui couvrit la bouche :

― Combien de temps vas-tu continuer ?  A ton âge, tu devrais avoir honte de toi. Si tu continues à faire du bruit, nous t’abandonnerons ici et tu devras trouver tout seul un moyen de sortir.

Même si le vieux maître avait perdu le contrôle de ses émotions, nous réussîmes tout de même à l’intimider suffisamment pour qu’il obéisse. Il se couvrit aussitôt le visage, n’osant plus faire le moindre bruit. L’affaire étant réglée, Lao Yang se tourna vers moi :

― Vieux Wu, c’était quoi à l’instant ? Tu l’as vu clairement ? C’est un zombie ?

Je lui fis un signe de la main :

― Non. Réfléchis : nous nous sommes retrouvés face à face avec ce que c’était, mais nous n’en avons rien vu. Les zombies ne se déplacent pas aussi vite.

― Regarde le nombre de cadavres qui nous entourent, insista Lao Yang. Qui pourrait croire qu’il n’y a pas de zombies ici ? J’ai entendu dire qu’il y avait différentes classes de zombies. Peut-être avons-nous eu la malchance de tomber sur un maître de qinggong ! (3)

Ne voulant pas poursuivre cette discussion avec lui, je me dirigeai vers les fragments de cadavres que Maître Liang avait envoyés voler en tombant, les fouillais avec mon pistolet, et lui dis :

― L’air ici est si humide que de la plupart de ces corps, il ne reste plus que des os couverts de moisissure noire. Il est impossible que ce soient des zombies. Je le jure sur ma vie.

Maître Liang, qui avait enfin réussi à se calmer, renifla :

― Messieurs, peu importe que ce soit un zombie ou non. Je pense que nous devrions remonter au plus vite la falaise pendant que nous avons encore assez de lumière. Nous déciderons plus tard de ce qu’il faut faire.

Sachant qu’il ne supportait plus l’excitation et voulait battre en retraite, je lui tapais sur l’épaule et lui expliquais que tandis que l’ennemi était caché dans l’obscurité, nous étions parfaitement visibles à la lumière. Si nous escaladions de suite la falaise, il pourrait y avoir une autre attaque que nous ne pourrions pas esquiver. Il ne nous resterait plus alors qu’à nous rendre dans le monde souterrain et à pleurer auprès du Roi Yama. Tant que la situation n’était pas claire, nous ne pouvions prendre de décisions irréfléchies.

― Le vieux Wu a raison, dit Lao Yang, Nous avons toujours nos armes, donc même si notre attaquant s’avère être un zombie, nous n’avons rien à craindre.

Le visage maculé de morve et de larmes, Maître Liang secoua la tête :

― N’essayez pas de me réconforter. Avec seulement deux fusils, nous mourrons à coup sûr si nous rencontrons des zombies. Je crains bien que nos corps ne soient même plus en un seul morceau.

Honnêtement, je n’avais jamais rencontré de zombies au sens propre du terme. Je ne savais donc pas vraiment si les armes à feu étaient utiles contre eux ou non.  Mais comme ils étaient faits de chair, j’avais du mal à croire qu’ils puissent résister à une balle.

À cette pensée, je me sentis moins nerveux et plus détendu. Ayant réfléchi, je me dis qu’attendre là n’était pas la bonne solution. Nous ferions mieux de continuer à avancer. Si nous nous trouvions confrontés au même problème que la fois précédente, nous n’aurions qu’à passer par-dessus les cadavres. De toute façon, nous en avions déjà tant bousculé qu’il n’y avait rien à craindre. Quant à la question morale…. ma vie étant en jeu, je ne pouvais m’en préoccuper.

Lao Yang convint que, compte tenu de notre manque d’options, c’était le meilleur plan d’action. Nous remîmes Maître Liang sur ses pieds et chargeâmes nos armes. Puis, Lao Yang prit la tête et les dents serrées, nous descendîmes tous trois le chemin qui menait vers les profondeurs du réseau de cadavres.

Les traces de notre précédent passage étaient toujours là. Je me souvins de plusieurs endroits où Lao Yang s’était enfoncé un peu plus dans la boue, laissant de profondes empreintes de pas. Nous suivîmes donc ces traces et constatâmes, comme c’était à prévoir, qu’il n’y avait pas de bifurcation. Mais alors que nous continuions à progresser, j’eus soudain l’impression que quelque chose n’était pas normal. Pourquoi une telle différence dans l’état de décomposition de ces corps ? Certains étaient si décomposés que les os manquaient, tandis que sur d’autres, on voyait encore de la chair. Alors que j’étais sur le point d’arrêter mon trio pour y regarder de plus près, il y eut un grand « bang », puis un squelette sur le sol se disloqua et son crâne roula au loin. J’en fus si effrayé que j’eus un léger sursaut et alors que je me retournais, j’entendis un « pouf » et pour la troisième fois, la torche que je tenais à la main s’éteignit.

Me rappelant ce qui s’était passé la fois précédente, je m’accroupis aussitôt mais au même moment, j’entendis une forte agitation sur le côté et Lao Yang nous cria :

― Putain oui ! Je le tiens !

Notes explicatives :

(1) Bouddha Amitabha, le Bouddha du paradis occidental. Peut aussi être utilisé comme mantra : “que le seigneur Bouddha nous préserve !” ou “Bouddha miséricordieux !”.

(2) Lorsque les pilleurs de tombes entrent dans une tombe, ils doivent mettre une bougie dans le coin sud-ouest, étant entendu que si un fantôme souffle sur la bougie, ils doivent tout remettre en place et partir.

(3) Le Qinggong est un style d’arts martiaux chinois. Il s’agit d’une technique d’entraînement pour sauter de surfaces verticales (elle a influencé le développement du parkour). Dans les fictions wuxia, le qinggong est généralement décrit comme étant capable de se déplacer rapidement et légèrement à une vitesse surhumaine, et d’effectuer des mouvements défiant la gravité, comme glisser sur l’eau, escalader de hauts murs et monter aux arbres.



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