En achevant un idiot de plus venu m’affronter avec un marteau de guerre trop lent pour m’atteindre, j’avance en direction de l’inconnu qui sourit. Pour l’instant, ce n’est qu’une insulte de plus venant d’un faible qui pense pouvoir me tuer.
Je n’aime pas ce genre de sourire vaniteux. Le Nécromancien avait le même. D’après ce que j’ai vu jusqu’à présent, il n’y a que moi qui devrais avoir le droit d’en avoir un. Surtout quand je prouve encore et encore que personne ne peut m’atteindre.
L’inconnu n’a rien de particulier. Il n’a même pas d’arme sur lui à vrai dire. Un fan d’arts martiaux ou un mage sans sceptre, probablement. Du coin de l’œil, je peux voir que Kiki est bien occupée par les adversaires restants qui semblent penser qu’elle est une proie plus facile que moi. Vu sa puissance de feu, c’est stupide de le penser une seule seconde. Elle aussi pourrait probablement m’amuser quelques instants, mais l’inconnu a au moins pour lui de m’intriguer.
— Je connais assez bien cette façon de bouger, mais je ne m’attendais pas à la voir en descendant dans la Fosse.
– Oh. Un admirateur. Dois-je signer ton corps avec ton sang quand j’en aurai terminé avec toi ?
— Disons plutôt un confrère, mais tu seras probablement triste d’apprendre que je suis la version supérieure ici.
— Oh. Un idiot. Montre-moi dans ce cas, que je m’amuse.
L’inconnu sourit une fois de plus en faisant une légère révérence. Je raffermis ma prise sur les crocs en me préparant à me jeter sur lui. Malheureusement, quelque chose d’étrange se produit. Son corps se transforme alors que ses vêtements se déchirent ou tombent par terre.
L’inconnu est un Animorphe. Moi aussi je souris maintenant. Pas un sourire vaniteux, mais bien de joie et d’amusement, car je vais pouvoir affronter une race que je connais bien. Un Animorphe de serpent.
Son corps continue de grossir et de s’allonger en devenant celui d’un serpent de grande taille. Non, ce n’est plus un serpent à ce niveau alors que ses yeux me fixent à plusieurs mètres au-dessus de ma tête. C’est un Basilic.
Des écailles noires le recouvrent entièrement, des yeux jaunes menaçants qu’il braque sur moi et un corps de plusieurs dizaines de mètres qui se contorsionne sur lui-même pour se préparer à m’attaquer. Il pourrait probablement m’avaler sans problème vu sa taille, mais j’ai vu pire comme reptile. Il suffit de voir un Dragon pour se dire que cet inconnu n’a rien de menaçant, même le Primat binoclard dans l’arène était plus intimidant pour un binoclard, et il n’avait pas besoin de bomber le torse.
En entendant l’organisatrice le présenter, j’apprends que l’inconnu se nomme « Paresso ». Une cible de choix pour mes crocs, mieux que le reste de la piétaille que j’ai affrontée jusqu’à présent.
En sifflant, il se jette sur moi et j’évite sa morsure en essayant de pénétrer ses écailles. Un échec qui ne fait que les rayer, mais je m’y attendais. Il se remet en position pour m’attaquer à nouveau, mais ce n’est qu’une danse qui n’aura pas de fin s’il se contente de faire ça. Je me jette en avant en direction de son corps en esquivant un mouvement de sa queue qui m’aurait probablement arraché la tête d’après le sifflement de l’air.
Il est temps de voir qui est le meilleur reptile. Celui qui en a l’apparence ou celui qui en est un.
Alors que je plante rapidement un croc dans la peau du ventre qui est plus tendre, Paresso s’agite en sifflant pour se jeter une fois de plus sur moi. Il cherche à m’avaler, mais je m’y attendais. Pendant un instant, une image me revient en tête, celle d’une souris se faisant avaler par Juliette. Ce n’est pas suffisant pour me déconcentrer, mais j’aimerai bien que Nomad garde ça pour lui et ne me perturbe pas avec des pensées parasites.
Alors que je me retrouve dans sa gueule, je plante un croc dans la partie supérieure de sa gueule en souriant et en l’empêchant de refermer sa gueule avec mes deux jambes. Il m’emporte alors avec lui à travers la Fosse, probablement en paniquant.
Vu sa blessure, il est difficile de m’atteindre sans enfoncer le croc plus profondément et aggraver sa blessure. Alors qu’il s’apprête à frapper sa tête contre la Fosse, je me précipite entièrement dans sa gueule en passant entre les crocs pour me protéger. Le choc me secoue un peu, mais n’a rien de dramatique. Je frappe un des deux crocs de l’Animorphe que je casse alors qu’il semble enrager encore plus en agitant sa tête dans tous les sens. La gravité change tout le temps de direction, mais ça ne m’empêche pas de garder ma prise à l’intérieur de sa gueule et même de planter mon deuxième croc dans la partie inférieure de sa gueule à plusieurs reprises. Même sa langue finit transpercée alors que jusque-là elle n’était rien de plus qu’une nuisance qui cherchait à se débarrasser de moi comme si j’étais un bout de viande coincé entre ses dents.
« Et maintenant, qui est la version supérieure, abruti ? »
Il continue de s’agiter jusqu’à ce que sa taille commence à changer. Il rapetisse graduellement. Son but est probablement de m’obliger à sortir de là ou à me broyer. Une action stupide qui causera sa mort si je décide de laisser mes crocs plantés ou que je vise un peu plus loin dans la zone où j’atteindrai son cerveau. Cela dit, il doit avoir un plan…
Très bien, jouons. Je retire les crocs en sortant de là.
J’atterris au sol en me retournant pendant qu’il continue de gémir en changeant de forme. Qu’il soit ou non un vrai Basilique ne m’intéresse pas. À la limite, si c’est le cas, il sera immunisé au poison de mes crocs, ce que j’espère. Il n’en a que pour quelques secondes avec une morsure aussi proche de sa tête et je n’ai pas fini de jouer avec lui.
Ce Paresso ne comprend pas une chose à mon propos. Lui est un homme dans un corps de serpent.
De mon côté, je suis un serpent dans le corps d’un humain. Il prétend être un serpent, mais je n’ai jamais rien fait de tel. Je n’en ai pas besoin. Même avec ce corps, j’en suis un.
Sa taille et sa forme changent graduellement et la partie supérieure de son corps prend une forme plus humaine avec des bras. La partie inférieure est toujours celle d’un Serpent. Je peux voir que du sang coule de sa bouche fermée alors que le capuchon de cobra qui va du haut de son crâne jusqu’à ses épaules s’ouvre et se ferme pour me menacer. Il a maintenant des griffes de lézard et des écailles le recouvrent comme une armure, si ce n’est pour une fine ligne au milieu de son corps partant de son menton pour continuer sur son ventre et la partie « serpent » de son corps.
Je crois que sur terre on appelle ça une gorgone ou un Lamia ? Une forme amusante. Une façon de travestir ce qu’il est, mais je peux comprendre l’idée de vouloir fusionner le meilleur des deux mondes.
Il a perdu en taille, mais peut-être pas en efficacité. Pendant un instant, j’ai l’impression qu’il veut dire quelque chose, mais il se ravise. C’est sans doute mieux vu comment j’ai percé sa langue, il y a moins d’une minute. Ce serait triste de le voir zozoter pour essayer de m’intimider.
Je me contente de lui sourire en essuyant le sang qui coule sur mon visage. En secouant la tête ensuite , j’évacue le trop-plein de sang qui était dans mes cheveux. Même pas une égratignure pour moi. Une attaque bien stupide de ce Paresso, mais j’admets qu’il m’amuse beaucoup.
Alors qu’il fait apparaître un bouclier qui est aussi un miroir, je me contente de soupirer en me jetant en avant. Une situation assez ironique de voir que ‘Persée’ est un gant sur ma main et que j’affronte un homme serpent armé d’un bouclier miroir.
Je n’ai pas souvenir d’un combat entre gorgones, mais de nous deux, je suis clairement le serpent le plus menaçant pour l’instant.
Paresso se jette dans ma direction à une vitesse digne du boost d’agilité tout en se cachant derrière son bouclier ou je peux voir mon reflet.
La partie la plus perturbante de son attaque reste de voir mon reflet. Cela me déconcentre de voir Nomad quand je suis Sigu. Cela me déconcentre même un peu trop, comme si je n’étais pas moi-même. J’entends la voix de Yuu me dire de faire attention alors que mon regard se fixe sur le miroir. Et je peux sentir la fusion réagir bizarrement en étant moins stable.
Au final, j’ai à peine le temps de me protéger au moment où il change l’angle de son bouclier pour prendre de l’élan et me frapper de toutes ses forces avec. La disparition de mon reflet de mon champ de vision met fin à ce qui ressemble à un effet hypnotique. Je n’aurai eu le droit qu’à un instant pour retrouver mes esprits avant de prendre le bouclier de plein fouet avec toute la force et la vitesse de l’attaque.
L’attaque me jette au sol alors que j’accuse le coup. J’ai connu plus douloureux et je suis déjà content de n’avoir rien de cassé.
Je peux aussi sentir qu’il s’apprête à m’attraper avec son corps pour m’emprisonner et probablement m’étouffer, mais je le fais reculer en agitant mes crocs. Je peux l’entendre siffler alors qu’il me tourne autour.
Il aura au moins eu le mérite de me blesser, mais ça s’arrête maintenant. Je n’ai qu’à pas regarder ce fichu bouclier miroir qui semble être un point faible que je n’imaginais même pas avoir.
Paresso attrape une lance dans son inventaire et je peux l’entendre siffler pour me menacer alors qu’il me tourne autour. J’esquive une première attaque en essayant de ne pas regarder le reflet du miroir, mais ça complique le combat en sachant qu’il se protège en restant derrière.
Il m’attaque plusieurs fois à la lance au point de me couper la joue pendant que j’esquive ses coups de queue. À cause de sa vitesse et de mon point faible, c’est plus difficile de me défendre.
Je finis par sauter dans les airs, mais je me doute qu’il n’attendait que ça pour pouvoir m’embrocher maintenant que je n’ai plus pied à terre. Cependant, c’est une situation où j’ai l’avantage. Tout d’abord, je n’ai plus son foutu bouclier en face de moi, juste sa tronche de reptile. Ensuite, j’ai un corps bien plus malléable qu’il ne le croit.
Alors qu’il essaye de m’atteindre avec un coup de lance, je me déboîte le bassin pour me contorsionner en m’enroulant autour du manche de sa lance pour tomber dans sa direction.
En me voyant faire, il semble désagréablement surpris, mais ce n’est rien comparé à la douleur que je ressens. Apprendre à déboîter cette partie a été la plus difficile de toutes à cause de la douleur pour Nomad, mais cela finit par payer maintenant. J’étouffe un frisson qui vient de Nomad alors que je progresse vers Paresso, puisque ce n’est pas le moment de s’attarder sur ça.
Avant même qu’il n’ait le temps de penser à lâcher sa lance ou de se protéger derrière son bouclier, mes crocs s’enfoncent tous les deux dans sa tête de reptile idiot avec un son suffisamment satisfaisant pour que je sache qu’il est mort. La partie supérieure de son corps tombe au sol et je tombe avec lui en remettant en place mon bassin. C’est… Uhm… désagréable.
J’aspire la corruption dans son corps, ce qui me prouve bien qu’il est mort. Bien. Maintenant que cette petite guerre reptilienne est finie, qui est-ce qu’il reste dans la Fosse ?