Les dossiers de l'infirmière scolaire
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Chapitre 4 — Mackenzie, l’anglophone 1
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Sonhwa, qui était en terminale, commença soudainement à ressentir une énorme faiblesse. Elle avait dans la bouche un morceau de ginseng rouge que sa mère lui avait donné, et gravissait la pente menant à l’école.

Ah ! Pourquoi ont-ils construit l’école dans les montagnes ?

En réalité, l’école M. n’était pas construite si haut, mais tous les élèves de terminale, épuisés par leurs études, souffraient de la pente.

Le morceau de ginseng rouge dans sa bouche restait dur. Elle se sentait si mal qu’elle ne salivait même plus correctement.

La veille, à la fin de ses cours particuliers, alors qu’elle s’était assoupie brièvement, la tête posée sur la table, elle avait fait un cauchemar dans lequel elle s’était retrouvée prisonnière de son sommeil. Trois filles chuchotaient alors debout près d’elle :

Elle dort, tu crois ?

Secoue-la.

On dirait qu’elle revient un peu à elle. Est-ce qu’elle nous entend ?

Les filles, je ne dors pas ! Sonhwa avait tenté de se lever brusquement, mais elle avait l’impression que quelqu’un appuyait sur sa nuque et qu’elle ne pouvait plus bouger.

Cela lui arrivait assez souvent, donc elle ne s’en effrayait pas. Par contre, cela irritait.

Elle est restée dans cette position environ vingt minutes. Lorsque la pause est enfin arrivée, sa voisine a repoussé sa chaise, effleurant légèrement Sonhwa, et c’est à ce moment-là qu’elle s’est réveillée.

Oh, merci !

Hein ?

J’ai encore fait un cauchemar, je ne pouvais pas bouger. Dis-moi, est-ce que des filles parlaient près de ma tête ?

De quoi tu parles ? Le professeur principal était là tout le temps. Personne ne pouvait bavarder. D’ailleurs, on dirait que notre prof principal n’a aucune vie personnelle, il est toujours ici. Il devrait au moins se trouver une petite amie…

C’est vrai, rien qu’à voir son visage ennuyeux, on devine qu’il ne doit même pas avoir de passe-temps. Enfin, peu importe. Je suis sûre qu’il y a des fantômes dans l’école. Ça ne m’arrive jamais chez moi, mais ici, c’est à chaque fois.

Mais sa voisine ne l’a pas crue.

Sonhwa l’envia. Elle doit sûrement avoir une énergie puissante.

Elle, en comparaison, avait du mal à traîner les pieds depuis ce matin. De plus, elle était convaincue qu’un autre cauchemar allait se produire dans la journée.

Sonhwa, qui était déjà en retard pour le début des cours, ne se pressa pas vraiment et monta lentement et difficilement la colline :

Salut l’endormie ! lui dit-on en anglais.

On ne pouvait entendre une telle voix que dans les émissions de radio ou de télévision de l’armée américaine en Corée.

C’était le professeur anglophone qui était arrivé récemment dans l’école.

Sonhwa avait étudié dans une maternelle anglophone et avait toujours suivi des cours privés en grammaire et conversation anglaise, mais malgré tous ces efforts, elle ne sut pas quoi répondre.

Tu as quelque chose dans tes cheveux. Something in your hair !

L’enseignant, qui parlait toujours dans un mélange de coréen et d’anglais, tendit la main vers sa tête. Elle n’avait jamais assisté à ses cours, mais elle savait qu’il était très populaire auprès des élèves de seconde. Et pour cause : c’était un bel homme originaire d’Amérique.

Sonhwa toucha ses cheveux mal coiffés.

Pourquoi cet homme venu tout droit de Californie regarde-t-il mes cheveux si tôt le matin…

Dans les rayons du soleil qui tombaient entre les bâtiments, ses dents blanches et régulières brillaient, contrastant avec sa peau bronzée.

Elle n’arriva pas à attraper ce qui était coincé dans ses cheveux et son visage devenait de plus en plus rouge.

Je vais t’aider. Wait, wait, let me… Ok, done.

L’enseignant, comme un enfant qui attendait de recevoir des éloges, tendit sa paume vers elle et lui montra ce qu’il avait retiré.

Une graine séchée avec un crochet.

D’où vient-elle ? Je ne suis pas passée à travers les buissons.

Sonhwa pensa que, heureusement, il n’y avait là rien dont elle aurait pu avoir honte.

In-pyo, qui se tenait près de l’entrée et vérifiait l’uniforme des élèves, croisa le regard du professeur Mackenzie. Celui-ci hocha légèrement la tête en signe de reconnaissance.

Le précédent professeur d’anglais avait été un Canadien de plus de quarante ans. Il avait malheureusement la manie de demander à ses élèves ce qu’elles pensaient d’un mari canadien. On l’avait renvoyé à cause de ça.

Aussi, cette fois-ci, tous les professeurs d’anglais ont participé à l’entretien du nouveau professeur et c’est tous ensemble qu’ils ont choisi Mackenzie.

Mais sur le coup, cela ne leur a pas semblé suffisant. Alors ils ont décidé de faire un deuxième entretien pour lequel ils ont invité In-pyo.

Une très belle femme venue de Nouvelle-Zélande était alors en concurrence avec Mackenzie. Mais comme elle s’est présentée à l’entretien sans soutien-gorge (peut-être qu’en Nouvelle-Zélande cela était considéré comme normal), et que même In-pyo ne pouvait s’empêcher de regarder sa poitrine, la décision a été vite tranchée : il fallait tenir cette beauté occidentale et épanouie à l’écart des élèves en pleine puberté.

Cependant, lorsque Eun-young l’a appris, elle s’est emportée, insistant sur le fait que les soutiens-gorge causaient le cancer et qu’elle rejoindrait volontiers le mouvement contre le port du soutien-gorge si on lui laissait le choix. Elle hurlait que dorénavant, elle aussi arrêterait de porter un soutien-gorge. En écoutant ses propos, In-pyo ne pouvait s’empêcher de se dire que si elle passait des paroles aux actes, elle aurait du mal à produire le même effet que l’enseignante qui venait de Nouvelle-Zélande.

Quand j’ai entendu votre nom, j’ai cru que vous n’étiez pas coréen.

Ah ! En fait, ma mère s’est remariée avec un étranger. Bien sûr, rien ne m’obligeait à changer de nom, mais nous avons pensé qu’avoir un nom de famille américain pourrait me faciliter ma vie. Cependant, avec le recul, je suis incapable de dire si cela m’a aidé ou non.

Vous parlez bien coréen. Mais bon, on vous demande de parler anglais avec les élèves tout le temps, pas juste pendant les cours. Je pense que ce sera plus facile pour vous si vous faites semblant de ne pas du tout parler coréen. Alors voyons… Avez-vous fait votre service militaire ? Vous n’étiez pas obligé de le faire, n’est-ce pas ?

En fait, j’étais un enfant à problèmes et nous vivions dans un quartier pas très sûr. Ma mère m’a envoyé dans l’armée à des fins éducatives.

Et… ? Vous avez été rééduqué ? demanda-t-il avec un sourire.

Pas vraiment. J’ai été battu là-bas. Mais bon, j’aime quand même la Corée. On peut quand même s’amuser ici, voilà pourquoi j’ai postulé dans une école coréenne.

L’honnêteté de cette confession a légèrement déstabilisé In-pyo. Mais il se souvint aussitôt des sages paroles de son grand-père, qui lui disait que les personnes problématiques ne créent généralement pas de vrais problèmes. Du coup, il a décidé de l’embaucher.

Contrairement à In-pyo, Mackenzie n’a pas plu à Eun-young dès le début. Pourtant, elle n’est pas du genre à facilement détester quelqu’un. Surtout que la haine demande beaucoup d’énergie.

Malgré le temps qui passait, Mackenzie ne lui plaisait toujours pas.

Il passait souvent devant les fenêtres de l’infirmerie. Au début, Eun-young a pensé qu’elle n’aimait pas son comportement enfantin, car il marchait lentement, en agitant les bras.

Cependant, lorsqu’elle l’a observé de plus près, elle a immédiatement compris ce qui n’allait pas chez lui. Il ne dégageait aucune énergie amoureuse…

Ce n’est pas possible. Il la cache d’une manière ou d’une autre.

Eun-young a prononcé cela à voix haute involontairement. Personne ne vit sans énergie amoureuse.

Depuis qu’elle a commencé à utiliser ses talents particuliers, elle n’a jamais vu personne sans cette énergie. Qu’il s’agisse d’un moine bouddhiste, d’un pasteur chrétien, d’un patient venant de subir une opération sur les organes génitaux, d’un vieillard de 90 ans ou d’un enfant de deux ans – tous émettaient de l’énergie amoureuse. Même In-pyo, avec son mauvais caractère, en émettait une.

Il était impossible qu’un jeune homme d’un peu plus de vingt ans ne possède pas cette énergie.

Eun-young, qui croyait fermement dans les forces énergétiques, lançait régulièrement des regards méchants à Mackenzie à chaque fois qu’il passait.

Il la voyait et souriait, mais Eun-young ne lui rendait jamais son sourire.

Au quatrième étage, Hwang Yoo-jung se tenait près de la fenêtre de la salle de classe de dixième année, observant le professeur Mackenzie jouer au basket avec les élèves.

Le terrain de basket n’était pas situé sous la fenêtre, mais bien plus loin.

Aussi, la jeune fille fut surprise d’être capable de voir chaque goutte de sueur présente sur le corps de la personne qu’elle aimait, et ce, même si elle était loin d’elle.

La personne que j’aime.

Yoo-jung répétait ces mots plusieurs fois par jour. La personne que j’aime. Professeur Mak, je t’aime, je t’aime. Tu me plais…

En elle-même, ces mots sonnaient de façon douce et parfaite, mais lorsqu’elle essayait de les prononcer à voix haute dans sa chambre, ils résonnaient de façon stupide et étrange. Elle ne pourrait probablement jamais les dire à qui que ce soit de toute sa vie.

Les autres avouent si facilement leur amour…

Mais si Yoo-jung le faisait, les autres prendraient probablement son aveu pour une mauvaise plaisanterie ou même une agression.

L’école a toujours été un endroit terrible pour Yoo-jung. Pas juste cette école. Depuis le tout début de sa scolarité, elle avait voulu quitter l’école à plusieurs reprises.

Tout le monde l’appelait “pellicules sales”.

Lorsqu’elle était à l’école primaire, elle avait souffert de dermatite atopique.

Au collège, c’était à cause d’un shampooing qui ne convenait pas à son type de peau, provoquant l’apparition de quelque chose ressemblant à des pellicules.

Même au lycée, elle restait la cible de moqueries. Certains élèves étaient insensibles aux moqueries de leurs camarades de classe, mais Yoo-jung n’était pas comme ça.

Elle détestait autant ceux qui la tourmentaient que ceux qui la traitaient bien.

Elle avait l’impression que quelque chose en elle était cassé, si bien que son seul désir était de rester seule.

Parfois, elle pensait qu’elle était prête à tout pour quitter l’école. Si ses parents avaient été plus compréhensifs, ils l’auraient laissée faire, mais malheureusement, ils ne l’étaient pas.

Grâce au professeur Mackenzie, la fréquentation scolaire de Yoo-jung s’était tout à coup presque normalisée.

Avant, elle pensait que les filles qui tombaient amoureuses de leur prof étaient stupides, mais maintenant elle en était devenue une elle-même.

Bien qu’un simple anglophone qui a pour consigne de tenir avec eux des conversations en anglais ne pouvait pas vraiment être considéré comme un véritable enseignant.

Elle est tombée amoureuse le jour où le professeur Mackenzie, en écartant sa frange de son front, lui a dit qu’elle était belle.

Belle.

 Yoo-jung n’a jamais pensé entendre un jour ce mot banal et cliché être utilisé à son sujet.

Bien sûr, elle n’était pas tombée amoureuse de lui à cause de cela.

Ce jour-là, plusieurs camarades de classe la maltraitaient en refusant de faire un exercice en binôme avec elle.

Elle pensait que le professeur Mackenzie ferait semblant de ne pas le remarquer et continuerait la leçon. Mais au lieu de cela, il s’est approché du coin où elle était assise, a essuyé sa main couverte de craie sur son pantalon, soulevé sa frange avec le dos de sa main et l’a regardée dans les yeux.

Pour la première fois, Yoo-jung vit des yeux qui la regardaient sans aucune méchanceté et qui lui souriaient avec malice.

Il ne le faisait pas dans un but éducatif, il souriait vraiment à elle, Yoo-jung.

Elle en fut si surprise qu’elle fut incapable de prononcer un mot, et le professeur Mackenzie s’adressa aux autres :

Vous êtes tous si stupides. Voyez le potentiel ! Quelle beauté est Yoo-jung ! Elle a une peau merveilleuse et délicate. Pourquoi ne voyez-vous pas son potentiel ? Lorsque vous irez à l’université, Yoo-jung sera la plus belle fille du campus, et je peux vous dire que vous vous en mordrez les doigts.

Évidemment, personne n’a pris ses mots au sérieux, et encore moins concernant la peau ou la silhouette — ce n’étaient pas des choses qu’un enseignant devrait dire.

Yoo-jung était sous le choc tandis que Mackenzie parlait.

Elle ne se souvenait pas que quelqu’un l’ait jamais regardée directement dans les yeux. Elle ne se souvenait pas non plus que quelqu’un l’ait jamais appréciée sans tenir compte de l’opinion des autres.

Les paroles de l’enseignant ne sonnaient pas vraies : il était peu probable que vienne le jour où Yoo-jung deviendrait belle et que quelqu’un l’aimerait.

Peut-être seulement après sa réincarnation… car elle était horrible à l’extérieur comme à l’intérieur.

Mais pourtant elle a cru, ne serait-ce que pendant un court instant, que Mackenzie disait la vérité.

Même si c’est un mensonge, je veux quand même être trompée.

Il lui avait semblé qu’au moment où le professeur Mackenzie avait soulevé sa frange, il avait lu ses désirs les plus secrets. Et que quelqu’un avait audacieusement menti pour elle, et que ce mensonge était beau et convaincant. Finalement, cela lui suffisait.

Lorsqu’ils se sont à nouveau croisés dans le couloir, le professeur Mackenzie a dit une nouvelle fois à Yoo-jung :

Coupe-toi les cheveux. Ne te cache pas derrière.

Après cela, Yoo-jung a légèrement fait couper sa frange. Mais personne ne l’a remarqué, et il lui était impossible de la couper plus court.

Cependant, lorsqu’elle se lavait les cheveux, il lui semblait que ses cheveux étaient devenus plus légers et ne pesaient plus autant sur sa nuque et ses épaules, qu’elle avait toujours si douloureuses.

Monsieur Hong !

In-pyo rentrait dans l’école après le déjeuner lorsqu’il fut rattrapé par le professeur Mac, qui jouait au basketball avec des élèves.

Il agitait énergiquement la main pour l’inviter à jouer avec eux. Voyant cela, In-pyo fut déconcerté.

Quel cauchemar ! Lui et l’infirmière ! Pourquoi font-ils tous semblant de ne pas savoir que j’ai une jambe blessée ? Si je pouvais jouer au basket, est-ce que je boiterais ?

In-pyo secoua la tête négativement. Mackenzie fronça les sourcils, comme le font les étrangers pour exprimer leur regret, et quitta le terrain.

One more game ! One more game ! crièrent les élèves à son adresse.

Les enfants ne voulaient pas le laisser partir, mais Mackenzie gravit avec facilité les escaliers.

Désolé. Je dois y aller. Gardening time.

Lorsque Mackenzie s’est porté volontaire pour diriger le club de jardinage, les enseignants et les élèves ont pensé qu’on l’y avait forcé. Tout d’abord parce qu’un enseignant à temps partiel ne s’occupait généralement pas des clubs, et ensuite parce que son caractère ne correspondait pas du tout à une telle activité.

Des rumeurs circulaient selon lesquelles les règles de l’école avaient été spécialement modifiées pour ne pas supprimer le club de jardinage, qui manquait d’élèves. Les rumeurs étaient crédibles.

Cependant, lorsque le professeur Mackenzie, portant un foulard sur la tête comme un rappeur, s’est mis à travailler avec enthousiasme sur tous les parterres de fleurs et a planté de nombreuses fleurs dont personne n’avait entendu parler, tout le monde a été impressionné et s’est mis d’accord sur le fait qu’un professeur anglophone plutôt inhabituel avait débarqué à l’école.

La Méduse est entrée à l’infirmerie pour la première fois depuis longtemps et s’est tenue là, humant l’air.

Cette odeur m’a manqué.

Pourquoi viens-tu ici tout le temps ? Ça ne fait pas très sérieux quand les diplômés reviennent souvent dans leur ancienne école.

Eun-young la grondait, mais de façon bienveillante et amicale. Cependant, en voyant le nuage sombre qui suivait Haehyun, elle s’arrêta net.

J’ai rompu avec Seung-gwon, confia Haehyun.

Eun-young n’a posé aucune question. D’abord, les couples formés au lycée ne se retrouvent que rarement à l’université, et ensuite, une personne aussi indifférente que Haehyun peut difficilement avoir une relation longue durée avec qui que ce soit.

C’était dommage, bien sûr, qu’elle ait perdu quelqu’un d’aussi bien que Seung-gwon, mais on ne pouvait rien y faire.

Ce qui attristait surtout Eun-young, c’était que Méduse semblait vraiment triste, ce qui ne lui ressemblait pas du tout.

Vous voulez aller voir une cartomancienne qui lit le tarot avec moi ?

C’est du baratin.

Hein ? C’est étrange de vous entendre dire cela.

Pas tout ! Généralement, ce sont des charlatans qui n’y connaissent rien qui font des prédictions.

c’est faux ! Il y a une femme talentueuse près de l’école. Je serais curieuse que vous la rencontriez.

Je ne veux pas. Pourquoi devrais-je y aller avec toi…

À ce moment-là, Haehyun a baissé les yeux. Et Eun-young ne put plus rien lui refuser.

Lorsqu’elles quittèrent de l’école avec leurs affaires, In-pyo est apparu.

Oh, Haehyun, tu es là ? Eun-young, nous allons au restaurant avec les autres enseignants pour manger du thon. Vous venez avec nous ?

Eun-young saliva à la seule mention du mot « thon », mais elle a aussitôt refusé, décidant de se conduire en adulte attentionnée qui s’occupe d’abord des plus faibles.

Sur le visage d’In-pyo, les sous-titres ont aussitôt défilé. On pouvait y lire « Qu’est-ce qui se passe ? Cette femme refuse du thon ? »

Eun-young en fut légèrement mal à l’aise. Mon Dieu, tout est toujours écrit sur son visage.

In-pyo, rassemblant les autres enseignants, se rendit au restaurant, parmi eux se trouvait Mackenzie. Les enseignants ont essayé de lui parler en anglais, et même les professeurs d’anglais étaient timides et riaient nerveusement.

Pourquoi votre mère vous a-t-elle envoyé dans l’armée coréenne ? Qu’avez-vous fait ? demanda In-pyo, en plaçant soigneusement un morceau de thon sur de la salade.

En réalité, rien de grave. Je fumais juste de l’herbe. Et ma mère m’a surpris. Aux États-Unis, il est courant d’essayer. Je n’ai plus fumé après ça.

Mackenzie s’interrompit et regarda In-pyo et les autres enseignants, observant leur réaction. Tous les présents ont fait semblant que ce n’était pas si grave et qu’ils n’étaient pas aussi conservateurs. Voyant cela, Mackenzie continua :

C’est vrai, le quartier où nous vivions était défavorisé. Certains de mes amis sont devenus toxicomanes. Les drogues étaient faciles à obtenir. Je pense que ma mère a pensé qu’il fallait me protéger de tout cela et m’a envoyé en Corée. Au début, c’était terrible dans l’armée. On m’a dit de me reposer, alors je me suis couché. Et j’ai été réprimandé pour ça… Cependant, quand j’ai appris à évaluer correctement la situation, tout est devenu beaucoup plus facile. Je pense que la Corée me convient mieux que les États-Unis.

Les enseignants tapotèrent Mackenzie dans le dos, louant la Corée et lui versant généreusement un peu de soju. Mackenzie n’a pas refusé et a bu, bien qu’il ne semblait pas être un buveur invétéré.

Yoo-jung se tenait devant un immeuble d’appartements sociaux. Elle était venue. Incroyable, elle était vraiment venue. Elle-même n’y croyait pas. Yoo-jung avait découvert l’adresse de Mackenzie dans la salle des professeurs, tirant profit de sa discrétion.

Qu’est-ce que je comptais faire en venant ici ?

Yoo-jung savait qu’il était stupide pour elle de venir là sur un simple coup de tête. Et maintenant qu’elle était sur place, elle était déçue : le logement était loin de l’idée qu’elle se faisait d’une maison coûteuse dans le style californien.

Il semble qu’il soit pauvre. Le professeur Mackenzie est très pauvre.

Le bâtiment était horriblement vieux et délabré et l’appartement de Mackenzie était situé au rez-de-chaussée dans la partie nord de l’immeuble, là où le soleil ne pénétrait pas. Sous sa fenêtre se trouvaient des conteneurs à ordures, l’odeur était terrible.

Yoo-jung fut surprise, se demandant comment il pouvait sourire si joyeusement tout en vivant dans un tel endroit.

Son sourire était toujours si pur… Inexplicable.

Yoo-jung pensait souvent qu’elle ressemblait à un reçu froissé qu’on aurait jeté parce qu’il n’était plus nécessaire, et elle aurait voulu au moins une fois sourire comme lui. Malgré tout, elle était curieuse de voir à quoi ressemblait sa chambre.

Elle glissa en grimpant sur le conteneur à vêtements. Il n’était pas très haut, mais sa surface en métal était irrégulière. Elle craignait de se blesser les genoux, alors elle retira son pull, le plaça sur le conteneur et y monta. Cette fois-ci, elle réussit, mais ses cuisses se contractèrent douloureusement à cause du manque d’habitude — elle ne bougeait pas beaucoup, même pendant les pauses.

La douleur fut si intense qu’elle ne put s’empêcher de crier. Heureusement, il n’y avait personne à proximité.

Elle tapota longuement sa cuisse, puis colla son front contre la moustiquaire et essaya de regarder à l’intérieur.

Il n’y avait rien de particulier dans la pièce. Un matelas par terre, un porte-manteau sur le sol, un petit réfrigérateur et quelques caisses en carton que Mackenzie semblait utiliser comme commode. Et c’était tout.

Une valise ouverte était posée sur le sol. Presque tous les vêtements étaient des vêtements de sport ; Yoo-jung reconnut plusieurs paires de baskets qu’elle lui avait déjà vues.

Il y avait aussi des livres en anglais çà et là. Des best-sellers internationaux, rien d’inhabituel. Il était difficile de déterminer ses goûts à partir de ces seuls objets.

Ça ne peut pas être vrai, pensa Yoo-jung. Il ne peut pas être comme ça. Il est si spécial. Comment peut-il avoir une chambre aussi ordinaire ?

Elle ne pouvait pas se résigner à cette idée.

Yoo-jung appuya avec ses doigts sur la moustiquaire. Elle la secoua légèrement et de la poussière en tomba, ce fut tout. Elle était plus solide qu’elle ne le paraissait à première vue.

Yoo-jung se retourna et s’assit sur le bord du conteneur, laissant ses jambes pendre. Elle pensait que si elle se faisait attraper, tout le monde saurait à son sujet. Que lui arriverait-il alors ? Probablement pire que ce qu’elle endurait déjà.

Elle pouvait déjà imaginer les autres élèves discuter bruyamment de la façon dont la folle Hwang Yoo-jung avait pénétré dans la chambre de Mackenzie. Jusqu’à présent, ils ne l’avaient torturée qu’avec des mots, maintenant ils pourraient peut-être aussi la battre. Elle était curieuse de savoir s’ils riraient ou non en faisant cela.

Yoo-jung avait toujours été asociale depuis sa naissance. Elle avait une moue moqueuse collée sur son visage, et beaucoup pensaient qu’elle se moquait d’eux.

Il est fort possible que cela ait irrité les autres encore plus que la moindre moquerie.

Son père et sa mère avaient essayé de la rééduquer, mais ils n’avaient pas réussi. Et après un certain temps, elle avait commencé à réellement se moquer du comportement des autres.

Dans une meute, il y a toujours des animaux faibles — ceux que les autres mettent à l’écart pour servir de proie pour les prédateurs, ceux qui ne peuvent jamais se joindre à la meute principale, et ce, jusqu’à la fin de leur vie. Pourquoi les autres ne peuvent-ils pas admettre que je suis l’une d’entre eux ? Si seulement ils me laissaient tranquille.

Mais si je me fais attraper cette fois-ci, peut-être que je pourrais quitter l’école. Cette pensée la soulagea. Elle sortit un cutter de sa trousse et traça un grand X sur la moustiquaire.

Laissant ses chaussures sur le conteneur, elle descendit dans la pièce et murmura un « Désolée ! » tout en imaginant le professeur Mackenzie devant elle.



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