Alors qu’elle hurle dans le micro, une ovation se fait entendre et retentit dans la Fosse en devenant grotesque avec l’écho.
« Les premières inscriptions commencent à arriver ! Ils vous restent encore deux minutes avant qu’elles se terminent pour ce round ! On se bouge ! Cette fosse ne va pas se remplir de cadavres toute seule ! Qu’on me jette un café avant que je tue quelqu’un ! »
Je soupire en ajoutant cette femme à la liste des détraqués que j’ai rencontrés jusqu’à présent. Il y a quelque chose dans sa façon de me regarder ou même dans sa façon de se comporter qui n’inspire pas confiance. Cependant, je peux comprendre pourquoi des « camés de combat », comme les appelle Kiki, peuvent l’apprécier. J’imagine qu’il faut au moins avoir une personnalité aussi exubérante pour travailler dans un endroit pareil, ou une case en moins…
Enfin vu ma compagnie, je me demande si je suis l’une des dernières personnes saines d’esprit au pied de la tour…
[Rassure-toi, tu es aussi fou que les autres. Tu penses juste que ce que tu fais est normal, mais je te rappelle que tu as failli mourir une dizaine de fois, que ton esprit s’est fait déchiqueter à plusieurs reprises eeeet que tu as actuellement plus confiance en une souris et un serpent qu’en moi ! Complètement irrationnel !]
L’une comme l’autre, elles n’ont pas causé ma mort temporaire. C’est un détail, mais ça compte pour moi.
[Je me sens presque blessé par ta remarque.]
Cependant, j’imagine que tu as raison. Je parle plus avec des animaux que des humains. Niveau santé mentale –
Avant que je n’aie le temps de terminer ma pensée, Kiki toussote et me dit de regarder en l’air. J’imagine que me voir fixer le vide lui donne l’impression que je ne fais pas attention aux alentours.
« Il pleut des hommes, c’est un vrai miracle. Commence à tirer, tu veux bien ? »
Alors qu’elle me dit cela, j’attrape mon arbalète et je tire un carreau derrière moi sans regarder. Frimer ne fait pas de mal, surtout quand j’ai les yeux de Micha qui sont plus efficaces que les miens.
Le carreau s’enfonce dans le torse d’un homme qui flanche à peine et continue de sourire en avançant avec une batte à la main.
À travers les yeux de Micha, je peux voir qu’ils sont des dizaines à se jeter dans le vide sans même utiliser de corde pour descendre dans la Fosse.
« Tu vas avoir une surprise, le nouveau, si tu penses pouvoir buter l’un de nous avec un cure-dent ! »
Kiki fait apparaître un pistolet en mana et commence à tirer sur l’homme à la batte à plusieurs reprises avant qu’il ne finisse par s’effondrer.
— Prends ça sérieusement tu veux. Je n’ai pas envie de me dire que tu es aussi faible que tu en as l’air.
— Chacun sa méthode. Je n’ai jamais perdu avec la mienne.
Je jette un couteau de lancer sur un des hommes qui me charge en esquivant un coup de poing. J’enfonce ensuite profondément mes griffes dans le torse de l’attaquant le plus proche avant de le frapper avec Persée. Même si je viens de lui broyer le nez, il recule un peu avant de se remettre en garde comme un boxer. Il commence à balancer la partie supérieure de son corps de gauche à droite avant d’avancer dans ma direction.
Je n’ai vraisemblablement pas de temps à perdre avec lui vu qu’à chaque seconde de plus, il y en a de nouveaux qui tombent dans la Fosse. Ils sont déjà une vingtaine à me regarder en souriant.
Point commun ? Ils sont tous torse nus et n’ont que des armes de fortune sur eux. J’ai bien l’impression d’avoir un club étrange de grimpeurs fauchés en face de moi. Pour vivre ici, j’imagine bien qu’ils le sont. Cependant, vivre ici implique une chose que je ne peux pas leur retirer. Ils sont capables de survivre quoi qu’il arrive. Inutile de retenir mes coups.
J’attrape mes stylets en les sortant des étuis sur mes cuisses. Le grimpeur face à moi s’avance et cherche à m’envoyer un direct du droit, mais celui-ci se transforme en un crochet qui se dédouble comme s’il avait deux poings au lieu d’en avoir un seul.
Avoir combattu contre Korail me donne un peu d’expérience, mais cela reste une surprise. J’esquive les deux coups de poing avant de –
« Tu perds trop de temps. »
Je me baisse tout de suite alors que Kiki utilise une lame de mana pour couper la tête du grimpeur. Sans même s’arrêter, elle part en direction d’un autre adversaire alors qu’ils sont maintenant une trentaine à nous encercler et à nous observer.
« Ne me déçois pas, je t’ai vu faire mieux que ça. »
Kiki commence à m’irriter avec ses remarques. J’imagine que je n’aurai pas le droit à un échauffement correct.
Dans ce cas, c’est à moi d’imposer le rythme. J’active mon boost d’agilité avant de sauter dans la foule d’ennemis. En profitant de la surprise, je plante mon stylet ici et là en frappant sans m’arrêter. Certains esquivent l’attaque et d’autres ne sont même pas égratignés, mais c’est un problème pour plus tard.
Je passe entre les grimpeurs en continuant mes attaques sans leur laisser le temps de créer un espace suffisant pour me garder immobile. Certains arrivent quand même à me frapper, mais ce n’est pas suffisant pour que j’oublie que si je m’arrête au milieu du groupe, je meurs.
« OUAIS !! C’est ça que je veux voir, gamin ! Rien de mieux que du sang et des tripes pour finir de me réveiller et faire battre le palpitant ! Allez, les gars ! Je peux sentir que l’atmosphère se réchauffe, bougez-vous le cul ! »
Au-dessus de ma tête, l’organisatrice s’énerve et commence à lancer des commentaires inutiles alors que j’esquive un coup de pied sauté. Elle finit d’avaler son café d’une traite avant de jeter la tasse dans la Fosse sur un de mes adversaires.
« Ça ne fait que commencer !! Hey ! Là-haut, Polka !!! Balance-moi du rock qui crache que tout ce foutu royaume sache qu’il n’y a pas d’heure pour tuer son prochain !! Ahaha – »
Elle commence à rire comme une démente, mais ça ne fait que prouver ma supposition d’il y a quelques minutes.
J’esquive un coup de batte alors qu’un autre type essaye de me ceinturer. Sans ménagement, je plante mon stylet dans sa cage thoracique avant de me libérer complètement.
Je regarde ensuite derrière moi, mais malheureusement, même ceux que j’ai le plus amochés ont l’air de se moquer de mes attaques et me regardent, amusés.
« Allez mes gagneuses ! C’est le moment de bomber le torse et de claquer le débutant au sol ! »
La femme jette ensuite une dizaine de pièces d’or dans l’arène en riant à nouveau comme une démente. Ils sont quelques-uns à se précipiter sur les pièces, mais dix autres se jettent juste dans ma direction. Au sourire qu’ils arborent et au regard de déments, ce sont très certainement des « camés de combat ».
Avant qu’ils ne puissent m’atteindre, je me jette dans les airs en utilisant mes bottes. L’un d’entre eux me tacle dans les airs et je finis contre la paroi de la fosse à manquer d’air à cause de l’impact. C’est bien sûr à ce moment-là que la musique que voulait l’organisatrice se lance… et retentit dans la Fosse au point d’égaliser le son des combats.
Vu les regards tournés dans ma direction, je peux sentir que l’intensité du combat vient de monter d’un cran. Probablement l’effet d’un barde imprégné dans la musique.
En serrant les dents, je plante plusieurs fois mon stylet dans le ventre du type qui ne veut plus me lâcher. En accusant le coup, il finit par relâcher sa prise sur moi et sur le mur. D’un coup de pied qui vaut celui d’un zèbre, je l’expédie aussi loin que je peux. Je reste accroché au mur alors qu’ils sont plusieurs à l’escalader pour m’atteindre.
[Insulte-les !]
{Oui ! Ils sont pas beaux !}
…
« Alors les bouseux, vous avez du mal à suivre le rythme ?! Ma tête vaut pas suffisamment ?! »
Étrangement, je ne m’attendais pas à retrouver le même sourire carnassier qu’avait Marty tout à l’heure sur tous ces types en disant cette phrase. Je cherchais juste à les mettre en colère, pas à stimuler leur avarice.
[Ne jamais proposer à un camé de combat un défi de camé de combat.]
C’est de toi cette devise ? Tu pouvais pas dire qu’une bête acculée ne recule devant rien pour survivre ? Que la fortune sourit à l’audacieux ou un truc du genre pouvant booster mon envie de gagner ?
[J’aurai pu.]
Ce renard commence à me fatiguer très sérieusement. J’ignore sa remarque où il précise être un Kelfi et pas un maudit renard pour me concentrer sur mon adversaire le plus proche.
« Alors les baltringues, vous allez quand même pas le laisser se moquer de vous sans lui mettre une patate ?! On se bouge là-dedans ! »
Cette femme aussi me fatigue.