S’il y avait eu un volcan, juste là, le majordome Bai Feng aurait sauté dedans sans la moindre hésitation.
Le Vieux Maître est l’un des Trois Grands Doyens du Pavillon de l’Épée du Nuage Ascendant. Avec son influence, même les plus hauts placés n’os ent pas lui manquer de respect. A-t-il jamais limité son argent de poche ou a-t-elle jamais manqué de nourriture ?
Dire qu’elle s’est abaissée à jouer…
Et qu’elle se comporte aussi avidement en réclamant toute la fortune de son adversaire !
– « Elle n’a pas pu battre Mo Xiangyun plus tôt. Cela ne fait même pas deux minutes qu’elle est partie, je doute qu’il y ait une différence ! »
– « Bien qu’elle doive s’attendre à perdre, Bai Ruanqing propose quand même un tel pari. Est-elle devenue folle ? »
– « Probablement pas. Elle essaye peut-être d’humilier l’Aînée Mo pour lui faire perdre son sang-froid… »
– « Possible. Après tout, le mental est extrêmement important dans une bataille. Cependant, il est impossible que quelqu’un de son calibre puisse être affecté aussi facilement. Elle essaie donc en vain ! »
Les spectateurs discutaient en essayant de comprendre les véritables intentions de Bai Ruanqing.
Lequel des cinq premiers disciples principaux n’avait pas lutté lors d’innombrables batailles pour atteindre le sommet ? Si l’un d’eux pouvait perdre la raison juste à cause d’une provocation de ce genre, celui-ci aurait été écarté depuis longtemps, incapable de tenir sa position au classement aussi solidement, ni de devenir hautement respecté dans la secte.
Ils avaient vu juste. Non seulement Mo Xiangyun n’avait pas perdu son sang-froid, mais elle fixa son adversaire avec espièglerie. « Très bien, parier sonne agréablement à mes oreilles. Voyons qui crachera la monnaie. Pouvons-nous commencer ? »
– « Ah, bien sûr… » Son visage était si rouge qu’elle aurait pu mourir d’embarras.
Même si elle était parfois violente et imprudente, sa franche honnêteté lui interdisait normalement ce genre de chose.
Cela aurait dû être un duel sacré portant sur l’escrime dans le but de déterminer qui était le meilleur, mais dès l’arrivée de son Grand Oncle Zhang… Elle se sentait vraiment mal à l’aise !
On dirait un duel illicite entre brigands !
Heureusement qu’elle se battait dans le Hall Éthéré et que son grand-père ignorait ses actions. Autrement, elle serait battue à mort !
Ce qui était fait, était fait. Il était déjà trop tard pour reculer, elle ne pouvait qu’avancer.
– « Reprenons ! » rugit Mo Xiangyun en s’élançant une fois de plus.
C’était le même mouvement que précédemment, et il avait la même puissance dévastatrice.
Serrant les dents, Bai Ruanqing était sur le point d’exécuter la frappe horizontale pour dévier l’attaque, comme elle l’avait fait plus tôt, quand elle entendit une voix dans sa tête.
– « Lancez l’épée ! »
Celui qui parlait n’était nul autre que son Grand Oncle Zhang !
– « Que… » Elle fronça les sourcils.
L’épée adverse fonçait bruyamment vers elle, visant sa tête. Si elle jetait son arme au lieu de détourner l’attaque… Si elle ratait sa cible, elle était condamnée !
Après tout, une fois que la lame aurait quitté sa main, elle serait complètement sans défense.
– « Dépêchez-vous ! » la pressa la voix du prodige alors qu’elle hésitait.
– « Tant pis ! » En se remémorant les divers miracles que cet homme avait pu accomplir dans le Hall Éthéré des disciples internes, réussissant même à tuer son Grand-père Feng d’un seul coup, elle serra les dents et jeta son arme sans se soucier de l’arrivée rapide de l’attaque ennemie.
Hu !
L’épée quitta sa poigne.
– « Quoi ? »
Mo Xiangyun ne s’y était absolument pas attendue. Bai Ruanqing n’essayait pas de se défendre ! Juste au moment où elle pensait pouvoir l’aplatir comme une crêpe, une vive douleur vrilla son crâne. Une épée était logée dans son front.
Sou !
Le fil de sa lame n’était plus qu’à un doigt de Bai Ruanqing quand son corps, arme comprise, se dissipa soudainement en milliers de fragments de lumière.
Elle était vaincue !
– « Ce n’est pas passé loin ! » Le cœur de Bai Ruanqing battait si violemment, elle ne pouvait déterminer si c’était par peur ou par exaltation.
Elle avait pensé être foutue, mais qui aurait pu savoir que les calculs de son Grand Oncle seraient si précis !
Ses techniques n’avaient pas changé, mais elle avait été incapable de gagner plus tôt. Sous la direction de cet homme, tout s’était passé si bien qu’elle avait du mal à y croire.
Même avec la meilleure technique, si on ne pouvait pas saisir le bon moment pour s’en servir, on serait toujours incapable de l’emporter !
Zhang Xuan venait de lui donner une précieuse leçon d’escrime. Même le mouvement le plus ordinaire pouvait être utilisé pour remporter la victoire s’il était bien utilisé.
– « Bai Ruanqing a gagné ? »
– « Est-ce que mes yeux me jouent des tours ? »
– « Quelle maîtrise du rythme de la bataille ! Si elle avait été plus lente, le résultat final aurait été très différent… »
– « C’est à l’instant près qu’un choix permet de l’emporter, même quand la fenêtre d’attaque est apparemment infinitésimale. Voilà comment Bai Ruanqing a pu réussir ! »
La voix du Maître Enseignant continua dans l’oreille de la femme : « Son escrime se base sur de grands mouvements afin de déployer une puissance supérieure. Cependant, cela signifie que sa défense est la plus faible au moment où son attaque est la plus dangereuse. C’est là qu’est le moment idéal pour frapper ! Défiez maintenant le 4ème au classement… Et n’oubliez pas de parier ! »
– « Oui ! » répondit-elle, toujours par télépathie. Elle se tourna vers un jeune homme parmi la foule, qui avait regardé la scène. « Aîné Hu, c’est à vous ! »
Le 4ème disciple principal, Hu Chen !
Celui-ci savait que Bai Ruanqing défierait les autres si elle gagnait contre Mo Xiangyun, il avait donc choisi d’utiliser son vrai nom dans le Hall Éthéré.
Il monta sans hésitation sur l’estrade.
Quelqu’un voulait le défier. Il ne pouvait pas refuser, sinon il risquerait de perdre sa réputation et son prestige.
– « Comme avant, je souhaite vous proposer un pari. Misons toutes nos Pièces. Aîné Hu, puis-je savoir si vous acceptez ? »
C’était du vol en plein jour, mais elle avait juste besoin d’un peu de temps pour s’y habituer. Elle était visiblement beaucoup plus calme cette fois-ci.
– « Bien sûr ! »
– « Alors commençons ! »
Ils se mirent rapidement en position et saisirent chacun leur épée.
Bai Ruanqing était sur le point de prendre l’initiative lorsque la voix de son Grand Oncle résonna soudainement dans son esprit. « Reculez de sept pas. Puis lancez votre épée vers la gauche ! »
– « Quoi ? » Elle était confuse.
Hu Chen n’avait même pas bougé, préparant encore une puissante technique. Était-ce vraiment une bonne idée de battre en retraite et de jeter mon épée avant même de voir ce qu’il ferait ?
N’était-ce pas stupide ?
Elle ne comprenait pas, mais elle n’osa pas désobéir. Elle recula rapidement de sept pas.
Hu !
Au moment où elle bougea, la silhouette juste devant elle disparut brusquement.
– « Ce sont les Pas du Saint Épéiste Fantôme ! » s’exclama Bai Ye.
– « Quoi ? Vous parlez de la technique créée par ce génie remarquable d’il y a huit cents ans ? » s’écria le vieil homme à ses côtés, horrifié. « Cet art à retourné le Continent Abandonné ! Mais depuis, personne n’a réussi à le maîtriser… Vous dites que Hu Chen a réussi !? »
– « On dirait, oui. Sinon, il lui serait impossible de se déplacer à une telle vitesse. Même moi je ne peux savoir où il est et où il va réapparaître ! »
– « L’Escrime Fantôme se base sur une grande furtivité. C’est un art destiné à l’assassinat. De nombreux experts le regardent avec dédain, pensant qu’il est sournois, mais on ne peut nier sa force. Je pense que votre petite-fille va perdre ce combat. »
– « Oui, c’est au-delà de ses capacités actuelles… »
Bai Ye soupira. Le fait que Bai Ruanqing eût choisi de battre en retraite dès le départ signifiait probablement qu’elle avait vu ce qui se préparait… Mais ce qui était vraiment effrayant à propos des Pas du Saint Épéiste Fantôme était qu’il était impossible de les suivre. Il ne semblait pas possible de gagner.
Après tout, elle aurait déjà été tuée au moment où elle apercevrait enfin son adversaire !
On pouvait l’affirmer, cette seule technique suffisait à rendre Hu Chen presque inégalé parmi ses pairs du même royaume de cultivation.
En fait, la principale raison pour laquelle les trois premiers étaient capables de le vaincre était qu’ils étaient assez rapides pour le tuer dès le début, avant qu’il n’eût le temps de lancer la technique.
D’un autre côté, sa petite-fille n’avait appris que deux mouvements de Discret jusqu’à présent, une frappe horizontale et un lancer d’épée. Aucun ne semblait être très utile dans cette situation.
Alors, Bai Ruanqing acheva sa retraite. Elle était toujours incapable de voir Hu Chen. Cependant, elle ne devait pas s’en soucier. Serrant les dents, elle lança son épée vers la gauche, sans avertissement.
Hu !
Son arme jaillit comme une étoile filante.
Le Doyen Bai Ye en était sans voix.
Il savait que sa petite-fille avait peu de chances de gagner, mais lancer son arme avant même de voir quelqu’un… Même si elle croisait les doigts, elle n’en aurait pas assez pour influer sur le cours du destin !
Soupirant profondément, il était sur le point de se couvrir les yeux quand l’air au-dessus de la scène se déforma. Une silhouette apparut brusquement sur la trajectoire de l’épée volante.
– « Crève ! » hurla Hu Chen, effrayant en bondissant. Mais avant de pouvoir faire un seul pas, une épée plongea dans sa tête. « Bordel de merde… » jura-t-il, ayant à peine le temps de le faire avant de se briser en d’innombrables fragments de lumière.
Les environs devinrent complètement silencieux.
Encore un KO en un coup !
Hu Chen, le 4ème disciple principal de la secte ! Ceux qui connaissaient les Pas du Saint Épéiste Fantôme savaient à quel point la technique était effrayante, de sorte que même les trois premiers hésitaient à y faire face.
Pourtant, Bai Ruanqing l’avait vaincu en un seul coup ? C’était fou !
– « J’ai vraiment gagné ? » Elle-même était effrayée.
Elle avait été certaine de son trépas, mais tout s’était bien passé en suivant strictement les consignes de son Grand Oncle !
Comme s’il était capable de scruter le futur et de prédire les mouvements de son adversaire pour se préparer à l’avance…
Ayant gagné ces deux derniers duels avec facilité, elle était plus confiante que jamais. Elle se tourna vers une jeune femme parmi la foule et dit : « Aînée Liu, c’est à vous ! »
Le 3ème disciple le plus fort, Liu Yulian !
Une femme ravissante, portant les charmes modestes d’une beauté classique. Elle n’était pas inférieure à Bai Ruanqing.
Cependant, ceux qui avaient échangé des coups avec elle savaient qu’il y avait mieux à faire que de juger son escrime sur la base de son apparence délicate.
Son art défensif était clos hermétiquement, de sorte que même Hu Chen, exécutant ses Pas du Saint Épéiste Fantôme, était incapable de l’atteindre. Finalement, lors de leur combat, il avait fini par révéler une ouverture dans sa garde, qu’elle avait saisi sans hésitation pour l’abattre.
Liu Yulian montra tranquillement sur le ring.
L’autre gloussa doucement et dit : « On m’a raconté en long et en large l’inviolabilité de votre Escrime Lotus, Aînée Liu. J’ai hâte de m’y frotter ! »
S’élevant au-dessus de l’eau, le fier lotus refusait de laisser la moindre goutte le mouiller. C’était cette idée qui avait donné naissance à l’Escrime Lotus de Liu Yulian.
– « Vous êtes trop courtoise. Cadette Bai, si vous parvenez à briser ma défense, j’admettrai ma défaite et te donnerai toutes mes Pièces du Pavillon de l’Épée ! » sourit-elle doucement.
Sachant qu’elle voudrait parier, elle le lui proposa d’elle-même.
– « Merci, Aînée Liu ! »
Ah … M a réputation …
Sa motivation avait été pure initialement. Elle avait juste voulu défier les disciples principaux pour monter au classement. Mais là, elle ne ressemblait probablement plus à rien d’autre qu’à un voleur avide qui en avait après l’argent des autres !
Il était difficile de maintenir une bonne réputation. Il suffisait d’un écart pour que tout s’écroulât.
– « Commençons ! »
D’un mouvement de son poignet, Liu Yulian fit apparaître d’innombrables images rémanentes de son épée, comme des lotus en fleurs s’élevant au-dessus de la terre.
L’Escrime Lotus !
Seuls ceux qui avaient atteint l’Accomplissement Majeur étaient capables de former des lotus en fleurs autour d’eux.
Bai Ruanqing en avait la chair de poule. Elle admirait la démonstration de cet art puissant. Face à cette défense impénétrable, elle ne savait vraiment pas par où commencer.
Le Qi d’épée était empilé en couches et formait une barrière multiple à peine perceptible. À la moindre erreur, on pouvait facilement y être piégé et être lentement broyé.
– « Lancez votre épée ! »
Alors qu’elle était complètement perdue, la voix de son Grand Oncle résonna à nouveau dans sa tête.
Cette fois, sans la moindre hésitation, elle jeta son arme.
Pu !
Les lotus se dissipèrent brusquement, une épée apparaissant mystérieusement dans le crâne de Liu Yulian. Ses yeux s’écarquillèrent comme deux grosses perles fixant son adversaire avec incrédulité.
Puis son corps tomba lourdement au sol.
Le 3ème disciple principal le plus fort avait été vaincu !