La fille à côté de sa meilleure amie se met à agiter sa main. Quelques secousses plus tard, de plus en plus violentes, l’autre se met à bouder et fronce les sourcils en la regardant.
– Qu’est-ce qu’il y a ?!” lui demande Deshya, énervée des secousses d’Amora.
Sa meilleure amie aux longs cheveux roses gonfle ses joues en fixant violemment Deshya.
– Pourquoi tu me réponds paaas ?!!” lui demande-t-elle.
– Pardon, pardon…
– Tu as mal dormi ? C’est à cause de ce qu’il s’est passé dans le train… ?
En voyant l’air inquiet d’Amora, Deshya se met à agiter les mains en prenant une posture bien plus droite, arrêtant de placer les deux coudes sur son bureau.
– Non, c’est pas ça !! C’est juste qu’on m’a encore harcelée ce matin… Heureusement, Tessa a volé toute l’attention pour qu’on ne m’embête pas trop… Je lui en dois une.
Deshya sourit en pensant à Tessa. C’est elle qui a réussi à sauver Trisha, celle qui aurait été la troisième victime de Mista, le coupable, et c’est elle qui a compris en premier la façon dont il tuait les gens dans ce train. Même si Deshya aime qu’on la félicite, elle considère qu’elle ne mérite pas d’éloges pour ce qu’il s’est passé là-bas. De plus, vu qu’elle est allée dormir plus tard que prévu, son père l’ayant forcé à rester longtemps à la station de police pour tout raconter, elle préfère qu’on ne l’embête pas trop aujourd’hui. Amora se met à sourire en comprenant que Deshya ne lui râle pas dessus et tape ses deux mains.
– J’ai une idée !” dit-elle
Deshya tourne le regard vers elle en bougeant faiblement la tête et l’interroge de ses yeux bleus.
– Et si on allait toutes les deux, après les cours, à un salon de thé que je connais bien ?!” propose Amora.
– Un salon de thé… ?
Elle acquiesce.
– Il a ouvert durant les vacances d’été et n’est qu’à environ 40 minutes de l’école ! Si tu reprends le bus, tu devrais prendre environ 40 minutes pour le retour aussi !
Deshya ne répond pas sur l’instant, observant Amora avec une expression assez neutre. Elle regarde la classe devant elle, le professeur n’étant pas encore arrivé.
– On est vendredi, on peut se faire plaisir, non ?” demande Amora avec un sourire joyeux.
Le dernier jour des cours de cette première semaine à l’école. Deshya se gratte la frange en réfléchissant, mais Amora insiste à nouveau.
– S’il te plaît ! Je sais que tu aimes bien le thé et ils font du bon thé, là-bas !!
Deshya soupire et dépose à nouveau les deux coudes sur son bureau. Elle ferme les yeux et mâche quelque chose d’inexistant avant d’acquiescer avec un petit sourire, regardant désormais Amora.
– Je suis certaine que ça me fera du bien, alors bien sûr,” répond Deshya.
– Supeeeer !!
Amora saute de sa chaise pour prendre Deshya dans ses bras, ce qui attire l’attention de tout le monde. En même temps, le professeur de mathématiques arrive dans la classe et remarque la fille qui enlace l’autre. Il met les mains sur les hanches et plisse les yeux en gonflant une joue.
– Madame Amora… ?” lâche-t-il.
La fille aux longs cheveux roses ouvre les yeux et regarde le professeur en souriant.
– Quoi donc ?
Il s’approche d’elles et les observe quelques instants avant de pencher la tête vers la droite.
– … Les cours vont commencer. Est-ce que vous pouvez…
Amora lâche sa meilleure amie et acquiesce, ses cheveux bougeant dans tous les sens.
– Pardonnez-moi, j’avais trop envie !!
– A-Ah, d’a… d’accord.
Le professeur préfère ne pas s’embêter avec cela et se dirige vers le tableau, laissant une Amora remplie d’énergie et souriante ainsi qu’une Deshya soupirante derrière lui.
– Je vais mourir avant la fin de cette journée…” pense Deshya, regardant devant elle avec des yeux fatigués.
CHAPITRE 13
⎾Tranquillité d’Un Voyage de Bus⏌
(Case 3)
– C’est ici !
Amora lève les bras et montre le beau bâtiment qui semble sortir des années 1950 en souriant. Deshya a les mains dans les grandes poches de son pull et observe le bâtiment avec attention. Le bois utilisé est assez vieux, mais pourtant a l’air nouveau. Les vitres, la porte d’entrée et même les pancartes mises ont toutes l’air de sortir du passé, mais pourtant, un air un peu moderne ressort de ce salon de thé. Une clochette est installée au-dessus de la porte d’entrée, faite pour être sonnée lorsqu’on l’ouvre. Deshya s’étire les bras et Amora lui dit de la suivre avec une expression ensoleillée. Il est clair qu’elle est très heureuse de pouvoir venir ici avec sa meilleure amie. Deshya n’a entendu personne parler de ce salon de thé et pourtant, vu son style un peu ancien, il aurait dû être plutôt populaire. En regardant à travers les grandes vitres du salon, elle remarque avec tristesse qu’il ne semble pas y avoir grand-monde. Les cours se sont terminés il y a environ une heure pour elles, donc cela devrait être environ le moment où il y a le plus de monde… Amora lui attrape la main et pousse la porte pour l’ouvrir, Deshya forcée à la suivre. La fille aux longs cheveux roses lève sa main libre dans les airs et salue la dame qui se trouve derrière le comptoir en bois.
– Oh, Amora !
– Bonjour, mademoiselle Ikura !!
La femme se tourne vers Amora, mais elle remarque que quelqu’un l’accompagne. Elle va lui demander qui cette personne se trouve être, mais en voyant son accoutrement, la femme sourit simplement.
– Est-ce que Deshya, ta meilleure amie ?” demande-t-elle.
Amora lâche la main de Deshya et acquiesce avec un sourire à rivaliser le soleil. Elle fait un câlin à sa meilleure amie en frottant sa joue contre la sienne.
– C’est bien elle, elle a bien voulu m’accompagner aujourd’hui !
– Bonjour.
Deshya incline doucement et poliment la tête en face de la femme. Cette dernière lui sourit et leur dit qu’elles peuvent prendre la table qu’elles souhaitent. Amora la remercie et attrape à nouveau la main de Deshya avant de se mettre à courir.
– Quelle table prend-t-on ?” demande Amora.
– Celle qui te plaît…” lui répond Deshya.
– Celle-là !
Deshya a à peine terminé sa phrase qu’Amora choisit une table et s’assied sur l’une des chaises en souriant. Desya prend place sur celle d’en face et admire la grande pièce où elles se trouvent. Seuls un couple assez jeune et une fille relativement jeune accompagnée de ses deux parents — ou grand-parents — sont dans le salon de thé. Le plafond est fait de bois et la lampe est dans un style ancien. Des meubles où des pots en verre assez propres sont proches des deux amies ainsi qu’une table avec plusieurs objets divers, juste devant les vitres du salon, sont visibles. Sur les pots en verre, on peut voir des papiers où sont inscrits les noms des odeurs qui se trouvent à l’intérieur d’eux. De belles peintures sont aussi visibles sur les murs de la pièce, certaines de chats mises en place tels des généraux de guerre et d’autres qui sont d’origine expressionniste. Deshya reconnaît une peinture : ‘Scène de rue à Berlin’. C’est une peinture que son père apprécie beaucoup, après tout… Amora dépose les deux coudes sur la table en face d’elle et sa tête dans ses mains.
– Tu sais quel thé tu vas prendre ?” demande-t-elle.
– Hmmm, laisse-moi voir le menu…
Elle attrape la carte qui l’attend devant elle, debout dans une fissure fait exprès à l’intérieur d’un rectangle de bois. Amora lui dit qu’elle peut prendre son thé, étant donné qu’elle sait déjà ce qu’elle compte prendre. Deshya regarde quelques instants les différents thés et après une courte réflexion, elle dépose à nouveau la carte là où elle était et lève la main pour appeler la dame. Elle acquiesce et vient prendre leur commande.
– Un thé blanc pour moi,” lui dit Deshya.
Amora tourne le regard vers la femme sans pour autant bouger la tête et sourit.
– Un thé à la camomille, s’il vous plaît !
– D’accord !
La femme rend leur sourire et acquiesce à nouveau. Elle s’éloigne des deux meilleures amies avec leur commande en tête et Amora se met à parler de ce salon de thé avec Deshya.
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– Merci encooore !!
Amora secoue la main pour dire au revoir à Deshya et se met à courir dans la rue avant de disparaître dans un carrefour. Deshya sourit et dépose son dos contre le panneau publicitaire de l’arrêt de bus, les mains dans les poches. Elle attrape son téléphone et l’allume en regardant l’heure.
– Mon bus arrive dans trois minutes à peine,” remarque-t-elle.
Deshya range son téléphone et attend patiemment. Le salon de thé que lui a présenté Amora a été un vrai plaisir et leur thé est un réel délice. Même si Deshya avait un peu à suivre toutes les histoires de sa meilleure trop énergétique, elle a apprécié en savoir un peu plus sur l’histoire de cet endroit, ainsi que la raison pour laquelle Ikura et son mari ont décidé de construire ce salon de thé. Cela remonterait de leur enfance, lorsqu’ils avaient encore des rêves naïfs et enfantins… Ikura aurait promis qu’elle construirait un salon de thé lorsqu’elle le mariera et qu’elle ferait hommage à la maison abandonnée où ils jouaient souvent ensemble. L’histoire est longue et émouvante, mais Deshya a apprécié chaque bout de celle-ci. Désormais, le week-end l’attend et tout ce que peut espérer Deshya est rentrée chez elle, manger un bon souper et câliner sa peluche renard géante qu’elle a gagné pour l’énigme résolue du premier jour de cours. Même si l’école vient à peine de recommencer et que Deshya ne déteste pas cela, elle est heureuse que le week-end soit déjà là pour elle. Résoudre un meurtre le jour de la rentrée et devoir trouver l’identité d’un coupable à peine deux jours ensuite a été fatiguant pour elle. Elle considère qu’elle mérite un week-end reposant où elle pourrait simplement jouer sans penser à rien, discuter avec ses amis et regarder le live de ‘Waffie’, une Vtubeuse qu’elle adore.
– Elle va stream le prochain opus d’Alien Survivor, en plus !
Deshya y a déjà joué durant les vacances et elle a adoré : c’est pour elle le meilleur ‘Alien Survivor’ de tous. Waffie a dû terminer un autre jeu avant de pouvoir y jouer, donc elle s’y met un peu plus tard, mais tous ses fans savent très bien qu’elle joue toujours aux nouveaux jeux en retard, ce qui n’est pas forcément plus mal. Il faut savoir que cette Vtubeuse n’est pas la plus populaire dans son domaine, mais elle a une communauté qui la suit de près et a connu un certain succès lorsqu’une partie de son stream a eu environ dix millions de vues sur YaTube.
Les Vtubeuses, ou Vtubeurs pour le masculin, sont des gens qui utilisent un certain logiciel — bien qu’il en existe plusieurs — pour se créer un avatar 3D qui bouge en fonction de leurs mouvements à eux. Utilisant une caméra qui traque leurs mouvements, souvent uniquement le haut du corps et la tête, et après avoir créer un modèle et l’avoir modifié pour qu’il puisse être traqué et avoir certains émotions, le Vtubeur peut l’utiliser comme modèle et faire comme s’il ressemblait à ça dans la vraie vie. Les modèles sont souvent des personnages à style d’anime ou manga japonais, mais cela dépend des goûts et couleurs de leur utilisateur. Deshya n’est pas totalement dedans et elle n’aime pas trop leurs communautés, mais Waffie a réussi à attraper son cœur grâce à sa bonne humeur et sa façon de jouer et de réagir aux différents jeux. De plus, elle est proche de sa communauté et parle beaucoup sur les réseaux sociaux. Bref, c’est une Vtubeuse que Deshya adore regarder, ainsi qu’une personne qui la fait rire, l’amuse et berce parfois ses nuits. Combien de fois s’est-elle endormie devant l’un de ses live… ?
Alors qu’elle pense à ce qu’elle va faire ce soir, son bus arrive devant l’arrêt. Les portes s’ouvrent à l’avant pour les laisser entrer, tandis que celles de derrière permettent à certains de sortir. Deshya monte dans le bus après un homme et un jeune garçon, les trois seuls qui attendaient à cet arrêt. Elle passe sa carte devant l’écran et un bruit retentit, un ‘V’ vert montrant son accord. Deshya salue le conducteur d’un petit geste de la tête avant de s’asseoir sur l’un des nombreux sièges libres du bus. Elle regarde à nouveau son téléphone pour vérifier qu’elle n’a pas eu de message, mais excepté un ‘Bon trajet !’ d’Amora, rien. Il est 18h21 et le soleil commence doucement à se coucher à l’horizon, montrant encore ses rayons pour quelques minutes. Deshya se retourne et observe le bus accordéon quelques secondes, mais elle remarque qu’il n’y a pas grand-monde. Le véhicule démarre sans plus attendre et Deshya regarde à travers la fenêtre. Contrairement au train qu’elle a pris hier, le paysage défile assez lentement. Cela ne signifie pas forcément que le bus est lent, plutôt qu’il ne peut pas rivaliser la vitesse d’un train. Elle s’étire quand une petite fille se met à courir dans le long couloir du bus. Deshya la regarde et cligne des yeux en penchant la tête vers la droite pour voir où elle va. L’adolescente à la queue de renard remarque que la petite se met sur les talons, devant l’endroit où se trouve le conducteur, et lève les deux mains.
– Je peux l’avoir, si vous plaît ?” demande la petite avec une mignonne voix.
Le conducteur lui sourit et cherche quelque chose avant de le lui passer. La petite fille la remercie, mais avant de partir, le conducteur lui dit d’attendre et elle s’arrête en se retournant.
– Prends ce crayon aussi !” lui dit le conducteur. Comment allez-vous écrire, sinon ?
– Ooooh !!
La petite fille acquiesce et court vers le conducteur à nouveau avant de l’attraper de sa main nue et le remercie. Elle part ensuite en courant dans le bus, rejoignant probablement ses parents. Deshya continue de l’observer avec un air surpris.
– Ses cheveux sont… magnifiques.
Elle est petite, que ce soit en taille ou en âge, et pourtant, elle a des cheveux…
Tout blanc.
Cela lui va évidemment très bien, mais Deshya ne peut pas s’empêcher d’en être étonnée. Des cheveux décolorés dès ce jeune âge ? Tout blanc, mais tout soyeux, qui se balancent au rythme de ses pas et qui lui arrivent au milieu du dos. Deshya ne sait pas exactement quel âge elle a, mais elle est certaine qu’elle ne doit pas encore avoir 10 ans. Est-ce une bonne idée de décolorer les cheveux d’une fille aussi jeune… ? Deshya préfère hausser les épaules et simplement se dire qu’ils sont très beaux : elle n’est pas sa mère et n’a aucune raison de juger ses choix et ceux de ses parents, alors pourquoi s’en préoccuper ? Deshya pensait quand même qu’il fallait un certain âge pour pouvoir se colorer ou décolorer les cheveux, donc ça l’intrigue, mais personne ne semble être surpris dans le bus… Elle se retourne et fait un sourire quelque peu idiot en baissant les paupières.
– Il faut dire qu’il y a presque personne et qu’ils sont tous concentrés sur autre chose…” pense-t-elle.
Par exemple, une femme aux longs cheveux blonds qui se trouve tout près d’où la petite fille vient de s’arrêter, mais a son nez dans son bouquin. Elle le tient de ses gants foncés, ce qui étonne Deshya : il fait pourtant assez chaud, pour l’instant. L’été n’est même pas encore parti… Deshya ne se voit pas mettre des gants dans un temps pareil, mais elle hausse à nouveau les épaules : est-ce que cela la regarde ? Elle sait bien que non. Elle regarde donc la vitre du bus, pensant à sa propre vie à la place de celles des autres.
– …
Ce qu’elle observe n’est en réalité pas le paysage qui vient d’arrêter de défiler parce que le bus est à un arrêt de bus, mais son propre reflet. Ce qu’elle fixe… est son physique. Ce n’est pas parce qu’elle est égocentrique et se trouve magnifique ou l’inverse et pense qu’elle est horrible, mais à cause de ce qui est caché sous sa capuche : ses oreilles de renard. Ses attributs d’animal qu’elle ne comprend pas. Cela fait un peu moins de trois depuis le moment où elle a disparu sans laisser de trace et pourtant, elle n’a toujours aucune idée de ce qu’il s’est passé. Elle a longuement cherché sur internet pour trouver des indices. Peut-être des cas comme elle. Des gens qui en parlent sur des sites peu fréquentés. Quelque chose qui se serait passé durant les 5 mois où elle a disparu. Cependant, à part la mort d’un politicien corrompu, des vols et meurtres de groupes populaires et un attentat dans le sud de Firuède, rien de spécial ne s’était passé. Rien qui pourrait lui expliquer POURQUOI elle a été relâchée. Deshya ne comprend absolument pas ce qu’elle fait ici. Bien évidemment, elle est heureuse d’être en liberté, en vie et en bonne santé, mais pourquoi l’est-elle ? Désormais qu’elle est une fille aux oreilles et à la queue de renard, elle devrait être une personne biologiquement extraordinaire et quelqu’un qu’on souhaiterait garder pour faire des expériences ou analyser plus en profondeur. Deshya s’est dit qu’il est possible qu’on lui a fait de nombreux tests et qu’ils n’ont plus besoin d’elle, mais pourquoi la relâcher, alors ? Pourquoi ne pas la garder pour éviter qu’elle ouvre trop la bouche ou avoue aux autres qui elle est ? Si un jour, elle vient avouer aux médias qu’elle est une fille renard et qu’elle arrive à le prouver, le monde ne fera que parler de cela. La vérité sera baignée de lumière et tôt ou tard, la personne, le groupe ou la chose qui l’a transformé de la sorte sera découvert d’une façon ou d’une autre. Bien évidemment, cela n’avantage pas Deshya parce qu’elle sera harcelée tous les jours, mais si elle veut faire regretter la personne ou les gens qui l’auraient kidnappée, alors…
– Je ne comprends pas…
Elle continue à fixer son propre reflet, frustrée. Elle ne voit pas ce qu’elle fait en liberté. Quiconque l’a kidnappé a réussi à lui donner des attributs de renard en l’espace de 5 mois, alors s’ils peuvent désormais créer d’autres humains comme elle, pourquoi rien ne s’est-il passé depuis ? Cela va faire trois ans qu’elle a été kidnappée ! Si elle avait réussi à fuir d’une façon ou d’une autre, alors pourquoi n’est-elle pas attrapée à nouveau ? Si on peut la garder captive pendant 5 mois sans aucune trace, il n’y aura aucun souci à la récupérer sans se faire voir, surtout que Deshya n’a pas peur de rentrer de l’école seule…
Alors pourquoi… ?
– Waaa !
Deshya est dans ses pensées, de plus en plus frustrée, quand la voix de la gamine retentit. Deshya lève un peu son corps et retourne sa tête pour voir la petite fille aux longs cheveux blancs sur les genoux d’un homme assez âgé. Est-il son père ou son grand-père… ? À ses côtés se trouve une vieille femme qui tient un crayon, probablement celui que leur a offert le conducteur. Elle semble écrire dans le journal qu’elle a emprunté au conducteur. Deshya sourit.
– Ils doivent faire des mots fléchés ou croisés,” pense-t-elle.
L’homme fait signe à la petite de se taire et celle-ci place rapidement les deux devant la bouche, avant de fermer les yeux en souriant. Deshya trouve cela mignon et repose ses deux fesses sur le siège avant de regarder à nouveau la vitre, mais cette fois-ci, c’est le paysage qu’elle observe. Elle n’aime pas forcément rester sur son téléphone lorsqu’elle est dans le bus et de toute façon, elle écrira à Amora lorsqu’elle sera arrivée chez elle… Elle n’a pas besoin de s’embêter à répondre aussi vite aux autres. Elle peut se reposer et heureusement, il n’y a pas beaucoup de bruits dans ce bus… Elle n’oserait pas s’endormir dans un bus, même sur un petit trajet, mais elle peut au moins profiter de ce silence sans penser à grand-chose. C’est le week-end et son lit l’attend avec impatience. Même si elle fait un peu la maline, les meurtres auxquels elle a assisté ces derniers jours ne sont pas une partie de plaisir du tout. Déjà que ces vacances ont été très… complexes.
– Je ne veux pas me souvenir de tout ça…
Elle soupire en regardant à travers la vitre du véhicule.
– Depuis cette nuit-là, papa vérifie que tout va bien. Il a même voulu que j’aille voir une psy. Tsk.
Elle comprend son inquiétude et Deshya n’a pas bien dormi les jours d’ensuite, mais combien de fois a-t-elle dû répéter à son père qu’elle n’était pas traumatisée… ? Elle ne veut même pas y penser.
Le bus continue son trajet en s’arrêtant plusieurs fois, les aiguilles des horloges avancent et il est 18h48. Le bus s’arrête et deux hommes sortent du bus, tandis qu’un autre rentre, les mains dans les poches. Deshya range son téléphone et regarde à l’extérieur : plus que de trois arrêts et elle est arrivée à quelques pas de chez elle. Deshya se demande ce qu’elle va manger, ce soir… Elle espère du poulet !
– Merci.
L’homme qui vient de rentrer dans le bus s’incline devant le conducteur après avoir donné de la monnaie pour pouvoir faire le voyage dans le véhicule et marche doucement dans le couloir, se tenant à certaines barres. Il n’a pas l’air d’être en pleine forme, mais c’est sûrement l’âge. Deshya se dit qu’il doit quand même être moins vieux que l’homme et la femme qui sont avec la fille aux cheveux blancs. Le vieil homme continue de marcher et le bus démarre. Il se tient à une barre et menace de tomber, mais la femme qui lisait auparavant son livre le retient de ses deux mains, laissant son bouquin tomber par terre. Deshya était prête à aller aider le vieil homme, mais on dirait bien qu’elle n’aura pas besoin de faire une telle chose… Deshya sourit : les réflexes de cette femme doivent être bien aiguisés, vu qu’elle l’a rattrapé rapidement. L’homme la remercie et va continuer son chemin quand—
– Oh, Ginner !
Une voix masculine retentit, mais l’une qui ne cache pas l’âge de son humain. L’homme âgé qui vient d’entrer dans le bus se tourne vers lui et sourit.
– Oh, c’est toi, Roger.
Il se tient à la barre qui part de la chaise et arrive au toit du bus et se met à discuter avec son ami. La petite fille sur les genoux de Roger les regarde silencieusement, ne se souvenant pas d’avoir déjà croisé cet homme auparavant. La femme à côté arrête d’écrire dans le journal et salue Ginner à son tour et tous les trois discutent ensemble. Deshya peut les entendre d’ici grâce au calme du bus et son ouïe un peu plus développée, mais elle préfère ne pas se mêler d’affaires qui ne la regarde pas comme ça : bref, elle n’écoute pas leur conversation. Elle observe les quelques enfants qui jouent à l’extérieur, mais le bus prend une nouvelle rue et elle ne peut malheureusement plus les voir. Elle soupire : cela lui rappelle tellement les temps où elle n’avait à peine que 10 ans… Elle est encore très jeune et pourtant, elle a envie d’appeler ça son enfance… Deshya se retourne par curiosité et remarque que l’homme s’est déjà éloigné pour aller s’asseoir un peu plus loin, au-delà du centre du bus. C’est à cet endroit que les ‘accordéons’ se trouvent et Deshya trouvait ça très drôle d’y aller lorsqu’elle était plus jeune. Désormais, c’est un plaisir qui s’est perdu avec l’âge. Un amusement qui n’existe que dans le passé pour elle. Alors qu’elle va regarder en face d’elle, elle remarque que la femme qui est à côté du couple et de la petite fille se lève. Elle discute courtement avec eux et attrape quelque chose. Elle les remercie et se met à marcher dans le bus avant de passer tout près de Deshya, mais continue jusqu’au conducteur.
– Merci.
Orianne s’incline devant lui et tourne les talons pour retourner à sa place, mais Deshya l’interpelle.
– Qu’y a-t-il ?” demande la femme avec un sourire amical.
– Je me demandais juste ce que vous lui avez rendu…” demande Deshya, gênée.
– Oh, ça ? Hihi, je lui ai juste rendu son journal et le crayon, vu qu’il me l’a demandé.
Après avoir répondu, la femme continue son chemin et Deshya la regarde retourner à sa place avec une expression surprise.
– Il lui a demandé… ? Mais quand… ?
Elle n’a pas entendu le conducteur crier pour le lui demander… De plus, pourquoi est-ce que la petite fille n’est pas allée les rendre elle-même ? C’est elle qui est allée les chercher, de base… Deshya hausse les épaules et décide de regarder son téléphone. Amora lui a envoyé trois messages, dont l’un d’eux est une image. Elle ne les ouvre pas maintenant, vu qu’elle est bientôt arrivée, mais elle aurait dû se douter que sa meilleure amie allait lui parler aussitôt… Deshya est toujours amusée de son énergie et de son envie de discuter à tout moment… Un vrai amour. Deshya remarque une autre notification et la développe en appuyant sur son téléphone avant de se mettre à lire.
Minos Kiyon, le meilleur détective de tout Belium, a réussi à découvrir la planque des trois voleurs de joyaux qui ont volé plus de six petites bijouteries en deux semaines !
Deshya ne cache pas sa joie tout en montrant ses dents à son téléphone. Elle continue à lire.
Même si les voleurs n’ont pas encore été trouvés, Minos Kiyon est sur l’affaire aux côtés de la police du pays. Une certaine partie du butin volé a déjà été récupéré, mais plus de la moitié est encore avec les voleurs.
Deshya a entendu parler aux nouvelles et même son père en parle. Même si ça ne concerne pas forcément la police de Tetazo mais plutôt du nord du pays, c’est une affaire qui mérite d’être discutée. Les voleurs ne font que voler des petites bijouteries et ne semblent pas vouloir s’arrêter, alors Minos a décidé de s’en occuper lui-même. Deshya est si heureuse de savoir que l’affaire avance ! Elle éteint l’écran de son téléphone et se dit qu’après avoir répondu à Amora, elle lira cet article avant de manger. Deshya a hâte !
– A-AaaaAAAAAAAH !!!
Deshya ouvre grand les yeux et le conducteur tourne la tête. La femme qui se trouve à côté du couple fait de même et l’homme assit derrière eux claque de la langue.
– Criez pas comme ça !!” hurle-t-il en se levant sur son siège.
Deshya saute du sien et se met à courir vers la source du cri.
– AaaaaAaaAAAAAhh. Aa…
– ?!!!
Deshya s’arrête d’un coup, tout comme le bus qui freine à l’arrêt, et cela violemment. Deshya attrape la barre du bus et regarde le couple. Là—
– Il se passe quoi ? Papa ? Maman ?
Deshya ouvre encore plus grand les yeux. Sur les genoux de l’homme, la petite fille touche son torse de son index, des gants mignons sur ses mains. Elle a un air innocent et pourtant—
– Papa ? Tu réponds p’us ?
— elle est en train de pleurer.
La femme du nom d’Orianne se lève et se met à trembler. Le conducteur sort avec vitesse de sa cabine et l’homme derrière le couple s’assied à nouveau, respirant avec difficulté. Certaines personnes au fond du bus courent pour voir ce qu’il se passe, mais—
– N’APPROCHEZ PAS !!!
Ils s’arrêtent d’un coup et le conducteur lui-même se fige sur place. Deshya serre les deux poings en grinçant et observe le couple en face d’elle avec colère, tandis que la petite fille tourne doucement son visage vers l’adolescente.
– Dis… ?
– …
– Mes parents…
La petite fille aux longs cheveux blancs. Si belle, un regard si doux et si enfantin, gâché par des larmes chaudes qui coulent sur ses joues. Elle ouvre la bouche, tandis qu’une femme se met à crier en voyant l’air des deux parents de la petite. Le conducteur approche et recule d’un pas tandis que Deshya continue de grincer les dents, observant la vue d’ensemble avec rage. Les cheveux blancs de la petite fille, purs comme de la neige, se balancent doucement lorsqu’elle penche la tête et montre enfin une expression… réellement triste.
– Mes parents… Ils sont morts, non ?