“Mais c’est bien Babida le bûcheron, l’étrilleur du monstre de la montagne interdite. Il lui avait été attribué la plus haute médaille d’honneur et de mérite par le Grand Batang IV, prédécesseur et père de l’empereur régnant pour sa bravoure et son action héroïque lorsque la nation fut attaquée il y a de cela quinze ans par la terreur de la colline maudite.” L’oncle maternel de Suzie lui révéla le passé.
“Nom d’une pipe ! C’est bien lui, Bibi,” confirma grande mamie à son fils. Les yeux lui sortirent de l’orbite, si grandement estomaquée fut-elle.
“Oui, maman! Il n’y a aucun à cela.” Oncle Bibi abonda dans le sens de la vieille femme.
À peine la vraie identité de Babida fut déclinée que les voisins l’encerclèrent puis l’enlacèrent tout en scandant son nom.
“Babida le bûcheron, le sauveur du peuple Batang, l’étrilleur du monstre de la montagne interdite,” chantaient-ils.
Surprise par le témoignage de son oncle, Suzie fut frappée de curiosité. Et alors que la foule tournait autour de Babida et lui vouait un culte, elle commença confuse, une série de questions à l’endroit du frère aîné de sa feue maman.
“Mais oncle Bibi, je ne comprends pas. Où est donc cette montagne interdite ? Je n’en ai jamais entendu parler. Et pourtant, je vis sur cette terre depuis dix-huit ans.” Suzie s’adressa à son oncle qui lui accordait toute son attention.
Elle poursuivit son développement : “Tu as affirmé que l’agression du monstre s’est produite il y a une quinzaine d’années. Ce qui veut dire que j’avais trois ans d’âge à l’époque. Et donc, j’ai vécu le triste événement. Seulement, au moment où nous dialoguons, je n’en ai aucun souvenir. Comment cela se fait-il ?”
Oncle Bibi resta bouche cousue alors qu’elle prolongeait un peu plus son élaboration : “Pourquoi n’ai-je jamais été au courant de l’existence de cet homme, Babida le bûcheron ? Les héros de cet empire sont-ils proscrits d’apparition ou de mention publiques ? Ce qui serait bien évidemment aberrant.”
La litanie de Suzie étant enfin achevée, son oncle s’éclaircit la voix et répondit : “Eh ben, écoute-moi bien ma petite chérie !”
Et soudain…un puissant coup de tonnerre éclata et une obscurité paranormale s’accapara des lieux. Des gouttes de pluie se mirent à tomber. La foule qui tournoyait autour du bûcheron se dispersa. Il fut abandonné au milieu du jardin. Grande mamie retourna à l’intérieur du chalet et invita Suzie et oncle Bibi à la suivre mais ceux-ci l’ignorèrent. L’orage s’intensifia.
Oncle Bibi entra alors dans une rétrospective.