Nefolwyrth
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Chapitre 48 – Les aventures de Valronde
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-1-

Le matin se levait sur le palais royal. Contrairement à l’imposant château qui dominait la capitale de Deyrneille, cet immense monument était entouré par de fabuleux jardins et lacs, au milieu d’un domaine qui s’étendait sur des centaines d’hectares.

Un an plus tôt, c’était ici que nous avions fêté la nouvelle année. Et dans un songe bien trop tangible, je me réveillais dans le corps du prince de Lucécie. Il était à peine plus petit, mais plus pâle et maigrichon qu’il ne l’était aujourd’hui.

Son visage était las avant même qu’il n’ouvre les yeux. La perspective de passer une journée avec toute sa famille l’ennuyait fermement.

Je ne voyais que de l’hypocrisie dans toutes ces traditions de la fin et du début de l’année. Je ne nous sentais pas unis, et je recevais des présents que je considérais comme de vaines tentatives d’obtenir ma sympathie. En retour, je laissais Nojù s’occuper de prendre des cadeaux de notre part à tous les deux. Pour ma défense, elle se proposait toujours d’elle-même.

Je m’habillais consciencieusement, bien plus soucieux de ma tenue que je ne l’étais aujourd’hui.

Ma chambre était plus volumineuse encore que celle que j’occupais dans les autres palais. C’était évidemment le plus luxueux des trois. Et pour cause, il s’agissait de la résidence secondaire du roi. Car en effet, celui-ci, ainsi que sa femme et ses enfants, vivaient le plus souvent au château qui se faisait le centre de Pluvistelle.

Mais même ici, à une dizaine de kilomètres de la capitale, au cœur de ce domaine, des invités allaient et venaient à toute heure. Le personnel de maison déambulait dans les larges corridors.

Le soleil se levait difficilement, mais j’entendais déjà les cris insupportables de mes cousins.

J’ouvris les portes de ma chambre, le regard noir.

J’étais à peine sorti que mon chemin se retrouvait barré par trois crétins.

Kana : « Rends-la moi ! Talwin ! »

Talwin : « Tututu ! Tu ne la mérites pas encore ! J’attends toujours ! »

Talwin levait son bras assez haut pour que Kana ne puisse attraper la poupée qui s’y trouvait. Par désespoir de cause, elle s’en alla pleurnicher contre Efflam.

Le garçon aux cheveux ardents avait la sagesse de ne pas s’immiscer dans ce conflit, et détourna le regard pour m’apercevoir.

Efflam : « Oh, Lucéard. Bonjour. »

Lucéard : « Bonjour. »

Sa salutation avait été aussi hésitante que la mienne n’avait été sèche. Aucun de ceux-là ne savait plus comment s’y prendre avec moi, et ce depuis bien longtemps. Je m’apprêtais à repartir aussitôt, préférant les ignorer.

Kana : « Lucéard ! Talwin ne veut pas me rendre Nyriée ! »

Elle me fit les yeux doux, sachant pertinemment que ça ne l’avait jamais menée nulle part avec moi. Néanmoins, elle réussit à me faire me retourner vers eux, l’air méprisant.

Lucéard : « Il est impensable que vous vous adonniez encore à de telles pitreries à vos âges. Aucun d’entre vous ne devrait être aussi puéril. C’est d’autant plus triste qu’un adulte s’abaisse à ça, n’est-ce pas, Talwin ? Même si je dois reconnaître que je ne comprends pas non plus pourquoi tu t’accroches encore à ce vieux chiffon, Kana. »

Cette remarque avait visiblement blessé Kana, mais Efflam paraissait plus déçu de mon comportement que les deux autres. L’expression malicieuse de Talwin n’avait cependant pas changé.

Talwin : « Tiendras-tu encore un tel langage quand je t’aurai dérobé un de tes instruments ? Toi aussi tu pleurnicheras dans les bras d’Efflam quand ce jour viendra ! »

Lucéard : « Je suis navré, mais je n’ai pas le temps pour vos jeux idiots. Certains d’entre nous ne vivent pas sur un petit nuage. »

Talwin soupira, puis secoua la tête de gauche à droite. Ses grands airs m’énervaient de bon matin.

Pourtant, j’étais bien celui qui avait jeté un froid dans ce corridor. Heureusement, le bruit de portes se heurtant bien trop fort au mur changea l’ambiance du tout au tout.

Ma sœur se tenait là, immobile, les bras tendus devant elle, paumes devant, comme si la porte était encore au bout de ses doigts. La tête bien trop en arrière, dans une pose dramatique, elle fit une entrée au goût de ses amis Vespère.

Nojùcénie : « C’est l’heure des cadeaux ! »

Hurla t-elle de toutes ses forces, quitte à être entendue et désapprouvée pour son manquement à l’étiquette.

Sa bonne humeur inspira de larges sourires à nos cousins.

Talwin : « Je te reconnais bien là ! Quelle ferveur brûlante ! »

Ma sœur s’approcha de nous en rigolant.

Nojùcénie : « Vous m’avez l’air aussi impatients que moi ! »

Efflam : « Et comment ! C’est CE jour de l’année, après tout ! »

Toutes les ondes positives qu’elle dégageait motiva les autres à se réunir autour d’elle pour partager leur engouement.

Kana : « Nojùcénie ! Talwin ne veut pas me rendre Nyriée, fais quelque chose, je t’en prie ! »

Talwin perdait sensiblement en assurance quand la personne appelée à la rescousse était Nojù.

Une lueur espiègle naquit dans le regard de ma sœur.

Nojù : « Oh oh, alors c’est ainsi, Talwin ? Heureusement, je sais exactement quel sort est approprié pour un voyou dans ton genre. »

La demoiselle bondit sur le dos de son cousin sans perdre un instant, et s’y cramponna bras et jambes, lui bloquant la vue au passage. Voyant qu’il peinait à retrouver l’équilibre, Kana se joint à Nojù de bon cœur.

Talwin : « A-arrêtez ! Descendez ! Mon dos ! Je ne peux pas vous porter toutes les deux en même temps ! Surtout Kana ! »

Kana : « Quoi ?? Qu’est-ce que je suis censée comprendre ?! »

Talwin : « Gyaaaah ! »

Appréciant le tapage matinal, Efflam se jeta sur son frère à son tour, le faisant basculer aussitôt.

Ils se retrouvèrent tous au sol, hilares.

Je m’éloignais de cette scène que je jugeais absurde, ne voulant pas être contaminé par leur bêtise.

Nojùcénie : « Lucé ? »

Ce simple sobriquet résonna étrangement. Deux Lucéards l’avaient entendu. Le premier soupira d’ennui, acteur d’un quotidien qu’il méprisait. Le second, simple spectateur de son passé, ne put que savourer ce qui n’existait plus que dans ses souvenirs. Depuis l’entrée de sa sœur, ce Lucéard flottant dans le néant ne la quittait pas des yeux.

Nojùcénie : « Allons ouvrir nos cadeaux tous ensemble ! »

Elle se relevait d’un bond, et me rejoins, armée d’un grand sourire.

Je la regardais en retour, l’air renfrogné. De toute façon, je ne pouvais pas y couper.

-2-

La salle à manger pouvait accueillir jusqu’à une cinquantaine de personnes, et semblait étroite comparée à l’immense salle de réception qui elle pouvait rassembler jusqu’à 200 personnes.

C’était dans cette première pièce que nous célébrions la fin de l’année en cours. Après le petit-déjeuner, les cadeaux, somptueusement emballés, étaient apportés par des domestiques, voire parfois même les auteurs de ces présents eux-mêmes.

Ce moment familial faisait la part belle aux enfants. Brynn et Eira n’avaient déjà plus l’âge pour ça et nous observaient avec une certaine nostalgie. Meloar et Talwin étaient adultes, eux aussi, mais ce dernier semblait l’ignorer.

Ma sœur déballait sauvagement un cadeau plutôt plat. Il y avait dedans un livre, et quand elle aperçut les premières couleurs de la couverture, ses yeux s’illuminèrent.

Nojùcénie : « Oh ! Oh ! Lucé, regarde ça ! “Valronde contre les dryades des landes mystiques” ! Il a l’air trop bien ! Je ne sais pas si je pourrais me retenir de le lire avant ce soir ! »

Nojù me cria dans les oreilles, incapable de contenir sa joie. Joie qu’elle avait décidé de partager avec son frère, quitte à ce que celui-ci ne réagisse pas.

Elle tentait de me montrer l’illustration sur le devant du livre, mais l’agitait si fort et si près de mes yeux que je ne vis rien.

Aenor était derrière moi, le regard sévère, comme pour me sommer de répondre quelque chose à Nojù. Constatant que c’était peine perdue, elle reprit sa bouille la plus adorable, et s’avança vers sa cousine.

Aenor : « Merci Nojùcénie ! Votre cadeau est super ! Trouver quelque chose comme ça a dû te prendre un temps fou. »

Par bienséance, la fillette s’était efforcée de faire comme si le cadeau était de nous deux, me remerciant vaguement juste après.

Interrompue dans ses gesticulations, Nojù fixait Aenor comme une prédatrice, attrapa l’enfant par dessous ses bras et la souleva contre elle de tout son amour.

Nojùcénie : « Je suis contente que ça te plaise ! Tu le mérites tellement, Aenor, tu es si mignonne ! »

Se faire balancer à droite et à gauche comme une poupée était l’une des choses qui agaçait Aenor, mais quand il s’agissait de Nojùcénie, c’était différent.

Ma jeune cousine profitait de la douceur de l’étreinte de Nojù, sachant qu’elle ne durerait pas aussi longtemps qu’elle l’aurait voulu. Elle se cramponnait à elle comme si elle savait ce que le futur nous réservait. Mais ce n’était pas le cas. C’était juste l’expression d’amour la plus sincère qu’Aenor pouvait transmettre.

Efflam : « Alors, Nojùcénie ? »

Très fier de lui, le garçon croisait les bras, attendant le verdict de sa cousine.

Nojù reposa délicatement Aenor avant de se tourner vers lui, des flammes brûlaient dans ses yeux.

Nojùcénie : « Je savais à quoi m’attendre de ta part ! Mais de l’avoir entre les mains, c’est toujours le même frisson ! Je serai tentée de me cacher quelque part pour le lire ! Me dis rien, mais toi tu l’as déjà lu, hein ? »

Efflam : « Bien sûr ! Tu lis plus vite que moi quand il s’agit de Valronde, alors j’ai pensé qu’on pourrait en parler avant même que je ne doive rentrer à Port-Vespère ! »

Nojùcénie : « Bien vu ! Tu peux compter sur moi, Efflam ! Ah, j’ai tellement hâte ! Décidément, il n’y aura jamais une seule année où ces romans seront une mauvaise idée de cadeau ! »

Efflam : « Et tu peux compter sur moi ! Je prendrai chacune de ses nouvelles aventures en double ! »

Efflam et Nojù scellèrent ce pacte d’une poignée de main embrasée. Quand le mot “aventure” était prononcé, ils devenaient instantanément les meilleurs amis du monde.

La fillette aux yeux vairons, les mains sur les hanches, regardait cette scène avec une grande satisfaction.

Dilys était la prochaine à s’approcher. Elle était quelque peu embarrassée d’interrompre ce moment, mais haussa le ton pour montrer son mécontentement.

Dilys : « Nojùcénie ! Tu penses vraiment que je vais porter une telle robe ? »

Efflam observa ce qui était au bout de la main de la jeune fille.

C’était une robe légère et colorée. Même en plein hiver, c’était une superbe tenue pour un événement de ce genre, à condition bien sûr que la pièce soit suffisamment chauffée. Efflam comprit aussitôt le problème. Le style mignon et délicat ne seyait pas du tout à la personnalité de la princesse. Et pourtant…

Nojùcénie : « Essaye-la, je suis sûre que tu vas être trop jolie dedans ! »

La sixième princesse du royaume était plus enthousiaste que la quatrième n’était revêche.

Dilys : « Il n’en est pas question ! »

Nojùcénie : « S’il te plaît ! »

En une fraction de secondes, Nojù l’attrapa par les deux épaules et lui montra un regard constellé d’étoiles. Il était certain que la demoiselle voulait à tout prix voir sa cousine dans la robe qu’elle avait choisie.

Ce fut sûrement ce regard qui eut raison de Dilys, qui repartit l’air boudeur, grommelant ce qui ressemblait à un accord.

Eira : « Tu as fait un excellent choix, je suis sûre que ça lui ira à merveille. »

Commenta l’aînée des princesses qui venait rejoindre les quelques enfants réunis ici.

Nojùcénie : « Ah, Eira, tu tombes bien ! J’ai quelque chose pour toi, mais c’est un secret ! »

Affirma-t-elle devant tout ce monde, si fière de son idée qu’elle ne pouvait s’empêcher de bondir sur place, agitant ses couettes gracieusement. Néanmoins, personne n’avait idée de ce qu’il en était. Considérant ce que j’avais appris lors de mon séjour actuel, il ne faisait aucun doute que Nojù était la première à connaître les penchants glauques de notre cousine.

Eira rougissait. Elle était heureuse d’avoir partagé ça avec sa jeune cousine. En tant que jeune adulte, elle ne s’attendait plus à autant de cadeaux qu’avant, et ce geste l’enchanta.

Eira : « Je me demande bien ce que tu m’as trouvé ! »

Nojù gonflait le torse, l’air victorieux.

Yuna : « Nojùcénie ? »

La princesse était de plus en plus entourée. Moi qui étais toujours assis à table à côté d’elle, je devais subir son succès social et toute l’agitation qui en découlait.

Yuna : « Comment tu lis ce mot ? »

La petite dernière de la famille lisait déjà bien pour son âge, et avait reçu un livre dont le titre comportait déjà un défi pour elle.

Nojùcénie : « Fais voir ! »

Ma sœur s’accroupit légèrement, et tira le livre vers elle.

Illiam : « Ma fille a toujours autant de succès avec Yuna. »

Certains des parents étaient encore attablés, et regardaient avec bonheur leur progéniture découvrir tous leurs cadeaux de cette fin d’année.

Evariste : « C’est vrai. Mais avec qui ta minotte n’a pas eu la côte exactement ? »

Luaine : « On croirait voir Klervi il y a quelques années, quand elle ne jurait que par Lucéard. »

Le ton de mon père se fit plus ferme.

Illiam : « Hélas, mon fils n’a fait aucun effort pour s’entendre avec elle. »

Peut-être avait-il élevé la voix pour que je l’entende. Je n’étais sûr que d’une chose : je l’avais entendu. Et j’y avais vu un reproche.

Luaine : « Oh, n’écoute pas ton père Lucéard, il n’est jamais content ce vieux moustachu. »

Malgré la tentative de ma tante de passer ça à la plaisanterie, le mal était fait. J’étais prêt à en déduire qu’il me montrait sa déception. J’y voyais là une façon de dire qu’il ne m’aimait pas. Mais avec le recul, quelque chose d’autre m’apparut. Il n’y avait aucune mauvaise intention dans le regard de mon père.

Dilys revint finalement avec sa robe. Elle croisait les bras et semblait furieuse de devoir porter ça, ce qui créait un drôle de contraste avec la douceur qui se dégageait de ce vêtement.

Talwin sortit de sous la nappe de la table et pointa du doigt sa cousine, hilare.

Talwin : « Pouah ! Tu as piqué des vêtements de Kana ou quoi ? J’en peux plus, c’est trop meugnon ! »

Elle lui envoya un coup de pied en plein visage, enragée.

Dilys : « Qu’est-ce que je disais ?! Tu t’es fichue de moi, Nojùcénie ! »

En croisant le regard de Nojù, elle se rendit compte que cette dernière ne se moquait pas du tout. Elle était aux anges.

Nojùcénie : « Oh ! C’est exactement comme ça que je t’imaginais ! Je fonds ! »

Dilys : « Et puis quoi encore ?! Je suis sûre que- Mais, qu’est-ce que tu fais ?! »

Ma sœur venait d’accourir vers Dilys pour essayer de l’enlacer et la couvrir de bisous, mais celle-ci se débattait comme une diablesse.

Nojùcénie : « Tu es trop mignonne ! »

Dilys : « Lâche-moi à la fin ! »

Ce duo faisait toujours bien rire notre cousinade.

Quant à moi, il m’exaspérait. Ils m’exaspéraient tous d’ailleurs. Ce que je voyais dans cette pièce était incompatible avec ma vision de la noblesse. Je préférais me retirer discrètement.

Quelques pas à peine après avoir échappé à ce brouhaha, je croisai Klervi, qui se dissimula derrière Meloar après m’avoir aperçu. Ce dernier ne paraissait pas non plus enthousiaste à se rendre dans la salle où avait lieu notre tradition.

Meloar : « Où vas-tu, Lucéard ? Tu as déjà ouvert tous tes cadeaux ? »

Son regard se fit sévère, il ne pouvait qu’attendre une réponse sèche en retour.

Lucéard : « Oui, et je rentre à ma chambre. »

Il devait sans doute être celui avec qui je pensais avoir le plus en commun, et pourtant, je le méprisais plus que les autres, et il me le rendait certainement bien.

Je passais mon chemin en silence. Et eux continuèrent leur chemin.

Nojùcénie : « Ah, Meloar, tu tombes à pic ! Ton cadeau est super ! Viens voir ! »

Ce cri déjà lointain pour moi avait décroché un sourire au ténébreux prince de Port-Vespère, qui s’approcha de sa cousine bondissante d’énergie.

Quant à moi, je m’enfonçais seul dans la pénombre de ce corridor.

-3-

En l’espace d’un instant, sans même que je ne puisse goûter à la solitude que recherchait ce Lucéard, je me retrouvai le surlendemain au palais de Lucécie.

J’arrivais dans le hall à pas lents. Les Nefolwyrth venaient tout juste d’arriver, et nous les accueillions tous ensemble. Pendant deux jours, nous allions profiter de leur présence. Je n’aurais pas la paix avant leur départ.

Irmy : « Nojùcénie, tu n’aurais pas encore pris quelques centimètres depuis la dernière fois ? J’ai l’impression que tu n’étais qu’une enfant l’année d’avant, et te voilà devenue un jolie bout de femme ! »

Irmy frotta la tête de sa nièce comme elle en avait l’habitude. Nojù était si heureuse, comme si la fête continuait aussi longtemps qu’elle était entourée des siens.

Nojùcénie : « Je ne le remarque jamais, mais si vous le dites ! »

Gobeithio : « Tu seras encore plus grande que ta mère à ce rythme-là ! Et tu feras au moins le double de la taille de ta grand-mère ! »

Il n’en fallait pas plus pour faire éclater de rire cette andouille. La grand-mère en question protesta immédiatement.

On déballa nos cadeaux dans la salle des tapisseries. C’était plus convivial ainsi. Il n’y avait que quatre enfants ici. Tous les adultes étaient réunis dans le salon à thé et nous laissaient entre nous.

Je restais en retrait et ouvris les miens précautionneusement. Les trois princesses avec moi étaient assises sur des coussins.

Sur l’emballage de celui pour Deryn se trouvait joint un petit mot. Nous n’étions pas sûr de pouvoir se voir ce jour-là, ce pourquoi ma sœur avait écrit un message pour accompagner ce présent.

Ma cousine le lut avec attention, et son sourire s’allongeait à mesure qu’elle parcourait cette courte lettre.

Deryn : « Oh, tu t’es souvenue de ça, Nojùcénie ? Tu es vraiment la meilleure. »

Nojùcénie souriait béatement. Elle avait attendu des mois de pouvoir lui donner ce paquet, qui comptait aussi comme son cadeau d’anniversaire.

Eilwen : « Oh ! Oooooooooooooh ! »

Sous bien trop de couches d’emballages, Eilwen venait de découvrir le sien, et exultait de joie.

Eilwen : « Mais ça a l’air trop bien ! Je veux l’essayer dès maintenant ! »

Nojù se levait fièrement comme pour faire une annonce.

Nojùcénie : « Héhé ! Mais mon cadeau n’est pas aussi bien que le tien ! Je reconnais ma défaite pour cette année ! »

Eilwen l’imita.

Eilwen : « C’est plutôt à moi de dire ça ! Mais l’année prochaine, tu seras bien obligée de t’incliner devant la toute-puissance de mon cadeau ! Dès demain, je commence à y réfléchir ! »

Eilwen…

Nojùcénie : « Tu veux encore remettre ça ? Désolée pour toi ma grande, mais j’ai déjà l’idée du siècle pour ton anniversaire. »

Nojù…

Ces deux-là avaient une drôle de façon d’être reconnaissantes l’une envers l’autre, ce qui amusait beaucoup Deryn.

Deryn : « C’est toujours la même chose avec vous. »

Nojùcénie : « C’est facile pour toi de dire ça. On dirait que c’est inné chez toi de trouver ce qui plaît aux autres ! »

Eilwen : « C’est vrai, ça ! Dis-nous ton secret, Ryn ! »

En une phrase, Deryn s’était mise les autres princesses Nefolwyrth à dos.

Deryn : « Quel secret ? On lit en vous deux comme dans des livres ouverts. »

Affirma-t-elle en haussant les épaules, d’un air taquin. Néanmoins, elle savait d’avance ce qui allait découler de cette provocation, et la plus jeune des filles se mit sur la défensive dès la fin de sa phrase.

Mais il était trop tard.

Ni une ni deux, Deryn se retrouva en proie aux chatouillis punitifs qu’elle redoutait par-dessus tout. Et incapable de lutter contre quatre mains vindicatives, elle ne put que rire aux éclats, complètement immobilisée.

J’étais debout face à cette scène grotesque, et leur tournais le dos, prêt à retourner vaquer à mes occupations tant que je le pouvais. Mais le véritable spectateur restait face à ces images qui lui pinçaient le cœur, sans vouloir y renoncer.

Eilwen : « Bon, on a largement le temps de faire une partie de ce nouveau jeu, non ? »

Nojùcénie : « Lucé, tu joues avec nous ? »

Elle et sa fichue manie d’essayer de me rendre heureux… Pourquoi montrait-elle tant d’enthousiasme à ce que je les rejoigne ? Mes deux cousines ne paraissaient pas autant emballées à l’idée que je me joigne à elles.

Deryn : « … »

Eilwen : « Tu sais bien que ça ne l’intéresse pas, Nojùcénie… Et ce n’est drôle pour personne de jouer avec quelqu’un qui ne s’amuse pas. »

Sa façon de présenter la chose était assez détournée pour que je considère son attitude d’hypocrite. Pourtant, Eilwen avait objectivement raison, et puis, elle me donnait une occasion de partir. De plus, ses paroles ne blessaient qu’un minimum ma sœur qui nourrissait toujours l’espoir que je reste.

Lucéard : « Comme elle dit. »

Après un refus que je ne justifiai pas davantage, je fermai la porte derrière moi, et me retrouvai dans le noir.

Je restais dos à la porte, comme si ce Lucéard du passé avait perçu quelque chose. Quelque chose qui venait de remonter le temps jusqu’à lui. Une sensation qui l’immobilisa quelques secondes.

Il y avait quelqu’un d’autre dans ce corridor. Sa silhouette se dégageait progressivement de la pénombre.

C’était moi. Sans être exactement celui que j’étais aujourd’hui, la personne qui restait immobile dans les ténèbres ne pouvait qu’être moi. J’étais face à celui que j’étais, animé de sentiments si intenses qu’ils m’avaient permis de prendre forme dans ce songe que je ne pouvais jusque-là qu’observer.

J’étais avant tout l’incarnation terrible du sentiment que m’avait provoqué ces souvenirs. Cet ancien Lucéard restait coi, il ne comprenait pas ce qui le dévisageait en retour.

Aux rires derrière cette porte se mêlait une voix ruisselante d’émotion.

« Retournes-y. »

Les mots semblaient être sortis de la bouche de cet intrus.

Lucéard : « Qui es-tu ? »

Je repris plus fort, ne faisant plus qu’un avec cette manifestation.

« Retournes-y, je t’en prie ! »

Ce Lucéard suranné restait de marbre, comme s’il savait n’être plus qu’un souvenir.

Lucéard : « C’est une perte de temps. J’ai beaucoup de travail devant moi. Je veux parfaire ma voix, ma maîtrise de tous mes instruments, dans le peu de temps qui m’est imparti. Si je ne fais que m’amuser bêtement, je ne parviendrais à rien, je ne deviendrais personne. Qu’est-ce que je gagne à passer du temps avec ces deux pestes hypocrites ? »

Cet ancien moi reconnut au discret gémissement qu’il venait d’entendre que ses mots m’avaient touché.

« Ne dis plus jamais de mal d’elles. Eilwen et Deryn sont des amies irremplaçables. »

Je fis quelques pas en avant, enragé. Le garçon devant la porte écarquilla les yeux. Il apercevait enfin le visage de celui qui avait survécu à plus d’un deuil. Mes larmes étaient intarissables.

Lucéard : « Pourquoi insister à ce point… ? Pourquoi tu ne le ferais pas à ma place ? »

« …Moi, je ne peux plus y retourner… !! »

Ce cri du cœur le fit trembler.

Cette vision pathétique l’ébranla, bien qu’il tentât de le cacher.

Lucéard : « Je ne comprends pas… »

« J’aimerais pouvoir être avec elles, même s’il ne s’agit que de les regarder, ça me suffit. Je veux les voir une dernière fois heureuse toutes les trois …! »

Celui que j’étais ne sut pas répondre. Il entendait derrière lui les éclats de voix étouffés par la lourde porte.

Eilwen : « Euh, quelque chose cloche, non ? »

Nojùcénie : « Tu es sûre qu’il fallait mettre ça là ? »

Deryn : « Laisse-moi deviner : tu n’as lu que la moitié des règles pour qu’on joue au plus tôt ? »

Son attention revint vers moi, il commençait à s’imprégner de mes propres sentiments.

Lucéard : « …Tu ne les détestes plus ? »

Le chagrin embrumait ma voix. Je ne faisais que ressasser les images qui m’avaient été données de voir. Tous ces moments paisibles en compagnie de toute ma famille.

« Tout le contraire… Je les aime tous. Et je sais qu’au fond, toi aussi. Alors je t’en prie, retournes-y ! »

Je reprenais difficilement ma respiration.

« Retournes-y ! Joue avec elles ! Passe autant de temps avec elle que tu ne le peux ! Passe le plus de temps possible avec tout le monde ! »

Je venais de lui transmettre en ce cri mes plus sincères sentiments.

Lucéard : « …N’aurai-je pas toute la vie pour ça… ? »

« Il n’y aura pas de compétition entre Eilwen et Nojù l’année prochaine. Il n’y en aura plus jamais… »

Dans ce monde, les deux jeunes filles riaient encore insouciamment, et Deryn partageait volontiers leur bonheur. En ce moment même, elle les regardait affectueusement, pendant que les deux rivales se chamaillaient.

Ce Lucéard de l’an précédent se retournait brusquement, comme pris d’un doute, vers cette porte qu’il avait fermé. Il réalisait qu’il peinait déjà à se souvenir de leurs visages. Il comprenait enfin dans sa chair que le temps qu’il allait passer avec elles était compté, et que le haut du sablier était bientôt vide. Il ne s’était jamais douté que le sable s’écoulerait aussi vite.

Lucéard : « …Qu’est-ce qui leur est arrivé ? Qu’est-ce qui est arrivé à Nojù ?! »

Ce vestige de ma propre personne n’était déjà plus aussi terrible qu’autrefois. Il acceptait déjà bien plus de choses qu’auparavant. Les cours de musique qu’il donnait à sa petite sœur n’étaient qu’un exemple parmi tant d’autres. Elle avait tout fait pour qu’ils soient ensemble. Et pour la première fois, il en était reconnaissant.

« Tu ne pourras jamais savoir à l’avance à quel point les personnes qui t’entourent sont précieuses. Alors protège-les toutes. Protège-les toute ta vie ! C’est la dernière chose que je te demande ! »

Mon souhait le plus intime venait de se manifester dans cette requête. Une requête que je n’avais pas entendu à temps, une requête perdue à jamais dans ce songe.

Lucéard : « … »

Un frisson parcourut le garçon. Il en restait pétrifié.

Je m’avançais plus près de lui encore. Je tentais de retrouver mon calme.

« Tu es déjà très bien comme tu es. Tu as déjà tout à portée de main pour être heureux. Ne fais pas la même erreur que moi. Sois là pour eux à chaque fois. »

Finalement, je partis le premier vers les ténèbres, me retournant une dernière fois, contenant difficilement ce dernier sanglot.

« Et, s’il te plaît, dis leur à quel point je tiens à elles. »

Je regagnai ainsi ma place de spectateur, laissant ce Lucéard seul dans ce corridor. Il entendait encore des rires derrière lui, et avant qu’il ne se décide à bouger, la pénombre l’enveloppa à son tour. Au fond de lui, il savait déjà que la porte ne s’ouvrirait plus jamais.

Mon sommeil n’était déjà plus profond, et je m’attendais à me réveiller à tout moment, mais, bien loin de ma réalité, j’entendis toquer contre le bois.

Ma petite sœur entra dans ma chambre du palais de Lucécie. Comme à son habitude, elle fit se heurter la poignée au mur dans son élan.

Nojùcénie : « Lucé ! Tu dois absolument le lire aussi ! »

Nojù était resplendissante, pétillante de vie, loin de toutes les horreurs qui avaient hanté mes songes pendant des mois.

Lucéard : « Ah, “les aventures de Valronde”, c’est ça ? »

Soupirai-je en apercevant la couverture colorée de l’ouvrage.

Lucéard : « Le public visé par ce torchon n’est même pas censé savoir lire. C’est ridicule. C’est niais au possible. Tu t’en sers pour fuir la réalité ? Maintenant que j’y pense, j’avais lu le premier. Toutes les morales étaient tristement creuses. Ma pauvre, tu ne te rends pas compte que tu régresses avec cette idiotie ? »

Nojù haussa les épaules. Elle n’avait encore rien eu le temps de dire. Au fond d’elle, elle était enragée à l’idée que j’ai insulté cette série de roman qu’elle idolâtrait, mais elle n’en montra rien.

Nojùcénie : « Tu trouves ? Personnellement, j’ai du mal avec les classiques de la littérature. Je ne veux pas dire qu’ils sont moins bien que le reste, mais c’est vraiment pas mon truc. Alors que ce genre de roman d’aventure, tu vois, comment dire… »

Mes yeux s’ouvrirent malgré moi, interrompant ma conversation avec Nojù. J’étais bel et bien réveillé, seul, dans ma chambre de Port-Vespère.

Je me redressais péniblement, puis m’aperçus qu’une larme coulait le long de ma joue. Je me l’essuyais d’un coup rapide.

Tiens… ? Je ne me souviens plus de ce qu’elle m’avait dit ce jour-là.

Je me levai paisiblement, sans le moindre regret. Je m’étonnais presque que ce rêve n’ait pas plus influencé mon humeur. Ou plutôt, qu’il l’ait influencé en bien. J’avais l’impression d’avoir fait la paix avec celui que j’étais pour de bon.

-4-

Je m’habillais tranquillement, après quelques étirements, puis sortis de ma chambre. Je découvris rapidement qui était à l’origine du bruit qui m’avait réveillé.

Kana : « Talwin, mais ! Arrête je te dis ! »

Talwin : « Il en faut plus que ça pour m’arrêter, gamine. »

La gamine en question gonflait les joues. Talwin levait son bras, agitant Nyriée dans les airs.

Efflam : « J’ai une impression de déjà-vu… »

Talwin se dandinait, bien trop confiant, pendant que sa sœur bondissait en vain pour tenter d’attraper sa poupée.

Un poids soudain surprit ce grand enfant.

Talwin : « Q-Qui va là ?! Descends de mon dos ! Ah ! Vite ! Je vais tomber ! Je tombe ! »

Dans l’incompréhension totale, il se heurta le visage contre un pan de mur.

Lucéard : « Vois ça comme la foudre du jugement, Talwin. »

J’étais assis sur son dos en tailleur, Nyriée en main.

Sur le moment, Kana resta pantoise. Une expression complexe se dessinait sur son visage. Avait-elle compris ?

Kana : « Lucéard ! »

Sans plus attendre, elle me bondit dessus, écrasant davantage son grand-frère.

Kana : « Mon héros ! »

Célébrait-elle, en me couvrant de câlins.

Efflam nous regardait avec amusement, soupira, puis leva les yeux vers le plafond, pris d’une mélancolique nostalgie.

Efflam : « …Tu as vu ça… ? »

Talwin esquissait un sourire paisible, toujours écrasé sous nos deux poids.

Quelques minutes plus tard, nous étions tous rassemblés autour de la grande table de la salle à manger. Chez les Vespère, il était tradition d’ouvrir les cadeaux avant même le petit-déjeuner. Chacun commençait déjà à déballer des paquets de toute taille, et de toute forme.

C’était enfin le moment pour moi de sortir les chakrams que j’avais gardé dans mon sac tout ce temps. Je les offris à Kana, qui fit quelques jaloux.

Ellébore montra discrètement à Eira toutes les horreurs que nous avions ramassés pendant notre dernier périple. La future grande dame fit d’abord mine d’être répugnée par ces morceaux de cadavres informes, puis révéla enfin un sourire bien trop grand.

Le père de Léonce avait fait descendre avec lui quelques bouteilles d’un vieil alcool frelaté dont l’exotisme ravit le duc et la duchesse de Port-Vespère. Monsieur Ystyr avait quant à lui fabriqué lui-même en plusieurs exemplaires un objet étrange qui attira la curiosité de Jagu.

La participation d’Ellébore et Léonce fut aussi très appréciée par nous tous, qui savions que leur générosité était d’autant plus significative que la nôtre qui n’était jamais plus qu’un investissement mineur.

En retour de ses petites attentions, mon garde du corps se vit offrir par toute la famille Vespère un véritable hachoir. Talwin vanta cette arme comme le joyau noir de Port-Vespère, l’ultime chef-d’oeuvre d’un forgeron injustement méconnu. Personne ne sut confirmer ses dires.

En plus d’être le type d’arme qu’il avait pris le plus de plaisir à brandir, savoir que cette lame serait à tout jamais la première qui lui était destinée l’enchanta. Il savait déjà que ce hachoir finirait par devenir une partie de lui.

Ellébore reçut entre autres la robe qu’elle portait lors du désormais célèbre procès.

Quant à moi, je découvris parmi mes cadeaux un rebec neuf qui me rappela aussitôt le jour où tout avait commencé.

Après ce moment aussi bruyant que joyeux, les premiers plats arrivèrent à table, et nous nous rassemblâmes tous autour d’un repas bien singulier qui mêlait le sucré au salé.

Après quelques bouchées, Talwin s’impatienta, et frappa du poing sur la nappe, faisant tintinnabuler les assiettes alentour.

Talwin : « Il suffit ! Pensez-vous réellement pouvoir étouffer la vérité ?! Mais je vois clair dans votre jeu, Deryn, Lucéard ! Regardez donc vos mines réjouies, je suis sûr que vous avez vu le fantôme hier ! »

Cette accusation soudaine amusa Deryn qui en profita pour taquiner en retour son cousin éloigné. Eilwen participa quelques fois à cette discussion. Elle me paraissait de très bonne humeur, et donnait l’impression que la soirée d’hier, dont elle ne pouvait se souvenir, lui avait fait beaucoup de bien.

Ellébore : « Qu’est-ce qu’il t’arrive Lucéard, tu es bien silencieux ? »

Ma voisine de table était inquiète de me voir pensif au milieu de ces festivités. Je me tournais vers elle, tout guilleret.

Lucéard : « Je savoure l’instant ! »

Ma réponse la surprit en un premier temps, puis l’amusa.

Lloyd : « Quel délice nostalgique ! Je crois que je vais pleurer ! »

Un cri à sa droite attira l’attention de la demoiselle. Son père décortiquait une queue de homard avec passion.

Ellébore : « Peut-être que quand je serai une célèbre détective, nous aussi on pourra manger comme ça tous les jours ! »

Serrant le poing de détermination, Ellébore montra à son père un visage étincelant.

Monsieur Ystyr posa le coude sur la table et fit glisser ses doigts entre ses cheveux, pour se donner des airs, tout en tournant son regard vers sa fille, solennel.

Lloyd : « Aussi longtemps que tu restes avec moi, ma vie est déjà parfaite comme elle est. »

Sa fille se retint de rire en gonflant les joues, mais était néanmoins touchée par sa réplique.

Ellébore : « Ooooh… Papa… »

Elle fut tentée de lui faire un câlin, mais ce n’était pas l’endroit, bien qu’elle s’était aperçue que les manières de table se faisaient discrètes dans ce palais.

De l’autre côté, le père de Léonce ne faisait que bâfrer. Sa voracité était spectaculaire. Léonce était manifestement aussi satisfait que son amie.

Mon regard se tournait machinalement vers mon propre père, qui se faisait resservir du vin par le duc.

Dilys : « Ces idiots ont essayé de m’emmener avec eux, d’ailleurs. »

Le sujet de discussion n’avait pas changé de l’autre côté. Dilys, vêtue d’une robe qui m’était familière, profita de l’occasion pour râler auprès de ses frères et sœurs.

Eira : « Eh bien, eh bien, voilà qui explique le bruit de ces dernières nuits. »

Eira : S’il y a véritablement un fantôme, j’aurais aimé avoir la chance de le trouver, moi aussi.

Ceilio se tournait vers sa grande sœur. Il l’avait aperçu, portant des reliques de monstres entre ses mains et venait de découvrir sa véritable nature. Avec un peu d’appréhension, il avait réussi à lire dans ses pensées.

Brynn : « Ah, Talwin… Avons-nous encore l’âge pour ces histoires ? Peut-être faudrait-il canaliser toute ton énergie autrement. »

Talwin se leva à moitié, indigné.

Talwin : « Ces histoires ? Ces histoires dont tu parles représentent l’essence même de nos vies, le souffle inépuisable de notre jeunesse, le lien indestructible qui rassemble notre cousinade ! »

Goulwen : « Ah, ça me fait penser, on l’a trouvé, hier, le fantôme. »

Talwin : « COMMENT ?! »

Deryn et moi nous regardâmes, interloqués.

Efflam : « Mais Talwin et moi n’avons rien trouvé de la nuit ! »

Jagu : « Goulwen dit vrai ! On l’a trouvé au troisième ! Enfin, je suis pas sûr que ce soit un fantôme. Ce qui est certain, c’est que c’était trop bizarre ! »

Kana : « J’ai cru que j’allais m’évanouir en le voyant. Heureusement, on dirait que je tiens de maman de ce côté-là ! »

Confirma-t-elle à son tour, comme si de rien n’était.

Efflam : « Quoi, toi aussi Kana ?! »

Talwin : « Mon aléatoire sacré se révèle parfois cruel envers son créateur… »

Ellébore : « C’est vrai, ça, Léonce ? »

Mon amie était particulièrement intriguée par cette histoire.

Tout le monde se tournait vers mon garde du corps, comme s’il était le principal concerné, ou plutôt, parce qu’il était des quatre témoins le plus fiable.

Celui-ci se remémorait avec le sourire les événements de cette nuit.

Léonce : « Je ne saurais pas trop décrire ce qu’on a affronté hier, mais c’était quelque chose ! »

Je lançais à nouveau un regard à Deryn. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises.

Finalement, ce n’est peut-être pas notre équipe qui a touché le gros lot.

Meloar soupirait au milieu du brouhaha qui ne cessait de s’intensifier.

Meloar : « Dire que nous avons failli être mêlés à ça. »

Lança t-il à Klervi, dont la discrète moue signifiait qu’elle ne voyait pas les choses comme lui. Je ne pouvais qu’en déduire que la jeune fille aurait aimé être de la partie.

Luaine : « Alors c’était vous ! »

Se leva d’un bon la duchesse, furieuse. Elle avait tendu l’oreille assez longtemps pour comprendre de quoi il retournait.

Luaine : « On est venu me réveiller à cinq heures du matin à cause de ce que vous avez fait dans la salle des miroirs ! Sans compter que tout le couloir a été vandalisé ! Lequel d’entre vous à fait ce trou immense dans le mur qui mène à la salle de séjour ?! Laissez-moi vous dire que dès demain, ça va barder pour vous les mioches ! »

Ma tante avait développé un côté mère de famille vespérienne qui ne manquait pas d’impressionner les invités.

Mon grand-père Nefolwyrth se racla la gorge. Il était jusque là assez silencieux, par rapport à sa femme, mais ce râle rauque dont il avait le secret précédait ses sermons les plus virulents.

Rhys : « J’espère que vous n’êtes pas impliqués dans ça Deryn, Lucéard ! »

Le vieil homme savait se montrer sévère quand il le fallait, et parvenait toujours à nous intimider. Deryn et moi n’étions plus sereins.

Deryn : « Non, grand-père ! »

Ce n’était pas un mensonge, et pourtant, la jeune fille détourna le regard, de peur de se confronter au doyen.

Talwin : « Et la solidarité entre cousins, ça vous parle ?! »

S’indigna Talwin, qui frappa du poing une fois de plus, après s’être levé.

Luaine : « Ah ? Parce que toi tu étais avec eux, Talwin ? »

S’enquit tante Luaine avec un calme qui fit instantanément paniqué notre cousin, qui finit par marmonner quelque chose la tête basse en se rasseyant.

Talwin : « …Je ne connais même pas ces gens, mère… »

Les quatre coupables avérés se firent eux-mêmes silencieux. Pendant une bonne minute, on entendit plus que ma grand-mère.

Mabyn : « Cette chaise dans l’entrée, on l’a trouvée dans le canal, un peu avant l’écluse. Il n’y avait personne aux alentours ? Il fallait bien la sauver, non ? C’est de l’ébène. Mais on s’est dit que cette chaise était peut-être à un pêcheur… »

Oncle Evariste n’écoutait plus, il regardait dans le vide, hochant la tête, verre à la main. Mon Oncle Gobeithio, lui, avait manifestement entendu cette histoire plus de fois que je ne saurai l’imaginer. À côté de lui, Tante Irmy discutait avec Eilwen qui, même si celle-ci répondait peu, semblait s’imprégner de l’ambiance chaleureuse de cette journée.

Peut-être était-ce aussi mon cas. Je ne faisais que tourner la tête, et observais tout ce qui se disait autour de moi.

-5-

Efflam : « Eh, Lucéard ! »

Je m’étonnais de me faire interpeller, d’autant plus qu’Efflam n’avait pas l’air de trop savoir quoi dire. Pourtant, il poursuivit.

Efflam : « Euh, en fait, on se disait que… Cette année, tu méritais peut-être un cadeau de plus. »

Je le dévisageais, suspicieux.

Lucéard : « Mériter est un bien grand mot. Mais où veux-tu en venir ? »

Efflam : « Eh ben, heu… »

Efflam était bon pour se lancer, mais la suite ne lui vint pas.

Aenor : « Aah ! Laisse-moi m’en occuper ! »

Lasse, Aenor l’interrompit, le mettant face à son incompétence.

Aenor : « Nous voulions te faire un cadeau spécial cette année. »

Le calme se fit progressivement. Seuls les Vespère étaient dans la confidence, et les autres écoutaient, curieux. Même ma grand-mère avait senti que le moment se prêtait au silence.

Ce fut ma tante qui apporta la boîte dont il était question. Le nœud doré qui scellait ce paquet annonçait le prestige de ce cadeau.

Elle la posa devant moi, et me fit un clin d’œil avant de rejoindre sa place. Toute l’attention des Vespère était sur moi. L’air complice, ils m’invitaient à ouvrir le paquet.

Lucéard : « Bon… Voyons ça. »

Perplexe, je déballais l’objet sur mes genoux. Je tirai de la boîte épaisse une pièce de tissus d’un jaune pâle mais éclatant.

C’était un haut qui s’enfilait sans bouton, dans un matériau assez fin et élastique. Quelque chose de noble émanait de ses fibres. En sous-pesant le vêtement, j’eus enfin une idée de ce dont il était fait. Je n’en avais pourtant jamais tenu, mais je m’essayai à une conjecture.

Lucéard : « Pour ce que c’est, c’est plutôt lourd… Est-ce de l’orétoile ? »

Talwin : « Exact. Une courpentière en orétoile. »

Ce type de vêtement n’était porté que par les chevaliers, en dessous de leur armure. Et ce matériau était rare. Rare et précieux, même pour la plus haute-noblesse du royaume. Cet alliage fait à partir d’un métal nommé orétoile ressemblait à s’y méprendre à du tissu. Ceux qui voyaient ça pour la première fois étaient aussi ébahis que moi. Même si certains n’avaient aucune idée de ce qu’était une courpentière.

Mes cousins se réjouissaient de ma réaction, mais n’étaient pas encore pleinement satisfaits.

Talwin : « Ce n’est pas tout, Lucéard. »

Kana : « Oui, regarde à l’intérieur ! »

En effet, en le prenant par dessous, on voyait que l’intérieur n’était pas d’or, mais d’un blanc immaculé. C’était possiblement de la laine, qui était utilisée comme double couche. Ainsi, ma peau ne touchait jamais directement le métal.

Lucéard : « … »

Mais ça n’était pas tout. D’un coup d’œil, je remarquais la vraie spécificité de ce vêtement, et en restai coi.

Talwin : « On voulait t’aider à notre façon. Après tout, tu te bats aussi pour nous, en quelque sorte ! »

Efflam : « Avec ça, je peux te garantir que tu seras en sécurité ! Je l’ai frappé de toutes mes forces, mais je peux te dire que l’orétoile, c’est costaud ! Et nous, on sera sûrs de te voir rentrer de tes aventures ! »

Deryn sourit en coin après avoir entendu cette remarque.

Aenor : « Mais cette courpentière représente bien plus que ça. C’est la preuve que nous sommes avec toi lors de chacun de tes combats. »

Ma poigne se resserra sur le vêtement.

Tous leurs noms.

Tous leurs noms avaient été cousus à l’intérieur. Chacun d’eux y avait participé.

Kana : « On a pensé qu’avoir une petite signature de chacun de nous te donnerait de la force ! »

Ellébore me fixait sans un bruit, inquiète que je ne fonde en larmes d’une seconde à l’autre.

Eilwen : « Est-ce que… Est-ce qu’il reste de la place pour d’autres noms ? »

Deryn : « Eilly ? »

Son intervention nous surprit. Eilwen n’était pas à l’aise à l’idée d’affronter le regard de tous, mais elle n’avait pu s’empêcher de briser le silence. Comprenant ses raisons, Deryn réagit, attirant l’attention sur elle.

Deryn : « Accepteriez-vous que nous ajoutions nos noms, nous aussi ? »

La demoiselle se tournait vers Talwin, comme si celui-ci était le responsable de ce projet. Ce dernier était honoré qu’elle voie les choses ainsi.

Talwin : « J’avais bien évidemment pris en compte cette éventualité. »

Il sembla à Brynn avoir entendu quelque chose du côté de sa petite sœur, un grommellement qu’il s’expliqua assez vite.

Brynn : « Nous souhaiterions aussi participer, Talwin. »

Les adultes étaient satisfaits de nous voir ainsi. Talwin vint m’ôter la courpentière des mains, et plaça au bout de la table son nécessaire de couture. Les six intéressés se levèrent chacun leur tour.

Ellébore : « Léonce, on y va nous aussi ? »

Mon amie était contaminée par l’engouement général, contrairement à Léonce qui se balançait lentement sur sa chaise, l’air suffisant.

Léonce : « Pourquoi faire ? En ce qui me concerne, je compte bien me battre réellement avec lui, pas sur ses fringues. »

Elle gonfla les joues, déçue et contrariée.

Ellébore : « Moi aussi… Mais quand même ! »

Léonce : « Laissons ça à sa famille, non ? »

Ellébore : « Tu as raison… »

Ce fut finalement Brynn qui me le rapporta, et repartit après une courte tape sur l’épaule. Mon visage était toujours fermé.

Jagu : « Alors, la classe, hein ? »

Goulwen : « J’espère que ça t’a plu. »

Kana : « Lucéard ? Tout va bien ? »

Je lisais chacune des signatures. Certains avaient eu bien des difficultés à rendre leurs prénoms lisibles, d’autres avaient pris le temps de calligraphier leurs noms pour en faire de véritables œuvres d’art.

Je remarquais que parmi les noms se trouvait celui de Meloar, écrit sobrement, sans pourtant l’intention de passer inaperçu.

Le jeune homme ténébreux me fixait, il attendait avec la même ferveur ma première réaction.

Luaine : « Mon garçon ? »

Efflam : « Lucéard ? »

Ma famille s’impatientait, constatant que je ne réagissais pas.

Cette fois-ci, j’en suis certain.

Talwin : « Ah, ça t’a coupé le sifflet, pas vrai ? »

Aenor : « Lucéard ? »

…Nojù…

Dilys : « Et si tu l’essayais ? »

Yuna : « Lucéard ! »

Toute ma famille m’appelait à leur manière, avec des regards, à la fois fiers, et inquiets.

Je peux enfin te l’assurer. Que ce soit pour toi, ou pour celui que j’étais…

Je relevais lentement la tête.

…Mon deuil prend fin aujourd’hui.

Je montrai à tous un sourire bien plus rayonnant et authentique que je n’en avais jamais montré. Une larme à l’œil, je leur transmis ce que j’avais acquis de plus précieux, ce qui m’avait sauvé pendant ces derniers mois. Cette chose que je ressentais, je leur devais, et je leur rendais, dès maintenant.

Lucéard : « …Merci ! »

En retour, leurs visages se décomposèrent. Plutôt qu’apprécier ma réaction, me voir ainsi, pris d’une émotion que je ne pouvais contenir les étonna au plus haut point. C’était la première fois qu’il voyait Lucéard sans les masques que celui-ci s’était toujours imposé.

Lucéard : « Merci pour tout. Merci à vous tous. Vous n’avez pas idée à quel point ça compte pour moi. J’ai vraiment de la chance de tous vous avoir dans ma vie, sans exception. »

Je les regardais un par un. Je revoyais aussi les visages de ce rêve, et réalisais pleinement le chemin que j’avais parcouru.

Merci du fond du cœur.

Un long silence se fit. Toute ma famille s’en était décroché la mâchoire.

Mabyn : « Bon, sinon, je disais quoi ? Ah oui la chaise ! »

Ma grand-mère repartit dans ses explications, ce qui amusa les personnes attablées, à l’exception des Nefolwyrth qui se sentaient honteux que l’une des nôtres soit restée imperméable à ce moment solennel.

Evariste : « Allez, Lucéard, essaye-la, va ! »

Avec l’approbation de tous, j’essayais la courpentière. C’était étrange de porter un vêtement aussi peu volumineux, et pourtant si lourd. J’allais pourtant devoir m’y faire.

Tout le monde me complimenta. Ce n’était qu’un simple vêtement, et il n’avait rien de si élégant. Le sourire angélique du prince de Lucécie les avait peut-être attendris.

Ellébore m’observait encore, affectueusement.

-6-

Le repas touchait à sa fin, et certains d’entre nous se levèrent.

Quand Dilys passa à côté de moi, je l’interpelai.

Lucéard : « Au fait, Dilys ? »

Elle s’arrêta, impatiente.

Dilys : « Quoi ? Qu’est-ce que tu me veux ? »

Fidèle à elle-même, elle ne se souciait déjà plus de la façon dont elle me traitait.

Lucéard : « Cette robe te va à merveilles ! »

M’entendre faire ce genre de compliment était tout aussi exceptionnel, mais je croyais fermement qu’ils allaient devoir s’y habituer.

Dilys écarquilla les yeux, troublée à son tour.

Dilys : « Je sais que tu es en train de te moquer ! »

Elle repartit à grands pas, faisant mine d’être vexée. Mais la tenue qu’elle avait choisie en disait long sur celle qu’elle était vraiment.

Efflam : « Eh, Lucéard, j’ai autre chose pour toi ! »

Efflam m’avait rejoint, à la fois excité, à la fois anxieux.

Efflam : « Je ne sais pas si ça te plaît, mais… »

Il me tendit un livre que je reconnus aussitôt, l’illustration sur la couverture était pourtant inédite.

Lucéard : « “Valronde et la promesse de l’aube”, hein ? »

Je le pris entre mes mains, et l’inspectai plus en détail, sans un mot.

Efflam : « Je ne sais même pas si tu as lu les autres, mais, en fait… Normalement… »

Je comprenais très bien ce qui le tourmentait.

Lucéard : « …Je les ai tous lus. »

Affirmai-je, le sourire indécrochable.

Lucéard : « Je dois reconnaître que j’aime plutôt ce genre d’histoire, finalement. »

Des étoiles naquirent dans les yeux de mon cousin. Il avait une personne de plus avec qui en parler.

Efflam : « Oh, c’est vrai ?! Enfin, je veux dire, tant mieux ! Dis, c’est quoi ton moment préféré ?! »

Décidément, il était toujours aussi emballé par ce qui l’intéressait.

Lucéard : « Je ne sais pas si j’ai vraiment un moment préféré, mais si je devais en choisir un qui m’a particulièrement marqué, je dirais que c’est celui où Valronde supplie à genoux Kirimatis de le prendre comme disciple. »

Efflam était agréablement surpris, mais surpris quand même.

Efflam : « Oh, je m’attendais à un moment plus intense. Je trouvais ce passage bien, mais assez anecdotique, au fond. »

Lucéard : « Peut-être oui, mais avec le recul, c’est celui-là qui m’a le plus inspiré. »

Il n’arrivait pas à savoir ce qui me passait par la tête, mais était visuellement de tout cœur avec moi.

Efflam : « Lucéard… »

Lucéard : « Je compte sur toi pour prendre en double les prochains qui sortent ! »

Il hocha la tête avec vivacité.

Mon père se joint à nous, et m’emprunta la courpentière.

Illiam : « C’est en effet une belle pièce. Assure-toi de la porter en permanence, et protège aussi ta tête, sinon, ça ne servira à rien ! »

Lucéard : « Haha… Je ferai de mon mieux… ! »

Le Duc de Lucécie regarda aux alentours, avant de me toiser de nouveau.

Illiam : « Je suis très fier de toi mon fils, de tout ce que tu es devenu. »

D’autres de mes cousins se joignirent ensuite à moi pour diverses raisons, moins pertinentes les unes que les autres.

Mes yeux se posèrent malgré moi sur le livre que j’avais reçu. L’espace d’un instant, je me sentais flotter, je n’écoutais plus qu’à moitié tout ce qui m’était dit.

Toute la journée fut une succession de festivités, jusqu’à la nuit.

Et le surlendemain, nous repartîmes. La nouvelle année débutait, et chacun d’entre nous avait son chemin à prendre. Les adieux étaient inévitables.

Le carré royal, les Lucéciens, et les Nefolwyrth repartirent vers le nord. Notre arrêt au relais fut plaisant, même si étrangement calme, en raison de l’absence des Vespère. La neige recouvrait la grande auberge de bois au milieu de la forêt. Dès le lendemain, sous un manteau blanc, nous reprîmes la route.

Après le mont Azulith, Les Aubespérants continuèrent vers l’est, les Pluvistellois toujours plus au nord. Et les deux derniers carrosses rentrèrent dans le comté de Lucécie.

Ellébore, Léonce et moi dûmes nous séparer, non pas sans tristesse, mais avec la promesse de nous revoir bientôt. Cette longue route m’avait laissé le temps de réaliser tout ce que ce séjour m’avait apporté, tout ce que j’y avais appris.

Dès le lendemain, je faisais de cette nostalgie naissante la force qui me poussait à repartir. Je saluai le personnel de maison, puis mon père, avant de sortir.

Derrière le véhicule qui m’attendait m’apparut Ellébore, dont le large sourire me fit comprendre qu’elle m’accompagnait une fois de plus. J’ignorais combien de temps elle resterait avec le maître et moi, mais sa présence me réjouit énormément.

La poudreuse et la glace n’avaient pas épargné la forêt d’Azulith.

Heraldos nous y attendait de pied ferme, comme s’il avait eu vent de notre venue.

Le vieil homme se tenait parmi les arbres, lui-même recouvert de neige.

Je lus dans son regard que l’entraînement qu’il me réservait était draconien. Il lut dans le mien que j’étais décidé à passer les prochains mois ici.

Je n’avais oublié ni la frustration, ni la résolution que j’avais acquise dans l’adversité. Je revoyais le visage de Musmak, celui de Dulce.

Tout ne s’était pas fini l’an dernier, et bien des choses ne faisaient que commencer. Je le savais déjà au fond de moi, une épreuve plus terrible encore que tout ce que j’avais traversé jusque là se profilait à l’horizon.

Heureusement ou non, dès l’aube, un coup de bâton vint me réveiller.



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