Partie 1
“Ohh, alors c’est ta maison actuelle !?”
En arrivant à la porte de la résidence Itsuka avec beaucoup de difficulté, la fille fit bouger ses cheveux qui étaient attachés en queue de cheval, elle prononça ces mots de manière polie qui ne se conformaient toujours pas au keigo.
Il s’agissait de l’auto-proclamée sœur de Shido dont le nom était Takamiya Mana.
Bien que cette fille ne pût être plus suspecte—lorsqu’elle avait étreint Shido dans la rue, elle s’était tenue là avec des larmes aux yeux et avait passionnément décrit à quel point elle avait espéré cette rencontre avec lui, il n’avait eu d’autre choix que de la ramener avec lui.
Bien sûr, Kotori avait donné son consentement. Pour dire la vérité—la personne qui avait suggéré de ramener Mana à la résidence Itsuka était Kotori elle-même.
“Mu, mais c’est vraiment choquant ! Shido a en fait une autre sœur…”
“Non… je n’ai aucun souvenir de tout ça.”
“Vraiment ? Je pense toujours qu’elle te ressemble…”
“Ça va sans dire ! Puisque je suis sa sœur !”
Lorsque Tohka eut fini, Mana s’agrippa aux bras de Shido avec assurance.
Néanmoins son regard changea soudainement, elle regarda Shido et Tohka avec une expression complexe.
“…Mais Nii-sama. Je dois vraiment te le dire.”
“Ha ? A propos de quoi ?”
“Bien sûr ! Tobiichi… Ce n’est pas juste… c’est… à part belle-sœur, pourquoi tu es encore fourré avec d’autres femelles…”
Mana s’éclaircit la gorge tout en rougissant frénétiquement pendant qu’elle parlait.
“Ha… Haa ?”
Shido ouvrit grand ses yeux alors qu’il s’écria de la sorte.
“Il y a quelque chose qui cloche ?”
“Il y a trop de questions même pour un tsukkomi! Avant tout, il y aurait un ‘qu’est-ce que c’était que ça’ ? Est-ce que tu connais Origami ?”
“Nn, eh bien. Est-ce étrange ?”
En même temps que Mana prononça ces mots, elle porta un regard aux alentours comme si elle essayait de chercher une excuse. Bien qu’il fût particulièrement intéressé de savoir comment elles s’étaient connues toutes les deux, il y avait autre chose de prioritaire.
“Et donc… Pourquoi l’appelles-tu belle-sœur… ?”
“Non, ce n’est pas comme si je n’avais pas quelque retenue à l’appeler ainsi, c’est pour me préparer pour le futur…”
“Il n’y aucun projet en ce sens-là !?”
“Vrai, vraiment… ?”
Elle fronça des sourcils d’un air inquiet.
“Mais, Nii-sama, tu es suspecté d’infidélité conjugale…”
“Infidélité conjugale ? Qu’est-ce que c’est ?”
Tohka pencha la tête. Il semblait qu’elle avait encore appris un autre mot dangereux.
Mais alors justement que Shido allait lui expliquer—ce qui voulait dire qu’il était au cœur de sa propre confusion, Mana en profita pour poser des questions à Tohka.
“Je vais être directe. Tu es bien Tohka-san, non ? Est-ce que tu sors avec Nii-sama ?”
“Quo… !”
Shido s’interposa entre les deux avec un visage terriblement rouge.
“Qu, qu’est-ce que tu viens de dire, comment ça pourrait être possible !?”
Mana jeta à Tohka un regard surpris.
“…Tohka-san ? Est-ce que tu as eu un rendez-vous avec Nii-sama auparavant ?”
Elle avait fait dépasser sa tête à côté de Shido et avait posé cette question à Tohka.
“Aaah, tout à fait !”
“…”
Mana dirigea un regard perçant tel un *Ji* vers Shido.
“Ce, ce n’est pas… à propos de ça…”
Il ne mentait pas mais c’était difficile pour lui de le renier. Shido fit un pas en arrière alors que des gouttes de sueurs s’écoulaient le long de son dos.
A ce stade, Mana rougit et employa un ton de absolument sérieux, elle posa à Tohka une autre question.
“Tohka-san. Ne me dis pas que tu as déjà *Chu~* ?”
“*Chu~* ?”
“Je, je parle de s’embrasser !”
“Nn, nous l’avons fait ?”
“… !!”
Face à la réponse calme de Tohka, Mana ouvrit grand ses yeux.
“Im, impure !”
“Hey, calme-toi…”
“Nii-sama a vraiment agi comme un gigolo… ! C’est trop bouleversant ! Reforme ! Tu dois être corrigé !”
“Shido, qu’est-ce que c’est un gigolo ?”
Demanda une nouvelle fois Tohka pleine de curiosité. A la place, Shido dit “AH… Que c’est pénible !” et il se gratta furieusement la tête, tout en poussant Tohka vers la porte de l’appartement voisin.
“Nu ? Pourquoi est-ce que tu me pousses ?”
“C’est pénible à expliquer, avant tout tu dois retourner dans ta chambre.”
“Muu, mais…”
“Je vais préparer des hamburgers pour le dîner de ce soir, ça sera suffisant !”
“Oooh, vraiment !?”
Après ces mots de Shido, les yeux de Tohka pétillaient et se promenaient partout dans l’appartement alors que ses mains s’agitaient.
“Shido ! Je veux des œufs frits par-dessus !”
Shido répondit par un “oui, oui”, tout en agitant sa main, puis la regarda s’éloigner.
“…Il semblerait que tu sois très habitué à traiter avec le sexe opposé.”
Venait de dire Mana avec des yeux plissés. De son côté, Shido agissait comme s’il ne l’avait pas entendu, il la contourna et passa le portail de la résidence Itsuka.
Saisissant la poignée de la porte, il ouvrit la porte d’entrée. Puis…
“…Bienvenue, O•Nii•Chan !”
Kotori attendait à l’entrée dans des vêtements communs (bien sûr, les rubans étaient toujours noirs). Ce qui était différent, c’était la manière forcée dont elle avait dit “Onii-chan”.
Dans le but de recevoir l’invitée, elle était rentrée du <Fraxinus> et avait attendu.
“Oh, Oo… Je suis rentré.”
Shido transpirait sous le poids de l’inexplicable pression, il leva sa main légèrement en guise de réponse.
“Ara. Qui est-ce ?”
Cela semblait être une formulation bien ancienne pour le demander. Mais on ne pouvait s’y soustraire. Kotori, qui était restée à la maison tout ce temps (Disons ça comme ça), savait déjà ce qui s’était passé dans la rue quelques instants auparavant, elle paraissait extrêmement suspicieuse.
“Aa, aaah… Nous nous sommes rencontrés dans la rue. Peu importe ce que…”
“Est-ce qu’il y a encore quelqu’un d’autre dans la maison !? Merci d’avoir pris soin de Nii-sama!”
Mana venait de dire cela avec un large sourire, tout en serrant avec force la main de Kotori et en la secouant vigoureusement.
Kotori, dans un de ces rares moments, fut troublée au point de transpirer.
“Nii-sama ? Shido ?”
“Oui ! Mon nom est Takamiya Mana ! La sœur de Nii-sama.”
Kotori soupira par le nez, relâcha la main de Mana et conduit cette dernière dans la maison.
“Eh bien, pourquoi n’entrerions-nous pas d’abord. Nous pourrons discuter des détails plus tard.”
“Oui !”
Mana répondit avec enthousiasme tout en suivant Kotori.
“…Haaaa.”
Tout cela semblait mener vers une situation compliquée mais, heureusement, ce ne fut pas le cas.
Shido soupira légèrement, retira ses chaussures et suivit les deux dans le couloir.
Le thé et les friandises avaient déjà été disposés sur la table, Kotori et Mana se firent face l’une à l’autre et s’assirent sur le canapé.
Kotori utilisa son menton pour pointer la place à côté de Mana. C’était comme s’ils allaient tenir une conférence à trois.
“…Eh bien. Pouvons-nous l’entendre de ta bouche ?”
“Oui !”
En réponse aux paroles de Kotori, Mana donna une réponse résolue.
“Mana, c’est bien ton nom, n’est-ce pas ? Tu… te désignes toi-même comme la sœur de Shido ?”
“C’est bien le cas.”
Mana dit cela en hochant vigoureusement la tête. Kotori pencha le bâtonnet de sa sucette qui, auparavant, se trouvait dans sa bouche vers le haut, c’était comme si elle essayait de déterminer la réaction de Mana alors qu’elle continuait de parler.
“Mon nom est Itsuka Kotori… Je suis aussi la sœur de Shido.”
“… ?”
Mana pencha sa tête suite aux mots de Kotori…
“Ha… ! Si tu affirmes ça alors ne me dis pas que tu es ma nee-sama… !?”
“Je ne le suis pas !”
“Aa, mes excuses… Désolé Kotori. En tant que ta sœur aînée je vais…”
“Qui diable est ta petite sœur !?”
Kotori, en mode commandant, laissa échapper ce rare cri. Shido ne put s’empêcher de jeter un regard étonné, Kotori toussota faussement.
“Yaahaha, il ne me semble pas me souvenir une seule seconde—d’avoir une sœur.”
“Vraiment…”
Kotori eut un regard perturbé alors qu’elle se gratta la tête en soupirant. Il semblait que son rythme avait été sévèrement interrompu.
“Mais… petite sœur, huh.”
Kotori ferma à moitié ses yeux et fixa Mana.
En y pensant normalement, s’entendre dire soudainement “Je suis ta sœur” ou quelque chose comme ça, ce serait incroyable. Néanmoins, puisqu’il s’agissait de Shido, nous ne pouvons exclure un tel cas.
Pour le moins, Shido n’avait aucun souvenir d’avoir une autre sœur en dehors de Kotori.
Néanmoins… La vérité était qu’il n’était pas né au sein de la famille Itsuka.
Abandonné par sa mère en bas âge, il fut élevé comme membre de cette famille.
Par conséquence, les mots de Mana ne pouvaient pas être vus comme un mensonge complet, même si Shido ne s’en souvenait pas, la possibilité que Mana soit sa sœur de sang—ne pouvait pas être écartée.
Mais si les souvenirs de Shido étaient flous, le fait que Mana, qui était encore plus jeune que lui à cette époque, fût capable de se les remémorer était plutôt suspicieux.
“A ce propos… Mana, est-ce que je peux te poser une question ?”
“Oui ! Qu’est-ce que c’est, Nii-sama ?”
Face aux mots de Shido, Mana avait exprimé un sincère contentement venu du plus profond de son cœur, utilisant un ton exubérant pour répondre. Kotori, mécontente, laissa échapper un “Humph !” pour des raisons inconnues.
“A propos de— Désolé. Mais je n’ai aucun souvenir de toi…”
“Il fallait s’y attendre.”
Mana croisa les bras et hocha de la tête.
Shido engloutit et posa la question qui occupait son esprit.
“Bien que j’aie voulu le demander dès le départ… Ta mère… est en ce moment…”
Si Mana était réellement la sœur de sang de Shido… elle devait savoir quelque chose à ce propos.
Celle qui avait abandonné Shido, sa mère biologique.
Néanmoins—
“Ah ?”
Mana pencha la tête en même temps que cette réponse vague.
Les sourcils de Shido se levèrent…
C’est pas vrai ! Mana a été également abandonnée après Shido ?
A ce moment-là, comme percevant les pensées de Shido à travers son expression, Mana secoua la tête.
“Ah, c’est pas ça, c’est pas comme ça. Ce genre de choses n’arrive pas…”
Mana, embarrassée, sourit amèrement tout en buvant d’un trait le thé rouge à côté d’elle, puis elle poursuivit.
“Je… pour être sincère, je n’ai aucun souvenir de mon passé.”
“…Comment ?”
A ces mots, Kotori afficha une expression de total mécontentement. Elle ajusta sa position afin de faire face à Mana et prit la parole une fois de plus.
“Ce passé que tu as mentionné, à quel point l’as-tu perdu ?”
“C’est vrai. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé avant deux-trois ans mais je me rappelle encore des incidents survenus depuis cette période.”
Suite aux paroles de Kotori, Mana sortit le médaillon d’argent qui se trouvait sur sa poitrine, à l’intérieur il y avait une photographie extrêmement décolorée. Sur cette dernière, il y avait les visages de Shido et de Mana lorsqu’ils étaient encore enfants.
“Est-ce que c’est… moi ?”
Shido laissa échapper ces paroles de surprise, néanmoins… Kotori eut une expression choquée.
“Attends une minute. Sur cette photo, Shido devait être âgé d’environ dix ans, non ? A cette époque, il ne devait pas déjà être arrivé à notre maison ?”
“Ah, maintenant que tu le mentionnes, c’est vrai.”
Il se gratta le visage alors qu’il prononça ces mots. Néanmoins, le garçon sur l’image ressemblait à n’en point douter à Shido, c’était la vérité.
“Vraiment ? C’est réellement incroyable.”
“Incroyable tu dis… est-ce que ça pourrait être quelqu’un d’autre qui lui ressemble ? Mais, il est vrai qu’ils correspondent.”
“Non, il n’y a pas d’erreur. Nii-sama est mon grand frère.”
“… Comment peux-tu l’affirmer aussi sûrement ?”
Suite à cette question de Kotori, Mana tapota sa poitrine.
“C’est ce qu’on appelle les liens entre frères et sœurs !”
“…”
Kotori hausse des épaules avec une expression muette, elle poussa un soupir… Pour diverses raisons, elle paraissait soulagée.
Néanmoins, Mana ferma ses paupières et continua de parler avec passion.
“Non, j’en suis surprise moi-même. J’ai vraiment eu un choc. Lorsque j’ai vu Nii-sama, mon cœur ne s’arrêtait plus de palpiter.”
“Qu’est-ce que c’est que ça ? N’est-ce pas plutôt un coup un coup de foudre ?”
“Ha ! Peut-être que c’est vraiment un coup de foudre… Kotori-san, laisse-moi avoir Nii-sama.”
“Comment pourrais-je !?”
Kotori cria instinctivement. Après cela, elle laissa échapper un toussement peu naturel.
“Quoi qu’il en soit. C’est perturbant de ta part de dire que tu es sa sœur avec de si faibles raisons. Avant tout, Shido fait déjà partie de cette famille, et maintenant tu dis que tu veux nous l’enlever…”
“Je n’ai pas une telle intention, tu sais ?”
“Eh ?”
En réaction à la réponse indifférente de Mana, Kotori écarquilla les yeux.
“Je suis vraiment reconnaissante envers tous les membres de cette famille qui ont accepté Nii-sama parmi eux. Aussi longtemps que Nii-sama peut vivre une vie heureuse, je serais satisfaite.”
En disant cela, Mana passa son bras par-dessus la table et saisit la main de Kotori une fois de plus.
Kotori, mécontente, courba sa bouche en forme de *へ*.
“Humph… Qu’est-ce que… Tu sembles bien connaître ton sujet.”
“Nn… Même si ce sont des souvenirs confus, néanmoins je peux seulement me rappeler que Nii-sama est parti vers un endroit inconnu. Cette fois-là, j’étais réellement inquiète mais, encore plus que cela, j’étais préoccupée de savoir si Nii-sama allait bien… Donc, maintenant que je sais que Nii-sama mène une vie tranquille, je suis vraiment contente. Et il a également une sœur adoptive si mignonne.”
Sur ces mots, Mana sourit. Le visage de Kotori rougit et détourna tristement son regard.
“Qu, qu’est-ce qui cloche chez toi, dire soudainement ce genre de choses… »
“Eh bien, c’est sûr.”
A ce stade de la conversation, Mana avait interrompu Kotori et avait prononcé ces mots.
“Il est évident que sa vraie sœur est plus forte !”
“…”
Instantanément, un bruit de *Pi !*, comme si l’air venait de se fendre en deux, se fit entendre.
“Je suis sa sœur !”
“Hey, hey, Kotori.”
Kotori ne semblait plus écouter le moindre mot de Shido. Les muscles de son visage convulsèrent et révélèrent un sourire crispé.
“Heeeh… Tu crois ?”
“Ah, le pourquoi est évident. Il n’y a rien qui puisse battre les liens de sang.”
“Mais, ne dit-on pas ‘qu’il vaut mieux un ami proche qu’un parent éloigné ?’”
Au moment où Kotori acheva sa phrase, Mana, qui souriait depuis le début, vit ses tempes convulser une seconde.
Après une période d’étourdissement, Mana laissa la main de Kotori et posa les siennes sur la table.
“Yahaha… Qu’en est-il de ça ? À la toute fin, il devra toujours être avec sa vraie sœur, je me trompe ? Ne dit-on pas que ‘ta destinée est fixée lorsque tu atteins l’âge de trois ans ?’”
“…Gu. Heh, heheh. Néanmoins, même si vous êtes liés tous les deux, c’est celui avec qui il a passé le plus de temps ensemble qui a l’avantage !”
“Non, non, à la fin, tu resteras toujours une étrangère, une vraie sœur signifie être liée par le sang. Les liens du sang sont plus épais que l’eau ! Depuis le début, les points de petite sœur de chacune de nous deux sont radicalement différents !”
Affirma Mana tout en criant. Les points de petite sœur. Un concept qui était totalement inconnu.
Néanmoins, Kotori ne le remit pas en cause alors qu’elle protesta.
“Les liens de sang, les liens de sang, tu sais dire quoi d’autre ? Tu peux parler des liens entre frères et sœurs mais j’ai vécu en tant que petite sœur pendant plus de dix ans ! N’est-ce pas évident qui a le plus de points de petite sœur !?”
“Ridicule ! Les frères et sœurs qui ont été séparés de force à l’enfance finissent par se réunir à travers l’espace et le temps ! Est-ce que cela n’atteint pas ton cœur ? Face aux réels obstacles, le temps et les autres trucs du genre, cela importe peu !”
“Tais-toi ! Qu’en est-il des liens de sang !? Une vraie sœur ne peut même pas se marier avec lui !”
“Eh… ?”
Les voix de Shido et de Mana se chevauchèrent. Les joues de Kotori se teignirent de cramoisie, elle heurta la surface de la table alors qu’elle tenta de protester.
“Quoi, quoi qu’il en soit ! Pour le moment, la petite sœur ici c’est moi !”
“Qu’est-ce que… ? Il devrait appartenir à sa vraie sœur qui est ici !”
“Eh, eh bien, pourquoi est-ce que nous ne nous calmerions pas d’abord, toutes les deux vous êtes…”
Shido tenta de calmer ces deux personnes alors que son visage suintait de sueur, Kotori et Mana se tournèrent vers lui accompagnée d’un *Pa !*.
“Shido, quel est ton avis !?”
“Vraie sœur, sœur adoptive, quelle faction vas-tu choisir !?”
“E, eh, eh !?”
Face à une question qui était au-delà de ses attentes, Shido poussa un cri pitoyable.
“Non, ce n’est pas à propos de… quelle faction…”
“…”
Kotori et Mana fixaient Shido en produisant un *Jii*. C’était évident au premier coup d’œil, quel que soit le camp qu’il choisirait, il ne s’en tirerait pas si facilement. Il devait au moins essayer de détourner le sujet, pensa-t-il.
“C’est, c’est vrai, Mana !”
“Oui ?”
Tout en posant cette question, Mana joignit ses mains et pencha sa tête en guise d’interrogation.
“Tu as dit avant que tu n’as pas de souvenirs de ton passé, n’est-ce pas ?”
“Nn, c’est le cas.”
“Alors où est-ce que tu vis maintenant ? Tu ne vis pas avec ta famille ?”
“Aah… C’est…”
A cet instant, Mana, qui avait été fluide avec ses mots jusqu’à présent, hésita.
“Eh, eh bien, il y a beaucoup de raisons à cela.”
“Beaucoup de raisons ?”
“Quelque chose… comme ça. Si je dois vraiment le dire… c’est parce que je travaille à un poste avec des logements fournis.”
“Travail… ? Mana, à cet âge ? Tu n’as pas le même que Kotori ? Qu’en est-il de l’école ?”
Même si Kotori avait un poste de commandement dans une organisation secrète… elle assistait toujours assidûment à l’école.
Les yeux de Mana regardaient autour pleins de détresse.
“Ce, c’est…eeh… um… Par, pardonne-moi !”
“Eh… ? Attends, attends une…”
Avait dit Mana. Avant que Shido parvint à l’arrêter, elle courut et s’enfuit tel un lièvre.
“Qu… Qu’est-ce qui se passe avec elle, qu’est-ce que…”
Tout en se grattant le visage, il regarda confus l’entrée par laquelle Mana venait de disparaître.
A cet instant, à côté de Shido, Kotori, qui était restée assise en face de Mana, se leva et prit, pour des raisons inconnues, la tasse de thé que Mana avait utilisée.
Partie 2
Le jour suivant. *Kiin Koon Kaan Kooon*, la sonnerie habituelle résonnait dans ses oreilles.
Les aiguilles de la montre affichaient 8h30, c’était l’heure de l’appel du matin. Les camarades de classe, qui bavardaient un peu partout, se bousculèrent les uns les autres pour revenir à leurs places.
“…Aare ?”
Au milieu de ce chaos, Shido, qui était revenu à sa place à l’avance, pencha sa tête légèrement.
Même si la sonnerie avait déjà sonné, Kurumi n’était pas encore apparue dans la salle de classe.
Tohka semblait penser la même chose, elle regardait autour d’elle.
“Muu, cette Kurumi, elle est en retard le second jour de son transfert.”
En même temps que Tohka prononça ces mots…
“…Elle ne viendra pas.”
De la gauche de Shido, une voix calme se fit entendre.
Origami ne tournait pas sa tête partout, elle dirigeait simplement ses yeux pour regarder Tohka alors qu’elle lui parlait.
“Nu ? Qu’est-ce que tu veux dire ?”
“Ça veut dire ce que ça veut dire. Tokisaki Kurumi n’assistera plus au cours.”
“Eh ? Ça signifie…”
Alors que Shido ouvrit sa bouche pour parler, la porte de la salle de classe s’ouvrit avec un bruit de *kacha*, Tama-chan-sensei entra dans la pièce avec entre ses mains le cahier d’appel. Après ça, le délégué de classe donna le signal pour le salut.
“A ce propos…”
Bien qu’il fût très intrigué par les propos d’Origami, il ne pouvait pas ignorer le signal. Shido et la classe s’assirent après le salut.
“Ok, bonjour tout le monde, commençons à présent l’appel.”
Tout en disant cela, Tama-chan-sensei ouvrit le cahier et commença à lire les noms des étudiants.
“Tokisaki-san.”
Tama-chan lu le nom de Kurumi. Néanmoins, il n’y eut aucune réponse.
“Aare, Tokisaki-san n’est pas là ? Vraiment… si elle avait l’intention d’être absente, elle aurait pu nous appeler bien avant pour nous en informer.”
Tama-chan gonfla ses joues et tourna la page du cahier d’appel.
A cet instant.
“…Présente.”
A l’arrière de la salle de classe, une voix familière résonna.
“Kurumi ?”
En regardant derrière lui, les yeux de Shido s’écarquillèrent. En effet, la porte arrière de la salle de classe avait été ouverte silencieusement, devant elle se tenait Kurumi avec un sourire chaleureux et sa main légèrement levée.
“Vraiment, Tokisaki-san, tu es en retard !”
“Je suis sincèrement désolée. Je me suis sentie mal sur le chemin de l’école.”
“Eh ? Est, est-ce que tu vas bien ? Tu veux aller à l’infirmerie… ?”
“Non, je vais bien maintenant. Je vous ai inquiétée.”
Kurumi fit une révérence et marcha jusqu’à sa place à petits pas.
“Qu’est-ce que… N’est-elle pas là ?”
Tout en laissant échapper un soupir et en se retournant pour regarder Origami qui venait de formuler ces mots malheureux…
“Eh… ?”
…Shido, choqué, fronça des sourcils.
Origami sourcilla légèrement alors qu’elle fixa Kurumi.
Néanmoins, il n’y eut pas de changement évident dans son expression. Mais… Shido connaissait très clairement la raison. A l’instant, Origami était invraisemblablement choquée.
“Ori… gami ?”
Shido l’appela doucement par son nom.
Les doigts d’Origami tremblèrent légèrement, elle détourna rapidement son regard de Kurumi.
“…Très bien, ce sera tout en ce qui concerne les questions de communication.”
Peu de temps après, Tama-chan-sensei acheva l’appel et quitta la salle de classe.
A ce stade, pile à cet instant, le portable dans la poche de Shido émit une sonnerie rafraîchissante. Pourquoi à ce moment-là ? Il aurait été confisqué s’il avait sonné dix secondes plus tôt.
En regardant sur l’écran, le nom d’Itsuka Kotori s’affichait.
“Allo ? Kotori ?”
“…Nn. Shido.”
“Qu’est-ce qu’il y a cette fois ? Ça aurait été désastreux si tu avais appelé dix secondes avant.”
“Aare ? ‘Tu aurais dû correctement le passer en mode silencieux’, n’est-ce pas ce que mon excellent frère m’avait dit la dernière fois ?”
“Guh…”
“Eh bien, oublie ça… A part ça, Shido, une terrible chose est arrivée. Pour le dire délicatement, c’est la pire des situations.”
“Est-ce qu’il s’est passé quelque chose… ?”
“Nn… Ça me donne vraiment mal à la tête. Je n’imaginais franchement pas que de telles choses arrivaient dans la vraie vie.”
Face à une manière de parler si négative, la panique monta en lui. Shido tenta de réduire le volume en utilisant sa main pour couvrir le portable alors qu’il poursuivit.
“Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?”
“Nn, la vérité c’est…”
À cet instant, les épaules de Shido furent tapotées. Kurumi pencha sa tête avec une expression perplexe.
“Qu’est-ce que tu fais ? Shido-san ?”
“… ! Aa, aaah… Je suis au téléphone, est-ce que tu pourrais attendre un instant ?”
Alors que Shido prononça ces mots, Kurumi afficha sa surprise avec des mouvements exagérés, elle s’inclina bien bas.
“Toutes mes excuses. Je suis sincèrement désolée de t’interrompre.”
“Aaah… Ça va. Ne t’inquiète pas.”
Venait de dire Shido avec un sourire de détresse. Il se concentra à nouveau sur la conversation téléphonique.
“…Eh bien, Kotori ? Qu’est-ce qui s’est passé exactement…”
“Attends un moment, Shido. A l’instant… avec qui étais-tu en train de parler ?”
“Eh, qui… ?”
Face au ton de voix soudainement si sérieux de Kotori, Shido renvoya la question.
“Comme je l’ai dit, à l’instant, tu parlais avec quelqu’un près de toi. Du coup, je te demande qui est cette personne. Tohka ? Tobiichi Origami ? Ou étais-ce Tonomachi Hiroto ?”
C’était comme si Kotori était en train d’interroger un suspect, Shido contrarié protesta.
“Qu, qu’est-ce qu’il y a avec toi ? Tu n’as pas besoin d’être si furieuse. Quelqu’un a essayé de me parler, c’est tout.”
“C’est bon, réponds-moi simplement.”
“C’est Kurumi.”
Suite à cela, Kotori resta sans voix.
“Kotori ? Quelque chose ne va pas ?”
Demanda Shido plein de confusion.
Kotori parla avec quelqu’un à ses côtés pendant un moment avant de poursuivre.
“Shido. Viens au laboratoire de physique pendant la pause déjeuner. J’ai quelque chose à te faire voir.”
“Le laboratoire de physique… ? Pourquoi cet…”
“Très bien, très bien, sois sûr d’y être.”
“Quo, qu’est-ce qui se passe bon sang… ?”
Alors que Shido se trouvait en pleine confusion et qu’il grommelait, il parut insatisfait.
Partie 3
Dans l’après-midi, à 13h20. La cloche qui annonçait la fin de la quatrième période sonna.
Après que les étudiants se soient inclinés, avant que le professeur ne quitte la pièce, ils étaient déjà en plein préparatifs du déjeuner.
Bien sûr, Tohka n’était pas une exception. Sans parler, elle rapprochait les tables ensemble avec des yeux pétillants.
“Shido ! C’est l’heure du déjeuner !”
En formulant ces mots, elle sortit son bento de son sac à déjeuner. Sur ce… Shido inclina sa tête.
D’habitude la table de gauche était accolée également, créant ainsi une jonction entre trois tables… Néanmoins, Origami n’avait pas encore déplacé sa table aujourd’hui.
Il regarda dans sa direction de manière déconcertée. Origami avait une expression pensive, elle fixait sa main depuis tout ce temps.
“… ?”
Même si ça l’inquiétait, prendre son déjeuner ou non, c’était un choix d’Origami. Shido était en train de sortir son bento de son sac—lorsque son mouvement fut soudainement interrompu.
“Ah… C’est vrai.”
A ce propos, il avait affirmé qu’il irait au laboratoire de physique pendant la pause déjeuner. Même si l’heure n’était pas spécifiée—il s’agissait de Kotori. Il sentait bien que diverses punitions l’attendaient s’il arrivait trop en retard.
“Désolé, Tohka. Je dois m’absenter un moment.”
“Nu ?”
Tohka, qui avait déjà ouvert son bento, le regardait avec une expression d’égarement.
“Où est-ce que tu vas ? Je veux venir aussi !”
“Ah…”
Shido, préoccupé, se gratta le visage. Si Kotori voulait qu’il se rende au laboratoire de physique, cela devait avoir à faire avec <Ratatoskr>. Cela pouvait être quelque chose que Tohka ne devait pas savoir.
“Désolé, je ne peux pas t’amener aujourd’hui. Commence à manger. D’accord ?”
Shido dit cela en joignant les paumes de ses mains et en marchant vers le couloir.
“Ah… Shido…”
La voix désolée de Tohka se fit entendre derrière lui. Un fort sentiment de culpabilité grandit en lui. Shido secoua légèrement sa tête et marcha vers le couloir.
Et c’est ainsi qu’il se déplaça à travers le campus, qu’il monta les escaliers et qu’il atteignit le laboratoire de physique après nombre de difficultés.
Shido frappa à la porte, après quoi, alors qu’il attendait, la porte s’ouvrit avec un bruit de *kacha*.
“…Tu es en retard.”
Kotori, qui portait son uniforme d’écolière, afficha son mécontentement sur son visage, tout en faisant la moue avec ses lèvres.
“C’est impossible ! Je suis venu ici sans même manger mon déjeuner.”
“Oublie-ça, dépêche-toi et viens-là. Le temps est précieux.”
Alors qu’elle prononça ces mots, Kotori fit signe avec son menton et laissa entrer Shido dans la pièce.
A ce moment-là, Shido réalisa soudainement que, sur la poitrine de Kotori, l’habituel passe visiteur manquait. En y regardant de plus près, les chaussons qu’elle portait n’étaient pas ceux des visiteurs mais ceux du collège.
“Ne me dis pas que tu es entrée ici en douce aujourd’hui ?”
“C’est le cas. A l’instant-même, les collégiens ne seraient même pas acceptés à l’intérieur du lycée, et encore moins après les cours !”
“Aahh, c’est exact.”
Shido hocha de la tête et approuva, puis il regarda le laboratoire de physique.
Dans la partie la plus éloignée du laboratoire, sur une chaise pivotante, sans surprise, une personne était déjà assise là—il s’agissait de Murasame Reine, l’Officier Analyste de <Ratatoskr> et professeur de physique du lycée Raizen.
“…Nn, tu es arrivé, Shin.”
Comme d’habitude, un surnom qui n’avait rien à voir avec son vrai nom (il était trop fainéant pour la corriger). Reine désigna le siège à côté d’elle, elle devait vouloir qu’il s’asseye là.
Après quoi, Kotori s’assit à côté de lui comme si elle cherchait à l’encercler… C’était la même disposition de places qu’il y a deux mois, lorsqu’il avait fini l’entraînement au galge. Cela fit remonter à la surface quelques souvenirs involontaires.
“…Bon alors, la chose que tu voulais me montrer ?”
Alors que Shido finit de parler, Kotori lui montra l’écran sur la table.
Lorsque Reine déplaça la souris avec sa main, l’écran afficha une image.
Un enchaînement de belles filles aux cheveux de toutes les couleurs apparut sur celle-ci et, au-dessus, s’afficha le titre [Tombe amoureux•My•Little•Shido 2~L’amour, est-ce effrayant ?~].
“Une suite… !?”
“Aah, c’était une erreur. Le voilà !”
Le corps de Shido trembla sous le choc, Reine agita une fois encore la souris. L’image s’assombrit.
“Att, attends un peu ! Qu’est-ce que c’était à l’instant ?!”
“Tu deviendras chauve si tu continues de te soucier des petits détails, Shido.”
*Hafuu*, Kotori soupira comme si c’était-là chose pénible.
“Ce n’est pas un détail mineur ! Est-ce que je vais avoir un nouvel entraînement au galge ?! C’est comme la fois où…”
A ce moment-là, Shido se tût. L’écran, qui venait de s’obscurcir, afficha une autre image.
…Dans une ruelle étroite, pour une raison méconnue, Kurumi faisait face à une fille avec une queue de cheval.
“Nn ? C’est… Mana ?”
En effet, les filles à l’image étaient Mana et Kurumi.
“Ouais, c’est un enregistrement d’hier… Regarde l’environnement.”
“Quo… ?”
Shido fronça des sourcils. Au coin de la zone résidentielle d’apparence ordinaire, on pouvait distinguer plusieurs humains portant des armures mécaniques.
“AS… T ?”
A moitié étourdit, il laissa échapper cette interrogation.
AST, Anti-Spirit Team, les super-humains qui revêtent des armures mécanisées en vue de détruire les Esprits, ces dangereuses créatures qui considèrent le monde et les humains comme leurs ennemis. Il ne pouvait se tromper après les avoir rencontrés deux ou trois fois par le passé.
Sur l’enregistrement, on pouvait distinguer le visage de Tobiichi Origami, la camarade de classe de Shido.
Chaque membre de l’unité était équipé d’armes lourdes exagérées. Oui… de la même manière qu’à l’apparition d’un Esprit au cours d’une déchirure spatiale.
“Nn. Je ne sais pas pourquoi il y avait un contingent de l’AST dans la rue, hier. Un de nos membres d’équipage avait apporté une caméra et a filmé la scène… J’ai eu un choc après l’avoir regardée, tu sais ?”
“Po, Pourquoi l’AST ferait…”
“Il y a de fortes chances que ce soit à cause de la présence d’un Esprit.”
Kotori l’avait formulé comme si tout cela ne la concernait pas. Shido engloutit bruyamment.
“Mais, maintenant, que tu le dis—il n’y a pas eu de déchirures spatiales, pas vrai ? Les citoyens des environs n’ont pas été évacués, si l’Esprit se déchaînait…”
“…Eh bien, ils devaient avoir la certitude qu’ils l’auraient tué avant qu’il ne se déchaîne.”
“…”
Aux vues des mots de Reine, Shido retint sa respiration.
Cependant—cette incompréhension le laissa perplexe.
En effet, pourquoi se tenait-elle là, cette forme d’existence, cette fille qui se prétendait être la sœur de Shido, Takamiya Mana ?
“Mais, pourquoi Mana ?”
L’instant qui suivi la question de Shido, le visage de Mana rayonna d’une lumière floue, suite à quoi une armure mécanique blanche apparut sur tout son corps.
“Quo…”
Elle avait une apparence légèrement différente de celles des autres membres de l’AST mais, sans aucun doute, c’était une combinaison mécanisée.
Comme si elle répondait à son adversaire, Kurumi étendit ses bras, en même temps que les ombres à ses pieds s’approchèrent silencieusement de son corps pour former une robe.
Des décorations apparurent dans ses cheveux, son torse s’enveloppa d’un bustier, elle s’habilla d’une robe qui avait des jabots et des dentelles. Tout cela était mis en valeur par une couleur noire, qui n’était pas sans rappeler celle du peuple de l’obscurité, ainsi que par du rouge vif comme le sang.
Ses cheveux étaient attachés en couettes de longueur inégale.
C’était tout simplement comme—les aiguilles des minutes et des heures d’une horloge.
“Tenue… astrale.”
Shido avait dit ceci sur un ton stupéfait.
Tenue astrale. Le Personnal Territory possédé par les Esprits. Une membrane de pouvoir divin qui les protège.
Kurumi leva sa main droite au-dessus de sa tête.
Répondant à cette dernière, les ombres, une fois de plus, s’approchèrent de son corps et enveloppèrent sa main droite.
A cet instant, le corps de Kurumi fut projeté en l’air.
“Eh… ?”
Incapable de comprendre ce qui venait à l’instant de se dérouler à l’image, Shido laissa échapper ce son stupide.
Néanmoins, l’instant d’après, Shido comprit.
L’équipement sur les épaules de Mana avait émis une faible lueur et avait frappé l’estomac de Kurumi.
…Le corps de Kurumi trembla.
Mais, pourquoi ? La cause n’était pas de la peur ou de la terreur, c’était bien plus comme si elle avait ri sottement.
Elle se releva après quelques secondes.
Kurumi lança une attaque surprise, comme si elle essayait de contre-attaquer—néanmoins, bien avant qu’elle ne touche, l’attaque de Mana lui transperça le corps.
À ce moment-là, dans la ruelle étroite, du sang frais éclaboussa.
Suite à quoi, l’épée de lumière de Mana découpa la tête de Kurumi qui était couchée au sol, le corps tourné vers le haut.
Elle n’avait pas même eu la possibilité d’attaquer Mana.
C’est ainsi que la vie de Kurumi lui fut arrachée.
“Guh…”
Il ne put s’empêcher de tourner sa tête, tout en se couvrant la bouche.
À cause du surréalisme de la scène, la vraisemblance de celle-ci lui arriva un peu après. Après que Mana ait achevé la dissection de Kurumi, Shido se rendit compte de cette sensation de vomi au fond de sa gorge.
Ses dents émettaient des sons de *kachi kachi* et, même s’il ne faisait pas froid, son corps n’arrêtait pas de trembler.
Voir un humain mourir—même si à proprement parler, on ne pouvait pas dire que ce fût-là un humain, mais une forme d’existence avec une apparence proche de l’humain.
Même si c’était juste une image, voir cette scène… Personne ne pouvait reprocher à Shido d’agir de la sorte.
…À l’écran, Mana se retourna comme si elle avait achevé sa mission. Après avoir dissipé la CR-Unit qu’elle portait, elle revint à sa tenue initiale.
Shido sourcilla. Il sentait qu’il y avait quelque chose qui clochait.
Il n’y avait pas d’odeur, pas de sensation, simplement voir cette scène avait eu cet impact sur lui—pourtant Mana, qui était coupable de cet incident, ne semblait pas du tout se soucier de ce qu’elle venait de faire.
C’est une bonne chose de se sentir coupable.
C’est normal d’être frustré.
C’est logique de désespérer.
Malgré tout, elle ne semblait pas même ressentir une parcelle d’accomplissement.
Un devoir brutal, pour dire cela en quelques mots… En effet, elle avait été habituée à tout ça.
À force de répéter une telle mission, un nombre incalculable de fois, comme à l’instant, Mana ne ressentait plus rien.
“C’est…”
La voix de Shido se fit entendre, après avoir ravalé ce sentiment dégoûtant.
“…Comme tu l’as vu, hier, Tokisaki Kurumi a été tuée par Takamiya Mana de l’AST. Ce n’était pas suite à des blessures graves, ni même de la noyade, c’était un acte totalement, parfaitement, sans aucune hésitation. Son existence a été annihilée.”
“Mais, c’est…”
Néanmoins, Shido ne parvint pas à continuer.
Parce qu’à l’instant, il l’avait vu de ses propres yeux, Kurumi être impitoyablement tuée…
Les épaules de Shido tremblèrent, à cet instant précis.
À cause du choc de la vidéo, il avait presque oublié qu’il y avait clairement une contradiction.
“Mais, Kurumi est venue à l’école aujourd’hui, comme d’habitude…”
Alors que Shido parla, Reine et Kotori croisèrent leurs bras en même temps.
“…En effet. Nous sommes également sans indices.”
“Après que Shido ait mentionné Kurumi, je pensais encore qu’une illusion était apparue.”
Kotori haussa les épaules, comme si elle venait de faire une blague.
Néanmoins, Shido ne répondit pas à ces réactions. Pensant profondément, il finit par dire :
“Après tout ça… elle aurait ressuscité ?”
Shido jeta un œil à l’écran—sur cette séquence, les membres de l’AST s’occupaient du corps de Kurumi et des flaques de sang.
En voyant le visage d’Origami sur la vidéo, il comprit finalement sa réaction de ce matin.
Être choqué était tout naturel. La fille, qui avait été tuée sous ses yeux hier, était calmement réapparue aujourd’hui.
“Que faisons-nous, huh… ? Pour le moment, il n’y a rien que nous puissions te dire.”
“Vraiment… ?”
Les images précédentes refaisaient toujours surface dans son esprit, mais son souffle et son rythme cardiaque étaient plus ou moins revenus à la normale. Shido avait posé ses poings serrés sur ses genoux, tout en prononçant ces mots.
En même temps, Kotori ajusta sa position.
“…Mais nous devons quand même faire quelque chose…”
Tout en disant cela, elle laissa tomber ses bras et utilisa l’index de sa main droite pour désigner Shido.
“Puisque Kurumi est toujours en vie, nous devons continuer le combat. Si je me souviens bien, dans ton école, c’est l’inauguration d’anniversaire aujourd’hui, n’est-ce pas ? C’est aujourd’hui que tu lui demanderas un rendez-vous. Si tu travailles dur et que tu as suffisamment de chance, tu scelleras peut-être ses pouvoirs du premier coup.”
“…Ha ?”
Shido tira de sa gorge cette exclamation, tout en ayant des yeux ronds comme des points.
“N, non, une telle chose a déjà eu lieu…”
“Tais-toi.”
Les protestations de Shido furent interrompues en plein milieu par Kotori.
“C’est précisément parce qu’une telle chose a eu lieu, tu comprends ? C’est comme je te l’ai déjà dit, le pouvoir de Kurumi est toujours inconnu. C’est possible qu’il demande certaines circonstances pour se réveiller ou alors il est limité à cette utilisation miraculeuse… Il est fort possible que la prochaine fois qu’elle meurt, ce soit pour de bon.”
“Uu…”
C’était vrai, Kurumi s’en était tirée cette fois (même si c’est bizarre de le dire de cette façon), mais elle pourrait ne pas pouvoir ressusciter la prochaine fois.
“Comme je l’ai dit, nous ne pourrons pas le faire si nous n’agissons pas vite. Le fait que Kurumi soit toujours en vie a été constaté par Tobiichi Origami. Très certainement, la nouvelle a été relayée à l’AST… Bien sûr, cela comprend Takamiya Mana.”
“…Ss.”
En entendant ce nom, Shido afficha une expression affligée.
Il se rappela la scène d’auparavant. Même s’ils ne s’étaient rencontrés que la veille, il était impensable que cette fille, qui s’était elle-même présentée comme sa sœur, emploie, sans aucune émotion, ces méthodes expérimentées pour assassiner Kurumi…
“…Entendu. Je vais essayer.”
Avant que Kurumi ne soit tuée à nouveau.
Avant que Mana ne l’assassine à nouveau.
“…Séduisons Kurumi !”
Bien qu’il éprouvât une profonde détermination, il sentait également du dégoût pour diverses raisons.
Partie 4
Après avoir confirmé du coin de l’œil que Shido avait quitté la salle de classe, Origami se leva lentement.
Le fait que Shido ne mangeât pas, laissant Yatogami Tohka seule, était, en effet, une source de préoccupation… Néanmoins, laissant ça de côté, il y avait quelque chose qu’elle devait faire à l’instant-même.
Passant à côté de Tohka, qui baissa les épaules d’un air découragé, elle marcha en direction du siège de sa cible.
“…J’ai quelque chose à te dire.”
Puis, lançant un regard froid, elle s’adressa au propriétaire de la place.
“Tu es… Origami-san, n’est-ce pas ? Que me veux-tu ?”
“Viens.”
Origami répondit de manière courte et quitta tout simplement la salle de classe.
Kurumi utilisa son doigt pour soutenir son menton et hésita quelques secondes, mais, lorsque Origami marcha dans le couloir, elle se dépêcha de se lever avec un air paniqué.
“S’il, s’il te plaît, attends. Qu’y a-t-il ?”
“…”
Origami jeta un œil derrière elle.
Elle aperçut le visage de la fille essayant qui faisait de son mieux pour la suivre, bougeant ses membres sveltes qui semblaient capables de se briser au moindre coup. Elle était vraiment la fille mignonne que tout le monde voudrait cajoler et protéger.
Néanmoins, maintenant qu’Origami connaissait sa vraie identité, elle ne ressentait à son égard que du dégoût.
C’est pourquoi Origami ne ralentit pas, elle se hâta vers la porte du toit.
Auparavant, elle avait déjà amené Shido à cet endroit. Généralement non fréquenté par les élèves, c’était le lieu idéal pour parler sans risque d’interruption.
“Haa… Haaa…”
Peut-être parce qu’elle avait monté les marches une à une en courant, les épaules de Kurumi se levaient au rythme de son souffle, tandis que ses mains agrippaient la rampe.
Dix secondes plus tard, lorsque sa respiration revint à la normale, Kurumi dit :
“Bon… de quoi est-il question ? Je n’ai pas encore mangé…”
Origami fit face à Kurumi.
“Toi, pourquoi es-tu encore en vie ?”
Alors qu’elle répondit cela, l’expression d’Origami n’avait pas changé.
“Eh… ?”
“…Tu aurais dû mourir hier.”
En effet, la veille, Origami l’avait vraiment vue mourir.
Kurumi, dont les quatre membres avaient été amputés et dont la tête avait été explosée par Mana, avait été finalement tuée.
Bien qu’elle connaissait la force de Mana, Ryoko avait tout de même réuni Origami et les autres membres de l’AST pour encercler l’Esprit, au cas où Mana ne serait pas parvenue à la capturer.
“…”
Les sourcils de Kurumi se levèrent.
Quelques secondes après, tout en déplaçant son œil droit qui n’était pas masqué, elle observa le visage d’Origami.
“…Aah, aah, toi… C’est toi ! Tu étais sans aucun doute là hier avec Mana-san.”
“… !”
À l’instant où Kurumi eut fini sa phrase, Origami recula de sa place initiale.
Il n’y avait aucune logique à son acte. C’était simplement son cerveau qui sentait que quelque chose n’allait pas et l’avertissait de prendre la fuite.
“En bien ! Eh bien ! Cette réaction n’était pas mal du tout ! Splendide ! Vraiment splendide ! Néanmoins…”
“…Hh !!”
Origami retint son souffle. Avant qu’elle n’ait pu s’enfuir, quelque chose agrippa sa cheville.
En observant de plus près, l’ombre de Kurumi s’était allongée sans qu’Origami s’en rende compte… De celle-ci, deux mains blanches s’en étaient extraites.
De plus, l’ombre continuait lentement de grandir en surface, allant jusqu’à grimper sur les murs.
Et là, d’innombrables mains s’extirpèrent et immobilisèrent fermement, par derrière, les bras et la tête d’Origami.
“Ku…”
Elle avait beau se débattre, ces minces doigts ne la laissaient pas s’échapper. Au contraire, leur force s’accrut, au point de projeter Origami contre un mur.
“Kihihi, hihi, c’est inutile ! Même si tu te débats, c’est inutile.”
Kurumi riait.
Son visage afficha un large sourire qu’on aurait pu deviner quelques minutes auparavant, et elle laissa échapper un rire qui aurait provoqué un profond frisson chez tous ceux qui l’eussent entendu.
“J’étais à votre merci, hier. Est-ce que vous vous en êtes bien occupé ? De mon corps…”
Tout en arrangeant ses cheveux, Kurumi s’approchait d’Origami. Soudain, l’œil gauche caché derrière sa frange fut révélé. Il était de couleur or pur. La pupille ne semblait pas être celle d’un organe normal, car les motifs de douze chiffres et de deux aiguilles y étaient imprimés. Exactement comme le cadran d’une horloge.
“Tu voulais en savoir plus sur moi, et tu voulais me parler seule à seule, ne penses-tu pas avoir été imprudente ? Et tu as même pris la peine de choisir un endroit où les gens ne viennent que rarement.”
“…”
C’était exactement ce que Kurumi venait de dire. Au final, avait-elle été trompée par la vitesse à laquelle tout cela s’était fini hier ? Ou alors, s’était-elle trompée en étant allée la voir à l’école aujourd’hui ? Quoi qu’il en soit, Origami avait mal calculé son coup, parler à un Esprit en utilisant de tels propos, elle avait été trop imprudente.
“Toi… quelles sont tes… motivations ?”
Bien que sa gorge avait été saisie, elle réussit à émettre ces sons. Sur ces mots, le coin des lèvres de Kurumi se leva.
“Ufufu, je voulais aller à l’école, je suppose, je ne mens pas lorsque je dis ça, n’est-ce pas ? Mais, malgré tout, la raison la plus importante demeure…”
Après avoir marqué une pause, Kurumi approcha son visage de celui d’Origami, et était maintenant à une distance telle qu’Origami pouvait sentir son souffle.
“…Shido-san, n’est-ce pas ?”
“… !!”
En entendant le nom de Shido, Origami ne put que rester silencieuse.
Face à cette réaction, Kurumi sembla extrêmement satisfaite, et son sourire devint bien plus large.
“Il est parfait, tu sais ? Il est le meilleur. Il semble… vraiment… délicieux… n’est-ce pas ? Aah, Aah, je suis impatiente. Je ne peux pas attendre plus longtemps. Je le veux. Je veux son pouvoir. Pour l’avoir, pour ne faire qu’un avec lui, je suis venue dans cette école.”
…Un frisson. Origami sentit son dos baigné de sueurs froides. Elle n’avait pas du tout réalisé qu’un Esprit pouvait cibler un simple individu—et encore moins que celui-ci pouvait être Shido, c’était totalement hors de ses calculs.
Néanmoins, une question vint à l’esprit d’Origami à ce moment-là.
Dans la phrase que Kurumi avait prononcée à l’instant, quel était exactement “son pouvoir” ?
“…”
Le cours de ces pensées fut interrompu par Kurumi.
La main de cette dernière commença à se déplacer sur le corps d’Origami.
“Origami-san. Tobiichi, Origami-san. Tu es également… très bien, tu sais ? Si délicieuse, tu as l’air si délicieuse. Aah, je ne peux pas attendre. Je n’en peux plus. Je veux te dévorer maintenant et ici-même.”
Ses joues rougeoyaient, son souffle était lourd, sa main gauche se déplaçait sur la poitrine d’Origami alors que sa main droite jouait avec sa jupe.
Tout en disant cela, elle tira sa langue et laissa une traînée de salive sur le visage de cette dernière.
“Ku…”
“Aah, aah, mais je ne peux pas. Je ne dois pas. Même si c’est du gâchis, je dois garder ce plaisir jusqu’à la fin.”
Kurumi secoua exagérément sa tête, déposa un baiser sur le cou d’Origami, puis s’éloigna d’elle.
“Toi, je te garde pour après Shido-san… Puisses-tu devenir encore plus délicieuse.”
Sur ces mots, Kurumi se retourna et descendit les escaliers.
Une fois sa silhouette disparue, les bras, qui lui étaient reliés, retournèrent dans les ombres.
“…Cough, guh.”
Origami s’accroupit et commença à tousser.
L’ombre qui avait englobé toute la cage d’escalier, commença à se réduire en direction du couloir, comme si elle s’en retournait à son maître.
“Shi… do…”
Même si elle ignorait pourquoi Kurumi ciblait Shido, elle pensa que ne pas informer le quartier général serait une mauvaise idée. Non, peu importe la manière de considérer tout ça, ils ne croiraient jamais qu’un Esprit puisse prendre un civil pour cible.
…Si Origami était incapable de protéger Shido, cette fois…
Origami grinça des dents, et serra fort son poing.
Partie 5
“…Muu.”
Tohka s’assit sur sa chaise et leva les yeux pour consulter l’horloge au-dessus du tableau.
La pause déjeuner était déjà terminée.
Son estomac poussa un cri de *Gururu*. Puisqu’elle n’avait rien mangé depuis le petit-déjeuner, Tohka, une grande mangeuse reconnue, était au bord de l’effondrement.
Néanmoins, elle n’ouvrit pas son bento. Bien que Shido lui ait dit de commencer à manger… Tohka sentait bien que cela aurait meilleur goût, si elle mangeait avec lui—elle choisit donc de ne pas toucher à son bento.
“Shido…”
Les étudiants, qui étaient partis jouer dehors, revenaient lentement dans la salle de classe. Quelques impatients se préparaient déjà pour leur prochain cours.
Néanmoins, il n’y avait toujours aucun signe de Shido.
“Uu… uu…”
Sans savoir pourquoi, les yeux de Tohka commencèrent à piquer, elle eut quelques difficultés à respirer par le nez. Elle se frotta le nez et s’essuya les yeux. La manche de son uniforme devint humide… C’est à cet instant.
“…Hein ? Qu’est-ce qui s’est passé, Tohka-chan ?”
“Pourquoi est-ce que tu n’as pas mangé ?”
“Les cours vont bientôt reprendre !”
Le trio féminin entra dans la salle de classe et s’exprima ainsi auprès de Tohka, il semblait qu’elles avaient mangé à l’extérieur.
Ces filles traitaient Tohka plutôt bien. Si elle se souvenait correctement de leurs noms, il s’agissait de Ai, Mai et Mii. Elles étaient sûrement si proches à cause de la similitude de leurs noms.
“Uwaa ! Qu’est-ce qu’il y a, Tohka-chan ! Ne pleure pas !”
“Que que… qui t’as fait ça ?”
“Je vais dire à la personne qui a fait ça, dégage !!”
Les trois filles encerclèrent Tohka, elles parlaient en chœur. Les épaules des camarades de classe de sexe masculin eurent de violents tremblements.
“Non, c’est pas ça ! Personne n’a rien fait !”
Tohka agita ses mains rapidement, tout s’expliquant auprès du trio.
“Eh eh ? Vraiment ?”
“Alors, pourquoi ?”
“Rhume des foins ? C’est à cause d’une allergie au pollen ?”
Tohka secoua la tête, ses yeux regardaient le bento entre ses mains.
“Shido, il n’est toujours pas revenu… En repensant au fait que je n’ai pas vraiment pu parler à Shido aujourd’hui, tout simplement, je ne sais pas pourquoi, j’ai…”
Une fois ces mots prononcés, de grosses larmes commencèrent à couler de ses yeux.
“Aaah ! Tohka-chan ! C’est pas grave de se laisser aller si tu ne te sens pas heureuse !”
“Vraiment ! Je ne comprends pas Itsuka-kun ! Comment peut-il laisser pleurer une fille si mignonne ?”
“Coupons-lui la tête et donnons-la à manger aux porcs !”
Le trio s’écria de rage. Tohka, paniquée, les interrompit une fois de plus.
“Non, ce n’est pas de la faute de Shido ! C’est seulement, moi…”
Tohka essaya de reformuler ses mots avec son vocabulaire limité, elle expliqua d’abord que ce n’était pas de la faute de Shido, mais c’était parce qu’elle s’était trop habituée à être à ses côtés.
Après avoir entendu tout ça, Ai, Mai et Mii hochèrent de la tête.
“Donc, Tohka-chan, aussi longtemps que tu peux parler avec Itsuka-kun, que tu peux manger et jouer avec lui, tu serais SUPER CONTENTE, n’est-ce pas ?”
Venait de dire Ai. Tohka acquiesça de la tête.
“Guu, tellement innocente ! Cette fois, ce sera inutile même si Itsuka-kun fait des courbettes une centaine de fois.”
Sur ces mots, Mai essuya des larmes imaginaires comme si elle venait de passer à l’acte. Les yeux de Tohka s’écarquillèrent.
“Bien, le sous-sol de ma maison dispose d’une vierge de fer et d’un chevalet.”
Mii formula ces mots avec une expression sérieuse, tandis que Tohka pencha sa tête.
Le trio regarda Tohka puis elles frappèrent soudainement leurs cuisses avec un “Yosh !”
“Je vais faire mon possible pour Tohka-chan !”
Ajouta Ai en sortant de sa poche deux morceaux de papier.
“Ah… Ai, c’est… !”
“Oui, les billets pour l’aquarium Tenguu Gojuusou… ! Demain, c’est l’anniversaire de l’ouverture de notre école, pas vrai ? Tohka-chan, prends-les, vas-y avec Itsuka-kun !”
“Ai ! Ça veut dire que toi et Kashiwada-kun…”
Mai voulut continuer à parler, mais Ai tendit son bras pour l’arrêter.
“N’en dis pas plus ! Tohka-chan se sentirait mal…”
Alors que Ai exprima ces mots, Mai et Mii saisirent les épaules de Tohka avec l’expression de quelqu’un retenant ses larmes.
“Tohka-chan… ! S’il te plaît, tu dois les accepter… !”
“Ai ! S’il te plaît, prends-les pour le bien de Ai…”
“Nu, nuu… ?”
Tohka sentait qu’elle ne pouvait ruiner une telle atmosphère. Après avoir hésité un moment, elle prit innocemment les billets des mains de Ai. L’instant d’après, Ai s’effondra.
“Tohka-chan… Toi et Itsuka-kun, vous devez arriver… à être heureux… ah.”
“Ah, Aiiiiiiiii !”
“Prends soin de toi ! La blessure est encore existante !”
“… ?! … ?!”
Tohka, sans comprendre ce qui se passait, prit les billets et regarda à gauche et à droite.
Il semblait qu’en les acceptant, elle avait fait quelque chose de mal. Tohka, avec des yeux en pleurs, remit les billets dans la main de Ai.
“Fuooooo !”
Ai revint instantanément à la vie.
“Ai !”
“C’est un miracle !”
“Faux, faux faux !”
Ai, qui se calma soudainement, donna, une nouvelle fois, les billets à Tohka.
“Tu ne peux pas me les rendre, Tohka-chan. Prends-les et invite Itsuka-kun.”
“In, inviter ?”
“Oui. Dis-lui ‘sortons ensemble demain !’”
“… !”
Sur ces mots, les yeux de Tohka s’ouvrirent en grand. Un rendez-vous, c’est un terme relatif à une activité où un garçon et une fille sortent et jouent.
…Ah, c’est merveilleux.
Après y avoir pensé soigneusement, il lui semblait qu’elle n’était pas sortie avec Shido de récent. Un rendez-vous après tellement de temps… Ce serait génial.
Néanmoins, il y avait toujours un problème.
“Je, je dois l’inviter… ?”
Tohka prononça ces mots tout en transpirant sous l’effet de la panique.
“Ouais. Juste cette fois, juste cette fois. De temps en temps, si c’est la fille qui demande au garçon, ce n’est pas si grave.”
“M, mais… Et si je venais à être rejetée … ?”
Tohka semblait gênée en formulant ces mots. Le trio leva ses épaules et soupira sur un fond de *Fuu*.
“Ok, ok. Pour le moment, tu ne dois pas penser au fait d’être rejetée, si ça ne marche pas, nous pourrons toujours punir Itsuka-kun en l’exposant au public. Nous allons t’apprendre une technique secrète.”
“Technique, technique secrète… ?”
“Oui. En bref, ça veut dire jouer avec les désirs d’un homme. Si Tohka-chan, tu utilises une telle technique, tu seras capable d’obtenir le pouvoir de contrôler une nation !”
“N, non, je n’ai pas besoin d’une telle chose…”
“Très bien, très bien, avant tout…”
Tohka écouta les explications de Ai à propos de la technique secrète, tout en hochant la tête de temps en temps.
Partie 6
Lorsque le dernier appel s’acheva, Shido se leva immédiatement de sa chaise et s’avança en direction de Kurumi.
En cet instant, il pouvait sentir le regard faussement timide de Tohka à sa droite ainsi que le regard glacial démoniaque, proche du zéro absolu, d’Origami—il décida de les ignorer et de poursuivre sa route.
“Kurumi, est-ce que tu as une minute ?”
Sur ces mots, il indiqua la direction du couloir puis il sortit de la salle de classe. Kurumi le suivit de près.
Après s’être rendu dans un endroit où il n’y avait personne, il fit face à Kurumi.
“Shido-san, est-ce quelque chose te tracasse ?”
“Aa, aaah. Désolé d’être si soudain… Kurumi, tu… est-ce que tu es libre demain ?”
“? Oui, je le suis.”
“Bah, si c’est possible, je pourrais passer te chercher pour une promenade… ?”
“Eh ? C’est…”
“Bi, bien… Pour faire simple… ce sera un rendez-vous, je suppose.”
Immédiatement, les traits de visage de Kurumi s’illuminèrent.
“Vraiment ?”
“Ah, aah… C’est bon pour toi ?”
“Bien sûr. Ce serait un honneur.”
“Vraiment… demain à 10h30, on se retrouve en face du guichet de train de l’arrêt Tenguu ?”
“D’accord, je t’y attendrai !”
Kurumi venait de dire tout cela avec moult sourires. Shido retourna vers la salle de classe non sans avoir levé sa main et avoir dit :
“Eh bien, à demain !”
À ce moment-là, en ouvrant la porte de la salle de classe, il se retrouva face à Origami.
“…Hyi… ?!”
“…Qu’est-ce que tu lui as dit ?”
Bien qu’elle regardait Shido avec un regard perçant, sa voix s’éleva sans aucune intonation.
“Non, non, c’est rien.”
“Réponds-moi. C’est très…”
Si elle continue de m’interroger comme ça, je risque de lâcher l’information sans le vouloir.
Après qu’il ait eu ce genre de pensées, il passa à côté d’Origami, il marcha vers son bureau où il prit son sac.
“Je, j’y vais en premier à cause de quelque chose ! Tohka ! Rentrons à la maison !”
“Nu ? Uu, umu !”
Sur ce, il s’échappa avant l’interrogatoire. Tohka eut à peine le temps de réagir avant de courir après Shido.
“Haa… Haa…”
Il courut un petit moment. C’est après avoir vérifié que Origami ne pouvait pas les rattraper qu’il osa ralentir sa marche.
“Qu’est-ce qu’il y a tout d’un coup, Shido ?”
“N, non… En bref, c’était… eh bien… quelque chose comme ça… rentrons d’abord à la maison…”
“Nn, umu…”
Toujours confuse, Tohka pencha sa tête.
Bien qu’il fût surpris—il n’avait pas besoin de s’expliquer plus loin. Shido entra dans le couloir, changea ses chaussures à l’entrée et quitta l’école.
Sur le chemin du retour.
“A, p, p, pro, à propos, Shido… !”
La voix de Tohka, qui était toujours très gracieuse, semblait légèrement paniquée.
“Nn ? Qu’est-ce qu’il y a, Tohka ?”
“Aa, aaah. A propos de… ah !”
A ce stade, Tohka fouilla dans son sac à la recherche de quelque chose… Pour des raisons mystérieuses, elle jetait des œillades furtives aux alentours, puis finalement elle baissa ses yeux tout en rougissant.
“Qu, qu’est-ce qui se passe ? Il s’est passé quelque chose ?”
“C’est, c’est rien… ! Dépêchons-nous et rentrons à la maison !”
Tohka surveilla les alentours alors qu’elle prononça ces mots avec vigueur, elle paraissait vouloir que Shido parte devant. Elle le suivit lentement.
“Qu’est-ce qui cloche chez elle, ce genre…”
En dépit de sa curiosité pour les actions étranges de Tohka, ils continuèrent de garder cette attitude alors qu’ils marchaient vers chez eux.
Bien qu’il n’était pas sûr de savoir pourquoi, sur le chemin du retour, Tohka ne montrait toujours pas son visage.
Peu de temps après, ils arrivèrent finalement à la résidence Itsuka et aux appartements destinés aux Esprits.
“Ooh, eh bien, salut. Tu viens manger à la maison ce soir ?”
A ce stade, le salut de la main habituel de Shido—fut interrompu en plein milieu.
La raison était simple, Tohka ne se dirigea pas vers l’appartement, mais bel et bien vers la résidence Itsuka.
“Tohka ? Tu ne vas pas te changer d’abord ?”
“! C’est, c’est bon, dépêche-toi et ouvre d’abord la porte !”
“Haa… Bien, tout ce que tu voudras.”
Elle venait, de toute manière, toujours dîner à la résidence Itsuka. Du coup, il n’y avait pas vraiment de problème à ce qu’elle vienne en avance. Shido sortit la clef de sa poche et ouvrit la porte.
“Je suis rentré !”
Puisque la porte était verrouillée, cela voulait dire que Kotori n’était pas encore rentrée, mais il prononça quand même ces mots par réflexe. Il enleva ses chaussures, entra dans la maison, s’avança de la sorte dans le salon et s’étira lentement sur le canapé après avoir posé son sac.
“Nn…”
A ce moment-là, un bruit de *kacha* se fit entendre.
Il semblait que Tohka, qui avait suivi Shido, venait de verrouiller la porte d’entrée. Elle entra dans le salon en baissant toujours sa tête.
“Nn ? Ça te dérange si je déverrouille ? Après tout, Kotori doit rentrer bientôt.”
“…”
Néanmoins, Tohka ne répondit pas, à la place elle posa son sac, inséra sa main à l’intérieur de celui-ci et en sortit deux sortes de billets.
“Shi, Shido, ce serait bon pour toi… ça ?”
Suite à quoi, elle leva soudainement sa tête, comme si elle venait de se souvenir de quelque chose.
“C’est, c’est vrai, je dois le faire correctement… huh…”
“Correctement… ? Faire quoi ?”
“Un instant ! Ok, les préparatifs !”
“Préparatifs… ? Qu, qu’est-ce que… ?”
Toutefois, elle ne répondit toujours pas.
Cette fois, elle sortit un mémo de son sac et le posa sur la table.
Puis, elle plaça ses mains sur ses hanches, tout cela avec une expression perturbée, et enroula lentement sa jupe. C’est une technique de fille couramment utilisée pour temporairement raccourcir sa jupe. Ses cuisses se dévoilèrent progressivement.
“Hey, hey, Tohka… ?”
Incapable de comprendre ses motivations, Shido fronça des sourcils alors que son visage ruisselait de sueur.
Ensuite, elle desserra le nœud papillon de son uniforme et déboutonna le premier bouton de sa chemise. Le deuxième—le troisième—elle venait de défaire le quatrième. Par l’ouverture de celle-ci, on pouvait apercevoir la blanche poitrine de Tohka, Shido ne put s’empêcher de détourner son regard.
“Qu, qu’est-ce que t’es en train de faire, Tohka ?! Si tu voulais te changer, tu aurais pu le faire chez toi…”
“Shi, Shido.”
Tohka interrompit la phrase de Shido, elle utilisa sa bouche pour tenir les billets, elle se mit à quatre pattes et prit la pose de la femme léopard. Soit dit en passant, son visage était rouge comme une tomate.
“Comme, comme ça…”
“Qu, quququ’est-ce tu es en train de faire… ?! Qu’est-ce que c’est que ça ?”
Shido s’exprima confusément, Tohka sembla déçue comme si elle se disait “Ça, ça ne fonctionne pas… !”. Elle sortit les billets de sa bouche… Que cela ait marché ou non, il n’avait vraiment aucune idée de ce qu’elle voulait.
Tohka lu le mémo sur la table, une fois de plus.
“Oo, Ok… !”
Venait-elle de crier comme si elle essayait de se donner du courage. Elle prit le billet.
Cette fois, néanmoins, elle le plaça sur sa poitrine toujours visibles—et, ensuite, accompagnée d’un *Nn ?*, elle pencha la tête sur le côté.
Il paraissait que le billet ne voulait pas rester en place. Tohka se pencha donc légèrement en avant, utilisa sa main gauche pour créer un décolleté et coinça le billet à l’intérieur. Ensuite, elle jeta un regard à Shido.
“Quo… ?!”
Comme s’il venait juste de voir quelque chose qu’il n’aurait pas dû, Shido fit involontairement un pas en arrière.
“Shido… Eh bien !”
“Oo, oh… Qu’est-ce qu’il y a ?”
“De, demain… est-ce que tu viendrais en rendez-vous… avec moi ?”
“Ha… ? Un, un rendez-vous… ?”
“Uu, nn… !”
Tohka acquiesça de la tête de manière exagérée, tout en exhibant le billet sur sa poitrine. …C’est… vraiment. Va-t-elle me demander de le prendre à cet endroit ?
Si je ne le prends pas, les actions de Tohka vont probablement encore monter d’un niveau.
Néanmoins, Shido était un étudiant de 2ème année de lycée, un garçon en pleine puberté. C’était impossible d’affirmer qu’il n’était pas intéressé, mais il ne pouvait pas non plus être d’accord avec ça.
Son visage dégoulinait de sueur alors que ses mains s’avançaient lentement vers la poitrine de Tohka.
Pour récupérer le billet, il endossa des précautions extrêmes pour ne pas lui toucher les seins.
“Oo, ooooh !”
L’expression de Tohka s’illumina immédiatement, elle rectifia sa position.
L’instant d’après, elle avait réajusté sa jupe, couvert sa poitrine et attrapé son sac.
“A demain ! Nous nous retrouverons à dix heures à la statue Pachi devant l’arrêt de train ! Bon, je rentre me changer maintenant !”
Tout en disant cela, Tohka courut hors du salon à une vitesse supérieure à ce qu’un œil pouvait voir. Des sons de *Pada* *Pada* se déplacèrent dans le vestibule, le verrou de l’entrée s’ouvrit et elle se rendit à l’extérieur.
“Qu, qu’est-ce que c’était que tout ça… ?”
Shido marmonna ces mots stupéfait, ses yeux se posèrent sur le billet qui se trouvait dans sa main. Cela ressemblait à un billet pour un aquarium. Où l’avait-elle pris ?
Suite à quoi, son œil se porta sur le mémo que Tohka avait laissé sur la table. Sur celui-ci, une écriture cursive avait tracé les mots [Le Plan de Séduction de Tohka-chan]. En dessous, on pouvait lire ce qui suit :
① La pose de la femme léopard
② Utilise tes seins pour tenir les billets
③ Si les deux ne fonctionnent pas, alors jette-toi sur lui.
…Bien qu’il ne fût pas très sûr de lui, il lui semblait bien que cela aurait pu être très dangereux.
“Haaa, c’est…”
Alors que Shido était encore confus, un bruit de *kacha* se fit une nouvelle fois entendre à la porte d’entrée.
Pensant immédiatement que Tohka était revenue, il apprêta sa position… Mais, ce n’était pas elle. Celle qui marcha dans le salon n’était autre que Kotori avec ses rubans noirs dans les cheveux.
“Je suis rentrée. Nn… ?”
Kotori fronça des sourcils, probablement en trouvant suspect le fait que la pièce était plongée dans l’obscurité.
“Tirer les rideaux alors qu’il fait encore jour, quel genre de choses étranges étais-tu en train de faire, Shido ?”
“J’ai, j’ai rien fait !”
“Eh bien, du moment que ça marche pour toi ! Qu’est-ce que c’est dans ta main ?”
“Aah… Pour te dire la vérité, je l’ai reçu de Tohka… une invitation pour un rendez-vous.”
Après que Shido eut prononcé ces mots, Kotori, impressionnée, siffla.
“Eh bien ! Une invitation de la part de Tohka. C’est bon signe. C’est quand ? Nous allons t’aider.”
“Aah, c’est demain…”
“Demain ?”
Kotori afficha une expression complexe.
“Attends, si c’est demain, tu n’as pas déjà un rendez-vous avec Kurumi ?”
“Ah…”
A l’évocation de ces mots, Shido se souvint. Il l’avait oublié sous l’impact des poses de séduction de Tohka… En effet, il avait accepté de sortir avec Kurumi demain.
“Et merde, est-ce que je peux encore annuler … ?”
Suite à ces mots, Kotori secoua tristement la tête.
“Tu ne peux pas ! Si tu reviens sur un rendez-vous que tu as promis, cela aura évidemment un impact sur l’état mental de Tohka. Sa solitude affiche une tendance à la hausse depuis ce matin.”
“Je ne suis pas en train de dire que les promesses sont…”
“Le plus important, c’est la manière de penser de Tohka… Bon, pas moyen d’y échapper. Nous allons t’apporter tout notre soutien, tu dois faire en sorte que les deux rendez-vous soient un succès.”
“Ha… haa ? Ce, ce genre de chose…”
A ce stade, alors que Shido voulait poursuivre sa phrase, le portable dans sa poche commença à vibrer.
En regardant sur l’écran, c’était un numéro qu’il ne connaissait pas.
Il eut une impression étrange alors qu’il décrocha le téléphone. De l’autre côté du fil, une voix calme se fit entendre.
“Salut.”
“Nn… ? Cette voix, tu es… Origami ?”
“Oui.”
Origami ne donna que cette brève réponse en guise de confirmation, un écoulement de sueur coula le long du visage de Shido.
“Hein… ? Je, je t’avais donné mon numéro de téléphone ?”
Origami ne répliqua pas. Après un moment de silence, elle poursuivit.
“Demain est un jour férié.”
“? Aa, aah… c’est vrai.”
“On… ne peux pas te laisser seul.”
“Eh… ?”
Shido s’exclama sous le choc, Origami poursuivit sans aucun changement dans son intonation.
“A 11h du matin. Je t’attendrai sur la place devant l’arrêt Tenguu.”
“Eh ?”
“Rendez-vous.”
“…Ha ?”
“Tu dois absolument venir.”
C’est sur une telle phrase qu’elle raccrocha le téléphone.
…Au final, aucune des questions de Shido n’avait trouvé de réponse.
“Qui était-ce ?”
“Non, c’était Origami. Je ne sais pas pourquoi mais elle veut… un rendez-vous… avec moi.”
“Haa… ?!”
Kotori fronça des sourcils et s’écria :
“En parlant de rendez-vous… Ça ne peut pas être demain, n’est-ce pas ?”
“C’est, c’est totalement ça… C’est pas vrai !”
Kotori soutint son front avec sa main tout en soupirant profondément.