Livre 4, Chapitre 108 – Le raffineur
Le bras de Cloudhawk faillit être arraché. Hellflower fut obligé de faire un soin d’urgence pour le sauver.
Heureusement pour lui, son sens inné du danger l’avait averti quelques instants avant l’explosion. Cela lui avait donné juste assez de temps pour jeter la baguette au loin. Elle était à environ trois mètres quand elle avait explosé. Si elle avait été plus proche, Cloudhawk aurait certainement perdu son bras.
Hellflower fit rapidement ce qu’elle put pour le membre endommagé. « Que s’est-il passé ? Il avait l’air parfaitement bien. Pourquoi a-t-il explosé ? »
Cloudhawk ne faisait pas attention à son bras blessé. Il se renfrogna, les sourcils froncés, alors qu’il réfléchissait à cette même question.
Le fer du dragon de Hellflower et le matériau élyséen étaient suffisamment similaires pour que cela ne soit pas la cause. Il pensait que cela devait avoir un rapport avec l’étrange substance au cœur de la relique. Apparemment, ils ne pouvaient pas simplement la mettre dans n’importe quoi et espérer que ça marche. Il devait y avoir des règles sur la façon dont elle était disséminée… si ce n’était pas le cas, la substance devenait instable lorsqu’un catalyseur était introduit. Il s’était précipité pour le tester avant de réfléchir sérieusement à l’idée et il avait failli être paralysé à cause de cela.
Hellflower poursuivit : « Tu ne peux pas continuer maintenant. Guéris un peu avant de réessayer. »
« Non, je veux essayer encore une fois. » Cloudhawk avait besoin de tester sa nouvelle théorie. « Si je ne peux même pas fabriquer une baguette d’exorciste, comment puis-je prétendre être un affineur ? »
Raffineur ? Cloudhawk se donnait-il une nouvelle profession ? C’était un peu déplacé, mais il était obsédé par l’idée de fabriquer ses propres reliques.
Hellflower ne pouvait pas convaincre l’homme obstiné du contraire, alors elle préféra l’aider. Elle rassembla des équipements de protection personnelle dans le laboratoire, dont un gant renforcé qui atténuerait au moins tout dommage potentiel supplémentaire. Cela semblait nécessaire, vu que leur simple expérience initiale avait déjà presque détruit le laboratoire.
Bang !
Leur deuxième tentative échoua de la même manière que la première. Cloudhawk grimace d’irritation. Il s’agrippa aux fragments de la tige pendant un long moment tandis qu’il réfléchissait au problème. Finalement, ils le réparèrent et essayèrent à nouveau.
BANG !
Une troisième tentative ne donna rien d’autre que des oreilles qui sifflent et des éclats de fer de dragon.
Ils essayèrent à nouveau. Une quatrième expérience, une cinquième, une sixième…
À la fin, il était à bout de nerfs.
Plus il était en colère, plus sa tête lui faisait mal, car ses blessures mentales n’étaient toujours pas guéries. Mais il apprenait de ses erreurs. Il découvrit que le mystère de la baguette d’exorciste résidait en partie dans la disposition spécifique de l’étrange matière.
Une fois extraite d’un bâton d’exorciste fonctionnelle, cette disposition spécifique était perdue. Il était évident que s’il voulait que cela fonctionne, il devait raffiner davantage la matière étrange avant de la mettre dans un récipient. Ce n’est qu’une fois qu’il avait le bon modèle que les deux pouvaient se mélanger de façon transparente.
Le problème était donc d’utiliser son talent pour inverser le modèle d’une relique. C’était aussi facile qu’un homme sans formation musicale écrivant à l’oreille une partition d’orchestre compliquée. Cela demanderait certainement un certain effort.
Six à sept heures avaient passé. La nuit était tombée sur le Vale. Hellflower partit préparer un bol de soupe pour Cloudhawk afin de le nourrir pendant qu’il travaillait.
Lorsqu’elle revint, elle vit la momie à moitié enveloppée, assise, une baguette dans les mains et un petit sourire tiraillant les bords de ses lèvres.
Le jeune homme n’était pas particulièrement grand, fort ou beau, mais il avait une persistance séduisante depuis qu’il était apparu devant elle. Cette sorte de détermination tenace était rare à rencontrer. C’est en partie ce qui le rendait spécial et attirant.
Ce n’était pas étonnant qu’il soit souvent entouré de femmes exceptionnelles.
Elle l’observa alors qu’il était assis, perdu dans sa concentration. Il avait l’air tout à fait charmant.
Cloudhawk ne se rendait pas compte de son retour. Son esprit était trop occupé, concentré sur la tâche à accomplir. Derrière ses yeux, il voyait d’innombrables fils qui vibraient, créant une mélodie, et s’entrecroisant pour former une tapisserie parfaite.
Il commençait à comprendre. Petit à petit, des modèles commençaient à émerger dans le chaos. Le Feu de Castigation serpenta de sa paume et plongea une fois de plus dans la tige de fer du dragon dans ses mains. Une fois de plus, il inséra la portion structurée de cette mystérieuse substance.
« Cette fois, ça devrait marcher. »
Cloudhawk tint fermement la tige et se dirigea vers une cible d’entraînement. Hellflower regardait, un peu nerveuse. Il était obsédé, elle en voyait les signes. Les bonnes choses viennent rarement de là.
Elle était une chercheuse expérimentée, et les preuves empiriques prouvaient que les expériences réussissaient rarement aussi facilement. Souvent, ces expériences qui semblaient simples en surface nécessitaient en réalité des centaines de tentatives pour être parfaites.
Hummmmm !
Elle entendit le bourdonnement dans son oreille. Ce n’était pas l’explosion à laquelle elle s’attendait. Elle regarda Cloudhawk, et ses yeux s’écarquillèrent, car la tige dans ses mains s’était activée. Le vent se levait tandis que sa tête tournait. Des étincelles dansaient dans les environs.
Cloudhawk s’élança sur la cible, la réduisant en pièces.
« Tu l’as fait… tu as réussi ! » Hellflower ne pouvait contenir son excitation, se précipitant vers Cloudhawk et l’enveloppant dans un câlin. « Incroyable ! Tu es vraiment un prodige et tu es si séduisant ! »
Il était parfaitement conscient des grandes masses fermes, mais souples, pressées contre lui. La diablesse le faisait exprès.
Mais quels que soient ses stratagèmes, elle avait raison. C’était quelque chose d’excitant.
Même dans les terres élyséennes, les bâtons d’exorcistes les plus basiques nécessitaient l’aide des dieux pour être créées. Cloudhawk venait de réussir à en fabriquer une tout seul. Elle nécessitait plus de tests, bien sûr – elle n’était probablement pas très stable, et en termes de qualité, elle ne correspondait pas à l’objet sur lequel elle était basée – mais c’était au moins un début réussi.
En fabriquant lui-même une relique, même basique, cela signifiait que les humains ne dépendaient plus des dieux pour ces outils. C’était le début d’une nouvelle ère, une découverte d’époque.
le jour suivant.
Cloudhawk présenta leur expérience réussie à Autumn.
Elle prit l’objet grossier dans ses mains et l’examina attentivement. La surprise sur son visage en disait long. Alors que les baguettes d’exorciste étaient les objets les plus simples à créer pour un dieu, pour un mortel, en découvrir les secrets en moins d’un jour était tout simplement extraordinaire. Cela bouleversait complètement ses attentes.
Cloudhawk s’adressa à elle : « J’ai prouvé que je pouvais le faire. Dites-moi quelle est la prochaine étape. Les baguettes d’exorciste ne suffisent pas. Cette merde de niveau basique ne me sert à rien. Il me faut quelque chose qui me donne un vrai sentiment d’accomplissement. »
« Maintenant que tu as réussi à en créer une, tu as montré que tu comprends la nature fondamentale d’une relique. » L’air hautain et supérieur d’Autumn s’était légèrement adouci. Après tout, Cloudhawk avait réussi à accomplir quelque chose qu’elle aurait eu du mal à faire. Malgré son attitude discourtoise, il avait prouvé qu’il était plus qu’un simple vermisseau mortel. « Pour créer une relique, tu dois relever deux défis : les matériaux et l’anima. »
A présent, ils avaient compris le problème des matériaux. Les habitants des friches ne pouvaient pas fabriquer les matériaux utilisés pour créer de véritables baguettes d’exorciste. Cela allait sûrement devenir de plus en plus difficile au fur et à mesure qu’ils essayaient avec des reliques plus compliquées. Tout le savoir et les techniques des dieux restaient un mystère, mais d’après ce qu’ils savaient, c’était mille ans au-delà de ce que l’homme préhistorique avait réalisé.
Anima – comme elle l’appelait – était encore plus difficile à appréhender. Bien sûr, elle parlait de la substance mystérieuse qu’ils avaient trouvée dans les tiges. Elle était complètement en dehors du champ des connaissances humaines et défiait toutes les technologies dont ils disposaient pour essayer d’en apprendre plus sur sa composition. En fait, la seule personne qui pouvait travailler avec elle était Cloudhawk, grâce à son talent unique. En étant capable d’“entendre” les reliques, il était en fait capable de se connecter à un niveau plus profond avec l’anima d’une relique.
Il n’avait aucun moyen de résoudre leur problème de matériaux. Cela incombait aux épaules plus érudites de Hellflower. Elle avait accès à une équipe de scientifiques et à des équipements, mais même dans ce cas, il y avait si longtemps que les anciennes connaissances avaient été perdues. Même avec tout le génie de Hellflower, il lui serait difficile de combler le fossé entre ce que les terres désolées pouvaient fournir et l’ingéniosité élyséenne. A la place, sa tâche était d’inventer des substituts viables.
Cloudhawk avait le talent nécessaire pour apprendre les secrets de l’anima. Cependant, cette substance était difficile à expliquer. Il partait de zéro, ce qui rendait une tâche difficile d’autant plus ardue. Il était à l’avant-garde d’un sujet d’étude entièrement nouveau, comme un enfant qui bafouille et tente de percer les secrets du langage.
Il faudrait que Hellflower et Cloudhawk réussissent tous deux à atteindre leur objectif ambitieux. Ils avaient de nombreux défis de taille à relever.
Autumn poursuivit : « Votre prochaine étape consistera à démonter un grand nombre de reliques et à extraire l’anima qu’elles contiennent. Utilisez-le pour étudier ses règles, ses propriétés et sa structure. Ce processus nécessitera beaucoup de temps et un véritable trésor de reliques. »
Son expression amère rendait ses pensées évidentes. Comment était-il censé faire cela ? S’il avait une horde de reliques, il n’aurait pas besoin de passer par cette connerie en premier lieu. Il n’aurait qu’à ramasser une relique et l’utiliser. Le but d’apprendre à fabriquer des reliques était de les avoir à sa disposition.
Son expression découragée ramena à la surface le sourire hautain typique d’Autumn. « Enfant ignorant, tu as un trésor devant toi mais tu ne le vois même pas. »
« Quoi ? »
« Tu as la pierre de phase du Roi Démon. Avec elle, tu peux parcourir les dimensions et chercher des reliques perdues. La plupart de celles que tu découvriras seront brisées, mais ça n’a pas d’importance pour tes objectifs. »
Maintenant, il commençait à comprendre.
Elle suggérait d’utiliser la pierre de phase pour trouver les reliques abandonnées par le Roi Démon. Ce n’était pas impensable puisque Cloudhawk l’avait déjà fait auparavant, bien que par accident. Sa cape d’invisibilité, la Fournaise du Phénix qu’il avait donnée à Sélène, et Oddball étaient toutes des reliques qu’il avait récupérées dans d’autres dimensions.
« Pourquoi les dieux et les démons sont-ils apparus dans cette dimension ? Pourquoi restent-ils dans le coin ? »
« Je ne sais pas. Le savoir accumulé des dieux ne tient pas compte de ce genre de questions. Il en est de même pour les démons. Tout ce que je sais, c’est que le Roi Dieu nous a ordonné de quitter ce plan depuis que je suis né. »
Quel fait étrange… Mais Cloudhawk le chassa de son esprit pour le moment. Il poursuivit : « Utiliser la pierre du Roi Démon n’est pas facile. Jusqu’à présent, je n’ai pu me téléporter que dans une dimension spécifique, stable et proche. Je n’ai aucune idée de comment faire pour me déplacer vers d’autres endroits. »
« Idiot ! C’est parce que ton héritage n’est pas complet ! » Autmn expliqua : « Le Roi Démon avait autrefois un contrôle parfait du pouvoir dimensionnel. S’il n’y avait pas eu les capacités temporelles du Roi Dieu, personne n’aurait eu la capacité de lui tenir tête. »
« Donc tu dis qu’il n’y a pas de meilleure méthode ? »
« Bien sûr qu’il y en a une ! »
La voix venait de derrière eux. Wolfblade regardait le groupe, les bras croisés devant sa poitrine. Lui et Abaddon s’étaient approchés. Immédiatement, une sensation d’inconfort et de mécontentement emplit la poitrine de Cloudhawk. Il aurait préféré subir l’orgueil d’un dieu déchu plutôt que ces deux-là.
Wolfblade ne remarqua pas son malaise, ou peut-être avait-il simplement choisi de ne pas y prêter attention. « Suis-moi. Tu sauras quoi faire quand nous serons arrivés. »
Wolfblade avait été ostensiblement absent ces derniers jours, mais cela ne signifiait pas qu’il ne prêtait pas une attention particulière à sa jeune charge. En fait, Hellflower livrait chaque jour des rapports sur ses actions et son comportement. Chaque chose qu’il disait ou faisait, Wolfblade le savait. Ou peut-être, comme toujours, tout ce qu’il faisait était involontairement à la demande de l’homme énigmatique.