Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 04 – Le Fantôme des Mers
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Oncle San en fut déconcerté. Qu’une ou deux personnes manquent à l’appel, il pouvait le comprendre et n’aurait pas été trop surpris que tout le groupe ait disparu. Mais une personne de plus, c’était vraiment incroyable. Pensant que Chen Wen-Jin avait peut-être fait une erreur, il recompta lui-même. Dans l’ordre, il venait en premier, Chen Wen-Jin en second, puis les troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième. Li Sidi était le huitième, mais ensuite…

Oncle San en eut le souffle coupé. Il y avait bien une neuvième personne cachée à l’arrière du groupe, mais elle était un peu floue et il ne distinguait pas bien sa silhouette.

Réalisant que quelque chose n’allait pas, il en eut des sueurs froides. S’il ne craignait ni les démons ni les fantômes, n’ayant aucune expérience sous l’eau, il n’avait aucune idée de ce qui pouvait bien se cacher derrière le groupe. Il ne pensait pas que les zombies puissent nager et là encore, il ignorait comment on appelait ces créatures dans une tombe sous-marine. Des zombies marins ? Des zombies d’eau ?

Il secoua la tête en pensant : cet enfoiré de Li Sidi est vraiment lent. Comment est-il possible qu’il n’ait pas remarqué cette chose derrière lui ? Comme, visiblement, il ne pouvait compter sur personne dans cette situation, il ne lui restait plus qu’à aller se rendre compte par lui-même. Il sortit donc discrètement un couteau, le tint de façon à ce que la lame soit cachée derrière son bras, puis nagea jusqu’à l’arrière du groupe, à l’endroit où, immobile, se tenait la neuvième personne.

Voyant mon oncle nager droit vers lui, Li Sidi comprit à son tour que quelque chose clochait et se retourna pour voir ce qu’il en était. Mais il n’avait pas plutôt bougé que l’inconnu fit de même. Effrayé, Li Sidi fit un bond en arrière et s’éloigna de quelques mètres, mais à nouveau, la personne l’imita. On aurait dit qu’elle imitait tous ses mouvements. Oncle San trouvait cela étrange, mais aussi un peu drôle. Il braqua sa lampe de poche en direction du visiteur pour mieux le voir mais la vive lumière le fit sursauter et s’enfuir vers l’arrière.  Oncle San était tout de même parvenu à voir son visage, énorme et couvert d’écailles ! Il en fut si choqué qu’il faillit lâcher le couteau qu’il tenait à la main.

Terrifié, Li Sidi, qui craignait de rester là à se reposer, fit un mouvement comme pour se remettre à nager mais Oncle San l’agrippa aussitôt. Li Sidi lui cria quelque chose, qui, à ne croire le mouvement de ses lèvres, ressemblait à « bon gamin, bon gamin ». En temps normal, il avait déjà un accent difficile à comprendre mais ce qu’il tentait de dire là était littéralement incompréhensible.

Voyant qu’il était pratiquement hystérique, au point de vouloir enlever son casque, mon oncle le plaqua contre la paroi. Cette dernière paraissait solide, mais lorsque Li Sidi vint la heurter, les joints entre les briques cédèrent et celles-ci tombèrent dans le trou ainsi formé. Telle un torrent, l’eau s’engouffra dans l’ouverture. Quelle tuile, pensa oncle San. Mais il était trop tard. En quelques secondes, l’équipe fut aspirée dans le trou à l’instar de cafards que l’on aurait jetés dans les toilettes avant de tirer la chasse d’eau.

Combien de tourbillons Oncle San avait-il fait ? Il n’aurait su le dire, mais il avait l’impression que tous ses organes étaient projetés sur le côté. Puis sa tête heurta quelque chose de dur. Fort heureusement, son casque était solide. Il agita plusieurs fois les jambes, releva brusquement la tête et s’aperçut qu’il était hors de l’eau.

Les autres membres de l’équipe remontèrent à la surface à peu près en même temps que lui. Plusieurs filles vomissaient dans leur casque, offrant un spectacle écœurant (Comment se termine cette chanson déjà ? Le plus dégoûtant n’est pas de voir un cadavre en décomposition mais de se noyer dans son propre vomi…) Quelques-uns des membres les plus résistants de l’équipe les soutinrent aussitôt pour les empêcher de retomber dans l’eau.

Oncle San serra Chen Wen-Jin dans ses bras tout en jetant un coup d’œil aux alentours avec sa lampe. Apparemment, ils avaient atteint l’arrière salle du tombeau. Mon oncle sortit un briquet à l’épreuve du vent et l’alluma. La flamme était la preuve qu’il y avait de l’oxygène dans la salle. Il fit un geste d’approbation aux autres pour leur indiquer que l’air était convenable. Tous ôtèrent leurs lourds casques et prirent une grande respiration.

― Comme ça sent bon ! S’écrièrent plusieurs d’entre eux.

À dire vrai, il flottait un parfum très agréable dans la chambre funéraire, très léger mais rafraîchissant. Oncle San avait déjà visité de nombreux tombeaux aux odeurs particulièrement étranges, mais c’était la première fois qu’il sentait quelque chose de ce genre et il ne put s’empêcher de s’interroger.

En balayant la pièce avec sa lampe, il réalisa que ce n’était pas la chambre funéraire principale, étant donné qu’il n’y avait pas de cercueil à l’intérieur. Probablement s’agissait-il simplement d’une chambre auriculaire. Il y avait là des rangées d’objets funéraires en porcelaine, qui avaient dû servir propriétaire de la tombe sa vie durant. Au centre de cette chambre auriculaire trônait aussi un bassin circulaire rempli d’eau.

Mon oncle regarda à nouveau les décorations. Plus il les observait, plus il était perplexe. Les murs étaient couverts de peintures si corrodées par la vapeur d’eau qu’il pouvait à peine distinguer les ombres humaines qui y étaient représentées.

Ces silhouettes, qui marchaient ou dansaient, étaient nombreuses et de morphologies différentes. Il y en avait des petites, des grandes et des grosses. Mais aussi différentes fussent-elles, elles étaient toutes très réalistes, comme s’il s’agissait de reproductions de personnes réelles. Et chose étrange, toutes avaient le ventre aussi gros que celui d’une femme enceinte.

Chen Wen-Jin, qui s’y connaissait pourtant en peintures murales anciennes, ne parvenait pas à comprendre ce que cela signifiait. Li Sidi, en revanche, eut une peur bleue en les voyant.

― Des Fantômes des mers ! S’écria-t-il, il y a des fantômes des mers ici ! C’est une tombe de fantômes des mers !

Oncle San se rappela le monstre qu’il venait de voir et se demanda si ce n’était pas aussi un fantôme des mers. Comme n’en était pas tout à fait certain et que le seul fait d’aborder le sujet pouvait entraîner un mouvement de panique, il décida de garder le secret pour le moment.

Li Sidi continuait à crier, mais à cause de son accent, tout le monde entendait « tortue de mer » au lieu de « fantôme des mers » (1) Le groupe éclata de rire et Li Sidi hésita entre le rire et les larmes.

Oncle San regarda sa montre, puis exhorta tout le groupe à sortir de l’eau. Certains parmi les plus audacieux se dirigèrent vers la porte menant à la chambre auriculaire. Elle n’était pas très haute et donnait probablement sur un couloir, mais mon oncle les arrêta aussitôt.

― Nous ne sommes pas équipés pour l’archéologie et n’avons pas emporté de trousses de premiers soins, leur dit-il. Restez ici, ne vous éloignez pas. J’ignore s’il y a des mécanismes dans ce passage. Nous sommes venus nous réfugier ici pour une heure, aussi montrez-vous reconnaissants et patients, compris ?

Plutôt mécontent de ces directives, le groupe n’eut pas d’autre choix que de rester dans la chambre auriculaire et d’étudier la porcelaine. Un seul coup d’œil suffit à Oncle San pour déduire que le tout datait du début de la dynastie Ming. Stupéfait, il se mit à douter. S’agissait-il vraiment d’une tombe appartenant au clan de Shen Wansan ?

Mais il avait vu trop d’antiquités dans sa vie pour trouver un quelconque intérêt à ce qui se trouvait devant lui. Pour l’heure, ce qui lui importait était de savoir s’il y avait assez d’air dans cet espace pour tous. À nouveau, il compta les personnes présentes et fut soulagé de constater qu’ils n’étaient plus que huit.

Epuisé par tout ce qui s’était passé ces derniers jours et n’ayant pas pu prendre une seule bonne nuit de sommeil, il décida de faire une sieste.

Chen Wen-Jin s’assit dos au mur, s’appuya sur son épaule et lui donna un baiser en récompense de ses performances exceptionnelles. L’humeur de mon oncle s’améliora de suite. S’il en avait assez des autres membres de l’équipe, à la vue du doux sourire de sa petite amie, il ne put s’empêcher que tout cela en valait la peine. Vraiment la peine, à tel point qu’il était prêt à revivre toutes ces épreuves.

Ils se reposèrent là un moment. Quiconque a déjà fait de la plongée sait combien c’est épuisant, à moins d’avoir une longue expérience en la matière. Si Oncle San était en bonne forme physique, il ne pouvait se comparer à ces gens dont le corps s’était adapté à ce genre d’activité. La détente se faisant, il se mit à bâiller, et avec ce parfum qui embaumait l’air et semblait avoir un effet apaisant, il ne tarda pas à tomber de sommeil.  Dans un état second, il se tourna vers son amie et lui dit :

― Je vais dormir un peu. Réveille-moi dans une heure environ.

Ce genre de somnolence était anormal, mais oncle San n’eut pas le temps d’y réfléchir. À peine vit-il Chen Wen-Jin acquiescer docilement de la tête. Son nez était plein de ce léger parfum et durant un court instant, il se demanda si cela venait des cheveux de son amie ou si cette odeur particulière provenait de cet antique tombeau. Plombé par la fatigue, il s’endormit presque instantanément sans avoir pu le découvrir.

Notes explicatives :

(1) En chinois, « Fantôme de mer » se dit « hǎiguǐ » (海鬼) et « tortue de mer » « hǎiguī » (海龟). Ce dernier terme désignant aussi, en argot chinois, une personne qui rentre en Chine après une période d’études ou de travail à l’étranger.



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