Relâchez cette Sorcière | Release that witch | 放开那个女巫
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Chapitre 4 : Flamme
Chapitre 3 : La Sorcière Nommée Anna (Partie 2) Menu Chapitre 5 : Réflexion

– « Que s’est-il vraiment passé lorsque la mine s’est effondrée ? Pourriez-vous me le raconter,  étape par étape ? » Demanda Roland.

Anna hocha la tête et entreprit son récit.

Roland était un peu surpris, il s’attendait à ce qu’elle reste silencieuse ou le maudisse méchamment, mais au lieu de cela, elle avait simplement répondu : « demandez-moi tout ce que vous voudrez », et, obéissante, avait commencé à raconter.

Cette histoire était très simple et plutôt triste. Le père d’Anna, un mineur, se trouvait au travail lors de l’effondrement. Averties de l’accident, Anna et les autres familles de mineurs étaient immédiatement venus au secours de leurs proches. La rumeur prétendait que la Mine du Nord avait été par le passé le repaire d’un monstre souterrain, et comprenait de nombreuses bifurcations s’étendant dans toutes les directions. Étant donné que les sauveteurs n’avaient pas de chef pour unifier leur action, les volontaires se séparèrent dès leur arrivée à l’entrée de la mine, de sorte que lorsqu’Anna trouva son père, seuls ses voisins, Susan et Ansgar, étaient présents.

Anna aperçut son père qui ne pouvait pas bouger, la jambe écrasée sous une charrette de minerai, et à côté de lui, un autre mineur en train de le fouiller, à la recherche de son argent. Sitôt que le pillard les vit arriver, il s’empara d’une pioche, se précipita vers Ansgar et le jeta au sol, mais au moment même où il allait la frapper, Anna le tua.

Ses voisins lui promirent qu’ils ne diraient jamais rien à ce sujet, et avec leur aide, la jeune fille put sauver son père. Mais avant l’aube, le jour suivant, ce dernier sortit sur ses béquilles et rapporta aux gardes patrouilleurs que sa fille était une sorcière.

– « Pourquoi ? » ne put s’empêcher de demander Roland qui avait écouté jusque-là.

Barov soupira et répondit :

– « Probablement pour toucher la récompense. Découvrir et dénoncer une sorcière peuvent vous rapporter 25 Royals d’or. Pour un homme avec une jambe paralysée, ces 25 Royals d’or représentaient une demi-vie de travail. »

Après un moment de silence, Roland demanda :

– « Votre adversaire était un homme fort et grand, comment avez-vous pu le tuer ? »

A ces mots, Anna se mit à rire et les flammes des torches vacillèrent, comme de grandes vagues à la surface d’un lac préalablement calme.

– « Exactement comme vous le pensez, j’ai utilisé le pouvoir du diable », répondit-elle.

– « Tais-toi! Vile sorcière! » Cria le gardien, mais tout le monde put s’apercevoir que sa voix tremblait.

– « Est-ce vrai ? Je voudrais voir cela », dit calmement le quatrième prince, nullement perturbé par sa plaisanterie.

– « Votre Altesse, il n’y a pas matière à rire! », s’écria Le Chevalier Commandeur en fronçant les sourcils.

Roland s’écarta de la protection de son chevalier, fit quelque pas dans la cellule et dit :

– « Tous ceux qui ont peur d’elle peuvent partir, je ne vous ai pas demandé de rester ici. »

– « Ne paniquez pas, elle porte un ‘Médaillon du Châtiment Divin’ autour du cou! » dit Barov à haute voix pour réconforter tout le monde, mais peut-être aussi pour se rassurer,  « quel que soit le pouvoir du diable, il ne peut pas briser la bénédiction Divine. »

Debout devant les barreaux de la prison, Roland et Anna n’étaient séparés que d’une longueur de bras aussi pouvait-il voir nettement sa joue meurtrie et couverte de poussière. Ses traits faciaux, très doux, montraient qu’elle était encore mineure, mais son expression n’était pas celle d’une enfant. Plus encore, on n’y voyait pas trace de colère. C’était le genre de chose désarmante que Roland n’avait jamais  vu qu’à la télévision.

Son visage était celui d’une orpheline errante qui avait souffert de la pauvreté, de la faim, du froid, etc… mais elle était très différente des autres. Devant la caméra, les enfants perdus avaient toujours l’air abattus, la tête baissée, mais ce n’était pas le cas d’Anna.

Depuis le début, elle s’efforçait de se tenir debout, la tête haute et regardait calmement le prince dans les yeux. Roland se rendit compte que non seulement elle ne craignait pas la mort, mais elle semblait même l’attendre.

– « Est-ce la première fois que vous voyez une sorcière, monseigneur ? Votre curiosité pourrait vous faire tuer »,  dit Anna.

– « Si vraiment vous teniez votre pouvoir du diable, vous ne seriez pas dans cette situation », Répondit Roland : « Si cela était vrai, ce n’est pas moi qui devrais être terrifié par la mort, mais votre père. »

Dans la prison, les feux s’éteignirent soudain. Ce n’était certainement pas une illusion, les flammes furent bientôt remplacées par des groupes de flammes. Derrière lui, Roland entendit le bruit d’une respiration rapide et d’une prière, ainsi que celui, étouffé, des personnes qui, paniquées, tombaient accidentellement.

Les battements de cœur de Roland s’accélérèrent, et il se sentit à un tournant inhabituel. D’un côté il y avait le monde du bon sens, conforme aux lois et aux constantes qu’il connaissait, et de l’autre se trouvait un nouvel univers, incroyable, plein de mystère et d’inconnu. En cet instant, il était face à ce monde.

« Ainsi, voilà le « Médaillon du Châtiment Divin » ? Cette chose accrochée à son cou ? Comme ce médaillon est simple et brut », se dit Roland. « Une chaîne de fer rouge avec un pendentif étincelant et translucide… Si cette sorcière n’avait pas les deux mains attachées derrière son dos, ne pourrait-elle pas l’arracher et le détruire ? »

Roland regarda les gens derrière lui qui priaient toujours, paniqués. Il traversa d’un bond la cellule, saisit le pendentif et tira d’un petit coup sec : la chaine céda et le collier se brisa en tombant sur le sol. Ce mouvement effraya même Anna.

– « Venez »,  chuchota Roland.

« Au final, êtes-vous une menteuse, un genre d’alchimiste, ou êtes-vous une vraie sorcière ? Si vous vous mettiez à prendre des bouteilles et des pots et commenciez à mélanger des acides, je serai déçu », pensait le Prince.

Roland entendit alors un crépitement, qui était le bruit caractéristique de la dilatation thermique de la vapeur d’eau. Suite à une élévation spectaculaire de la température, l’eau sous leurs pieds se changeait en vapeur.

Roland vit une flamme ardente monter directement du pied d’Anna, puis le sol où elle se tenait se mit à brûler. Les torches derrière eux explosèrent simultanément, comme si elles avaient été en contact avec de l’oxygène pur, dans un éclat de lumière brillante. Durant un  court instant, toute la cellule fut éclairée comme en plein jour, s’en suivirent les cris terrorisés des personnes présentes.

Tandis que la sorcière avançait, les flammes qui l’entouraient se déplaçaient avec elle. Lorsqu’elle parvint au bord de sa cellule, les douzaines de barreaux de fer qui constituaient le mur devinrent des piliers de feu.

Roland fut contraint de reculer, l’air brûlant attaquait sa peau qui lui faisait mal. En quelques instants il pensa échapper à un été de fin d’automne, mais non, cette chaleur était différente, uniquement produite par cette flamme à haute température et non par une chaleur ambiante naturelle. D’un côté, son corps était en contact avec la chaleur de la flamme, tandis que de l’autre, Roland avait froid. Il pouvait même sentir une sueur glacée couler dans son dos.

« …Elle n’a vraiment pas peur du feu », pensa le Prince.

Les paroles du Ministre Adjoint lui revinrent en mémoire. A présent, il comprenait enfin le  sens de cette phrase.

Elle est la flamme. Comment quelqu’un pourrait-il se craindre lui-même ?

Rapidement, les barreaux de fer passèrent du pourpre au jaune clair et commencèrent à fondre. Cela signifiait qu’ils avaient été chauffés à plus de quinze cents degrés Celsius, et ceci sans aucune isolation thermique, ce qui dépassait l’imagination de Roland. Comme les autres,  il sortit de la cellule, et vint se plaquer fermement au mur le plus éloigné.

Sans  cela, la chaleur produite par le fer fondu aurait suffi à le tuer même sans contact direct, Elle aurait également brûlé les vêtements, comme ceux d’Anna, dont la blouse de prisonnière était devenue cendres, son corps étant maintenant entouré d’un feu furieux.

Roland ne sut pas combien de temps cela avait duré, mais finalement, la flamme disparut totalement.

Les torches brûlaient silencieusement sur la section du mur proche d’eux, on aurait dit que rien ne s’était passé. Mais les vêtements consumés d’Anna, l’air chaud et les barreaux de prison donnaient l’impression qu’ils avaient été touchés par les serviteurs du diable. Tout ceci était la preuve qu’il ne s’agissait pas d’une illusion.

Outre Roland, seul le Chevalier Commandeur fut encore debout. Les autres étaient au sol, le gardien avait eu si peur que son pantalon sentait l’urine. Anna était à présent nue à l’extérieur de la cellule, les chaînes à ses bras avaient disparu. Elle ne tenta pas de dissimuler à la vue son corps dénudé, ses mains pendaient naturellement de chaque côté et ses yeux, bleus, comme la mer avaient retrouvé leur tranquillité.

– « A présent, votre curiosité est satisfaite, Monsieur », dit-elle. « Allez-vous me tuer ? »

– « Non », répondit Roland qui s’avança pour l’envelopper de son manteau, avant d’ajouter d’une voix aussi douce que possible : « Mlle Anna, je voudrais vous engager. »

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