Livre 4, Chapitre 94 – Jugement divin
Deux Oracles régnaient dans le temple :
Premièrement, Aquaria – Oracle de l’ordre.
Ensuite, Thora – Oracle de la Justice.
Il était évident que la relation entre l’Oracle Aquaria et sa fille était tendue. Bien qu’Aurore et Skye se disputaient souvent, il y avait toujours une affection évidente entre elles. Le seul sentiment que Cloudhawk ressentait lorsque ces deux femmes se faisaient face était celui d’un éloignement.
Bien sûr, il n’en avait rien à faire. Les modes de vie de l’aristocratie n’étaient pas dans ses cordes, mais il semblait qu’elle avait un plan pour la situation dans laquelle ils se trouvaient.
L’une des fonctions les plus importantes du Temple était de servir de lien entre les hommes et les dieux. Cependant, personne ne savait comment ils faisaient.
En soumettant Cloudhawk au jugement divin, ils devaient appeler un dieu sur ce plan terrestre. Ils s’en remettraient à la sagesse et au pouvoir de leur dieu protecteur pour rendre un jugement sur le jeune homme et déterminer s’il était juste en action. S’il était en effet de connivence avec l’ennemi, alors le pouvoir des dieux le mettrait en lumière. Aucun humain ne pouvait cacher des secrets devant ses bienfaiteurs tout-puissants.
Le Dieu des Nuages était également l’autorité suprême de leur royaume. Cela semblait être le seul moyen de blanchir son nom.
Mais, Cloudhawk était-il confiant pour se soumettre au jugement ? Il n’en était pas si sûr !
Pour commencer, il ne faisait pas partie des fidèles. Skycloud était un endroit qui fonctionnait avec des convictions religieuses, dont il n’avait aucune. Quiconque ne croyait pas était considéré comme un pécheur. Et puis, il y avait cette putain d’énorme réserve qu’il était le porteur de l’héritage du Roi Démon.
Ce n’était pas un petit secret. Si le Roi Démon revenait… la nouvelle secouerait le monde entier. Cela pourrait déclencher une autre grande guerre. Un tel orage, même lui ne pouvait éviter d’être emporté par la tempête. Du point de vue de tous les habitants de Skycloud et de tous les dieux, Cloudhawk était la personnification du mal. Les dieux agiraient, s’abattant sur lui comme l’Armageddon. Il n’y aurait pas d’échappatoire.
Mais il n’avait pas le choix. Refuser de se soumettre au jugement revenait à admettre sa culpabilité.
Il n’y avait pas beaucoup de précédents en ce qui concerne les habitants des terres incultes de Skycloud. Ses plus hauts dirigeants ne lui faisaient pas confiance, il semblait donc que le seul moyen de surmonter leurs préjugés était d’appeler à l’aide les dieux eux-mêmes.
Aurore avait une confiance absolue en Cloudhawk, mais elle savait aussi qu’il n’était pas un homme normal et qu’il gardait de nombreux secrets. Quand Aquaria avait fait cette suggestion, Aurore était sceptique. “Cela aiderait-il son cas ? Tu sais aussi bien que moi qu’il vient des terres désolées. Comment le Dieu des Nuages peut-il accepter un étranger, un incroyant ? Tu le condamnes à mort !”
“Skycloud a ses règles, et le Temple a les siennes. S’il n’est pas accepté par le Dieu des Nuages, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.”
En tant qu’Oracle du Temple, Aquaria était strictement liée à ses préceptes. Elle ne pouvait pas agir en fonction de l’affection familiale comme le feraient des gens normaux. Mais en fin de compte, elle était toujours une mère. Elle n’avait aucune envie de voir la famille Polaris vouée à la déchéance ou que sa fille soit impliquée dans la mort de son grand-père.
Et pour Cloudhawk ? Si Skye lui a donné le Courroux Ardent, c’est parce que le garçon était important.
La dernière fois qu’il avait eu des ennuis, Aurore n’avait pas hésité à jurer de son innocence. C’était une preuve évidente que la fille avait beaucoup d’affection pour l’étranger de basse extraction. Elle avait de gros problèmes maintenant mais n’était pas sans rédemption. Ils avaient encore le temps de reconnaître et d’éviter d’autres problèmes s’ils agissaient maintenant.
Et puis il y avait la vérité que si tout le monde était coupable, alors personne ne l’était.
Quand Aurore avait juré sur son honneur pour défendre Cloudhawk, elle n’était pas seule. Beaucoup étaient à ses côtés, y compris plusieurs membres de la famille Umbra. S’il devait être reconnu coupable, de sévères punitions devraient être infligées à ses amis, mais il y avait trop de pouvoir et d’influence derrière eux pour que les exécutions soient effectuées.
Après tout, ceux qui soutenaient Cloudhawk étaient les futurs talents de Skycloud.
Aquaria devait connaître la vérité sur Cloudhawk, à la fois en tant que représentante du Temple et en tant que mère d’Aurore. S’il mourait par vengeance divine, Aurore pourrait la détester, mais elle aurait au moins fait son devoir pour protéger sa fille.
En fin de compte, le destin de Cloudhawk ne signifiait rien pour Aquaria. En fait, sa présence dans la vie d’Aurore était un risque inutile pour elle.
Le Grand Prieur Phain conduisit Cloudhawk à travers le Temple vers une chambre qu’ils n’avaient jamais visitée auparavant. Il entra et annonça leur présence. “Honorable Grand Prêtre, j’ai amené l’accusé.”
La chambre abritait vingt-quatre statues disposées en cercle. Les figures imposantes brillaient de leur propre lumière laiteuse, et tandis qu’elles regardaient les occupants de la chambre dans un silence stoïque, on pouvait apprécier leur beauté. Chacune d’entre elles était une œuvre d’art, réalisée de main de maître, sans décorations criardes ou inutiles. Au milieu de tous ces objets se tenaient le Grand Prêtre Ramiel Caelestis et l’Apôtre Sélène Cloude.
Derrière eux se trouvait une porte de cristal flanquée de deux autels. Les Oracles du Temple se tenaient à côté d’eux, portant la Doctrine de Skycloud et le Bâton de l’Arbitre.
À distance, le reste de l’élite de Skycloud observait en retenant son souffle. Tout le monde était impatient de voir le jugement qui sortirait de la bouche d’un dieu.
Pour quelqu’un d’aussi insignifiant que Cloudhawk, il était remarquable de pouvoir perturber le sommeil d’un dieu. C’était comme utiliser une épée pour décapiter un poulet. Cependant, beaucoup étaient intéressés par ses secrets.
En quelques années seulement, ce jeune homme énigmatique avait capté la curiosité de tous. Comment un habitant d’un désert avait-il appris à utiliser des pouvoirs mentaux ? Comment un étranger était-il devenu si fort, si rapidement ?
La vitesse à laquelle Cloudhawk cultivait ses compétences dépassait tous les autres talents de sa génération. Si les dieux lui souriaient, Cloudhawk n’aurait aucun mal à trouver un nouveau bienfaiteur puissant pour le soutenir.
Le Grand Prêtre Ramiel, malgré ses cheveux blancs et son âge avancé, était encore en pleine forme. Il hocha la tête d’un air sage lorsqu’ils entrèrent dans la chambre. “Cloudhawk, après plusieurs jours d’audiences et l’examen de toutes les preuves, nous n’avons pas trouvé de motif suffisant pour déterminer votre culpabilité. Cependant, trop de questions subsistent pour affirmer votre innocence. Nous devons donc nous en remettre à la sagesse infinie du patron de notre royaume, le Dieu des Nuages, pour déterminer comment procéder. Vous soumettez-vous au regard omniscient des dieux pour le jugement ?”
“Putain, est-ce que j’ai le choix ?” Intérieurement, Cloudhawk maudissait sa situation, mais il savait qu’il ne pouvait pas s’en sortir.
Sélène regardait avec une légère note d’inquiétude sur le visage. Elle ne pensait pas qu’il avait fait quelque chose de mal, mais c’était un non-croyant. Les dieux toléreraient-ils quelqu’un qui défie ouvertement leur suprématie ?
N’entendant aucune objection, le Grand Prêtre Ramiel leva lentement la main. “Ouvrez la Porte Divine !”
Plusieurs dizaines de prêtres et de clercs se mirent à psalmodier. Les deux Oracles réagirent aux ordres du Grand Prêtre.
Le premier portait la Doctrine de Skycloud, un tome qui représentait l’ordre, la paix, la règle de la loi divine et la tradition. L’autre était le Bâton de l’Arbitre, qui représentait le jugement, la discipline, la punition et l’autorité.
Les deux reliques de niveau épique avaient commencé à réagir aux chants. Leurs pouvoirs intrinsèques s’éveillèrent, et chacune s’éleva des autels sur lesquels elles avaient été placées. Flottant de leur propre chef, elles entrèrent doucement dans la Porte Divine. Quelques instants après leur disparition, tout le monde put sentir une volonté ancienne et puissante se réveiller. L’aura majestueuse qui suivait était plus écrasante qu’une montagne.
La porte de cristal commença à onduler comme si elle était faite de liquide. De l’intérieur, émergea une silhouette humanoïde, grande et rayonnante de lumière. Sa présence était comme les rayons du soleil après une terrible tempête. Et bien que la lumière soit intense, elle ne blessait pas les yeux.
Une aura de divinité absolue remplissait la chambre.
Tous, à l’exception du Grand Prêtre, tombèrent immédiatement à genoux. Ici, parmi eux, apparaissait un dieu vénéré par des millions de personnes, un grand et véritable être de divinité. C’était le juste gardien de leur royaume – le Dieu des Nuages !
Qui était le véritable maître du temple ? Les gens du peuple pensaient que c’était le Grand Prêtre, mais il y en avait un autre qui sommeillait en secret, loin de la vie quotidienne des hommes. Le Dieu des Nuages était l’être qui régnait sur le Temple dans son intégralité.
Arcturus Cloude observait de loin la silhouette émergeant de la porte de cristal. Des rides se creusèrent au coin de ses yeux, mais le gouverneur ne montra aucune autre émotion. Et puis, un déluge d’énergie spirituelle divine inonda la chambre, explosant dans l’esprit de tous ceux qui étaient présents.
“Mes fidèles, pourquoi m’avez-vous appelé ?”
Tous pouvaient ressentir l’ampleur de cette puissance alors qu’elle les remplissait. Même un homme comme Phain se pressait plus près du sol sous le poids de cette volonté céleste. De tous les présents, la seule personne qui pouvait rester ferme face au poids de la présence de cette créature était le gouverneur Arcturus.
Est-ce la volonté du Dieu des Nuages ? Sélène ne put se résoudre à regarder directement la porte.
Ramiel leva la tête et commença à parler avec leur dieu patron, bien que personne ne puisse entendre l’échange. Ils ne parlaient pas avec des mots mais plutôt d’esprit à esprit.
Cloudhawk ressentit immédiatement l’immensité de la présence de cette créature. Une autre poussée d’énergie fut libérée de la porte comme une colonne de puissance divine descendant du ciel. Elle transperça son esprit.
Une volonté aussi puissante et indomptable ne ressemblait à rien de ce qu’il avait connu auparavant.
D’un seul coup, tous les souvenirs et toutes les expériences de sa vie commencèrent à remonter à la surface, même ceux qu’il avait oubliés. Derrière ses yeux, d’étranges symboles furent extraits, se fondant en quelque chose comme un livre que l’on pourrait feuilleter.
Ce grand être était-il capable de lire en lui comme dans un livre ?
Cette prise de conscience choqua et effraya Cloudhawk. S’il était capable de regarder directement dans son esprit, alors aucun homme ne pouvait cacher ses secrets aux yeux d’un dieu. C’était comme l’épine du cri du cœur de Barb, mais cent fois plus puissant !
Rien de ce qu’il avait vécu – aucune pensée ou désir – n’était caché. Aucun pouvoir qu’il possédait – pas même l’héritage du Roi Démon – ne pouvait obscurcir son cœur.
Cloudhawk essaya de se lever mais se trouva impuissant. Sa minuscule présence était comme un canot dans la mer vaste et agitée qu’était l’esprit du Dieu des Nuages. Le livre de ses souvenirs était complet et dansait de page en page à une vitesse incroyable.
Le Dieu des Nuages n’avait besoin que d’un instant pour savoir et comprendre tout ce qu’il était.
Pourtant, lorsque le dieu tendit la main pour recueillir le savoir, une scène à laquelle Cloudhawk ne s’attendait pas fut révélée. Soudain, violemment, plusieurs pages du livre furent arrachées de leur reliure et éparpillées partout comme des feuilles mortes.
Un soupçon de confusion infecta la mentalité du Dieu des Nuages. Malgré toutes ses années et son incroyable puissance, le Dieu des Nuages n’avait jamais vécu une telle expérience.
Le dieu réagit avec encore plus de puissance, et Cloudhawk la sentit s’abattre sur lui comme un raz-de-marée. Du sang commença à couler de son nez. Tous ses souvenirs brisés se figèrent, et l’esprit du Dieu des Nuages commença à s’y mêler.
Les pages qui constituaient ses souvenirs étaient en désordre, toutes des scènes de chaos mal assorties. Les incohérences étaient nombreuses, et certaines se déroulaient même à des époques complètement différentes.
Les souvenirs les plus lointains remontaient à l’époque de la Grande Guerre. Les plus récents étaient en train d’être écrits en ce moment même. Cela rendit le Dieu des Nuages encore plus curieux. Comment la mémoire d’un mortel pouvait-elle être aussi vaste ? Un être à l’espérance de vie si limitée, et surtout si jeune, ne pouvait pas posséder des souvenirs datant de plusieurs vies.
Pourtant, ces souvenirs étaient les siens. D’où venaient-ils ?
L’être puissant s’arrêta jusqu’à ce qu’une pensée irrésistible traverse l’esprit de Cloudhawk. “Approche, mortel !”
Ses souvenirs disjoints étaient comme un puzzle mais commençaient à se réorganiser en quelque chose de plus cohérent. Le dieu essayait de les rassembler en quelque chose de plus complet. Pendant ce temps, le corps de Cloudhawk n’était plus sous son contrôle. Il fit quelques pas trébuchants vers la porte de cristal.
Elle ondulait devant lui comme une piscine réfléchissante. Il disparut à l’intérieur.
Un choc secoua le temple. Des yeux choqués regardèrent avec horreur les vingt-quatre statues qui les surplombaient se fissurer comme si deux volontés puissantes et violentes s’affrontaient.