Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 27 – Des propos mensongers
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Je n’avais pas plutôt entendu cela qu’une pensée me traversa l’esprit, comme si j’avais brusquement trouvé un indice caché. 

― Ces deux personnes auraient-elles échangé leur place à la dernière minute ? demandai-je, surpris.

Poker-face hocha la tête, puis regarda le cadavre. 

― Cet homme a délibérément trompé le Roi Shang de Lu. Il voulait utiliser son pouvoir pour son propre compte afin d’essayer d’atteindre l’immortalité.

― Comment sais-tu tout ça ? On pourrait presque croire que tu l’as vécu personnellement.

― Non, pas personnellement. Il y a quelques années, en pillant une tombe de la dynastie Song, j’ai trouvé un ensemble complet de livres en soie datant de la Période des Royaumes Belligérants. Il s’agissait en fait de l’autobiographie de Tie Mian Xiansheng. Après avoir expliqué tous les aspects de son plan au roi, il a mis le feu à sa propre maison, puis jeté le corps d’un mendiant dans les flammes pour faire croire qu’il était mort brûlé avec sa famille. Il s’est ensuite fait passer lui-même pour un mendiant et a échappé à la mort. Le roi Shang de Lu savait que quelque chose n’était pas clair dans cette histoire, mais il ne pouvait rien y faire. Tie Mian Xiansheng a attendu que le roi soit enterré, puis il s’est introduit dans la tombe, a sorti le corps sans résistance de l’armure funéraire de jade et l’a revêtue. Le Roi Shang, qui avait déployé tant d’efforts pour en arriver là, ne s’attendait certainement pas à ce qu’une telle chose se produise.

― Si le corps du roi a été tiré hors de l’armure, n’est-il pas devenu un cadavre sanglant ? Il y en aurait donc un autre quelque part ici ?

― Il n’en a pas parlé dans son autobiographie, mais il est possible que le roi Shang de Lu n’ait pas été suffisamment longtemps dans l’armure pour devenir un cadavre sanglant, répondit-il, une lueur d’inquiétude dans les yeux.  Il ne s’est pas étendu sur le sujet étant donné que cet incident n’était qu’une part de sa biographie.

Je regardai Poker-face et sans savoir pourquoi, j’eus soudain l’impression que ses propos étaient mensongers. Je jetai un coup d’œil à mon oncle : il semblait du même avis que moi. Poker-face avait inventé ce mensonge pour nous cacher quelque chose mais il ne servirait à rien, dans l’immédiat, de le mettre au pied du mur. 

Sitôt qu’il eut fini de parler et comme s’il venait de s’acquitter d’une tâche, ce dernier retrouva son visage inexpressif. Il se leva :  

― C’est presque l’aube. Nous devrions quitter cet endroit.

― Non, nous n’avons pas encore trouvé le sceau fantôme, dit le gros. Regarde tous ces trucs intéressants, nous serions stupides de partir sans rien emporter !  

Poker-face lui lança un regard froid. Apparemment, il était encore un peu hostile à son égard. Gros-lard haussa les épaules. 

― Ok, ok. Mais pourquoi ne pas emporter cette armure funéraire de jade ? Elle est peut-être unique au monde. Je n’ai à cœur que les intérêts de tous.

Là, il marquait un bon point. Oncle San lui donna une tape sur les fesses : 

― Alors pourquoi traînes-tu ? Fais-vite et fichons le camp de cet enfer. 

J’avais perdu tout intérêt pour cette histoire et n’ayant aucune envie de les aider, je fermai les yeux pour me reposer un peu. C’est alors que quelques gouttes d’eau tombèrent sur mon visage. Je crus d’abord qu’il pleuvait, mais en levant les yeux, je vis l’étrange visage du cadavre sanglant qui dépassait du bord du lit de jade. Ses deux yeux sans pupilles étaient à quelques centimètres de mon front.

Effrayé, je me levai d’un bond au moment même où la tête du cadavre, qui continuait à rouler vers le bord du lit, tombait sur le sol. On aurait presque dit qu’il y avait quelque chose à l’intérieur. Le gros voulut aller voir de quoi il retournait mais Poker-face l’agrippa. 

― Ne bouge pas. Observe d’abord.

La bonbonne acquiesçait lorsque soudain, un tout petit mangeur de cadavre de couleur rouge sortit du cuir chevelu du cadavre sanglant. 

― Merde ! Une si petite bestiole ose se montrer devant moi ? s’exclama Poids-lourd.

Il brandit le pied de biche qu’il tenait à la main dans l’intention de le frapper, mais mon oncle l’empoigna :  

― Imbécile ! Ce putain de truc est un roi mangeur de cadavres. Si tu le tues, tu vas avoir des problèmes.  

Poids-lourd en fut stupéfait.

― Un roi ? Ce tout petit insecte ? Ses congénères ne sont pas déprimés de devoir suivre un si petit roi ?

Poker-face, également très surpris par cette apparition soudaine, me tapa sur l’épaule :

 ― Filons vite d’ici. Si le roi est là, je ne pourrai pas repousser les autres mangeurs. Nous sommes dans une situation très délicate !

Le petit mangeur de cadavres se mit tout à coup à bourdonner en agitant ses ailes. On aurait dit qu’il nous avait repérés car il les déploya et vola droit sur nous.

― Il est venimeux ! cria Poker-face. Si vous le touchez, vous mourrez ! Écartez-vous du chemin !

Oncle San se retourna et courut aussitôt vers nous, mais Poids-lourd, qui était derrière lui, un peu déboussolé, mit quelque temps à réagir. Par réflexe, il tendit la main et attrapa l’insecte. Il resta figé un bon moment avant de pousser un cri à vous glacer les os. Sa main prit une couleur rouge sang qui s’étendit rapidement à tout son bras.

―Il a été empoisonné, cria le gros. Coupez-lui la main, vite ! 

Tout en parlant, il se précipita sur l’épée de Poker-face. Celui-ci était encore très faible suite à son dernier combat et à peine Gros-lard l’eut-il touché que l’arme tomba de sa main. Le gros bonhomme s’élança pour la rattraper mais il ne l’avait pas plutôt saisie qu’il s’écroula de tout son poids sur le sol. 

― Bon sang, comment se fait-il qu’elle soit si lourde ?  grommela-t-il.

Il tenta à plusieurs reprises de soulever la lame mais en vain.  

Il était déjà trop tard. Poids-lourd se contorsionnait de douleur et en quelques secondes, sa peau avait pris une couleur rouge sang. On aurait dit qu’elle avait fondu.

L’air terrifié, il regarda sa main et ouvrit la bouche comme pour crier, mais aucun son n’en sortit. Voyant que je m’apprêtais à aller l’aider, Poker-face m’en empêcha. 

― Tu ne peux pas le toucher, dit-il en serrant les dents. Si tu le fais, tu mourras. 

Nous voyant reculer comme s’il était une sorte de monstre, Poids-lourd se décomposa littéralement et courut vers moi, la bouche grande ouverte comme pour crier : « Aide-moi ! » J’en fus si effrayé que je restai tétanisé et oncle San dut se précipiter pour me tirer hors du chemin. Poids-lourd faisait de tels bonds qu’on aurait dit un fou. Soudain, il se retourna et bondit vers Grande-gueule. Mais ce dernier, qui était déjà mal en point, n’eut aucune réaction. 

― Ça craint ! cria le gros avant de s’emparer de mon arme. 

Même en état de choc, je compris qu’il avait l’intention de tirer sur Poids-lourd et m’empressai de la lui reprendre. Une lutte s’ensuivit durant laquelle un coup de feu retentit. Touché à la tête, Poids-lourd se mit à trembler et s’effondra sur le sol avec un bruit sourd.  

Mes oreilles se mirent à bourdonner et je tombai à genoux. Tout s’était passé si vite ! L’instant d’avant, il allait bien et… Mon esprit était comme vide et je ne savais que faire.

Le petit mangeur de cadavres rouge fit à nouveau entendre son vrombissement, rampa hors de la main de Poids-lourd et agita ses ailes. Gros lard poussa un juron et se mit à courir vers lui.  

― Non ! cria Poker-face.

Trop tard. Il avait déjà saisi la boîte de jade pourpre et écrasé l’insecte.

Durant un bref instant, un silence de mort tomba sur la grotte, puis Poker-face attrapa une poignée de poussière de pierre sur le sol et s’en aspergea : 

―Vite, courez avant qu’il ne soit trop tard !

Le gros regarda autour de lui et voyant que rien ne se passait, il demanda d’un air déconcerté : 

― Courir ? Mais pourquoi ? 

Il n’avait pas fini de parler que la grotte, jusque-là silencieuse, s’emplit soudain de bourdonnements. Du fond de ces grandes et petites ouvertures sur la falaise, nous vîmes un, deux, trois, dix, cent… une pléthore d’insectes d’un vert bleuté déferler comme une marée. Leur nombre dépassait l’entendement. Je les vis se déverser par vagues, ceux de derrière grouiller par-dessus ceux qui les précédaient. Ils étaient si nombreux que nous eûmes l’impression qu’ils occultaient le ciel et recouvraient la terre.

Je me figeai à leur vue mais mon oncle me donna une tape derrière la tête.

― Cours ! hurla-t-il. 

Il hissa Grande-gueule sur son dos et voyant le gros faire un geste pour ramasser la boîte, lui cria : 

― Ta putain de vie t’importe donc si peu ?!

Voyant qu’il n’atteindrait jamais la boîte, Gros-lard attrapa au passage le parchemin de soie bordé d’or et le fourra dans sa poche.

Nous grimpâmes sur l’arbre, facile à escalader avec sa profusion de lianes et de protubérances. Même quelqu’un comme moi, aux compétences pourtant limitées, serait capable de grimper plus de dix mètres d’affilée.

Tous les mangeurs de cadavres avaient déjà essaimé autour de la base de l’arbre. Je baissai les yeux et voyant que toute la zone était de couleur bleu-vert, je ne pus m’empêcher de penser : oh mon Dieu, si je venais à tomber, il ne resterait plus de moi un seul os.  

Puis, comme s’ils étaient doués de conscience, les insectes se rassemblèrent et se mirent à sauter en l’air. Ils grimpaient beaucoup plus vite que nous et eurent tôt fait de nous rattraper. 

Gros lard, qui me précédait, baissa les yeux et demanda :

― Ne disiez-vous pas que le sang de ce Petit Frère était plus puissant que du répulsif contre les moustiques ? Comment se fait-il qu’il n’ait aucun effet ?

Mon esprit étant encore hanté par la chute de Poids-lourd, je ne voulais rien entendre de ce que ce gros avait à dire. Voyant que je refusais de lui prêter attention, il grommela contre moi dans sa barbe. 

Soudain, je ressentis une douleur au bas de ma jambe. Un mangeur de cadavres était en train de me mordre le mollet. Je le rejetai aussitôt d’un coup de pied et regardai en bas. Ces insectes qui se démenaient pour grimper à l’arbre ressemblaient à une marmite bouillante qui débordait.

― Des explosifs ! cria Oncle San d’en haut. Il y a encore des explosifs dans le sac près du lit de jade !

― Où est-il ? demandai-je.

― Tu as oublié que tu étais assis juste à côté ?  Sur la gauche !

Je baissai les yeux, mais ne vis aucun sac d’explosifs dans cette marée d’insectes. Je tirai quelques coups de revolver qui n’eurent pour effet que d’en faire fuir quelques-uns. Poker-face sortit alors de sa poche des bâtons de feu qu’il enflamma et lança sur le lit de jade. Même si les mangeurs de cadavre n’avaient plus peur de son sang, ils craignaient encore le feu. En le voyant descendre sur eux, ils s’écartèrent rapidement en un grand cercle et nous aperçumes le sac à dos.

Le gros, qui avait plusieurs insectes accrochés au postérieur, cria : 

― Dépêche-toi de tirer, bon sang ! Je n’en peux plus.

― Putain non ! cria Grande-gueule d’en haut. Il y a trop d’explosifs là-dedans ! On va tous mourir si tu les fais sauter.

Les mangeurs de cadavres étaient de plus en plus nombreux à grimper et je savais qu’hésiter plus longtemps était vraiment risqué. 

― On n’a pas le temps de réfléchir ! criai-je, si nous mourons, tant pis ! 

Puis je serrai les dents et tirai sur le sac.

L’explosion se produisit en un instant. J’entendis une forte détonation, me balançai d’avant en arrière, et eus l’impression que mon menton, mes fesses et mes cuisses avaient été frappés simultanément par un marteau-piqueur. Puis je fus emporté par l’onde de choc et vins heurter quelque chose. J’avais l’esprit confus et un goût de cuivre dans la gorge. Je crachai du sang. Ma vision était sombre, mon cerveau bourdonnait un peu et je n’entendais plus rien.  

Il me fallut un bon moment pour me remettre et lorsque je pus à nouveau distinguer les choses, je constatai que bon nombre des mangeurs de cadavres, en bas, avaient été emportés par l’onde de choc. Je regardai autour de moi et ne voyant personne, je me hâtai de reprendre mon ascension de toute la force dont mes bras et mes jambes étaient capables. Un peu plus tôt, je m’étais enduit d’une couche de poudre provenant de la plate-forme de pierre en contrebas, si bien que les lianes aux mains fantômes s’écartèrent à mon approche.

C’est alors qu’un gros bruit retentit d’en bas. Je jetai un œil et vis que les insectes s’étaient à nouveau rassemblés. Vu la vitesse à laquelle ils rampaient, le danger était toujours très présent. Je devais continuer à grimper, quelle que fût la douleur que cela me causait. Je fermai donc aussitôt les yeux et consacrai tous mes efforts à l’escalade.

J’étais sur le point d’atteindre l’ouverture du plafond de la grotte lorsque soudain, je ressentis une douleur aiguë dans le dos. Je tournai la tête et vis qu’un mangeur de cadavres avait bondi sur moi et me mordait sauvagement le dos. Je me retournai pour l’abattre, mais un autre, plus gros, s’accrocha à ma cuisse. Je serrai les dents et le repoussai avec mon arme, mais il s’agrippa à une branche à proximité et tenta de sauter à nouveau. D’un coup de feu, je le réduisis en miettes mais un troisième et un quatrième bondirent aussitôt.

Voyant que je n’étais plus qu’à quelques pas de la liberté, je me dis : Allez-y, mordez. Vous ne me tuerez pas en si peu de temps. Quand j’atteindrai la surface, vous allez souffrir, les gars !

Je continuais à grimper lorsque j’éprouvai une douleur soudaine dans ma main tandis qu’elle agrippait une branche. Je tournai la tête et vis un visage ensanglanté surgir de derrière le tronc d’arbre. Ses deux globes oculaires, qui semblaient sur le point de sortir de leurs orbites, me fixaient droit dans les yeux. 






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