Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 25 – L’armure funéraire de jade
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J’étais tellement choqué que je reculai de quelques pas, les muscles tétanisés par la peur que le mort ne se lève brusquement et ne se jette sur moi. 

― Comment ce cadavre peut-il encore respirer ? demandai-je. Avez-vous déjà vu quelque chose de similaire ?

― Bien sûr que non, rétorqua Poids-lourd en tremblant. Si c’était chose fréquente, je préférerais nettoyer les toilettes plutôt que d’aller piller des tombes.

Je regardai Grande-gueule qui, la main sur sa blessure, transpirait de partout. 

― Peu importe ce que c’est, nous dit-il. Videz un chargeur sur lui et s’il n’est pas encore mort, il le sera certainement après ça ! J’ai bien peur que les choses ne deviennent problématiques si nous attendons plus longtemps et qu’il vienne à se lever. 

Pour moi, c’était logique. Dans cet environnement souterrain, si l’on voulait avoir une longueur d’avance, mieux valait agir et réfléchir ensuite. Je pointai donc aussitôt mon arme, mais Oncle San et le gros agitèrent les mains en criant :

― Attends… attends, attends !

Mon oncle s’était déjà approché du mort. Il me fit un signe de la main, puis fixa l’armure et fut tellement surpris que sa bouche en resta entr’ouverte. 

― Ce… ce ne serait pas une armure funéraire en jade ? Mon Dieu, cela existe donc vraiment ! 

Confus, je lui demandai ce dont il s’agissait. Il était si excité qu’il faillit fondre en larmes et balbutia :

― Le…le ciel soit loué ! Moi, Wu Sanxing, qui pille des tombes depuis tant d’années, j’ai enfin… enfin trouvé un artefact étonnant, une armure funéraire de jade ! Il m’attrapa par les épaules : Lorsque tu la portes, ton corps se régénère et tu rajeunis ! Tu imagines ? C’est vrai ! Ce mort en est la preuve !

À cette époque, la quarantaine ou la cinquantaine était considéré comme un âge avancé. Pourtant, même si les muscles de ce cadavre étaient un peu ratatinés, il semblait très jeune de visage. J’étais vraiment surpris qu’une telle chose puisse exister en ce monde.

Gros-lard avait lui aussi les yeux rivés sur l’armure. 

― Je n’arrive pas à y croire. Le premier empereur Qin Shihuang lui-même n’a jamais pu la trouver alors que durant tout ce temps, elle était sur le corps de ce type. Maître San, savez-vous comment l’enlever ?

Mon oncle secoua la tête.

― J’ai entendu dire qu’il était impossible de l’enlever de l’extérieur, ce qui soulève un autre problème : allons-nous devoir transporter le cadavre avec son armure ?

Tous deux se mirent à examiner le corps, allant jusqu’à tirer sur ses bras et ses jambes. Voyant que le mort ne montrait aucun signe de mécontentement et ne semblait pas dangereux, je me détendis peu à peu.  

― Si vous enlevez cette armure funéraire, qu’arrivera-t-il à la personne qui la porte ? demandai-je.

― Aucune idée, répondit le gros qui manifestement n’y avait pas réfléchi. Dans le pire des cas, il pourrait se disperser en cendres ou partir en fumée.

― Donc s’il est encore bien vivant après tout ce temps, cela ne reviendrait-il pas à commettre un meurtre ? demandai-je.

Le gros homme éclata de rire, si fort qu’il faillit tomber à la renverse. 

― Mon jeune camarade, si les pilleurs de tombes avaient tes idéaux et ta conscience, ils ne feraient jamais rien. Cite-moi un seul de ces aristocrates et nobles des temps anciens qui n’ait pas de sang sur les mains ! Même si ce type s’en sortait vivant, il finirait devant un peloton d’exécution. C’est une perte de temps que de s’inquiéter pour ça. 

À bien y réfléchir, je savais qu’il avait raison. Les voyant très occupés, je me dis qu’il n’était pas bon de rester inactif aussi allai-je voir du côté du cercueil dans l’espoir d’y dénicher quelques objets funéraires intéressants. Le fond était recouvert d’une épaisse couche de choses qui ressemblaient à des écailles ainsi que de quelques objets que je ne reconnus pas au premier coup d’œil. Je ramassai une poignée de ces écailles et demandai :

― Qu’est-ce que c’est ?

Quoique préoccupé par l’armure, Oncle San les renifla.

 ― C’est de la peau que ce type a perdue, répondit-il.

Pris de nausée, je les jetai aussitôt. 

― Bon sang, ce Roi Shang souffrait-il d’une maladie de la peau pour en perdre autant ?

― Ne sois pas ridicule, dit mon oncle, c’est de la vieille peau qu’il a perdue en se régénérant. Chaque fois qu’il en perdait, il rajeunissait. À voir la quantité de peau, il a dû en perdre cinq ou six couches.

Je n’avais aucun intérêt pour ces choses qui me dégoûtaient et me rappelaient la mue des serpents. Mes pensées vagabondaient lorsque le gros cria soudain :

― J’ai trouvé quelque chose !

Nous jetâmes un coup d’œil et vîmes un mince fil d’or sur un morceau de jade situé dans la région de l’aisselle de l’armure. Impressionné, je lui dis :

―  Dis-donc, Satané gros, tu dois avoir la vue bien aiguisée pour avoir repéré ce fil parmi tant d’autres.

Gros-lard leva les yeux au ciel et marmonna :  

― Vous, les camarades du Sud, êtes si avides de profit que vous détruisez toutes les tombes sur votre passage. Le pillage est un art méticuleux. Vous le réalisez maintenant ? Si je n’avais pas été là aujourd’hui, vous auriez détruit ce corps pour lui enlever son armure.

― Va au diable. On ne sait même pas s’il faut toucher à ça. C’est peut-être juste un fil en plus, dis Oncle San.

Le gros type se mit à rire : 

― Bande de cons, vous êtes vraiment sceptiques. 

Il voulut tirer sur le fil mais alors que sa main s’en approchait, j’entendis un sifflement et sentis quelque chose passer devant mes yeux comme un éclair.

Mon oncle réagit aussitôt et d’un coup de pied, écarta le gros homme. Au même moment, une épée noire se ficha profondément dans l’arbre avec un bruit sourd, le manquant de justesse. Je restai là, abasourdi. Si mon oncle n’était pas intervenu, cette arme aurait pu transpercer la tête de Gros-lard. 

Nous nous retournâmes et vîmes Poker-face debout sur les marches de la plateforme. Il était couvert de sang et avait sur le corps un tatouage Qilin (1) bleu-vert. Sa main gauche était encore en position de lancer et il tenait un étrange objet dans la droite. Nous regardâmes plus attentivement et en eûmes le souffle coupé : c’était la tête d’un cadavre sanglant.  

Poker-face nous jeta un coup d’œil et monta les marches en titubant. Il respirait très fort et semblait plutôt mal en point. À en juger par toutes ses blessures, la bataille avait dû être féroce. Il regarda d’abord le cercueil, puis nous fit un signe de la main et nous dit doucement :

― Poussez-vous de là.

Les veines sur le front du gros se mirent à gonfler : hors de question pour lui d’écouter Poker-face. Il se leva d’un bond et cria : 

― Mais qu’est-ce que tu essayais de faire à l’instant ?

Poker-face le regarda froidement :

― Te tuer.

Furieux, Gros-lard retroussa ses manches et se précipitait sur Poker-face lorsque Poids-lourd l’arrêta. Voyant que l’atmosphère était tendue et que le gros n’avait pas l’air d’être du genre à laisser tomber facilement, Oncle San s’empressa d’intervenir :

― Pas de panique. Petit Frère devait avoir une raison pour faire une telle chose. Ecoutons-le d’abord. Ne t’a-t-il pas sauvé la vie plusieurs fois au cours de cette aventure ? Calme-toi.

Après réflexion, le gros réalisa que mon oncle avait raison et qu’il était préférable de ne pas se battre. Il se libéra de l’emprise de Poids-lourd et s’assit sur le sol, en colère. 

― Vous vous liguez tous, bande de connards. C’est bon, j’abandonne. Je ne suis pas de taille contre vous quatre. C’est vous qui décidez maintenant.

Poker-face posa la tête sur le lit de jade et toussa.

― Ce cadavre sanglant est celui de l’ancien propriétaire de l’armure funéraire. Lorsque le roi Shang de Lu a pillé cette tombe, il l’a découvert et la lui a retirée, ce qui a fait de lui ce qu’il est devenu. Quand on revêt cette armure funéraire, on perd sa peau tous les cinq cents ans. On ne peut la retirer qu’au moment de la mue, sans quoi on se transforme en cadavre sanglant. Le mort-vivant que vous avez devant vous a plus de trois mille ans. Si vous aviez tiré ce fil à l’instant, il se serait immédiatement transformé et nous serions tous morts.

Son explication terminée, il toussa plusieurs fois et je vis du sang couler du coin de sa bouche. Il est mal en point, me dis-je, ses organes internes sont peut-être endommagés.

Grande-gueule, qui, souffrant, s’était penché sur le côté et avait gardé le silence tout ce temps, prit tout à coup la parole. 

― Petit Frère, je suis quelqu’un de direct alors ne te vexe pas, mais tu sembles en savoir beaucoup. Si ça ne te gêne pas, tu pourrais nous dire quel genre d’immortel tu es. Tu m’as sauvé la vie alors si je sors d’ici vivant, je viendrai certainement chez toi pour te présenter mes respects.

Grande-gueule avait dit ces mots avec beaucoup de tact et je ne pensais pas que Poker-face puisse l’ignorer. Pourtant et à ma grande surprise, ce dernier resta silencieux, comme s’il n’avait rien entendu. Il s’approcha du corps du roi Shang et lui jeta un regard plein de dégoût. Soudain, une lueur froide passa dans ses yeux. Il attrapa le mort à la gorge et le souleva hors du cercueil avant même que je ne puisse réaliser ce qui se passait. Un hurlement s’échappa de la gorge du défunt tandis que des tremblements secouaient tout son corps. Tout se passa si vite que je n’eus pas le temps de réagir.

― Tu as vécu assez longtemps, dit Poker-face d’un ton glacial. Maintenant, meurs. 

Il avait les veines de la main gonflées et alors que les membres du cadavre étaient agités de spasmes, on entendit un craquement d’os. Le mort eut une dernière convulsion et presqu’aussitôt, sa peau devint noire. 

Stupéfaits, nous le regardions faire en silence lorsque nous le vîmes jeter le corps sur le sol comme si l’armure funéraire n’était qu’un vulgaire déchet. Je l’attrapai aussitôt :

― Mais bon sang qui es-tu et pourquoi détestes-tu autant ce roi ?

Poker-face me dévisagea quelques secondes : 

― Qu’est-ce que ça peut te faire ?

― Pourquoi as-tu fait ça ? Demanda Gros-lard, indigné. Nous avons galéré pour descendre dans cette tombe et ouvrir ce cercueil, et toi tu arrives et tu étrangles ce mort sans un mot. Tu pourrais au moins nous donner une putain d’explication !

Le visage sombre, Poker-face regarda la tête du cadavre sanglant puis montra du doigt une boîte de jade pourpre à l’arrière du cercueil :

― Tout ce que vous voulez savoir se trouve dans cette boîte.




 

Note explicative :

(1) Le Qilin (parfois appelé Kirin) est une créature chimérique légendaire à sabots issue de la mythologie chinoise qui, bien que très impressionnante, ne s’attaque qu’au mauvaises personnes.  



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